20 octobre 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la bataille de Mossoul en Irak contre le groupe terroriste Daech, à Paris le 20 octobre 2016.


Monsieur le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies,
Mesdames et messieurs les ministres,
Je veux remercier d'abord Jean-Marc AYRAULT de pouvoir nous accueillir ici, au Quai d'Orsay, dans une démarche qui est liée à l'Irak et à son gouvernement £ je salue le ministre des Affaires étrangères irakien parce que, pour résumer notre pensée, au moment où je parle, la bataille de Mossoul est engagée.
Je souhaite adresser à tous les pays, qui marquent leur mobilisation, leur soutien à cette opération, toute ma reconnaissance, car c'est une étape majeure dans la lutte contre daech et contre le terrorisme.
Cela fait déjà des mois que nous pensons à cette opération. Comment reconquérir Mossoul.
Il faut avoir, pour aborder un événement comme celui-là, suffisamment de mémoire pour être capable de préparer l'avenir.
Il y a deux ans, un peu plus de deux ans, nous étions à l'été 2014 £ la situation en Irak était extrêmement grave. Daech s'était emparé de morceaux entiers du territoire, et avait fait de Mossoul la capitale de son « califat ».
Cette organisation terroriste voulait non seulement porter des attaques sur le territoire irakien, mais également faire une jonction avec ses alliés en Syrie, et perpétrer des attentats qui étaient organisés de Mossoul ou de Raqqa. La France et d'autres pays en ont été victimes £ les preuves ont été apportées du lien entre ce qui se passait à Mossoul, côté irakien, à Raqqa, côté syrien et qui, à chaque fois, impliquait Daech, qui lui-même reconnaissait son forfait et sa barbarie.
Depuis 2014, et à la demande des autorités irakiennes, la coalition internationale a agi avec détermination et patience, mais aussi efficacité. Je veux ici vous en remercier.
Aujourd'hui, Daech recule partout £ recule en Irak, recule en Syrie. En Irak, ce sont les forces irakiennes et les Peshmergas qui mènent, sur le front qui s'est ouvert, des opérations particulièrement courageuses et qui permettent d'ores et déjà de regagner du terrain.
Les forces de la coalition, dont la France fait partie, font en sorte d'appuyer les forces irakiennes et tous ceux qui peuvent se joindre à elles.
Aujourd'hui, mon pays prend sa part de l'effort militaire £ 4000 de nos hommes sont déployés sur zone, une grande partie sur le porte-avions et donc sur le groupe qui nous permet d'effectuer des frappes. Nous avons également annoncé la présence d'un groupement tactique d'artillerie mobilisée autour de Mossoul, dans le secteur de Kagera.
Les ministres de la Défense se retrouveront ici, à Paris, le 25 octobre, avec tous ceux qui, là encore, contribuent à organiser des frappes pour permettre la reconquête de Mossoul.
Il y a donc deux temps dans ce que nous faisons ici, à Paris. Un premier temps, les ministres des Affaires étrangères, pour mettre clairement un nom politique sur la démarche que nous engageons et préparer l'après-daech à Mossoul £ puis il y aura, la semaine prochaine, une réunion des ministres de la Défense pour fixer la stratégie et les moyens pour chasser Daech le plus loin possible.
La bataille de Mossoul -je le disais-, est décisive parce qu'elle frappe Daech au cur de son sanctuaire, là où il voulait lui-même construire son califat £ là où cette organisation pensait qu'il était possible de mener des initiatives en Irak et en Syrie. Mais la bataille de Mossoul est aussi décisive pour d'autres raisons. Bien sûr, la première est de chasser Daech £ mais nous devons le faire à la fois avec efficacité sur le plan militaire, et exemplarité sur le plan humanitaire et politique.
Tout doit être mis en uvre pour assurer la protection des populations civiles, aujourd'hui exposées en zone de combat. Nous ne confondons pas les populations qui vivent dans une ville avec des terroristes qui leur imposent leur joug et leur domination. Nous ne considérons pas qu'il faille frapper tous ceux qui sont à Mossoul, au prétexte qu'aujourd'hui, Daech y est installé. Nous avons comme premier devoir humanitaire de faire que l'opération militaire touche les seules cibles qu'elle entend viser et réduise toutes les pertes, autant de pertes que possible £ qu'elle les réduise pour que les populations civiles soient épargnées.
Nous agissons avec l'autorisation expresse du gouvernement irakien, dans le plein respect des Droits de l'Homme et du Droit international. Tout est également mis en uvre pour apporter une aide humanitaire nécessaire aux habitants de la plaine de Ninive, qui risquent de fuir massivement les opérations de Mossoul.
Nous devons être également exemplaires sur le plan de la poursuite des terroristes qui déjà quittent Mossoul pour rejoindre Raqqa. Nous ne pouvons pas admettre qu'il puisse y avoir simplement, comme réussite, une translation, une évaporation de ceux qui étaient à Mossoul vers d'autres lieux où ils pourraient, là encore, mener des actions.
Enfin, la bataille de Mossoul est décisive sur le plan politique £ cette opération s'inscrit dans la durée. Elle va être longue sur le plan militaire, mais elle ne sera réussie que si elle s'installe dans la durée sur le plan politique. Nous devons donc créer les conditions d'un retour à la stabilité de Mossoul et de l'ensemble des zones libérées de Daech.
Nous devons également redonner espoir aux populations irakiennes qui ont fui la barbarie de Daech, il y a déjà plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années. Nous devons également prendre grand soin des populations, des victimes qui sont restées à Mossoul et attendent beaucoup de notre intervention.
Il faut également veiller à déminer tous les lieux de vie qui ont été piégés par Daech et garantir l'ordre et la sécurité. Je sais qu'il y a aujourd'hui, grâce à la mobilisation du Fonds de stabilisation portés par le PNUD, des contributions importantes qui permettront d'assurer le soutien à la population de cette ville.
Mais ce qui doit être fait aussi, c'est une organisation politique, d'administration de Mossoul £ car Mossoul et la plaine de Ninive sont le creuset de la diversité irakienne.
Daech a voulu anéantir les Yézidis, chasser les Shabaks, persécuter les chrétiens, poursuivre les Kurdes et tous ceux qui ne partageaient pas son idéologie, tout en faisant un grand nombre de victimes parmi les musulmans.
Avec le gouvernement irakien, une fois Daech parti ou écrasé à Mossoul, nous devons tout faire pour qu'une administration puisse permettre une vie, une vie paisible, une vie harmonieuse, une vie organisée à Mossoul.
Le défi de Mossoul, c'est un défi militaire, c'est un défi humanitaire et c'est un défi politique. Voilà pourquoi il était si important que vous puissiez être rassemblés ici, non seulement pour montrer l'engagement de vos pays respectifs dans l'opération qui est désormais engagée, mais pour être conscient que nous serons ensemble, autant de temps qu'il sera nécessaire, pour que l'Irak puisse avoir notre plein soutien, puisse retrouver l'intégrité de son territoire et puisse travailler en paix.
Mesdames et messieurs, nous ne devons pas regarder Mossoul comme un point sur une carte, comme un objectif militaire à atteindre. Nous devons regarder Mossoul comme devant préparer l'Irak de demain. Si nous infligeons à l'Etat islamique, à Daech, une défaite, si nous montrons que nous sommes capables de rassembler tous ceux qui ont vocation à se retrouver dans l'avenir de l'Irak, nous aurons non seulement gagné une bataille, mais je pense que nous aurons gagné la guerre. Merci.