16 avril 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-libanaises et sur les réfugiés syriens, à Beyrouth le 16 avril 2016.
Mesdames, Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Je suis donc ici à Beyrouth. C'est la deuxième visite que je fais depuis que je suis élu Président de la République. La première, c'était en novembre 2012, la situation était déjà délicate : un assassinat venait de se produire, celui d'un haut responsable des renseignements et j'avais été reçu par le président SLEIMAN.
Je reviens aujourd'hui dans un contexte lourd que vous connaissez la sécurité qui est toujours menacée, la guerre à vos portes, le terrorisme, les difficultés économiques - et donc je voulais montrer, comme vous le faites d'ailleurs à travers votre présence ici, la solidarité de la France à l'égard du Liban.
La solidarité, le mot est faible : l'amitié de la France à l'égard du Liban. Je suis venu avec le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, parce que nous avons besoin de rassurer nos amis libanais - ce que j'ai fait auprès du Premier ministre comme auprès du Président du Parlement. Mais nous voulons aussi montrer que la vie doit l'emporter sur toutes les peurs, toutes les menaces. C'est pourquoi je tenais aussi à ce que la ministre de la Culture, Audrey AZOULAY, puisse être ici et dialoguer avec son homologue pour porter la belle aventure de la francophonie.
Je voudrais saluer aussi des parlementaires qui sont également présents et qui témoignent des liens profonds, intenses qui unissent beaucoup de nos territoires avec le Liban.
C'est vrai que nous sommes dans un lieu, Monsieur l'Ambassadeur, votre résidence, qui est un lieu d'histoire. N'ayez pas peur, nous ne viendrons pas nous y installer quoi qu'il arrive même si la tentation existe, j'en conviens. C'est un lieu d'histoire de France et d'histoire du Liban puisque c'est ici que le Général de Gaulle en 1941 était venu pour dire son amour pour le Liban. Il avait eu cette phrase qui était que les Libanais étaient le seul peuple au monde dont le cur n'avait cessé de battre au rythme du cur de la France. Aujourd'hui encore le peuple français a le cur qui bat chaque fois que le Liban peut être menacé. Je suis sûr que les Libanais - et vous ici au Liban - vous avez le cur qui bat quand on essaie de nous attaquer, en France, ce qui s'est produit.
Par une coïncidence qui n'en était d'ailleurs pas une, avant le 13 novembre, il y avait eu un attentat ici même à Beyrouth, c'est-à-dire que le Liban était visé, comme la France, parce que le Liban et la France portent d'une certaine façon et dans des conditions différentes, les mêmes valeurs de liberté, de pluralisme, de tolérance. En attaquant le Liban, on attaquait la France et en attaquant la France, on attaquait ce qui ici est en jeu au Liban.
Alors je venais ici aujourd'hui et j'y serai aussi demain - pour marquer d'abord mon respect à l'égard des autorités libanaises et notamment du Premier ministre Tammam SALAM, parce qu'il a tenu bon au-delà des épreuves. Il avait fait en sorte avec son gouvernement de pouvoir gérer le Liban dans ce contexte si difficile, de pouvoir assurer sa sécurité et également d'accueillir des réfugiés, des réfugiés en grand nombre car le Liban a fait en sorte de pouvoir fournir un soutien à un 1,5 million de réfugiés (et sans doute le chiffre est-il encore sous-estimé). Parce qu'il y a eu une solidarité humaine, qu'il n'y a pas eu forcément les camps comme ailleurs, on a fini par oublier que le Liban avait une large part du fardeau de la crise syrienne.
