25 février 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et l'Argentine, à Buenos Aires le 25 février 2016.
Mes chers compatriotes,
Il y a près de 20 ans qu'un Président de la République n'était pas venu ici, en Argentine. Alors, s'il faut attendre qu'à chaque fois, il pose une première pierre pour un lycée ou pour une école, je crains qu'il ne faille encore attendre très longtemps pour mon successeur. C'est effectivement un symbole qu'après le général de GAULLE, pour cet établissement qui, aujourd'hui, je le constate, a grandi, il me soit possible de lancer les travaux pour cette école.
Je viens ici, en Argentine, dans le cadre d'une tournée en Amérique latine. Tournée toute relative puisque j'étais avant-hier au Pérou et que je serai ce soir et demain en Uruguay. Il y a, dans cette visite, la reconnaissance que l'Amérique latine est un continent qui nous est proche. Proche géographiquement, cela pourrait se discuter, proche politiquement, cela dépend. Proche humainement, toujours.
Je viens avec une importante délégation. D'abord, des ministres : le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc AYRAULT, qui fut Premier ministre, la ministre de la Culture, toute nouvelle ministre de la Culture qui voulait que son premier déplacement soit forcément en Argentine, le ministre des Sports parce que venir en Argentine sans parler de sport, c'est difficile, le ministre du Commerce extérieur parce que nous avons quand même à parler économie.
Je souhaitais aussi qu'il y ait des chefs d'entreprise qui puissent m'accompagner. Il y a des parlementaires qui sont là et je les en remercie, qui président des groupes d'amitié et qui voulaient être parmi nous, parmi vous, pour savoir ce que la communauté française ici, en Argentine, comme au Pérou, comme en Uruguay, est capable de ressentir.
À la fois un éloignement et, en même temps, une présence. Un éloignement parce que les kilomètres sont là et une présence parce que chaque fois que notre patrie est touchée, elle l'a été l'année dernière, vous êtes les premiers à vous mobiliser, à vous porter dans toutes les manifestations de solidarité. Tout ce que ressent la France, vous le vivez avec une intensité, une émotion encore plus forte, parce que vous voulez être pleinement partie prenante de la communauté nationale.
Je viens, je le disais, avec une délégation qui comporte aussi de nombreux artistes, argentins, français, on ne sait plus. Ici, ils sont argentins, là-bas, chez nous, ils sont français mais ils nous ont apporté tout au long de ces deux jours et deux nuits, une ferveur, une amitié qui nous ont véritablement transportés dans tous les sens du terme.
Je viens également avec des sportifs. Le problème avec les sportifs, c'est qu'ils sont très connus, beaucoup plus connus que les chefs d'État et de gouvernement. Alors, nous les avons mis là, un peu en retrait, mais je suis heureux aussi de pouvoir partager nos succès quand nous en avons, la France, avec les Argentins ou, quand les Argentins en ont, de considérer que nous avons une part de responsabilité dans cette aventure.
Il y a des liens entre nos deux pays, l'Argentine et la France, vous les représentez ces liens. Beaucoup d'entre vous sont à la fois Français et Argentins. Il y a des liens économiques, des liens éducatifs, des liens linguistiques. L'Argentine est un pays presque francophone. Je dis presque parce qu'il va être membre observateur de l'organisation de la francophonie. Puis, il y a des liens culturels, je les évoquais, qui sont puissants. Quand je me suis rendu au centre KIRCHNER, il était très impressionnant de voir cette réalisation exceptionnelle sur le plan architectural mais également tous ces artistes qui communiaient dans le même esprit de liberté.
Les liens humains, ils se sont forgés par l'histoire, qui est parfois l'histoire de vos propres familles. Au XIXe siècle, au XXe siècle, il y a des Français qui sont venus s'établir en Argentine. C'est toujours un honneur plus qu'un devoir d'accueillir des réfugiés qui fuient les massacres, qui fuient les guerres ou qui fuient les dictateurs.
Je me suis rendu ce matin à une cérémonie presque émouvante, elle l'était, et presque rituelle que ces femmes faisaient : ces mères, ces grands-mères de la place de Mai, pour nous dire leur gratitude à la France de les avoir accompagnées pendant toutes ces années, d'avoir parfois reçu le reste de leur famille.
J'ai pu remettre à l'une d'entre elles le dossier de toutes les démarches administratives qui avaient été engagées, c'était le gouvernement de Pierre MAUROY sous François MITTERRAND au début des années 1980, pour obtenir des informations sur le sort des disparus. J'ai fait une promesse : le ministre des Affaires étrangères veillera à ce que les services puissent rassembler toutes ces pièces, et que l'on puisse remettre à chaque famille toutes les lettres qui ont pu être adressées à la France et celles que la France a pu également communiquer aux autorités de l'époque pour leur dire qu'il fallait qu'elles donnent toute la vérité sur les disparus.
Une fois encore, ces événements, ces épreuves nous ont réunis, rassemblés. Beaucoup de ces Argentins que nous avions accueillis en France sont restés pour le meilleur, puisque cela a donné à la France des atouts nouveaux et une richesse humaine supplémentaire. Puis d'autres sont revenus en Argentine et continuent d'ailleurs de faire le voyage, comme pour saluer leurs deux patries.
