14 mai 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-nigérianes et sur la lutte contre le terrorisme, à Abuja le 14 mai 2016.


Monsieur le Président,
Je vous confirme que nous avons eu un long entretien, un tête-à-tête, parce que nous avons une relation forte entre nos deux pays. J'avais eu l'occasion de marquer l'importance que j'y attachais lors de ma visite en février 2014 pour le Centenaire de la création du pays. J'avais aussi voulu à Paris, c'était il y a deux ans presque jour pour jour, réunir un Sommet entre les pays voisins du Nigeria qui faisaient face ensemble à cette menace de Boko Haram de manière à ce que nous puissions définir une stratégie commune. Lorsque j'avais reçu le Président Buhari en septembre 2015, nous avions encore souligné l'importance de la mise en uvre de ce plan de Paris et cet après-midi nous tiendrons un deuxième Sommet, ici à Abuja, pour à la fois constater les progrès qui ont été faits depuis deux ans et amplifier encore notre action.
Mais les résultats sont déjà impressionnants. Dans la lutte contre Boko Haram, il y a eu des points très importants qui ont été marqués. Ce groupe terroriste qui a commis des massacres et qui continue, hélas, à mener des attentats qui visent les populations civiles, ce groupe terroriste qui a enlevé des jeunes filles à Chibok il y a plusieurs mois, ce groupe terroriste a été repoussé, a été amoindri, a été obligé de reculer. Ce groupe terroriste est pourchassé, a laissé des territoires qu'il contrôlait et a pu ainsi être encore d'avantage ciblé. Ce groupe terroriste reste néanmoins encore une menace.
Si ces résultats ont pu être atteints, c'est grâce à la volonté du Président Buhari, c'est aussi grâce à la coordination de l'action des pays de la région - nous allons retrouver les Chefs d'Etat des pays voisins pour définir encore d'avantage les moyens que nous devons mettre en uvre - et c'est aussi parce que la France a pris ses responsabilités. Puisque la France a appuyé - soutenu par le renseignement, par l'information, par des formations, par des équipements - les actions qui pouvaient être engagées par la force multinationale mixte et c'est cette cohésion, cette solidarité et cette stratégie qui ont permis d'avoir les succès que l'on sait.
Avec le Président Buhari, nous avons voulu donner un signe supplémentaire à ce rapprochement entre nos deux pays avec une lettre d'intention qui a été signée et qui prépare un accord en matière de défense. Nous avons voulu aussi évoquer d'autres sujets et notamment signer des accords £ accord culturels, scientifiques, techniques mais également un accord de développement avec l'AFD qui va mettre des moyens nouveaux. Je rappelle que l'Agence Française de Développement a comme premier bénéficiaire de ses soutiens et de ses prêts le Nigeria.
Il y a aussi de nombreuses décisions et investissements pris par les entreprises nigérianes et françaises et ici au Nigeria des entreprises comme Total, Peugeot, Alstom, Thalès, Airbus, et j'en oublie beaucoup, ont la ferme intention d'amplifier encore leurs investissements.
Nous avons aussi signé un accord en matière agricole et de nutrition, parce que nous savons les besoins du Nigeria mais aussi la capacité qu'ont les exploitations françaises de pouvoir y répondre.
Je termine, parce que notre entretien a été long, je suis obligé de le résumer. Nous avons eu aussi une réflexion sur la suite de la COP 21 parce que le Nigeria a joué un rôle très important pour la signature de cet accord et il y a un projet très concret qui est celui de la protection du Lac Tchad. Des fonds de financement ont été prévus au niveau européen. Ils pourront être également complétés par des financements liés à la COP 21 et nous entendons, avec les pays de la région, les mobiliser très rapidement pour la protection de l'environnement mais aussi pour fournir du travail à un certain nombre de personne qui vivent autour du Lac Tchad, afin que leur avenir puisse être préservé. Il y a aussi un sujet qui sera abordé cet après-midi, nous y reviendrons, c'est le sujet des déplacés et des réfugiés. Il y a 2 millions de réfugiés et de déplacés et c'est très important que nous puissions à la fois assurer leur retour mais aussi permettre qu'il y ait des politiques de développement en particulier autour du Lac Tchad.
