22 juillet 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la loi sur la transition énergétique, à Paris le 22 juillet 2016.


Madame, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les représentants de territoires, d'entreprises, d'organisations qui depuis longtemps sont engagés pour la transition énergétique,
Je tenais à maintenir ce rendez-vous malgré les circonstances que nous connaissons.
Notre planète affronte en effet plusieurs défis : le défi de la guerre qui hélas sévit non loin de nous : au Levant, au Moyen-Orient, en Afrique mais aussi à l'Est de l'Europe £ le terrorisme qui frappe beaucoup de pays et qui frappe le nôtre, qui l'a frappé durement ces dernières années et encore ces derniers jours à Nice sur la Promenade des Anglais. Ce défi du terrorisme, de la guerre, n'est pas sans lien avec le défi climatique, même si l'on pourrait se poser cette interrogation : pourquoi faire une relation ? Parce qu'hélas les guerres sont souvent produites par la question des migrations et du climat.
Mais rien n'excuse le terrorisme. Le terrorisme à l'extérieur, qui s'est organisé avec des territoires qui sont occupés, le terrorisme à l'intérieur qui saisit des individus à travers des propagandes, une radicalisation et ensuite l'utilisation de ce qui peut être considéré comme un élément de la vie quotidienne : une voiture, un camion et qui devient une arme, une arme contre des innocents : 84 à Nice. Des enfants et puis aussi des familles meurtries, blessées dans leur chair £ blessées aussi dans leur tête par tant d'images atroces qui reviennent sans cesse. Mais nous avons à relever le défi. De la même manière qu'il y a une urgence à agir contre le terrorisme, à agir contre les groupes qui soumettent des populations à une loi qui n'a rien d'humaine, nous devons agir également par rapport à l'urgence climatique.
L'année 2015 - et tous les chiffres le démontrent - a été une année de tous les records. Je ne parle pas simplement du record, hélas, de ceux qui sont morts en Syrie ou en Irak , je parle du record des températures, de la concentration de gaz à effet de serre, d'événements météorologiques catastrophiques, de territoires ensevelis par la mer, de glaciers qui fondent. Voilà aussi l'urgence qui appelle notre mobilisation. C'est par rapport à cet enjeu-là que l'Etat et la France doivent agir. La France agit dans la lutte contre le terrorisme - j'ai eu l'occasion ce matin de m'exprimer là-dessus après un conseil de défense. La France agit à l'extérieur avec des opérations qui sont menées par nos armées - que je veux saluer. La France agit pour se protéger à l'intérieur - et les forces de sécurité font un travail admirable et nous avons encore appelé des renforts venant des réserves opérationnelles. Mais la France doit agir aussi au nom de valeurs, au nom de principes, quel que soit le sujet. C'est ce que nous avons fait également par rapport à l'enjeu climatique.
Ce fut la « loi sur la transition énergétique et la croissance verte » votée il y a un an, dont c'est l'anniversaire. Cette loi faisait partie des engagements que j'avais pris comme candidat à l'élection présidentielle - il ne suffit pas de tenir des engagements. Ce qui comptait, c'était le contenu de la loi et aussi la méthode qui avait été choisie pour son élaboration. Que voulions nous faire nous la France ? Nous voulions qu'à travers cette loi, nous puissions nous mettre en conformité avec notre propre responsabilité pour les générations qui viennent. Nous voulions aussi entraîner une dynamique écologique et économique. C'est pourquoi la loi prend le nom de « croissance verte » pour ouvrir d'autres perspectives pour les entreprises - que ce soient de grandes entreprises ou des start-ups. Nous voulions aussi - c'est peut-être ce qui fait toujours la singularité de la France - porter un message universel et faire que cette loi puisse être une inspiration pour d'autres, d'autant que nous avions ce rendez-vous qui était prévu en décembre 2015 : la conférence sur le climat, la COP 21.
Hélas, coïncidence de l'histoire : des actes terroristes nous ont frappés en janvier 2015 puis en novembre 2015. Nous avons tenu la conférence sur le climat, parce que nous pensions que c'était notre responsabilité, notre devoir, de faire en sorte que nous puissions avoir un accord historique. Historique parce que c'était le premier. Historique par l'ambition qu'il portait. Historique aussi par les engagements qui étaient pris par les Etats. Et parce que c'était à Paris, parce qu'il y avait ce contexte tellement lourd, parce qu'il y avait ce défi, parce qu'il y avait cette loi que Ségolène ROYAL a portée, nous avons pu convaincre et emmener la communauté internationale vers l'Accord de Paris.
