31 octobre 2016 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la lutte contre le cancer, à Paris le 31 octobre 2016.


Majestés,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de l'Union internationale contre le cancer,
Madame la Présidente de la Ligue contre le cancer,
Mesdames et Messieurs,
Je tenais à être parmi vous ce soir pour l'ouverture de votre congrès parce qu'il porte sur l'un des fléaux que le monde connaît et qui touche tant de familles, tant de femmes, d'hommes et d'enfants.
Vous êtes près de trois mille à être venus, représentant 135 pays, 900 organisations. Vous êtes des médecins, des chercheurs, des responsables publics, des organismes privés, mais aussi des malades ou des proches de malades. Tous ensemble, vous mettez en commun votre expérience pour lutter contre le cancer. Je remercie Jacqueline GODET, la présidente de la Ligue nationale contre le cancer, qui a proposé la candidature de Paris car nous voulions, après tant d'années, pouvoir accueillir ce congrès mondial ici à Paris.
Je remercie le Président Tezer KUTLUK d'avoir bien voulu choisir notre pays pour ce congrès. Il est vrai qu'il y a une histoire - elle a été rappelée - mais il y a surtout une mobilisation qui fait aujourd'hui que la France veut s'engager pleinement, non seulement pour ses propres malades ou pour prévenir ce fléau qu'est le cancer mais pour agir dans le monde. Chaque année, les chiffres ont été rappelés et ils sont terribles, ce sont 8 millions de personnes qui meurent du cancer. Plus de 14 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année et nous savons d'ores et déjà qu'à l'horizon 2025 il y en aura 19 millions par le simple effet de la croissance démographique. Voilà les chiffres.
Je ne veux pas réduire le cancer à des statistiques qui ne seraient là que pour nous alarmer parce qu'il y a aussi des réalités humaines. Aucun pays, aucune population, aucune génération n'est épargné par le cancer et néanmoins - et c'est ce qu'il faut retenir de ce congrès - des progrès considérables ont été accomplis. Hier, les cancers étaient toujours mortels. Aujourd'hui, il est de plus en plus fréquent d'en guérir et l'enjeu n'est donc pas d'en prendre simplement la charge sur le plan médical mais d'accompagner les malades pendant le traitement jusqu'à la guérison, et après la guérison.
La façon de soigner le cancer a aussi considérablement évolué avec ce que l'on appelle la médecine personnalisée et le développement de l'analyse génétique des tumeurs. Les stratégies sont donc de plus en plus individualisées. C'est dans cette perspective que nous avons lancé il y a quelques jours le plan génomique qui nous permettra à l'horizon 2025 de répondre à cette exigence de la médecine individualisée.
Nous savons aussi - et cela a été rappelé tout à l'heure - que la moitié des cancers pourraient être évités par des actes de prévention, et seulement des actes de prévention ! Les enjeux sont bien connus : il s'agit des comportements à risque - le tabac, l'alcool, l'alimentation, l'exposition au soleil et à tant d'aléas que l'on croit impossible à maîtriser et qui correspondent pourtant aussi à des agents cancérogènes qui se trouvent dans notre environnement - et c'est en ce sens que la lutte contre les pollutions et la lutte contre le cancer se rejoignent.
Pour répondre à toutes ces questions - recherche, évolution des traitements, prévention, accompagnement des malades et des familles - la France s'est dotée à partir de 2003, d'un plan cancer. Il réunit tous les acteurs. Il définit des objectifs précis et mobilise des moyens financiers spécifiques. C'est devenu un grand chantier présidentiel.
C'est Jacques CHIRAC qui en avait posé les fondements en créant l'Institut national contre le cancer. Puis Nicolas SARKOZY a consolidé et approfondi cette politique. En février 2014, j'ai présenté le 3e plan Cancer autour de trois priorités, parce que j'avais conscience que nous devions évoluer. Prendre en compte l'innovation et la recherche certes, mais aussi donner sa pleine dimension à la prévention. Tel est le cas avec le Programme national contre le tabagisme qui a été mis en uvre par Marisol TOURAINE. Ce n'est jamais facile, cela se heurte à beaucoup d'obstacles mais cela a été décidé avec la généralisation du paquet neutre. C'est aussi des informations que nous devons donner dès l'école sur un certain nombre de comportements à risques. La prévention, c'est le dépistage qui a été renforcé avec la diffusion de nouveaux tests plus simples à utiliser - je pense aux cancers colorectaux - avec aussi un suivi spécifique mis en place pour les femmes pour le cancer du sein, et avec de nouveaux dépistages généralisés contre le cancer du col de l'utérus. Prévention et dépistage. Première dimension du plan cancer.