C'est pourquoi j'ai voulu rappeler aussi bien au Premier ministre qu'au président du Parlement Nabih BERRI, que la France allait prendre une nouvelle initiative de réunir le groupe international d'aide au Liban de façon à ce que la mobilisation de la communauté internationale soit la plus large possible et que dès le mois de mai, nous puissions fédérer toutes les initiatives, agréger tous les soutiens, tous les concours pour que le Liban puisse être soutenu comme il le mérite. Je sais aussi ce qu'il y a dans l'esprit de beaucoup de Libanais et vous partagez cette préoccupation : ne pas vouloir que ces réfugiés qui sont venus de Syrie puissent considérer qu'ils auraient maintenant leur avenir ici. Non, leur avenir est en Syrie. Nous devons tout faire pour que la Syrie puisse trouver une issue après quatre années de drames, de tragédies, de massacres, de bombardements. Nous sommes sans doute dans un moment crucial puisque la trêve, même si elle n'est pas complètement respectée, a permis de retrouver le chemin de la discussion, de la négociation avec la perspective d'une transition politique. La France y prendra toute sa part. Comme la France parle à tous les partenaires les plus différents (l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Iran, bien sûr la Russie, les Etats-Unis, l'ensemble des pays qui sont confrontés au même mal, aux mêmes drames, des pays qui peuvent jouer aussi un rôle), nous devons saisir cette opportunité et être sévère à l'égard de ceux qui voudraient l'entraver parce que nous devons assurer un avenir à la Syrie. Nous devons d'ailleurs montrer qu'il est possible de reconstruire un pays - vous le faites ici et vous l'avez fait avec vraiment un sens aigu de la réconciliation d'abord, et de la qualité de ce que l'on pouvait faire ensemble pour donner une nouvelle image du Liban.
Nous avons aussi à assurer la sécurité du Liban. Vous savez que - je salue ici les militaires qui sont présents - la FINUL est là depuis de longues années. Vous savez aussi ce qu'a été le sacrifice de beaucoup de nos soldats et j'aurai l'occasion une fois encore de témoigner la gratitude de la France à leur égard. J'ai donc confirmé que la France continuerait -et le ministre de la Défense s'y est engagé - à maintenir nos effectifs dans le cadre de la FINUL. Mais nous devons faire davantage. Nous devons donner au Liban les capacités militaires que ce pays attend. Ce pays veut se défendre, veut se protéger. Son armée nationale a aussi montré cette volonté, cette capacité, cette qualité. Alors j'ai décidé que nous ferions en sorte d'apporter immédiatement les moyens matériels et les moyens aussi capacitaires pour que l'armée libanaise puisse être renforcée dans les prochains jours.
Et puis, j'y reviens, il y a la question des réfugiés. Cette question n'est pas simplement celle que les Libanais ont à affronter, c'est une question qui nous intéresse tous, et d'abord l'Europe et la France. Pendant près de quatre ans, l'Europe a pensé que la crise syrienne, la crise irakienne qui provoquaient des millions de déplacés, des millions de réfugiés n'auraient aucune conséquence sur notre propre situation. Une forme d'aveuglement où déjà la communauté internationale n'était pas suffisamment mobilisée pour mettre un terme à ce conflit, mais aussi pas assez consciente que lorsque des millions de personnes ne savent plus où aller, elles finissent par traverser la mer tout simplement pour aller chercher refuge et protection dans nos propres pays.
Alors, soulager le Liban, aider le Liban, soutenir les réfugiés, c'est aussi s'aider soi-même pour que nous ne soyons pas confrontés à des afflux, nous-mêmes, de migrants, de réfugiés, au risque de leur propre vie. Ils viennent également altérer l'idée même que nous nous faisons de l'Europe à travers les contrôles aux frontières, les barrières alors même que nous devons protéger notre frontière extérieure mais en même temps continuer à accorder l'asile.
