1 juin 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le tunnel de Saint-Gothard en Suisse et sur la construction européenne, à Saint-Gothard le 1er juin 2016.


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil fédéral,
Mesdames, Messieurs les représentants des Etats les plus concernés par cet ouvrage,
Mesdames, Messieurs,
Je suis venu, au nom de la France, pour vous dire que la Suisse peut être fière, très fière de ce qu'elle vient de réaliser. La Suisse a en effet creusé le plus long tunnel ferroviaire du monde. Elle a réussi à réaliser cet investissement, qui a mobilisé des hommes et des femmes en grand nombre pour extraire des tonnes, des millions de tonnes de roches et ouvrir 57 kilomètres de voies.
La France, qui a toujours de l'admiration pour les grands ouvrages technologiques, s'incline aujourd'hui devant la Suisse. D'autant que dans ce tunnel, vous faites rouler les trains à plus de 200 kilomètres/heure, ce qui - en ce moment en France - est aussi une performance.
Vous avez fait bien plus que réaliser le plus grand ouvrage, le plus grand tunnel au monde. Vous avez fait bien davantage que servir les intérêts de votre pays. Vous avez créé une grande infrastructure européenne. Une infrastructure qui va pouvoir transporter des marchandises, du fret et donc favoriser l'économie de toute l'Europe. Une infrastructure qui va relier l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, l'Europe de l'Ouest à l'Europe centrale. Une infrastructure qui va également permettre à des passagers, à des touristes de venir encore en plus grand nombre.
Vous avez réalisé une infrastructure qui s'inscrit dans les objectifs de la COP 21, que Paris a accueillie, puisqu'il permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de favoriser un déversement du trafic de la route vers le rail et également de transporter plus rapidement des passagers et des marchandises. Au nom de ce que la France a pu faire avec ses partenaires du monde entier pour la COP 21, la Suisse y a immédiatement pris sa part.
Les grands travaux ont toujours une grande symbolique. La symbolique est toujours celle de l'ouverture, de la liberté, de la circulation pour relier des espaces qui jusque-là étaient séparés. Il y a plus de vingt ans, a été réalisé un ouvrage entre la France et le Royaume-Uni, le tunnel sous la Manche. Personne n'avait imaginé qu'il fût possible, un jour, de pouvoir se rendre ainsi de la France vers l'Angleterre. Nous sommes depuis unis comme nous ne l'avons jamais été et j'espère que les Britanniques s'en souviendront le jour venu.
Ceux qui ont eu l'idée du tunnel sous la Manche, comme ceux qui ont eu l'idée, il y a plus de vingt ans, du tunnel du Saint-Gothard, avaient à l'esprit une certaine idée de l'Europe. Une Europe qui n'est pas simplement faite de normes, de procédures ou d'institutions. Une Europe qui s'incarne dans des projets, dans des ambitions, dans des volontés de progrès. Une Europe qui investit dans l'innovation, dans la mobilité, dans le développement durable. Une Europe qui assure, et c'est très important, la libre circulation des personnes et des marchandises.
C'est cet esprit-là, c'est cette dynamique-là qu'il faut encore insuffler aux pays qui sont membres de l'Union européenne, à ceux qui n'en sont pas membres, mais qui sont dans l'Europe. Nous sommes dans le même ensemble, nous sommes dans le même espace. Nous avons les mêmes volontés, les mêmes espoirs.
L'Europe doit montrer au monde ce dont elle est capable. L'Europe, c'est aussi un rêve, quand il y a un tunnel qui est percé, des grands travaux qui sont réalisés, l'ouverture d'un canal, la réalisation d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse, au départ, c'est toujours une formidable idée qui rencontre toujours une irrésistible opposition.
Il y en a toujours qui doutent qu'il soit possible de réaliser un rêve. Il y a toujours des sceptiques, il y a toujours des opposants qui préféreraient que le meilleur projet, ce soit de ne pas en avoir du tout. Il y en a qui veulent qu'à chaque fois, nous arrêtions la course vers le progrès.
Je veux les renvoyer à ce que disait l'un de ces rêveurs, Ferdinand DE LESSEPS, le père du Canal de Suez, qui avait été accusé de semer l'illusion, quand il avait eu cette formidable pensée d'ouvrir un canal. Il avait répondu de la manière suivante : « Plus le but est loin, plus il faut viser haut et il est bon que le sculpteur cherche une montagne pour y tailler sa statue et que croyant tout pouvoir, il ait tout osé. »
Vous, vous avez osé faire le tunnel du Saint-Gothard.
En perçant la montagne, la Suisse a allié l'ambition à l'innovation. Elle a tracé bien plus qu'un tunnel. Elle a ouvert une voie pour l'avenir de l'Europe. Car l'Europe, c'est de bâtir des projets ensemble, c'est de repousser nos propres limites, c'est de concevoir des progrès dans le respect de la nature. C'est de relier les pays et les peuples. Aujourd'hui, c'est en Suisse que le rêve européen a trouvé sa réalité. Merci.