7 novembre 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'aide au développement, à Paris le 7 novembre 2016.


Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc AYRAULT, pour l'accueil de cette initiative « La France s'engage au Sud ». C'est la deuxième fois qu'avec les ministres concernés, Patrick KANNER, André VALLINI et avec Martin HIRSCH, nous avons voulu donner au Sud l'idée que nous avions eue ici, en France.
Cette idée est toute simple : c'est qu'il n'y a pas d'action, s'il n'y a pas d'engagement. Il n'y a pas de mouvement, s'il n'y a pas d'initiative. Il n'y a pas d'audace, s'il n'y a pas de partage. Il n'y a pas de réussite s'il n'y a pas, à un moment, une initiative qui vient et qui change ce qui paraissait impossible à bouger.
« La France s'engage » s'adresse à tous. J'avais voulu que mon mandat puisse correspondre à un grand chantier. Un chantier qui ne se résume pas à un édifice, un monument, mais à un ensemble de femmes et d'hommes, qui, grâce à leurs innovations, leur imagination, permettent à d'autres de vivre mieux.
Il ne s'agissait pas d'un concours, d'une sélection pour honorer je ne sais quel lauréat, pour qu'il puisse être montré en exemple. Il s'agissait de créer un mouvement. Un mouvement qui puisse, à partir de tout ce qui naît à l'échelle locale, devenir un mouvement national et, on le voit aujourd'hui, international.
Il fallait qu'il y ait l'Etat qui puisse, à un moment, marquer son soutien par des moyens financiers. Il fallait aussi qu'il y ait des partenaires, des chefs d'entreprise, des fondations, des associations. Et puis, il convenait aussi qu'il puisse y avoir un jury pour faire en sorte que les meilleurs projets puissent être retenus et que les autres ne puissent pas être oubliés ou effacés.
Il y a plus de deux ans donc, nous avons voulu, à travers « La France s'engage », créer un mouvement. Nous ne pensions pas que nous aurions affaire à des épreuves comme celles que nous avons traversées ces derniers mois, je pense au terrorisme. Je ne pensais pas non plus qu'il puisse y avoir nécessité d'en appeler à l'engagement citoyen, au-delà de ces initiatives.
Depuis, nous avons créé la Réserve citoyenne, nous avons développé le Service civique, nous avons créé la Garde nationale pour ce qui concerne notamment les réserves pour nos armées ou nos forces de police et de gendarmerie. Mais il y a aussi cet engagement qui est celui d'hommes et de femmes qui veulent changer, non seulement leur destin, mais celui des autres.
Nous avons donc, pendant deux ans, fait d'abord appel à la France. Puis ensuite, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait aussi ce potentiel partout dans le monde et notamment au Sud. La France a toujours cette vocation universelle, le partage, l'idéal que nous représentons. La France n'a pas vocation simplement à être repliée sur elle-même ou à penser qu'il est possible d'assurer le meilleur, sans que nous ne prenions en compte le pire de ce qui peut se produire autour de nous.
Le pire, les guerres, nous en affrontons en ce moment même en Irak, en Syrie. Nous avons une responsabilité en Afrique, en Afrique de l'ouest notamment. Des menaces, nous les connaissons à travers le réchauffement climatique. En ce moment même, se tient la COP 22 qui vient donner un prolongement à l'Accord de Paris, prolongement qui n'a été rendu possible que parce qu'il y a eu ce processus de ratification qui fait que maintenant l'Accord de Paris est entré dans le droit international et auquel nous devons donner une traduction concrète. D'une certaine façon, ce que vous faites ici y correspond.
Et puis, il y a aussi cet enjeu, notamment vis-à-vis des pays les plus pauvres, les plus fragiles, que nous devons soutenir. Alors, nous le faisons à travers notre politique de développement. Nous le faisons à travers aussi ce que nous avons à assumer en termes de sécurité. Nous le faisons à travers je veux les en remercier les entreprises qui sont présentes partout et notamment en Afrique. Mais nous le faisons aussi en soutenant ce qu'on appelle les sociétés.
Aujourd'hui, « La France s'engage au Sud » est une marque de confiance de la France dans ces sociétés africaines, en Amérique du Sud ou en Haïti. Partout où il est possible de faire entendre ce message, nous le portons.
Je veux saluer tous les lauréats. Je n'oublie pas tous les autres projets. Je sais qu'ils auront à être accompagnés au cours des prochains mois. Mais chacun de ces lauréats correspond à des domaines que nous avons voulu justement faire apparaître comme nos priorités : l'éducation, la culture, l'écologie, la santé, l'emploi. Trois critères ont présidé à la sélection de ces projets.
Premièrement, il fallait qu'il y ait un caractère innovant. Ensuite, qu'il y ait une utilité sociale. Enfin, qu'il y ait une possibilité de changer d'échelle, c'est-à-dire qu'à partir d'une initiative localisée que ce projet puisse être généralisé.
Depuis trois ans, nous avons reçu des milliers de candidatures. C'est dire si nos sociétés sont riches de créateurs, d'innovateurs, d'inventeurs et aussi de femmes et d'hommes généreux, capables de donner plus que ce que l'on attend de citoyens. Nous avons donc, si j'ajoute tous les projets de « La France s'engage », plus de 100 lauréats.