J'ai donc décidé là encore que nous aiderions le Liban pour faire face à cette charge, à cette exigence de solidarité. Dès cette année, nous mettrons à disposition du Liban 50 millions d'euros pour qu'il y ait justement ce soutien et dans les deux prochaines années 100 millions d'euros parce que c'est notre devoir. Mais j'aurais pu m'arrêter là en disant que finalement, financièrement, nous avions pris notre part, nous sommes quitte, nous avons payé notre dette morale. Non, nous avons aussi à réinstaller des réfugiés qui sont aujourd'hui au Liban, pour les accueillir en France. En 2015, il y a eu mille réfugiés qui ont pu avoir l'accès à ce mécanisme qu'on appelle de réinstallation. Nous avons donc décidé de porter à deux mille l'effort supplémentaire que nous devons faire pour l'année 2016 et 2017. C'est-à-dire que nous allons faire un effort supplémentaire pour accueillir mille réfugiés de plus sur les deux prochaines années et de faire en sorte que ce soit à la fois pour ces réfugiés une solution et pour les familles ou pour les communes qui les accueilleront, les meilleures conditions qui pourraient leur être offertes. Nous voulons le faire parce que c'est une solidarité à l'égard du Liban, à l'égard des réfugiés, et aussi à l'égard de la Syrie parce que nous considérons que ces familles doivent être prioritairement accueillies dans notre pays.
Nous voulons aussi que les Libanais puissent s'aider eux-mêmes mais nous n'avons pas de leçon à leur donner. Nous avons simplement à faire ce constat : quand il n'y a pas d'institutions solides, il y a toujours un risque pour un pays, surtout quand les épreuves sont là. Depuis deux ans, le Liban n'a pas de Président de la République. Depuis deux ans, le Liban cherche à en élire un et je pense qu'il ne faut pas compter sur le temps pour trouver une solution. Le Parlement libanais doit souverainement décider et nous attendons qu'il le fasse parce que c'est l'intérêt du Liban, c'est même l'intérêt de la région, c'est l'intérêt de la communauté internationale. Il ne faut pas non plus compter sur des influences extérieures, elles existent, mais ce ne sont pas des puissances étrangères, pas même la France, qui peuvent décider à la place des Libanais. Alors je fais confiance au Parlement libanais pour qu'il puisse non seulement trouver la voie d'un compromis pour élire un Président de la République, former un gouvernement d'unité nationale, procéder à des élections législatives. Je lui fais aussi confiance à ce peuple libanais qui a tant souffert pour qu'il comprenne bien que ses institutions sont aussi son bouclier. Je le fais sans arrière-pensée parce que nous n'avons pas de candidat pour l'élection présidentielle au Liban et nous devons être sans arrière-pensée et sans calcul parce que ce sont finalement les Libanais qui doivent décider. Nous, la France, nous n'avons qu'un seul enjeu, nous n'avons qu'un seul candidat si je puis dire, c'est le Liban lui-même. Et c'est pourquoi nous attendons avec espoir qu'il y ait cette solution.
Il y a l'image que donne le Liban. Je suis de la génération qui a vécu, comme beaucoup d'entre vous, douloureusement, ce qu'était la guerre civile au Liban. Et puis aussi cette capacité formidable de se reconstituer, de se reformer, de refaire un peuple et d'aboutir à cette reconstruction avec cette pluralité - 18 communautés confessionnelles au Liban - et cette exigence du vivre ensemble quelles que soient les difficultés.