Je suis venu ici, en Argentine, aussi parce qu'il y a une nouvelle page qui s'ouvre avec l'élection du Président MACRI. Il était important que nous puissions, nous la France, être aux côtés des Argentins. Ils ont fait un choix, c'est le leur, il leur appartient. Il y a un nouveau gouvernement, il veut travailler, s'ouvrir à l'extérieur. Il veut en terminer avec les dettes souveraines qui ont été autant de fardeaux pour les Argentins. Nous leur devons solidarité et appui. Par exemple, avant même le gouvernement MACRI, nous avions fait en sorte, au Club de Paris, de pouvoir soulager une partie de la dette argentine : la dette souveraine. Encore aujourd'hui, nous allons continuer à agir pour que la communauté financière internationale puisse faire le meilleur accueil à l'Argentine, pour que les marchés puissent avoir confiance dans l'Argentine.
Il est vrai qu'en ce moment, même en Amérique latine, la conjoncture n'est pas fameuse. Mais y'a-t-il une période, depuis 30 ou 40 ans, où la conjoncture est fameuse ? En Europe, nous pensions sortir de la crise, d'ailleurs, nous en sommes sortis et voilà qu'il est annoncé que, parce que la Chine aurait un ralentissement ou parce que le Brésil ou d'autres pays pourraient avoir des accès de faiblesse, nous serions une nouvelle fois emportés vers la croissance faible, celle qui ne permet pas de créer d'emplois.
Il faut veiller à ne pas céder à ce qui est supposé être une fatalité et qui n'est rien d'autre qu'une prévision. Il nous revient de faire mentir les prévisions, pas simplement par des mots, par des paroles, mais par des politiques et par des actes. Faire en sorte que dans nos pays respectifs, nous puissions agir, réformer dans l'esprit d'équilibre qui doit toujours demeurer de manière à ce que nous puissions donner toutes ses chances à l'économie, à la création, à l'initiative mais aussi au travail car le travail est le grand enjeu, et de permettre qu'il soit accessible à tous et notamment aux plus jeunes.
Je suis venu, c'est vrai, pour venir dire aux Argentins que nos chefs d'entreprise, nos entreprises sont là et que beaucoup ici représentent, qui sont installées en Argentine depuis longtemps et qui ont tenu bon, qui n'ont pas vacillé, y compris dans la période de très grave crise de ces dernières années. Ces entreprises-là sont encore prêtes à investir davantage en Argentine. D'autres encore veulent venir et veulent saisir toutes les opportunités. Il y en a de nombreuses et elles m'ont été présentées par le gouvernement mais aussi par les autorités provinciales.
D'abord l'énergie, puisque nous avons signé la conférence sur le climat à Paris. Succès diplomatique considérable qui n'a d'ailleurs été possible que parce que l'Amérique latine a également poussé dans cette direction. Rappelez-vous, c'était à Lima un an plus tôt qu'il y avait eu une conférence qui, déjà, avait ouvert la voie. Alors, maintenant que nous avons cette conférence derrière nous, mais ces résultats doivent être devant nous, nous devons engager des politiques, faire en sorte que les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, les technologies les plus performantes puissent être au service de la planète et je pense que nous pouvons y contribuer ensemble.
Nous devons aussi ouvrir le domaine des infrastructures, des transports. Beaucoup d'entreprises françaises, là aussi, sont excellentes dans ces domaines : la santé, l'agroalimentaire. De ce point de vue, le fait que l'Argentine puisse négocier dans le cadre du MERCOSUR avec l'Union européenne pourra développer des échanges. Nous y serons attentifs même si nous protégerons notre agriculture. Je le dis parce que demain ou après-demain, je serai au Salon de l'Agriculture où je vous représenterai pour saluer aussi toutes les productions françaises que nous voulons échanger avec d'autres. Nous voulons aussi nous mettre en capacité de pouvoir promouvoir la qualité de nos produits.
Alors, échanges économiques, échanges commerciaux, échanges scientifiques aussi, parce que la France et l'Argentine sont deux puissances scientifiques avec un haut niveau de la recherche, avec des universités et je sais ici qu'il y a plusieurs enseignants de ces laboratoires ou de ces établissements. Nous voulons multiplier les accords entre universités, des dizaines ont été signés avec une reconnaissance mutuelle des diplômes. Je remercie les présidents d'université, Campus France, qui sont venus pour accompagner ce mouvement, pour qu'ensuite, il puisse y avoir davantage d'échanges d'étudiants. Nous accueillons 1 000 étudiants argentins en France mais c'est très peu, nous pourrions faire beaucoup plus. De la même manière, il pourrait y avoir beaucoup plus d'étudiants français ici, en Argentine. Nous allons donc veiller à porter au plus haut niveau cette coopération.
