2 mai 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Editorial de M. François Hollande, Président de la République, dans un numéro spécial de la revue médicale "The Lancet" du 2 mai 2016 intitulé "France et le monde", sur un agenda sécuritaire sanitaire global.


Le 6 octobre 2015, la France commémorait le 70ème anniversaire des ordonnances portant création de la Sécurité sociale et à travers elles, un des actes fondateurs du modèle social issu du Conseil national de la Résistance.
Plus de 70 ans après, le devoir de garantir à tous un droit universel à la santé reste plus que jamais à l'ordre du jour, ainsi que l'ont rappelé les Nations Unies en adoptant l'agenda 2030 du développement durable.
Il y a urgence. Les épidémies dues aux virus Ebola et Zika montrent l'ampleur et l'acuité des défis. Les interdépendances à l'échelle du monde amplifient l'imprévisibilité et la volatilité de la menace, tandis que ces épidémies accentuent la pauvreté et les inégalités.
Chaque jour, 16 000 enfants succombent à des maladies évitables comme la rougeole et la tuberculose. Des centaines de femmes meurent pendant leur grossesse ou lors de complications liées à l'accouchement, tandis que dans les pays pauvres en « transition épidémiologique », les maladies chroniques comme le cancer, les affections cardiovasculaires ou respiratoires ainsi que le diabète sont désormais responsables de plus de la moitié des décès.
Pour faire reculer ces fléaux, il faut une volonté politique qui s'affirme dans la durée. C'est possible. Depuis 1990, les décès infantiles évitables ont chuté de plus de 50 % à l'échelon mondial. Les nouvelles infections dues au VIH/sida ont diminué d'environ 30 % entre 2000 et 2013.
Dans ce combat, la France, fidèle à ses valeurs fondamentales, continuera d'être aux avant-postes.
En 2015 elle a engagé plus de 1 Md dans l'aide au développement en santé. Depuis 2007, elle a investi 1,1 milliards d'euros dans UNITAID, dont elle est le premier contributeur et donné 4,4 milliards d'euros au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme.
La France agit aussi dans les situations de crise aiguë, hier contre Ebola en Guinée et aujourd'hui encore contre Zika. De ces crises, nous devons tirer toutes les leçons, dans un esprit de responsabilité et de solidarité collective. Lors de la clôture de la conférence de haut niveau sur la sécurité sanitaire internationale organisée le 23 mars dernier à Lyon, j'ai fixé les priorités suivantes :
1/ améliorer les instruments de surveillance, d'alerte et de diagnostic partout dans le monde et mieux planifier la réponse aux crises: avec la nouvelle Agence de Santé publique, la France a renforcé son dispositif. La diffusion internationale de cette capacité d'expertise sera une de ses priorités £
2/ gérer les crises en confortant le rôle de la société civile, des experts locaux et des populations concernées : les financements consacrés à des projets sanitaires portés par les ONG seront augmentés, tandis que la France renforcera le déploiement de personnels à travers le Corps médical européen et l'OMS £
3/ soutenir la recherche dans les sciences du vivant, humaines et sociales : parce que l'anticipation en matière de recherche est cruciale, la France a débloqué 8 M pour le consortium REACTing, chargé, sous l'égide de l'INSERM, de coordonner la recherche sur les menaces sanitaires émergentes telles que Zika et Ebola £
4/ mettre en oeuvre ce règlement sanitaire international avec une gouvernance mondiale forte et transparente. La France soutient la création d'une plateforme de préparation et de réponse aux urgences sanitaires mondiales, dont le bureau de l'OMS de Lyon pourrait être le pivot.
Mais l'anticipation des urgences sanitaires et la réponse aux crises doivent s'accompagner d'une action de long terme pour renforcer les systèmes de santé et bâtir de véritables couvertures sanitaires universelles, là où c'est nécessaire.
La France veut lutter contre le prix prohibitif de certains nouveaux médicaments tout en favorisant l'innovation. Elle a donc pris l'initiative de mobiliser le G7 : pour la première fois cette année, une réunion des ministres de la santé des 7 pays les plus riches de la planète devrait amorcer un dialogue et une coordination entre autorités de régulation, industrie pharmaceutique et patients.
Cette action du côté de l'offre de traitements sera accompagnée d'une volonté résolue d'assurer aux malades un accès effectif aux soins. La France y contribue d'ores et déjà en soutenant par exemple les politiques de gratuité des actes pour les enfants de moins de 5 ans dans 4 pays sahéliens.
J'appelle la communauté internationale à prendre ses responsabilités. De notre détermination à forger de vraies couvertures sanitaires dépendra en effet notre capacité à financer des infrastructures de soins de qualité et à mettre en oeuvre de réelles politiques de prévention et d'éducation contre les maladies chroniques. Ce qui suppose aussi de former et de rémunérer correctement les personnels médicaux dont les pays du Sud ont cruellement besoin.
Il y va de notre engagement à éradiquer l'extrême pauvreté d'ici 2030 £ il y va aussi de la cohésion de la communauté internationale, alors que les risques sanitaires font aujourd'hui partie des principales menaces à la paix et à la sécurité.