Je reviens à la loi puisque c'est l'anniversaire de son adoption. Je veux d'abord remercier les parlementaires qui l'ont adoptée - et même ceux qui ne l'ont pas adoptée, qui au fond d'eux-mêmes avaient envie de le faire, mais pour des raisons toujours un peu mystérieuses de la vie politique n'ont pas pu aller jusqu'au bout de leurs intentions £ mais au fond d'eux-mêmes ils étaient très heureux ce jour-là que la loi ait pu être adoptée. De la même manière quand il y a eu le Grenelle de l'Environnement, sous une autre présidence, sous une autre majorité, c'était important que nous puissions nous rassembler.
Cette loi avait une méthode, qui avait consisté à aller à la rencontre des Français, à faire des réunions publiques. Il y a un besoin de participation qu'on néglige trop souvent, que l'on traite parfois par le mépris en considérant que nous en savons suffisamment pour ne pas interroger les Français sur ce qu'ils vivent. Vous avez eu une démarche tout à fait différente puisque vous avez tenu avec tous ceux qui se sont engagés sur ce texte 1 000 réunions, et partagé des objectifs sur les différents volets de la transition énergétique. A partir de cette information, de ce recueil de témoignages, il y a eu la discussion à l'Assemblée nationale puis au Sénat.
Une loi adoptée, c'est bien. Une loi appliquée, c'est mieux. Trop souvent, nous faisons ce constat que nous votons des lois - beaucoup de lois qui portent parfois le nom de ministres qui restent ainsi dans la postérité le temps qu'un de leurs successeurs vienne ajouter son nom pour effacer le précédent - mais ce qui compte, c'est que la vie de nos concitoyens soit changée.
Madame la ministre,
Vous avez fait en sorte que la totalité des textes d'application soient quasiment publiés - je dis bien quasiment : 80%. Il en reste encore 20%. Je n'imagine pas que l'été sera une contrainte pour vous, pour que nous puissions atteindre les 100%.
La loi n'était pas simplement qu'une suite de dispositions qui devaient s'appliquer le plus rapidement possible. Il y avait aussi des engagements qui étaient contenus dans la loi : la programmation pluriannuelle de l'énergie pour fixer les priorités d'action pour la gestion de l'ensemble des formes d'énergie sur notre territoire. Elle était très attendue. A un moment, il était même redouté qu'elle ne vienne pas ou pas suffisamment tôt. Elle a été publiée le 1er juillet. Ce que cette programmation indique, c'est une capacité installée de nos énergies renouvelables qui va doubler d'ici 2023. Les premiers appels d'offres pour le développement de ces nouvelles technologies sont d'ores et déjà lancés et fixés jusqu'en 2019. Je sais qu'ici il y a plusieurs entreprises qui sont déjà engagées. A mesure que nous développons les énergies renouvelables, que nous fermons un certain nombre de centrales thermiques, il y a aussi le fait que le nucléaire doit garder une part importante mais voir cette part diminuer. C'est le sens de la fermeture de Fessenheim. Les engagements, là-aussi, seront tenus.
La loi sur la transition énergétique soutient la croissance verte. Parfois, le mot « croissance » peut inquiéter ceux qui prônaient, ou prônent encore, la décroissance. Mais dès qu'on met « croissance verte » nous rassemblons tous les acteurs. Il faut qu'il y ait de la croissance, mais pas une croissance qui détruit des ressources, qui détruit la nature, qui détruit d'ailleurs des emplois parfois durables. Il faut que la croissance puisse être un facteur de progrès, de bien-être. C'est tout le sens de ce que cette loi et je sais qu'ici beaucoup de rapporteurs sont présents a voulu stimuler. On le voit dans l'énergie, dans l'eau, la construction, l'automobile, les transports collectifs, la mobilité - on en a encore eu une illustration- l'économie circulaire Tout ce qui a pu être stimulé par ce texte. La progression d'ailleurs de l'emploi depuis 2012 est particulièrement marquée dans le secteur des énergies renouvelables, de l'assainissement, de la rénovation énergétique et notamment dans le bâtiment. Le bâtiment est pour nous un secteur très important et aujourd'hui connaît - et heureusement - un regain. Regain dans la construction, regain dans la rénovation et regain grâce à l'isolation thermique. C'est pour cela qu'il était important de baisser les taux de TVA sur les travaux de rénovation, de créer le crédit d'impôt transition énergétique qui a été simplifié - peut-être trop puisqu'un certain nombre de secteurs en ont été écartés. Nous veillerons à ce qu'ils puissent être réintégrés dans la loi de finances pour 2017, et tout ce qui est écoprêt pour que nous puissions favoriser les investissements économes d'énergie dans les logements sociaux, et dans le logement privé bien sûr.