Alors vous, la communauté française du Liban, vous êtes au cur de cette richesse, de cette façon de vivre dans la liberté, dans le pluralisme et dans la tolérance. Pour beaucoup d'entre vous, vous avez des racines profondes au Liban et j'imagine qu'il y a même beaucoup de doubles nationaux, ce qui est une chance pour notre pays, qui aiment à la fois le Liban et la France. Vous faites en sorte dans vos responsabilités, dans vos fonctions, dans vos métiers, de servir le Liban et la France. Il y a aujourd'hui grâce à vous une relation économique qui est intense avec le Liban. Nous exportons d'ailleurs plus vers le Liban que nous n'importons du Liban. Je pense que nous devons le faire dans les deux sens parce que c'est l'intérêt là aussi de nos deux pays. Il y a de grandes entreprises - et j'imagine qu'il y a ici plusieurs de leurs représentants - qui sont présentes au Liban, qui l'ont toujours été, qui ont veillé à le rester. Et puis il y a aussi beaucoup de petites et moyennes entreprises qui font l'effort et aussi ont le bonheur de travailler ici. Vous travaillez vous tous et toutes pour la langue française et je veux là encore exprimer ma gratitude : 41 établissements à programme français, homologués par la ministre de l'Education nationale. Il y a 55.000 élèves dont près de 90% de Libanais qui sont dans ces établissements. Je veux saluer tous les enseignants, tous ceux qui encadrent ces élèves parce qu'ils font vraiment un beau métier et servent une belle vocation. Et puis quand on a été scolarisé en français, on va l'université francophone, à l'université Saint Joseph 12.000 étudiants, parlant tous français - à l'université libanaise et toutes ses ramifications dans le pays et donc là aussi c'est une chance pour le Liban. Mais c'est une chance pour la France qu'on puisse parler français, apprendre en français, chercher en français, transmettre en français et écrire en français, d'où l'enjeu culturel. Nous avons beaucoup d'artistes, d'écrivains, de plasticiens qui font en sorte de partager leur culture au bénéfice même de la francophonie. Il y aura d'ailleurs un grand salon international de la francophonie à Beyrouth au mois de novembre. On me dit que c'est le troisième du monde cela doit être le premier parce que c'est le premier qui, avec cette force, veut montrer que la francophonie existe ici au Moyen-Orient, que la culture française est là au Moyen-Orient et qu'elle est au service de la paix, du dialogue, de la tolérance et de la liberté.
Mais nous n'avons pas que de la culture au sens du patrimoine, nous avons de la création et nous avons aussi un incubateur de start-up, French Tech je ne sais pas pourquoi d'ailleurs on appelle cela French Tech mais enfin cela doit être la modernité - pour montrer que nous sommes les meilleurs. Et nous sommes d'ailleurs les meilleurs en matière de nouvelles technologies. En France, on dit qu'on est les meilleurs qu'en dehors de France. Moi je le fais aussi ici même si nous sommes dans cette résidence en France mais il faut se persuader que nous sommes dans beaucoup de domaines les meilleurs parce qu'on ne le dira pas à notre place. Même si on nous aime beaucoup et on nous aime beaucoup partout dans le monde, quand on dit qu'on est les meilleurs, on prend cela pour de l'arrogance. Donc disons-le, au moins entre nous, au-delà de nous et surtout faisons-le, montrons-le que nous sommes effectivement les meilleurs.
Alors je termine pour vous remercier de ce que vous faites ici pour cette double culture que vous avez, française et libanaise. Je sais qu'il y a des amis libanais qui nous ont rejoints car ils nous sont proches, d'ailleurs tout Libanais d'une certaine façon, est proche de la France, quelle que soit sa confession, quelle que soit son origine et vous nous apportez ici la force de l'amitié entre nos deux pays, la France et le Liban. Et c'est vrai que beaucoup de Libanais sont partout dans le monde. Ce qui fait que chaque fois que je me déplace en Amérique latine, en Afrique, je suis d'une certaine façon avec des Français et avec des Libanais. Et quand je ne le dis pas, ils viennent vers moi et ils me disent : nous sommes du Liban et parfois du Liban de Paris, ce qui, c'est vrai, nous donne à ce moment-là une forme de bonheur à partager. Savoir qu'il y a autant de Libanais partout dans le monde qui parlent le français - 16 millions et encore ils ne doivent pas être pas tous recensés - c'est finalement le plus beau service qu'ils pouvaient nous donner, rappelant ainsi le mot du Général de GAULLE.
Alors nous voulons être aux côtés du Liban. Vous êtes, vous, au Liban. C'est d'ailleurs le plus beau geste que vous pouviez faire, être au Liban et nous, la France, nous sommes aux côtés du Liban parce que nous aimons le Liban, un Liban souverain, un Liban indépendant, un Liban pluriel, multiconfessionnel, un Liban ouvert sur l'extérieur pour que le Liban reste toujours le Liban et la France toujours aux côtés du Liban.Merci.