La deuxième priorité, c'est de préserver la qualité de la vie des personnes pendant et après le cancer. Je pense au droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer : nous l'avons enfin reconnu - et je pense que cela peut valoir exemple pour d'autres pays - de façon à ce qu'aucun malade et ancien malade ne puisse être pénalisé, de façon à ce que les employeurs puissent respecter aussi ce qu'est une rémission, une guérison et que les salariés ne puissent pas être discriminés parce qu'ils auraient - ou auraient eu - cette maladie qu'est le cancer.
Enfin, la troisième priorité du plan cancer, c'est la recherche. L'accent a été mis sur les moyens qui doivent être consacrés à la médecine personnalisée, celle dont je parlais, individualisée, aussi à la médecine translationnelle, celle qui va de la recherche jusqu'au lit du malade. Et puis la diffusion des découvertes thérapeutiques - je pense notamment à ce que nous puissions permettre aux enfants atteints de cancer d'accéder aux nouveaux traitements dans des unités spécialisées.
Les résultats de cette politique sont visibles et c'est en ce sens que le congrès peut permettre de généraliser des expériences. Ainsi les durées de survie et les taux de guérison des patients sont en France parmi les plus élevés du monde. 60% des cancers sont guéris £ il y a 10 ans, c'était 50%. Je veux remercier les équipes de recherche - vous savez que nous sommes au 4e rang mondial pour les publications dans les revues d'excellence dans le domaine des cancers - mais aussi la mobilisation de toute la société, et en particulier des Associations.
Mais en même temps, je mesure que ces résultats ne peuvent pas être suffisants et que notre vigilance doit être permanente en France, en Europe et dans le monde. La France participe donc aux programmes internationaux contre le cancer : en Europe, elle fait partie des 19 Nations membres du programme européen de recherche qu'on appelle TRANSCAN. Au niveau mondial, nous contribuons au programme Cancer Génome Consortium pour justement faire en sorte que nous puissions avoir l'analyse de tous les types ou sous-types de cancers.
Enfin et cela a été dit, et je remercie ici les pays qui représentent la francophonie, nous avons un devoir avec notre politique de coopération en Afrique pour lutter contre le cancer. C'est ce que nous avons mis en place avec l'Alliance, ce premier réseau de lutte contre le cancer en Afrique francophone et qui associe le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Sénégal, Madagascar et tant d'autres et qui réunit dans cette alliance des virologues, des oncologues, des pathologistes et des épidémiologistes, soutenue par l'OMS.
Nous savons que comme souvent, ce sont les plus pauvres qui sont les plus nombreux à être victimes des fléaux - cela vaut pour le cancer comme pour d'autres maladies, y compris même pour les catastrophes. Alors nous devons regarder ce qui se passe en Afrique - cela a été dit par rapport au sida 600.000 cas de cancers sont déclarés chaque année et parmi les personnes touchées, 500.000 meurent. Voilà ce que signifie l'injustice : être touché par la maladie - plus souvent qu'ailleurs - et en mourir. Donc l'enjeu - et je remercie monsieur SIDIBE de l'avoir rappelé - c'est l'accès aux soins et aux médicaments les plus innovants.
Pour la France, c'est un enjeu planétaire £ c'est un élément de justice mais c'est aussi une revendication de droits de l'Homme, une affirmation de dignité. Comment accepter qu'il y ait des hommes et des femmes qui soient soignés et d'autres pas ? Comment imaginer un monde où nous savons qu'il y a des médicaments qui permettent de guérir et des populations qui ne pourront jamais y accéder pour des raisons de prix ? Alors la France a voulu prendre une initiative pour que nous puissions faciliter la diffusion des innovations, pour que nous puissions généraliser l'accès aux nouveaux traitements et améliorer les prises en charge. La France a voulu que cette question du coût des traitements puisse être examinée lors de la réunion des ministres de la Santé de l'OCDE. Ce sera la première fois depuis 2010 qu'il y aura une réunion à ce niveau pour traiter de ce sujet.