La réhabilitation - j'ai évoqué ce sujet - et notamment l'Anah qui est une institution qui permet notamment pour les ménages modestes de rénover des logements et de faire donc tomber la précarité énergétique. Nous avons voulu qu'il y ait 100 000 logements l'année prochaine qui puissent ainsi bénéficier de ces interventions. Point aussi très important qui n'était pas dans la loi, mais que vous avez pu accompagner les uns les autres grâce aux professionnels : c'est le fait que l'éco-conditionnalité ait pu labelliser un certain nombre de secteurs et de professionnels. Grâce à cela, 60 000 entreprises sont garantes que les travaux seront respectueux de l'environnement. Le chèque-énergie aussi - qui est en cours d'expérimentation - qui était prévu dans la loi, permettra d'accompagner les ménages qui sont en situation de difficulté, de précarité, pour leur consommation d'énergie. Il sera généralisé en 2018.
L'initiative de la ministre de l'Environnement a été la création des territoires à énergie positive. Je sais qu'ici il y a plusieurs représentants de ces territoires. Au départ, il y avait des interrogations : est-ce que les territoires allaient eux-mêmes s'emparer de ce dispositif ? Toujours pour créer certaines incitations - en France c'est ainsi - il faut qu'il y ait des financements. On ne peut pas compter simplement sur la spontanéité £ ou plus exactement la spontanéité se découvre à mesure qu'un financement se révèle. Je crois que c'est bien qu'il en soit ainsi - non pas qu'il y aurait une nécessité toujours de monnayer la bonne intention - mais quand la bonne intention peut coûter moins cher que la mauvaise, elle est préférable, et elle préférée. Alors ces territoire, au départ, le ministère du Budget pensait qu'ils seraient une centaine, 200 peut-être et c'est ainsi que cela avait été présenté. Ils sont près de 400 £ avec un fonds de financement pour la transition énergétique qui a déjà été doté de 500 millions d'euros en deux ans. Nous allons être conduits à en rajouter 250 millions d'euros l'année prochaine tant le succès est grand et tant les projets qui ont été présentés sont sur l'ensemble de ce que la croissance verte peut faire, de ce que l'efficacité énergétique peut générer et de ce que l'économie circulaire peut laisser à interpréter.
Il était très important qu'on puisse aussi dans cette loi mettre en uvre de nouveaux outils pour le financement de la transition énergétique. Bien sûr, il y a ce qui relève de l'Etat, des collectivités publiques, des acteurs privés, des grandes entreprises, des plus petites. Nous avons eu l'idée de lancer des obligations vertes, des Green Bonds, puisque maintenant, en anglais, cela fait toujours - enfin jusqu'à nouvel ordre - plus moderne. Donc ces instruments sont à la disposition d'entreprises. Compte tenu de ce qu'est, en plus, le coût aujourd'hui de l'argent, il très important que l'Etat puisse donner des échéances très longues. Ce n'est pas tellement le taux d'intérêt qui va être déterminant pour ces financements, c'est la longueur, c'est la durée pour rentabiliser. On sait que cela sera rentable, mais à long terme et ainsi cela permettra le financement de la transition.
Nous avons également voulu développer des investissements participatifs, c'est-à-dire tirés justement de la mobilisation citoyenne et nous avons pu grâce à cela générer un certain nombre de projets.
Enfin il y a le PIA, c'est-à-dire le programme des investissements d'avenir. Tout à l'heure, on nous exposait un certain nombre d'innovations qui, grâce à l'ADEME, le plus souvent en accompagnement, n'ont pu être stimulées et développées que par le programme des investissements d'avenir. 50% du PIA2 - c'est-à-dire la deuxième génération des programmes d'investissements d'avenir - concernaient la transition énergétique et écologique. Dans le troisième programme que nous allons lancer à la fin de l'année, qui sera doté de 10 milliards d'euros, 60% des projets seront à contenu énergétique et écologique.
Puis, il y a tout ce que nous devons faire pour améliorer encore un certain nombre de dispositifs fiscaux, de manière que la fiscalité écologique ne soit pas une fiscalité de plus, une fiscalité punitive - comme si d'ailleurs il y avait des fiscalités gratifiantes. Mais si l'on confondait - c'était souvent ce que nous rappelait Ségolène ROYAL - la fiscalité avec l'écologie, c'est un très mauvais service que l'on rendait à l'écologie et à l'environnement. L'idée - et c'est celle que nous avons d'ailleurs poursuivie avec le pacte de responsabilité et le crédit d'impôt compétitivité emploi - est de faire baisser le coût du travail pour l'ensemble des entreprises, et de faire contribuer davantage tout ce qui pollue ou tout ce qui détruit la nature. C'est en ce sens que nous devons continuer à agir. Cette idée-là a trouvé sa traduction dans la contribution climat énergie introduite en 2014 : 22 euros par tonne de CO2 cette année, qui va passer à 56 euros en 2020 et en 2030, pourrait atteindre 100 euros.