Mes chers compatriotes,
Je suis donc ici à Beyrouth. C'est la deuxième visite que je fais depuis que je suis élu Président de la République. La première, c'était en novembre 2012, la situation était déjà délicate : un assassinat venait de se produire, celui d'un haut responsable des renseignements et j'avais été reçu par le président SLEIMAN.
Je reviens aujourd'hui dans un contexte lourd que vous connaissez la sécurité qui est toujours menacée, la guerre à vos portes, le terrorisme, les difficultés économiques - et donc je voulais montrer, comme vous le faites d'ailleurs à travers votre présence ici, la solidarité de la France à l'égard du Liban.
La solidarité, le mot est faible : l'amitié de la France à l'égard du Liban. Je suis venu avec le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, parce que nous avons besoin de rassurer nos amis libanais - ce que j'ai fait auprès du Premier ministre comme auprès du Président du Parlement. Mais nous voulons aussi montrer que la vie doit l'emporter sur toutes les peurs, toutes les menaces. C'est pourquoi je tenais aussi à ce que la ministre de la Culture, Audrey AZOULAY, puisse être ici et dialoguer avec son homologue pour porter la belle aventure de la francophonie.
Je voudrais saluer aussi des parlementaires qui sont également présents et qui témoignent des liens profonds, intenses qui unissent beaucoup de nos territoires avec le Liban.
C'est vrai que nous sommes dans un lieu, Monsieur l'Ambassadeur, votre résidence, qui est un lieu d'histoire. N'ayez pas peur, nous ne viendrons pas nous y installer quoi qu'il arrive même si la tentation existe, j'en conviens. C'est un lieu d'histoire de France et d'histoire du Liban puisque c'est ici que le Général de Gaulle en 1941 était venu pour dire son amour pour le Liban. Il avait eu cette phrase qui était que les Libanais étaient le seul peuple au monde dont le cur n'avait cessé de battre au rythme du cur de la France. Aujourd'hui encore le peuple français a le cur qui bat chaque fois que le Liban peut être menacé. Je suis sûr que les Libanais - et vous ici au Liban - vous avez le cur qui bat quand on essaie de nous attaquer, en France, ce qui s'est produit.
Par une coïncidence qui n'en était d'ailleurs pas une, avant le 13 novembre, il y avait eu un attentat ici même à Beyrouth, c'est-à-dire que le Liban était visé, comme la France, parce que le Liban et la France portent d'une certaine façon et dans des conditions différentes, les mêmes valeurs de liberté, de pluralisme, de tolérance. En attaquant le Liban, on attaquait la France et en attaquant la France, on attaquait ce qui ici est en jeu au Liban.
Alors je venais ici aujourd'hui et j'y serai aussi demain - pour marquer d'abord mon respect à l'égard des autorités libanaises et notamment du Premier ministre Tammam SALAM, parce qu'il a tenu bon au-delà des épreuves. Il avait fait en sorte avec son gouvernement de pouvoir gérer le Liban dans ce contexte si difficile, de pouvoir assurer sa sécurité et également d'accueillir des réfugiés, des réfugiés en grand nombre car le Liban a fait en sorte de pouvoir fournir un soutien à un 1,5 million de réfugiés (et sans doute le chiffre est-il encore sous-estimé). Parce qu'il y a eu une solidarité humaine, qu'il n'y a pas eu forcément les camps comme ailleurs, on a fini par oublier que le Liban avait une large part du fardeau de la crise syrienne.
