10 juin 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'Accord de Paris sur le climat et la tarification carbone, à Paris le 10 juin 2016.


Madame la présidente,
Mesdames, Messieurs les ministres, représentants des organisations internationales,
Monsieur le président de la Banque africaine de développement,
Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprise,
Il y a six mois, l'Accord était conclu à Paris. Tous les pays du monde étaient rassemblés, il y a toujours des coïncidences dans la vie. Il y a six mois, c'était le monde qui se retrouvait à Paris £ aujourd'hui, au-delà de vous, c'est l'Europe qui se retrouve pour une grande compétition et un grand événement.
Cet accord n'est pas simplement une affirmation de principe ou un constat qui déplorait une situation, c'est une somme d'engagement pour que nous puissions limiter le réchauffement de la planète bien au-dessous des deux degrés Nous avons voulu - et j'en remercie tous ceux qui y ont contribué, - faire en sorte que cet Accord puisse être signé par un nombre très important de pays et ce fut le cas à New York en avril dernier.
Nous devons avoir la même intensité et le même dynamisme pour aller jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la ratification de manière à ce que nous puissions faire entrer en vigueur l'Accord de Paris d'ici la fin de l'année.
C'est la responsabilité des gouvernements mais nous avons aussi une responsabilité commune, - gouvernements, institutions internationales, systèmes financiers, responsables économiques, - c'est de mettre en uvre non seulement l'Accord de Paris mais toutes les initiatives qui sont nées à Paris £ initiatives pour le renouvelable et notamment pour l'Afrique, le prix du carbone, nous y venons, qui a été affiché comme un objectif dans l'Accord de Paris mais qui a été engagé déjà par un certain nombre de pays volontaires à travers l'initiative carbone.
Donc vous avez voulu ici vous rassembler et je vous en remercie, pour prolonger la réflexion et l'action sur ces sujets. La première réflexion est donc sur le prix du carbone. La France s'est engagée dans cette direction et l'Europe l'avait précédée, même si nous savons les limites du système européen. Dans le cadre de la coalition de haut niveau sur le prix du carbone, nous avons voulu qu'il puisse y avoir rapidement un certain nombre de chefs d'Etat et de gouvernement et la Banque mondiale qui puissent s'engager avec des entreprises. Aujourd'hui, il y a 26 gouvernements, 90 entreprises, une trentaine de partenaires de la société civile qui sont pleinement impliqués dans ce processus.
A New York le 22 avril au moment où nous avons signé l'Accord de Paris avec les chefs d'Etat et de gouvernement, nous avons aussi tenu une réunion pour que nous puissions nous fixer l'objectif d'un prix du carbone qui puisse couvrir 25% les émissions globales en 2020.
Le périmètre de la tarification carbone s'est élargi ces dernières années puisque que 40 pays ou gouvernements locaux ont adopté un tel mécanisme ou ont voulu mettre en place un marché des quotas d'émission. Plus de 12% des émissions mondiales sont couvertes par un prix, c'est peu mais c'est déjà un point de départ. En 2016, la tarification du carbone générera des revenus de près de 30 milliards de dollars au niveau global. Là encore, c'est peu mais c'est une première marche. Le nombre d'entreprises et ça c'est plus intéressant qui ont eu recours ou qui ont recours aujourd'hui à un prix interne du carbone a été multiplié par 3 en 2015. Elles sont près de 500 à s'être ainsi organisées, hors de tout contexte de prix du carbone fixé au plan national ou au plan continental et a fortiori au plan mondial
Lorsque j'ai reçu avec Laurent FABIUS, à l'époque président de la COP, les contributions nationales, nous avons fait une évaluation et la moitié des contributions nationales qui ont été présentées dans le cadre de l'Accord de Paris incluaient des références à la tarification carbone.
Mais le chemin est encore long. D'abord parce que les niveaux de prix carbone observés dans le monde sont trop bas, nous en avons fait ici le constat, nous ne sommes pas à un tel prix qu'il y a des investissements qui peuvent être stimulés.
Le marché européen du carbone est également un problème non pas parce qu'il ne faudrait pas avoir un marché européen du carbone, mais parce que le prix se situe autour de 6 euros, ce qui n'a guère de sens pour inciter les investissements. C'est la raison pour laquelle Madame ROYAL, la présidente de la COP, porte la proposition en Europe d'un corridor de prix qui encadrerait l'évolution du prix du marché entre un minimum et un maximum.