Mais nous sommes conscients que certains secteurs industriels ne peuvent pas être soumis à cette contribution et relèvent d'autres mécanismes, notamment les quotas carbone. C'est pourquoi nous devons agir à l'échelle européenne. C'est ce que nous avons fait valoir dans la réunion Business Dialogue avec les entreprises, pour que nous puissions avoir un développement écologique et industriel qui puisse être compatible et que nous puissions, nous, la France, porter au niveau européen cet objectif.
La France va unilatéralement donner un prix plancher au carbone. C'est ce que nous avions, là-aussi voulu acter lors de la conférence de Paris sur le climat. Nous voulons que ce prix plancher puisse avoir une visibilité pour tous les investisseurs £ et quand il s'agit pour une entreprise, grande ou petite, de s'engager pour l'avenir, qu'elle sache bien que l'investissement sera d'autant plus coûteux ou d'autant plus avantageux qu'il y aura justement l'intégration du prix du carbone. Voilà ce que nous avons à faire. Dans la conférence de Paris, nous avons lancé cette initiative carbone, nous avons lancé l'initiative sur l'air, nous avons lancé l'initiative également pour l'innovation. Je remercie toutes les entreprises qui y ont participé, tous ceux qui y ont concouru. C'est le début d'une grande aventure.
Je veux terminer sur une autre loi qui, elle, n'a pas un an mais qui a quelques jours : c'est la loi sur la biodiversité. Pour la première fois, quarante ans après la loi du 10 juillet 1976 - il faut en reconnaître le mérite, c'était Michel d'ORNANO qui était ministre de l'Environnement, et qui avait eu le premier cette conscience qu'il fallait agir, nous avons pu réaffirmer dans un texte que la nature était le patrimoine commun de la nation. Avec des avancées très importantes sur l'introduction du préjudice écologique dans notre droit, sur la régulation de l'accès aux ressources énergétiques avec la traduction du protocole de Nagoya et l'interdiction des néonicotinoïdes - on l'a vu tout à l'heure avec les abeilles pour lesquels une solution réaliste a été trouvée, une année a été fixée : 2018, des dérogations ont été prévues £ je pense que c'était très important qu'il y ait ce signal là.
Puis, une agence, non pas une agence de plus pourquoi faire une administration de plus ? mais une agence qui puisse rassembler ce qui existait : l'Agence française de la Biodiversité , Barbara POMPILI s'y est beaucoup engagée dans le débat parlementaire avec Ségolène ROYAL et elle sera opérationnelle dès le 1er janvier 2017 avec les moyens que Ségolène ROYAL a pu dégager 50 emplois pour travailler dans cette agence.
La France est la deuxième puissance maritime du monde, nous n'en prenons pas suffisamment conscience. Grâce à nos territoires d'outre-mer, grâce aussi à notre situation géographique, nous avons ce patrimoine, nous avons cette ressource qui est pour nous à la fois une responsabilité et une formidable opportunité. La responsabilité, c'est que nous devons protéger les océans. L'opportunité, c'est que nous devons valoriser ce qu'il y a comme ressources dans la mer. La loi pour la reconquête de la biodiversité permettra une protection accrue des milieux marins avec l'objectif d'avoir 10 parcs naturels, ce qui là aussi est une innovation très importante et qui va générer plein d'activités au service de la protection de la nature et de l'environnement.
Voilà pourquoi il était important, y compris dans ce contexte où nous cherchons de l'espoir, où nous voulons de l'unité, de la cohésion. Qu'est ce qui nous rassemble, qu'est ce qui fait qu'au-delà de nos différences de situations, de pensée, de convictions, de religion, pourquoi nous sommes ensemble la France d'abord, puis ensuite l'Europe pour ceux qui ont fait le choix de cette construction et pour la planète ? Pourquoi sommes-nous ainsi mobilisés ? Parce que nous avons conscience que nous pouvons porter une parole qui donne confiance dans l'avenir quand il y a tellement de risques, tellement de menaces, tellement de conflits, tellement de haines distillées, dispensées.
Alors je pense que c'était finalement une bonne initiative de porter cet anniversaire de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte aujourd'hui même, pour que nous montrions qu'il y a un modèle de développement possible, qu'il y a une capacité d'agir, que la planète peut être sauvée, sauvée de tous ses démons. Le premier démon, on le connaît, c'est l'être humain, c'est lui qui détruit, c'est lui qui crée le conflit ou la guerre. Mais il y a une espérance : c'est que celui qui peut sauver l'humanité, c'est l'être humain aussi et c'était important qu'il puisse, à travers cette loi sur la transition énergétique, trouver espoir pour la vie et pour les générations qui viennent.
Merci.