29 mars 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le championnat d'Europe de football organisé en France en juin et juillet 2016, à Vincennes le 29 mars 2016.


Monsieur le ministre,
Monsieur le président de la Fédération française de football,
Monsieur le président de l'Euro 2016,
Monsieur le président de l'INSEP,
Monsieur le directeur général,
Merci pour votre accueil dans ce lieu exceptionnel où nous nous retrouvons, à la fois les sportifs, ceux qui s'entraînent chaque jour, les encadrants, ceux qui permettent qu'il y ait des performances sans cesse plus élevées et aussi tous les dirigeants, cadres, techniciens, professionnels de ce grand établissement. Je suis ravi de voir aussi des jeunes, venus de nombreuses villes, qui pratiquent des sports très différents, à la fois dans les disciplines olympiques et paralympiques et je veux les associer à la préparation de ce grand événement qui s'appelle l'Euro 2016.
C'est un grand événement parce que nous allons recevoir des millions de personnes, autour d'une compétition de très haut niveau. C'est un grand événement parce que c'est un enjeu sportif, mais nous avons voulu en faire un enjeu culturel, social, économique et d'une certaine façon, politique, au meilleur sens du terme. C'est-à-dire un enjeu de rassemblement, d'unité, de respect, de tolérance et dans le contexte que nous connaissons, aussi, une forme de réponse, à la haine, à la division, à la peur, à l'horreur. Cet Euro 2016, non seulement il n'a jamais été question de le reporter, de le supprimer, qu'aurait-on dit de la France ? Qu'aurait-on dit de l'Europe face à une menace qui existe, que nous ne pouvons pas écarter, nier, occulter ? On sait ce qui s'est passé, à Paris, à Saint-Denis, nous y étions, Monsieur le président et beaucoup de ceux qui sont ici rassemblés étaient aussi au Stade de France, nous ne nions rien de ce qui s'est produit à Bruxelles, mais l'Euro 2016 doit être une façon de répondre. D'abord et j'y reviendrai, en y mettant toute la sécurité nécessaire, mais en y mettant aussi la mobilisation indispensable et c'est cette mobilisation que je suis venu saluer aujourd'hui.
Mobilisation bien sûr, des membres de l'équipe de France, mobilisation aussi de tous ceux qui ont voulu faire de l'Euro 2016 un grand rendez-vous. C'est ce que j'avais lancé, c'était le 30 mai dernier et j'avais demandé à 11 personnalités d'être des inventeurs et des ambassadeurs. Des inventeurs d'une manière de faire l'Euro 2016 comme nous n'avions jamais connu une compétition sportive, c'est-à-dire de pouvoir lui donner une densité, une qualité, une intensité, avec un élargissement des points de vue et des objectifs. Puis j'avais voulu aussi en faire des ambassadeurs, qu'ils puissent aller vers des publics qui n'assisteront pas aux matchs, qui peut-être ne les verront même pas à la télévision, à ceux qui sont loin, loin de tout, pour qu'ils puissent être aussi insérés, impliqués.
D'abord sur le plan économique, nous voulions que l'Euro 2016 soit un facteur de création d'emplois. Je remercie les entreprises partenaires d'abord, parce qu'elles ont voulu s'investir. Mais l'Euro 2016 c'était aussi une opportunité, qu'il ne fallait pas laisser passer et c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place des formations avec Pôle emploi. Il y a eu de nombreux accords qui ont été passés avec les entreprises locales, celles qui avaient pu construire les stades, ou les rénover, celles qui allaient accueillir les touristes, celles qui allaient assurer leur transport. Nous avons évalué ce que pouvait représenter l'Euro 2016 en termes de créations d'emplois, au-delà des 20.000 qui ont été ou maintenus, ou créés, avec la construction et la rénovation des stades, nous avons pu estimer à 10.000 le nombre d'emplois générés par l'organisation de l'Euro 2016. Nous avons voulu avoir la certitude que ces emplois-là ne seraient pas des emplois précaires juste le temps de l'événement, mais qu'ils puissent être des emplois durables pour toutes celles et tous ceux qui auront l'opportunité de travailler avec l'Euro 2016.
Les secteurs que nous avons identifiés sont ceux de la sécurité, nécessairement, mais nous savons que les métiers de la sécurité, - compte tenu du contexte que nous connaissons, - sont promis à un avenir, mais qu'il ne s'agit pas de faire de la sécurité comme avant, c'est un métier. Cela suppose une qualification, cela suppose qu'il y ait également une carrière professionnelle qui puisse être prévue et d'ailleurs la loi que nous présentons pour débat au Parlement dans ces prochains jours, vise précisément à donner de la formation supplémentaire. Il y a d'ores et déjà à peu près 3000 postes qui ont été créés, à l'occasion de l'Euro, pour la sécurité, les entreprises qui ont fait ces recrutements nous ont assuré qu'elles allaient garder les jeunes, ou moins jeunes, employés dans ce cadre. Nous savons également qu'il y a aujourd'hui 2000 demandeurs d'emploi qui sont en formation dans ces métiers et qui pourront également être employés pendant l'Euro et après l'Euro. Il y a d'autres opportunités, dans le secteur du tourisme, dans le secteur de l'hôtellerie, dans le secteur des transports, dans le secteur du numérique et on a eu l'occasion de voir - et j'y reviendrai - ces développements, ils sont considérables.