Il y a beaucoup d'attentes par rapport à ce rendez vous et vous venez de le confirmer. Attente des malades, attente des associations, attente des acteurs de la santé. Vous avez, Madame la Présidente, évoqué le rôle des femmes d'abord parce que les femmes sont les premières victimes des cancers £ ensuite parce que les femmes sont victimes des inégalités d'accès à la prévention, au traitement et au dépistage. Enfin parce que les femmes sont les premiers relais des politiques de santé publique dans toutes les sociétés du monde, développées ou émergentes. Donc c'est une évidence que de mettre les femmes au cur des stratégies de lutte contre le cancer £ et c'est ce que votre congrès va réaffirmer aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs, j'en termine £ il y a des grands combats que l'on peut mener au plan planétaire. Parfois, il faut du temps pour qu'ils puissent aboutir à des résultats, des dénouements, à des accords. Souvenons-nous de l'obstination qu'il a fallu mettre et de la ténacité qui a été la nôtre pour qu'à Paris, en décembre dernier, il y ait la signature de l'accord sur le climat. Beaucoup n'imaginaient pas que nous puissions mettre tous les pays du monde en situation d'accepter cet accord avec des engagements précis et avec des contraintes qui pèseront sur tous les choix publics, qui ne sont d'ailleurs pas des contraintes, qui sont des leviers pour le développement, avec des financements qui ont été dégagés. Jamais personne n'avait pensé qu'une fois l'accord de Paris proclamé, il puisse être ratifié d'ici la fin de l'année. A Marrakech pour la COP 22 qui va être organisée par le Maroc, il ne s'agira pas de regarder ce que nous pouvons faire pour mettre en uvre l'accord sur le climat : Marrakech, ce sera la mise en uvre concrète de cet accord puisqu'il est maintenant applicable. Et bien quand il s'agit de l'accès aux médicaments, de la lutte contre les grands fléaux et notamment le cancer, nous pouvons également avoir la même espérance et la même volonté.
Unir le monde pour qu'il puisse bâtir un modèle de développement respectueux : respectueux des droits de la personne humaine. C'est ce que vous avez voulu faire pour le cancer lors de votre congrès. Bien sûr, ce sont les gouvernements, les institutions publiques qui sont les premiers concernés et qui doivent prendre leur part de responsabilité en y consacrant les moyens et les ressources financières nécessaires.
Mais ce sont aussi les grandes organisations - elles sont représentées ici, je les salue - ce sont aussi les sociétés elles-mêmes parce que ce qui est en cause, ce n'est pas simplement le coût en euros, en dollars ou en je ne sais quelle monnaie, c'est d'abord les années de vie disparues, les familles endeuillées, les jeunesses abrégées : voilà ce qui coûte le plus cher et qui ne s'exprime pas en argent mais en vies.
Je veux saluer tous les chercheurs, tous les scientifiques, tous les médecins, toutes celles et tous ceux qui contribuent à repousser les limites de la connaissance, qui arrivent à mieux connaître encore les causes des cancers et à les traiter. C'est le combat, c'est vrai, de la médecine depuis toujours que de développer des traitements de plus en plus précis, adaptés, personnalisés pour chaque malade. C'est le combat de la société que d'éviter des comportements qui peuvent nous mettre en danger. C'est le combat aussi d'une société, de toutes les sociétés que d'apporter de la dignité aux malades et à ceux qui sont guéris.
Voilà, Mesdames et Messieurs, le sens de ce que vous faites ici : grande cause, la lutte contre le cancer, grand espoir aussi, grandes responsabilités. Et c'est toujours le même principe : est-ce que l'on veut la justice, est-ce que l'on veut l'égalité, est-ce que l'on veut donner des droits à tout être humain où qu'il vive sur quel que continent que ce soit ? Voilà, cette question engage le monde £ c'est une question qui relève effectivement de la paix. Nous avons en face de nous, des menaces - nous les connaissons - la France a été frappée par le terrorisme comme d'autres pays ici représentés. Nous savons les dangers mais chaque fois que nous luttons contre les inégalités, chaque fois que nous faisons progresser la science, le progrès, la recherche, chaque fois que nous donnons espoir à des populations, à des familles pour être protégées des fléaux et pour beaucoup d'être guéries, alors nous faisons triompher la vie, nous faisons triompher les valeurs qui sont les nôtres, nous faisons avancer l'humanité.
Merci.