C'est pourquoi j'ai voulu rappeler aussi bien au Premier ministre qu'au président du Parlement Nabih BERRI, que la France allait prendre une nouvelle initiative de réunir le groupe international d'aide au Liban de façon à ce que la mobilisation de la communauté internationale soit la plus large possible et que dès le mois de mai, nous puissions fédérer toutes les initiatives, agréger tous les soutiens, tous les concours pour que le Liban puisse être soutenu comme il le mérite. Je sais aussi ce qu'il y a dans l'esprit de beaucoup de Libanais et vous partagez cette préoccupation : ne pas vouloir que ces réfugiés qui sont venus de Syrie puissent considérer qu'ils auraient maintenant leur avenir ici. Non, leur avenir est en Syrie. Nous devons tout faire pour que la Syrie puisse trouver une issue après quatre années de drames, de tragédies, de massacres, de bombardements. Nous sommes sans doute dans un moment crucial puisque la trêve, même si elle n'est pas complètement respectée, a permis de retrouver le chemin de la discussion, de la négociation avec la perspective d'une transition politique. La France y prendra toute sa part. Comme la France parle à tous les partenaires les plus différents (l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Iran, bien sûr la Russie, les Etats-Unis, l'ensemble des pays qui sont confrontés au même mal, aux mêmes drames, des pays qui peuvent jouer aussi un rôle), nous devons saisir cette opportunité et être sévère à l'égard de ceux qui voudraient l'entraver parce que nous devons assurer un avenir à la Syrie. Nous devons d'ailleurs montrer qu'il est possible de reconstruire un pays - vous le faites ici et vous l'avez fait avec vraiment un sens aigu de la réconciliation d'abord, et de la qualité de ce que l'on pouvait faire ensemble pour donner une nouvelle image du Liban.
Nous avons aussi à assurer la sécurité du Liban. Vous savez que - je salue ici les militaires qui sont présents - la FINUL est là depuis de longues années. Vous savez aussi ce qu'a été le sacrifice de beaucoup de nos soldats et j'aurai l'occasion une fois encore de témoigner la gratitude de la France à leur égard. J'ai donc confirmé que la France continuerait -et le ministre de la Défense s'y est engagé - à maintenir nos effectifs dans le cadre de la FINUL. Mais nous devons faire davantage. Nous devons donner au Liban les capacités militaires que ce pays attend. Ce pays veut se défendre, veut se protéger. Son armée nationale a aussi montré cette volonté, cette capacité, cette qualité. Alors j'ai décidé que nous ferions en sorte d'apporter immédiatement les moyens matériels et les moyens aussi capacitaires pour que l'armée libanaise puisse être renforcée dans les prochains jours.
Et puis, j'y reviens, il y a la question des réfugiés. Cette question n'est pas simplement celle que les Libanais ont à affronter, c'est une question qui nous intéresse tous, et d'abord l'Europe et la France. Pendant près de quatre ans, l'Europe a pensé que la crise syrienne, la crise irakienne qui provoquaient des millions de déplacés, des millions de réfugiés n'auraient aucune conséquence sur notre propre situation. Une forme d'aveuglement où déjà la communauté internationale n'était pas suffisamment mobilisée pour mettre un terme à ce conflit, mais aussi pas assez consciente que lorsque des millions de personnes ne savent plus où aller, elles finissent par traverser la mer tout simplement pour aller chercher refuge et protection dans nos propres pays.
Alors, soulager le Liban, aider le Liban, soutenir les réfugiés, c'est aussi s'aider soi-même pour que nous ne soyons pas confrontés à des afflux, nous-mêmes, de migrants, de réfugiés, au risque de leur propre vie. Ils viennent également altérer l'idée même que nous nous faisons de l'Europe à travers les contrôles aux frontières, les barrières alors même que nous devons protéger notre frontière extérieure mais en même temps continuer à accorder l'asile.