Le secteur sportif est un secteur économique, il y a une économie du sport, et par exemple en termes de dépenses que nous réalisons pour une activité sportive, ou liées à des équipements sportifs, nous favorisons la croissance. La France est le troisième marché européen en termes de dépenses liées au sport. Alors l'idée et je sais pouvoir compter sur le concours ici de beaucoup, c'est de structurer cette filière, de faire en sorte qu'elle soit la plus compétitive, à la fois pour construire des stades ou des équipements sportifs, ou pour assurer les technologies qui accompagnent les pratiques sportives, ou pour les articles de sport, le vêtement de sport, bref tout ce qui peut accompagner le développement de la pratique sportive. Je vais prendre un exemple, le numérique et je remercie Frédéric MAZZELLA d'avoir rassemblé des start-up. Nous avons pu voir comment un événement comme l'Euro 2016 pouvait générer des besoins qui eux-mêmes pouvaient être traités par le numérique. Alors, il y a une application qui va être l'application Euro 2016, à l'initiative de l'organisation et qui va faire qu'en un seul clic on pourra avoir toutes les informations sur les résultats, sur les données, sur les transports, et ce sera un puissant appui pour la réussite de l'Euro 2016. Mais il y a d'autres applications qui font permettre également de favoriser l'intérêt pour l'événement.
Le numérique, les technologies nouvelles on les retrouvera pour la fabrication des stades, ainsi à Lyon, il y a eu un stade qui a utilisé considérablement le numérique, il est 100 % connecté. Nous devons nous dire que le sport c'est à la fois une question de pratique personnelle, de goût, de passion, mais c'est aussi un facteur de croissance et de développement économique et d'invention de technologies nouvelles.
Alors, nous voulons aussi que ces technologies, que nous allons montrer à l'occasion de l'Euro 2016, puissent nous servir pour la préparation de la candidature pour les Jeux Olympiques de 2024, car si nous démontrons que nous sommes les meilleurs, je ne parle pas simplement du plan sportif, pour l'organisation de l'Euro 2016, ce sera un puissant appui pour la candidature de Paris pour 2024. Tony ESTANGUET porte cette candidature et il a voulu qu'elle puisse être aussi exemplaire en matière de développement durable, d'environnement, de lutte contre le réchauffement climatique. Il a lui aussi inventé, avec ses équipes, une manière d'optimiser les déplacements que les fédérations organisent chaque fin de semaine, à la fois pour leur calendrier, pour les transports, pour l'organisation d'un certain nombre de compétitions. Au moins 20 fédérations se sont déjà impliquées, il y en a 117, donc nous avons là un puissant levier d'économies, d'abord pour les clubs et aussi de performance écologique pour notre pays.
Nous voulons aussi qu'on puisse rapprocher, à l'occasion de l'Euro 2016, le sport et la culture, et là aussi je remercie Isabelle GIORDANO d'avoir mis à la disposition des clubs une forme de kit qui comportera des livres, des DVD, des films, qui montreront que la culture s'est toujours intéressée au sport. Le sport a été un sujet et pour la littérature et pour les arts plastiques et bien sûr pour le cinéma, un sujet d'émotion considérable. Nous devons conduire les jeunes sportifs, ceux qui parfois sont loin de la pratique culturelle, vers la découverte, la découverte du sport pour ceux qui s'intéressent à la culture et la découverte de la culture pour ceux qui se passionnent pour le sport
Nous voulons aussi, à l'occasion de l'Euro 2016, faire bouger les choses, c'est-à-dire bouger les Français. Ce n'est pas toujours facile, encore que quelquefois, ils se bougent sans qu'on leur demande. Nous devons là cependant faire en sorte qu'ils puissent, à travers une pratique sportive, prévenir un certain nombre de risques pour leur santé. Parfois, le sport peut même guérir, mais nous devons nous donner un objectif et Michel CYMES nous l'a fixé, puisqu'il a considéré, à partir d'expériences, que nous devions lutter contre la sédentarité. Que veut dire la sédentarité ? Cela veut dire en fait l'immobilité, je n'ose pas dire immobilisme, qui est une autre forme de sédentarité. Pour faire bouger les Françaises et les Français, il faut donc que des exemples puissent être donnés. Il nous a donc fixé un objectif, à chacune et à chacun d'entre nous et je me sens forcément concerné : c'est marcher 6000 pas par jour. Si on s'en tient à cet objectif, il sera possible de diviser le nombre de sédentaires par deux, c'est-à-dire d'ici 10 ans être capable d'avoir considérablement changé et le rapport à notre propre corps et le rapport aussi à la société car bouger, c'est aussi faire bouger les choses. Je pense que cet objectif de santé doit être dans tous les esprits. La loi dite Touraine, du nom de la ministre de la Santé, a inscrit justement parmi les objectifs de soins que les médecins peuvent également prescrire l'activité sportive. Nous devons donc, à l'occasion de l'Euro 2016, donner aussi cette perspective, non pas simplement être spectateur, mais être acteur de notre propre vie.
