23 février 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-péruviennes, à Lima le 23 février 2016.
Mes chers compatriotes,
Vous avez du mérite, vous êtes patients, cela fait plus de 50 ans que vous attendez un Président de la République, mais cela fait longtemps que vous voulez, à travers la rencontre de ce soir, témoigner de la force de l'amitié entre la France et le Pérou. C'est le sens aussi de ma visite auprès de vous ici dans cette Alliance française si belle. Belle à la fois par son architecture et belle par l'idéal qu'elle incarne. Promouvoir la culture française, la langue française et également les valeurs de notre République.
Je viens, c'est vrai, pour cette visite en Amérique latine, commençant au Pérou et se terminant à la fin de la semaine en Uruguay. Je viens montrer que la France est présente dans cette partie du monde. Si elle l'est, c'est grâce à vous, représentants de la communauté française avec des histoires ou des parcours souvent singuliers. Certains sont fonctionnaires, d'autres représentent des entreprises, beaucoup sont dans les activités culturelles et puis d'autres sont venus par hasard de la vie ou des rencontres que seuls les voyages permettent.
Je sais aussi que beaucoup d'entre vous sont à la fois Français et Péruvien, ce qui justement nous donne cette chance formidable de pouvoir porter ces couleurs multiples qui font l'union entre nos deux pays.
J'évoquais le caractère presque historique de cette visite. Historique compte tenu du fait qu'il n'y avait pas eu de Président de la République en visite d'Etat au Pérou depuis 1964. Le Général de GAULLE donc, il y a 52 ans avait quitté la mère patrie pendant trois semaines et il avait visité de nombreux pays d'Amérique latine pour porter un message d'indépendance et pour dire à ce continent qu'il pouvait s'émanciper, qu'il pouvait trouver en lui-même les conditions de son développement et ne pas être soumis aux influences venant de l'extérieur. Nous étions à l'époque en pleine guerre froide, la démocratie n'était pas forcément le régime qui était le plus partagé dans l'Amérique latine et le Général de GAULLE voulait que ce message d'indépendance puisse être compris pour ce qu'il représentait, c'est-à-dire un appel à la responsabilité, à l'émancipation, à la liberté.
52 ans plus tard, ce message n'a rien perdu de son actualité, nous devons toujours réaffirmer notre indépendance. Une indépendance qui n'empêche pas la solidarité, les alliances et parfois la lutte contre des ennemis communs, aujourd'hui le terrorisme. Une indépendance pour prendre les décisions qui nous concernent, qui vous concernent, pour ne pas être soumis aux influences extérieures encore aujourd'hui, aux forces économiques qui parfois imprègnent les décisions publiques. Nous devons être capables aussi de développer une ambition culturelle et je m'exprime ici dans cette Alliance française.
C'est au Pérou que l'Alliance française est sans doute, mais je ne veux pas du tout sous estimer les autres, la plus vivace et avec une fréquentation exceptionnellement élevée et je voudrais en remercier tous ceux qui y contribuent.
Je viens dans un contexte économique qui n'est pas facile pour l'Amérique latine, parce qu'il y a quelques années, c'était de la croissance dont on parlait au Brésil, l'Argentine, mais aussi au Venezuela, en Colombie. Depuis, c'est plus difficile, sans doute à cause des excès qui ont pu être commis ou également la baisse du prix des matières premières. Au Pérou, les réussites économiques sont tout à fait exceptionnelles puisqu'encore aujourd'hui j'en faisais la démonstration devant le Président HUMALA qui était d'accord avec moi. Le Pérou a le taux de croissance le plus élevé de toute l'Amérique latine.
Nous avons voulu accompagner ce développement, celui du Pérou comme celui de l'Amérique latine. Avec le Pérou, nous avons voulu établir un partenariat, il s'est défini, dessiné en 2012 lors de la première visite du Président HUMALA à Paris. Nous avons conçu une stratégie permettant de développer à la fois les échanges commerciaux - et c'est le cas, l'année dernière ils ont progressé de plus de 30 % dans les deux sens - mais également les échanges scientifiques, universitaires, culturels. Nous avons signé de nombreux accords de coopération dans des domaines sensibles, j'en parlais avec le Premier ministre du Pérou, qui était, il y a encore quelques mois, ministre de la Défense. C'est un satellite français qui a été choisi par le Pérou pour permettre justement de développer un certain nombre d'informations, de connaissances, de technologies. Même en matière militaire, nous avons voulu partager un certain nombre d'expériences.