J'ai donc décidé là encore que nous aiderions le Liban pour faire face à cette charge, à cette exigence de solidarité. Dès cette année, nous mettrons à disposition du Liban 50 millions d'euros pour qu'il y ait justement ce soutien et dans les deux prochaines années 100 millions d'euros parce que c'est notre devoir. Mais j'aurais pu m'arrêter là en disant que finalement, financièrement, nous avions pris notre part, nous sommes quitte, nous avons payé notre dette morale. Non, nous avons aussi à réinstaller des réfugiés qui sont aujourd'hui au Liban, pour les accueillir en France. En 2015, il y a eu mille réfugiés qui ont pu avoir l'accès à ce mécanisme qu'on appelle de réinstallation. Nous avons donc décidé de porter à deux mille l'effort supplémentaire que nous devons faire pour l'année 2016 et 2017. C'est-à-dire que nous allons faire un effort supplémentaire pour accueillir mille réfugiés de plus sur les deux prochaines années et de faire en sorte que ce soit à la fois pour ces réfugiés une solution et pour les familles ou pour les communes qui les accueilleront, les meilleures conditions qui pourraient leur être offertes. Nous voulons le faire parce que c'est une solidarité à l'égard du Liban, à l'égard des réfugiés, et aussi à l'égard de la Syrie parce que nous considérons que ces familles doivent être prioritairement accueillies dans notre pays.
Nous voulons aussi que les Libanais puissent s'aider eux-mêmes mais nous n'avons pas de leçon à leur donner. Nous avons simplement à faire ce constat : quand il n'y a pas d'institutions solides, il y a toujours un risque pour un pays, surtout quand les épreuves sont là. Depuis deux ans, le Liban n'a pas de Président de la République. Depuis deux ans, le Liban cherche à en élire un et je pense qu'il ne faut pas compter sur le temps pour trouver une solution. Le Parlement libanais doit souverainement décider et nous attendons qu'il le fasse parce que c'est l'intérêt du Liban, c'est même l'intérêt de la région, c'est l'intérêt de la communauté internationale. Il ne faut pas non plus compter sur des influences extérieures, elles existent, mais ce ne sont pas des puissances étrangères, pas même la France, qui peuvent décider à la place des Libanais. Alors je fais confiance au Parlement libanais pour qu'il puisse non seulement trouver la voie d'un compromis pour élire un Président de la République, former un gouvernement d'unité nationale, procéder à des élections législatives. Je lui fais aussi confiance à ce peuple libanais qui a tant souffert pour qu'il comprenne bien que ses institutions sont aussi son bouclier. Je le fais sans arrière-pensée parce que nous n'avons pas de candidat pour l'élection présidentielle au Liban et nous devons être sans arrière-pensée et sans calcul parce que ce sont finalement les Libanais qui doivent décider. Nous, la France, nous n'avons qu'un seul enjeu, nous n'avons qu'un seul candidat si je puis dire, c'est le Liban lui-même. Et c'est pourquoi nous attendons avec espoir qu'il y ait cette solution.
Il y a l'image que donne le Liban. Je suis de la génération qui a vécu, comme beaucoup d'entre vous, douloureusement, ce qu'était la guerre civile au Liban. Et puis aussi cette capacité formidable de se reconstituer, de se reformer, de refaire un peuple et d'aboutir à cette reconstruction avec cette pluralité - 18 communautés confessionnelles au Liban - et cette exigence du vivre ensemble quelles que soient les difficultés.