Nous avons aussi voulu faire bouger les choses en matière de mixité, j'allais dire de parité, en tout cas tout ce qui doit lutter contre le stéréotype. Christine KELLY, tout à l'heure, a organisé une compétition pour montrer que le football féminin était devenu véritablement une pratique qui connaissait un succès considérable. Il va y avoir la Coupe du monde du football féminin en France en 2019, mais il y a encore du retard en termes d'équipements, en termes aussi de jugement pour un certain nombre de familles. Il faut donc casser ces barrières, briser les stéréotypes et faire venir, filles et garçons, dans toutes les activités sportives. Aucune n'est réservée spécifiquement aux filles ou d'autres aux garçons et je pense que là aussi, l'Euro 2016 va être une façon d'ouvrir les yeux.
Je veux enfin saluer ce qu'a été l'engagement, à travers l'Euro 2016. Vous savez l'importance que j'attache au service civique et d'une manière générale à l'action associative. Nadia BELLAOUI a voulu rassembler tous ceux qui se consacrent, à travers l'Euro 2016, au partage. Il y a l'Agence du Service Civique, je salue ici son Président François CHEREQUE qui a mis à disposition des missions de service civique. La fédération française en a d'ailleurs déjà prévu 300, il faudra également augmenter ce chiffre et nous aurons beaucoup de services civiques qui seront déployés partout dans les stades notamment, à côté des stades, auprès des jeunes, dans le cadre de l'Euro 2016. Puis il y a les engagés de tous âges, de toutes générations, j'allais dire des réservistes du sport et les réservistes du monde associatif, parce qu'en fait, le monde associatif est la réserve de l'engagement. Ils seront plus de 20 000 à être enrôlés derrière la bannière de l'Euro et nous allons avoir besoin d'eux pour accueillir les touristes, pour accueillir les supporters, pendant tout le mois de la compétition. Pour que nous puissions faire valoir un certain nombre de principes, ceux qui fondent l'engagement, j'avais demandé à Pauline GAMERRE d'aller auprès des jeunes citoyens pour leur dire ce qui représente le maillot, ce qui représente l'équipe de France, ce qu'est la France, ce qu'est la République, en termes d'égalité, de dignité, ce qu'elle signifie en termes de vie commune. Faire du sport ce n'est pas simplement, en l'occurrence, taper dans un ballon. Faire du sport c'est partager des joies, des émotions, mais également une façon de se comporter dans la vie, avec le souci de l'autre, avec bien sûr l'exigence de la performance, de la victoire, mais toujours dans le respect. Alors elle est allée porter ce maillot, de club en club, de club espoir en club de formation et elle a fait en sorte que le sens du collectif, du partage, puisse être pleinement compris.
Car l'Euro 2016 rassemblera des millions de personnes autour de la même joie, une grande compétition sportive, mais aussi autour des mêmes volontés de nous dépasser. De nous dépasser pour les joueurs à travers la compétition, de nous dépasser pour les spectateurs en termes de soutien à leur équipe, mais de nous dépasser aussi nous, les Français, dans le cadre justement de ce que nous avons vécu et de ce que nous connaissons en termes de menaces. Que nous puissions, face à l'horreur, face à la terreur, opposer la solidarité et la fraternité. Nous avons eu l'occasion d'ailleurs, de vérifier que le sport était souvent une manière de répondre aux terroristes. Je me souviens encore de Wembley, lorsque l'équipe de France est allée jouer, peu de jours après le 13 novembre et ce stade tout entier qui chantait la Marseillaise. Aujourd'hui même, il y a un match qui oppose, qui allie en définitive, qui relie, le Portugal et la Belgique, ce match aurait dû se tenir en Belgique, il sera finalement joué au Portugal, là aussi comme une réponse, comme une forme de solidarité. Nous devons être conscients que ce qui se joue lors de l'Euro 2016, est bien plus que des matchs de football.