Il y a aussi la culture. Beaucoup d'artistes, je vous l'ai dit, m'ont accompagné au cours de cette visite et nous avons voulu signer un grand nombre d'accords entre nos établissements culturels, entre nos services publics de l'audiovisuel : France 24 qui va pouvoir émettre en espagnol, ce qui, pour vous, ne changera rien mais qui, pour beaucoup d'Argentins, leur permettra de savoir ce qui se passe dans le monde et parfois en France. Je pense là aussi que tous ces échanges sur l'audiovisuel, sur la culture contribuent à rapprocher nos deux pays.
Il y a vous aussi, la communauté française. D'abord, avec ces établissements d'enseignement qui sont d'exceptionnelle qualité, parfois d'un coût élevé pour les parents et en même temps, qui correspondent à une présence et à un atout formidable pour notre pays, avec des résultats souvent exceptionnels. Je regarde les résultats au bac et les mentions « très bien », c'est souvent dans les établissements à l'étranger qu'on a ce type de performance. Au point que certains devraient penser même à mettre leurs enfants dans ces établissements-là plutôt que rechercher d'autres différenciations.
Je crois que vous devez tous être remerciés : je pense aux équipes pédagogiques. Merci Monsieur le proviseur, merci Mesdames et Messieurs qui font vivre ces établissements, les enseignants, les personnels administratifs, merci pour ce que vous faites, un grand service public. Nous sommes sans doute le seul pays au monde à avoir autant d'établissements d'enseignement à l'étranger et nous ne le faisons pas simplement pour notre communauté française, nous le faisons pour accueillir des élèves des pays où nous sommes représentés mais également d'autres élèves d'autres nationalités parce que nous pensons que chaque fois qu'on transmet une éducation en français, on transmet la culture française, on transmet des valeurs, des principes, des idéaux.
Ce système d'enseignement est complété par les alliances françaises. Là aussi, le président de l'Alliance française est avec nous et je veux remercier tous ceux qui contribuent justement à la promotion de la langue française, et à donner à des jeunes l'envie de découvrir, l'envie de se découvrir. Je l'évoquais lorsque je me suis rendu au pôle scientifique ce matin, il y a des jeunes qui n'ont connu véritablement leur vocation que grâce aux alliances françaises, qui ne savaient pas qu'ils pouvaient être peintres, sculpteurs, musiciens, auteurs sans qu'à un moment, il puisse y avoir cette rencontre avec un enseignant dans cette alliance française.
Là encore, quel plus beau geste que de donner envie, que de donner plaisir à partager une culture. Notre culture française, qui n'est faite que des apports successifs, que des mélanges, que des partages. C'est pour cela que nous n'avons même pas ici l'idée de nous replier, de renoncer à nous-mêmes par une fermeture qui serait finalement la pire façon de croire en notre avenir. Si vous avez choisi pour certains de venir vivre ici, c'est parce que vous sentez bien que la France, elle est présente partout dans le monde, la France est dans le monde.
Avant de venir ici, en Amérique latine, j'avais commencé mon voyage à Wallis-et-Futuna. Je vais faire un cours de géographie pour les élèves : Wallis-et-Futuna, c'est dans le Pacifique, 12 000 habitants français, français depuis 1959. Après, je suis allé en Polynésie française et on m'a dit : « Merci d'être venu au bout du monde. » J'ai répondu : « Je ne suis pas au bout du monde, je suis dans le monde, je suis au bout de la France. » La France est présente partout dans le monde, sur tous les continents, bien sûr avec les legs de l'histoire, nos outre-mer, qui sont d'ailleurs devenus notre avenir maintenant. Elle est présente partout dans le monde par sa communauté, par vous. C'est ainsi que l'on peut rayonner, que l'on peut influencer et que l'on se sent d'un seul coup fier d'être Français.
Je dis souvent à mes compatriotes et je vous le dis à vous puisque vous êtes mes compatriotes : on est toujours un peu surpris quand on reçoit une déclaration d'amour non pas d'une personne mais d'un pays, d'un peuple qui, d'un seul coup, vous dit que la France est aimée. Nous-mêmes, nous partageons une certaine interrogation sur notre avenir, notre destin, ce que nous représentons, notre place dans le monde, notre capacité de pouvoir prendre des décisions, nous en prenons d'ailleurs, pour le monde entier. Il faut avoir cette haute conscience de ce que nous représentons dans le monde. Si nous sommes encore un pays qui est regardé, pas simplement pour son histoire, pas simplement même pour sa culture ou pour sa langue, mais pour ce qu'il porte et quand il est frappé comme il l'a été, par des actes terroristes, c'est tout le monde qui se lève parce que c'est la France. Parce que c'est la France pays des libertés. Parce que c'est la France pays qui ne renonce à rien, qui croit au progrès. Parce que c'est la France qui, à chaque fois, a conçu son destin dans l'universel, dans le planétaire.
C'est pourquoi ce n'est pas tout à fait une coïncidence si la conférence sur le climat, pour l'avenir de la planète, s'est réunie à Paris et a réussi, à Paris. Parce que nous sommes, nous, la France, au service de la planète et vous, communauté nationale ici représentée, en Argentine, vous êtes au service de la France et donc du monde.
Vive la République et vive la France.