Alors vous, la communauté française du Liban, vous êtes au cur de cette richesse, de cette façon de vivre dans la liberté, dans le pluralisme et dans la tolérance. Pour beaucoup d'entre vous, vous avez des racines profondes au Liban et j'imagine qu'il y a même beaucoup de doubles nationaux, ce qui est une chance pour notre pays, qui aiment à la fois le Liban et la France. Vous faites en sorte dans vos responsabilités, dans vos fonctions, dans vos métiers, de servir le Liban et la France. Il y a aujourd'hui grâce à vous une relation économique qui est intense avec le Liban. Nous exportons d'ailleurs plus vers le Liban que nous n'importons du Liban. Je pense que nous devons le faire dans les deux sens parce que c'est l'intérêt là aussi de nos deux pays. Il y a de grandes entreprises - et j'imagine qu'il y a ici plusieurs de leurs représentants - qui sont présentes au Liban, qui l'ont toujours été, qui ont veillé à le rester. Et puis il y a aussi beaucoup de petites et moyennes entreprises qui font l'effort et aussi ont le bonheur de travailler ici. Vous travaillez vous tous et toutes pour la langue française et je veux là encore exprimer ma gratitude : 41 établissements à programme français, homologués par la ministre de l'Education nationale. Il y a 55.000 élèves dont près de 90% de Libanais qui sont dans ces établissements. Je veux saluer tous les enseignants, tous ceux qui encadrent ces élèves parce qu'ils font vraiment un beau métier et servent une belle vocation. Et puis quand on a été scolarisé en français, on va l'université francophone, à l'université Saint Joseph 12.000 étudiants, parlant tous français - à l'université libanaise et toutes ses ramifications dans le pays et donc là aussi c'est une chance pour le Liban. Mais c'est une chance pour la France qu'on puisse parler français, apprendre en français, chercher en français, transmettre en français et écrire en français, d'où l'enjeu culturel. Nous avons beaucoup d'artistes, d'écrivains, de plasticiens qui font en sorte de partager leur culture au bénéfice même de la francophonie. Il y aura d'ailleurs un grand salon international de la francophonie à Beyrouth au mois de novembre. On me dit que c'est le troisième du monde cela doit être le premier parce que c'est le premier qui, avec cette force, veut montrer que la francophonie existe ici au Moyen-Orient, que la culture française est là au Moyen-Orient et qu'elle est au service de la paix, du dialogue, de la tolérance et de la liberté.
Mais nous n'avons pas que de la culture au sens du patrimoine, nous avons de la création et nous avons aussi un incubateur de start-up, French Tech je ne sais pas pourquoi d'ailleurs on appelle cela French Tech mais enfin cela doit être la modernité - pour montrer que nous sommes les meilleurs. Et nous sommes d'ailleurs les meilleurs en matière de nouvelles technologies. En France, on dit qu'on est les meilleurs qu'en dehors de France. Moi je le fais aussi ici même si nous sommes dans cette résidence en France mais il faut se persuader que nous sommes dans beaucoup de domaines les meilleurs parce qu'on ne le dira pas à notre place. Même si on nous aime beaucoup et on nous aime beaucoup partout dans le monde, quand on dit qu'on est les meilleurs, on prend cela pour de l'arrogance. Donc disons-le, au moins entre nous, au-delà de nous et surtout faisons-le, montrons-le que nous sommes effectivement les meilleurs.
Alors je termine pour vous remercier de ce que vous faites ici pour cette double culture que vous avez, française et libanaise. Je sais qu'il y a des amis libanais qui nous ont rejoints car ils nous sont proches, d'ailleurs tout Libanais d'une certaine façon, est proche de la France, quelle que soit sa confession, quelle que soit son origine et vous nous apportez ici la force de l'amitié entre nos deux pays, la France et le Liban. Et c'est vrai que beaucoup de Libanais sont partout dans le monde. Ce qui fait que chaque fois que je me déplace en Amérique latine, en Afrique, je suis d'une certaine façon avec des Français et avec des Libanais. Et quand je ne le dis pas, ils viennent vers moi et ils me disent : nous sommes du Liban et parfois du Liban de Paris, ce qui, c'est vrai, nous donne à ce moment-là une forme de bonheur à partager. Savoir qu'il y a autant de Libanais partout dans le monde qui parlent le français - 16 millions et encore ils ne doivent pas être pas tous recensés - c'est finalement le plus beau service qu'ils pouvaient nous donner, rappelant ainsi le mot du Général de GAULLE.
Alors nous voulons être aux côtés du Liban. Vous êtes, vous, au Liban. C'est d'ailleurs le plus beau geste que vous pouviez faire, être au Liban et nous, la France, nous sommes aux côtés du Liban parce que nous aimons le Liban, un Liban souverain, un Liban indépendant, un Liban pluriel, multiconfessionnel, un Liban ouvert sur l'extérieur pour que le Liban reste toujours le Liban et la France toujours aux côtés du Liban.Merci.