Dans 73 jours, c'est très peu, s'ouvrira la compétition. Nous allons accueillir 7 millions de personnes, 2,5 millions assisteront aux 51 matchs, sur les 10 sites et 5 millions vivront l'Euro autrement, c'est-à-dire essentiellement dans les villes, les grandes villes, celles qui organisent la compétition et qui voudront visiter la France à cette occasion. Nous avons plusieurs obligations. La première est d'accueillir. Accueillir le mieux possible tous ces visiteurs et être dans l'excellence, l'excellence dans tous les domaines, économique, écologique, culturelle et bien sûr touristique.
La seconde exigence, c'est la sécurité et elle sera maximale. C'est un devoir pour l'Etat, à l'égard de tous ceux qui auront choisi de venir en France en juin prochain et nous ne transigerons jamais sur le respect des règles. Oui, il y aura des fêtes populaires, oui il y aura un certain nombre d'animations, nombreuses. J'ai vu ce que prépare Didier FUSILLIER, cela va être magique d'une certaine façon, puisque chacun pourra inventer son Euro 2016 à sa façon, près de chez lui. En même temps, nous devons faire en sorte que toutes ces animations, toutes ces activités, tous ces matchs, puissent être assurés avec un très haut niveau de vigilance. Nous avons déployé tous les moyens pour y parvenir, moyens en personnel, moyens en matériel, pour que nous puissions donner toutes les garanties. L'UEFA a aussi pris ses responsabilités en augmentant considérablement le nombre d'agents de sécurité et de stadiers et je veux ici la remercier.
Est revenu dans le débat la question des « fans zones », le Premier ministre s'est expliqué là-dessus, comme le ministre de l'Intérieur. Les personnes qui souhaiteront y venir seront acceptées, mais devront accepter les règles de sécurité. Les maires qui sont concernés par ces « fans zones » devront eux aussi, à travers leur commune, s'engager et respecter précisément les consignes. C'est une alliance que nous devons faire, pour permettre que ces « fans zones » puissent accueillir un public nombreux et en même temps donner toutes les conditions pour que la sécurité soit assurée. Une vidéo-protection sera étendue à ces zones, il y aura aussi le respect scrupuleux des conditions d'accès, de manière à ce qu'aucun risque ne soit pris, ce qui suppose la collaboration, la coopération de tous. S'il y a un danger, bien sûr que nous prendrons là aussi nos responsabilités.
Chaque semaine d'ailleurs, des exercices ont lieu dans les sites concernés par l'Euro et je veux saluer tous les professionnels qui ainsi testent et répètent ce que peut déjà être l'Euro tel que nous l'imaginons.
Voilà Mesdames et Messieurs pourquoi je voulais venir ce matin avec vous. D'abord pour saluer votre propre engagement et pour souligner combien cette grande compétition, ce grand événement est bien plus qu'une volonté d'organiser le championnat d'Europe de football. C'est en ce sens un événement qui doit être porté au crédit de la France parce que nous devons montrer que dans cette période si grave, nous pouvons donner à l'Europe toute entière l'exemple de ce partage et de cette volonté d'être ensemble. Ce sera un événement qui durera un mois et qui devra être d'une grande intensité. Ce sera un événement qui associera 24 équipes, c'est-à-dire 24 pays. Lorsque nous songeons que c'est l'Europe qui a été visée par les attaques terroristes à Bruxelles - comme d'ailleurs à Paris et à Saint-Denis et je n'oublie pas ce qui s'était produit au Danemark - donc comme c'est l'Europe qui a été visée - pas seulement l'Europe, parce que il y a encore quelques jours c'était le Pakistan qui était visé, notamment les chrétiens du Pakistan et avant c'était nos amis Africains qui étaient hélas frappés - donc comme c'est l'Europe qui a pu ces derniers jours vivre une épreuve, là c'est la même Europe, avec la France, qui sera capable de rassembler et de faire que nous puissions montrer que nous faisons nous-mêmes, face à l'épreuve, le choix de l'unité, du rassemblement et de ce que peut être un événement sportif quand il est à ce point réussi, c'est-à-dire une fête collective.
Oui, faire la fête quand il y a autant de malheurs peut sembler décalé, mais de la même manière que les terroristes voulaient s'en prendre aux lieux de culture, mais déjà aux lieux de sport, aux cafés, aux terrasses, nous devons montrer que le sport, comme la culture, comme notre mode de vie, ne céderont rien à cette pression, à cette menace et que nous sommes plus forts, que nous vaincrons. La seule victoire que nous pouvons souhaiter, même si je sais qu'au fond de vous-même vous pensez à une victoire sportive et de l'équipe de France en particulier, je veux vous dire que la plus belle des victoires, ce sera la réussite de l'Euro 2016 et vous y contribuez. Merci.