Pour l'engagement au Sud, nous avons voulu, là aussi, qu'il y ait une amélioration qui puisse être regardée comme étant la plus concrète possible pour les populations concernées. C'est ce que vous avez démontré. J'ai été convaincu par vos initiatives, vraiment très ému même par vos témoignages. Je trouve que l'expression qui a été la vôtre pour nous faire comprendre, en quelques secondes, ce qui vous avait animés, portés, montre qu'il n'y a pas de projet s'il n'y a pas cette conviction, qui finit par emmener, par remporter, par rassembler.
Ce que vous avez démontré, c'est qu'il était possible d'améliorer les conditions sanitaires, c'est un projet pour les Camerounaises, pour leur grossesse £ d'alerter des risques lorsqu'il y a un danger pour autrui, c'est ce qui a été présenté à Ventiane pour le Laos £ c'est d'apporter de l'eau pour la consommation et pour l'irrigation, c'est ce qui s'est, là encore, affirmé en Guinée. C'est aussi de pouvoir changer concrètement le développement économique et social d'une région, ce que vous avez démontré pour la Tunisie £ qu'il était possible dans une zone rurale de cultiver un espace végétal adapté au climat et qui crée des emplois, j'ajoute : qui crée des emplois au Sud et en France, car le lien qui nous unit est fort.
Mais il y a aussi ce projet qui a été présenté pour combattre la dégradation des terres agricoles au Burkina Faso, avec des unités rurales de compostage. Et puis, le troisième enjeu, c'est celui du développement durable, avec la valorisation des ressources locales, empêcher l'exode rural des Haïtiens, encore une fois, frappés par les catastrophes et à qui vous pouvez donner espoir à partir d'une production locale.
Il y a ce projet aussi de trouver un avenir alimentaire pour un certain nombre d'insectes, nous verrons bien ! De même que pour le baobab que nous connaissons bien, le projet d'utiliser ce qui est une ressource locale comme un gisement économique, un gisement social, mais aussi un gisement de développement.
C'est enfin l'éducation à travers cette formation des jeunes Ivoiriens aux métiers du numérique, ce que nous avons aussi à faire ici. Je n'oublie pas le financement participatif, qui, parti d'Egypte, peut aussi être une leçon.
Ce que nous avons finalement appris du Sud, c'est ce que nous pouvons aussi faire ici, en France : mieux utiliser nos ressources locales, valoriser les engagements pour améliorer la vie quotidienne, assurer des conditions sanitaires à la population la plus fragile, faire en sorte d'accueillir convenablement les réfugiés, porter aussi un certain nombre de projets pour la jeunesse, former aux métiers du numérique, valoriser autant qu'il est possible notre agriculture et faire le choix de l'éducation.
Donc, l'engagement au Sud, c'est l'engagement qui nous unit tous. Comment pouvons-nous transformer notre environnement, notre espace, notre monde ? C'est toujours une grande question pour l'ensemble des responsables politiques : Que peut-on changer ? Qu'est-ce que l'on doit changer ?
Il y a ce qui relève de la décision publique à travers un certain nombre d'orientations et de politiques que nous devons assumer en cohérence. C'est ce que je fais depuis maintenant plus de quatre ans et demi.
Mais il y a aussi ce qui appartient aux citoyens parce qu'on ne change pas une société sans les citoyens eux-mêmes, sans qu'ils puissent eux-mêmes prendre leur part, non pas simplement parce qu'on le leur aurait demandé, mais parce qu'ils auraient décidé de faire de leur projet un projet pour leur pays et pour le monde.
La deuxième leçon, c'est que il n'y a pas de frontières on le voit bien aujourd'hui que ce qui se passe au Burkina Faso, en Haïti, en Egypte ou en Afrique centrale, nous concerne. Hélas, parfois, nous en savons les conséquences, quand il se produit un certain nombre de catastrophes ou de conflits. Il n'y a pas de frontières. Nous sommes d'une certaine façon liés les uns les autres.
Et puis, la dernière leçon, c'est que nous pouvons repousser les limites de ce que nous pensons possible et qu'à quelques-uns, à quelques groupes, ce peut être vrai aussi à quelques gouvernements, nous pouvons changer la destinée du monde.
Je reviens à l'Accord sur le climat, longue démarche, long processus, qui avait pu être pensé comme impossible à tenir. Nous l'avons franchi. Nous l'avons réussi. Nous l'avons transformé. Ce qui est vrai pour le climat est vrai pour d'autres projets.
Nous devons toujours avoir cette audace, cette imagination, cette invention. Nous ne devons pas simplement être tenus par ce que l'on croit être les contraintes du réel, qui sont là et que nous devons respecter. Parce que nous ne pouvons pas écarter le réel. Mais nous pouvons le changer. C'est ce que vous avez démontré.
Vous incarnez un mouvement qui est le plus beau possible, celui qui donne et qui n'attend rien d'autre que d'avoir la réussite, à son tour, pour les autres. Ce mouvement, je vous l'assure, c'est une belle idée et il ne s'arrêtera pas.
Merci.