Je veux une fois encore remercier le Président Buhari pour son accueil et pour l'amitié qu'il a pour la France.
Question Nigériane : Sur le financement global du terrorisme. La France est-elle satisfaite de son effort financier à cet égard ?
F. HOLLANDE : Le terrorisme profite de toutes les failles du système financier et donc nous devons lutter contre la corruption. Nous devons lutter contre les mouvements de capitaux qui sont dans l'économie souterraine et nous devons lutter contre les paradis fiscaux. Cela a des conséquences sur la capacité d'un certain nombre de groupes de financer des trafics d'armes ou de financer même des actions terroristes.
Est-ce que nous en faisons suffisamment ? Il y a eu des progrès importants mais nous n'en sommes pas encore au bout. Nous devons lutter contre tous les trafics : trafic des êtres humains - on le voit avec ce qui se passe au travers de la Méditerranée - trafic de drogue - puisque nous savons qu'il y a des liens entre les trafiquants de drogues et le terrorisme - et puis aussi trafic d'armes. Je souhaite que nous puissions cet après-midi avec les pays de la région évoquer ces questions. C'est aussi à l'échelle du G7 et du G20 que je veux que cette question du financement, de la lutte contre les paradis fiscaux et contre toutes les formes d'économies qui ne respectent pas les règles, puisse être menée.
Valérie NATAF : La lutte contre Boko Haram nécessite-t-elle un engagement militaire plus important et hier vous étiez en RCA et vous avez annoncé mettre un terme à l'opération Sangaris notamment pour renforcer l'opération sentinelle en France à la veille de l'Euro et dans un climat très éruptif en France. Je pense aux incidents à Rennes. Est-ce que vous estimez que la menace terroriste est plus forte que jamais?
F. HOLLANDE : Hier j'étais donc en Centrafrique et j'ai annoncé la fin de l'opération Sangaris parce qu'avec l'action des Centrafricains, avec la force Minusca et le soutien qui a été apporté par l'Union européenne, il n'y a plus de nécessité à avoir une présence française. Il faut savoir décider une opération mais aussi savoir l'arrêter quand elle a réussi. Ici, dans ce que l'on appelle la zone du lac Tchad, la France appuie la force internationale mixte, constituée par les armées de la région. Les succès ont été là encore significatifs. Comme l'a dit le Président nigérian, Boko-Haram est en recul. Nous allons donc continuer sous la même forme de soutenir la force multinationale mixte à travers une assistance logistique mais également des formations et du renseignement. Et puis il y a Barkhane qui est sur l'ensemble de la zone du Sahel, qui n'est plus seulement au Mali et qui peut intervenir chaque fois qu'il y a un risque terroriste et chaque fois qu'il y a hélas une action menée par des groupes, Boko-Haram ou autre. Nous sommes là, nous sommes présents. Nous allons rester présents avec une efficacité que chacun a pu juger. C'est vrai que nous sommes devant une menace globale terroriste. Cette menace reste à un niveau particulièrement élevé, notamment en Europe et en France, parce que nous avons déjà connu l'année dernière ces attaques, ces épreuves. Toutes les informations et tous les renseignements dont nous pouvons disposer laissent penser qu'il y a encore un niveau élevé de la menace. C'est une raison pour laquelle une partie de nos forces militaires, ce que l'on appelle l'opération sentinelle, 10000 soldats, sont disposés sur le territoire, pour protéger non pas seulement des bâtiments mais pour protéger la population, en plus des forces de police et de gendarmerie. En ce sens, même s'il est nécessaire d'assurer la protection d'un certain nombre de manifestations et d'assurer cette liberté, aucune violence ne peut être acceptée parce que justement, elle atteint des biens, des personnes et en plus, elle mobilise des forces de sécurité qui aujourd'hui doivent être essentiellement consacrées à la protection de notre territoire et de notre population face à la menace terroriste.