Le secrétaire général de l'OCDE a dit combien son organisation réfléchissait aussi à un tel mécanisme, au moins pour nous aider à prendre la décision. Monsieur Gérard MESTRALLET y a travaillé dans le cadre d'un groupe de réflexion avec Messieurs CANFIN est GRANDJEAN et donc nous devons aller de manière volontaire, de manière raisonnable vers cette solution du corridor de prix.
Le second constat, c'est que les prix du carbone varient beaucoup d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre allant d'un dollar à plus de 100 dollars par tonne de CO2 et là aussi, les variations sont importantes s'agissant des entreprises. Je parlais des prix internes qui peuvent varier également entre un dollar et plusieurs centaines de dollars. Cela crée des distorsions de concurrence entre économies qui ne seront pas supportables et donc si nous ne faisons pas d'effort, il y aura un risque qu'on connaît bien, c'est que le mauvais prix du carbone chassera le bon, selon une vieille loi que l'économie nous a révélée.
Donc nous devons agir selon trois principes.
Le premier est le principe de volonté, donner un prix au carbone, c'est attribuer une valeur à l'avenir et aux générations futures.
Le second principe, c'est la clarté et la transparence. Les entreprises ont besoin de visibilité pour faire les bons choix d'investissement et le rôle des pouvoirs publics, c'est de fixer la trajectoire.
Troisième principe, c'est la coopération. Nous devons soutenir toutes les actions qui sont menées dans le monde et surtout échanger les bonnes pratiques pour que nous puissions avoir la même perspective. La France a voulu être exemplaire et le prix du carbone s'applique déjà à près de 100% des émissions. La ministre de l'Environnement qui est aussi présidente de la COP a défini une trajectoire avec le Parlement jusqu'à 2030. Nous sommes à 22 euros pour le prix du carbone aujourd'hui £ nous serons à 100 euros en 2030 et nous allons anticiper, accélérer et mettre en place plus rapidement qu'il n'était prévu ce prix que nous voulons introduire.
Beaucoup de questions restent néanmoins posées : comment maintenir la compétitivité de nos entreprises alors que nous devons les conduire vers cette mutation ? Comment pouvons-nous aligner des politiques environnementales différentes, y compris au sein d'un même continent ? Ca, c'est l'enjeu européen. Comment faut-il faciliter les échanges entre les entreprises et quelle doit être la mobilisation des secteurs publics ? Quand j'entends les secteurs publics, cela a été dit, c'est l'Etat, ce sont aussi des collectivités locales, éventuellement les services publics.
Vous allez également aborder le second sujet, c'est celui de la transparence des données climatiques. La transparence de la part des Etats est essentielle pour les entreprises, puisque cela leur permet d'avoir des informations sur les politiques climatiques et sur le rythme de transition vers les économies bas carbone. Les créanciers et les investisseurs demandent de plus en plus un accès à une information cohérente, fiable qui peut être comparée de manière à ce que là encore, les choix puissent être éclairés.
L'intégration des informations climatiques par les institutions financières est également essentielle. La France a mis en place un dispositif de reporting dans le cadre d'une loi qui est en discussion, la loi de transition énergétique, que la présidente de la COP a voulu introduire. Donc nous avons besoin, je crois, les uns et les autres, pouvoirs publics comme entreprises de rapport de confiance et que pour que cette confiance soit là, il faut qu'il ait à la fois une prévisibilité, une stratégie partagée et une transparence dans les choix.
Nous savons que rien ne sera possible sans les entreprises. Déjà les entreprises ont fait ces dernières années beaucoup d'efforts, parfois sous la contrainte réglementaire, parfois tout simplement dans leur propre intérêt, comprenant que les investissements en matière de transition énergétique n'étaient pas simplement une concession que l'on faisait à la société, -même si c'est déjà en soi un bon principe - mais pouvaient être aussi des investissements permettant un retour et une profitabilité et qu'il pouvait même y avoir des avantages compétitifs à être en avance par rapport aux objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique.
Les entreprises doivent également comprendre que les Etats ne doivent pas rechercher des ressources pour eux-mêmes à travers les dispositifs, mécanismes, mais qu'ils doivent permettre de financer des investissements qui peuvent être dans le pays considéré ou être là où nous avons fait le choix d'apporter notre soutien pour des politiques de développement. Donc ce que nous faisons à travers le prix du carbone ou à travers la transparence des données climatiques, c'est à la fois pour préserver notre avenir, c'est donner à nos entreprises des éléments pour être plus compétitives, mais c'est aussi un choix de solidarité, solidarité géographique, solidarité également à l'égard des générations futures.
Voilà le sens du propos que je voulais tenir pour ouvrir vos travaux en vous remerciant de vous être réunis ici et en laissant la parole à Madame ROYAL, la présidente de la COP.