Puis il y a eu cette rencontre qui finalement pouvait être fortuite : c'est le Pérou qui organisait la COP20 et c'est la France qui avait décidé après une réflexion parce que cela nous engageait, de réunir la COP21. Il ne pouvait pas y avoir de réussite de la COP21 s'il n'y avait pas de progrès significatifs lors de la conférence de Lima.
Tout à l'heure j'ai remis une haute distinction, celle d'officier de la Légion d'honneur au ministre de l'Environnement du gouvernement du Pérou, parce qu'il a personnellement contribué non seulement à ce qu'il puisse y avoir des progrès à Lima en décembre 2014, mais aussi en décembre 2015 qu'il puisse y avoir l'accord. J'évoquais devant ses amis, devant sa famille le fait que j'ai dû téléphoner au Président HUMALA. Nous étions à quelques heures de la conclusion, c'est-à-dire du moment où le président de la COP, à l'époque Laurent FABIUS, devait frapper avec son marteau pour dire que le consensus était trouvé. Il se passait cependant à quelques heures, c'est souvent le cas dans les conférences internationales, des impondérables, des pays se dérobaient, on n'arrivait même pas à joindre un certain nombre de chefs d'Etat et de gouvernement et ce n'était pas la faute des télécommunications.
J'ai alors appelé le Président HUMALA et je lui ai dit que nous avions absolument besoin de son ministre de l'Environnement. C'est un médiateur hors pair et c'est justement ce que m'a répondu le Président HUMALA : « j'en ai besoin chez moi, il y a suffisamment à faire ». Je lui ai alors dit « on a encore besoin de lui et besoin de vous, besoin du Pérou » et c'est ce qui s'est produit. Alors je viens ici aujourd'hui exprimer ma gratitude à l'égard du Pérou et sceller cette alliance entre la France et le Pérou qui a permis la réussite de la conférence sur le climat. Soyez en fiers amis péruviens, soyez en fiers amis français. Si vous êtes en plus franco-péruviens, vous pouvez être doublement fiers parce que ce sont vos deux pays qui ont permis cet accord historique.
Il est historique parce qu'il y a eu un consensus, il est historique parce qu'il y a eu des engagements, il est historique parce que désormais plus personne, plus aucun pays, plus aucun gouvernement ne pourra se détacher de ce qui a été fait. Nous n'avons pas pour autant sauvé la planète, mais nous avons défini les instruments qui permettront de la préserver et même de l'embellir et de l'enrichir. C'est le plan Lima-Paris que nous avons maintenant à mettre en uvre.
Là encore c'est une chance pour les entreprises françaises, sans doute aussi pour les entreprises péruviennes. A nous d'être exemplaires et dans la délégation que j'ai constituée pour ce voyage ici au Pérou, puis demain en Argentine et après-demain en Uruguay. J'ai emmené beaucoup d'entreprises qui sont justement les plus innovantes en matière de développement durable, celles qui travaillent - j'imagine qu'il y a ici un grand nombre de représentants de ces activités - dans le transport, dans l'énergie, dans le recyclage des déchets, dans la biodiversité, dans la recherche sur ce que peuvent être les technologies de demain. Voilà c'est dans tous ces domaines que nous allons pouvoir engager un partenariat d'excellence avec le Pérou.
Nous allons surtout en faire une vitrine pour le reste du monde, un exemple que nous pourrons porter en Amérique latine, mais aussi en Afrique, en Asie pour montrer que ce que nous avons pu faire ici pour l'énergie solaire, pour l'énergie éolienne, pour des transports durables, nous pouvons le faire partout dans le monde.
Je reviens vers vous, vous qui êtes là, qui travaillez dans de nombreux domaines et qui faites vivre l'idée de la France. L'idée de la France, c'est celle que l'on a voulu tuer lors des attentats de janvier et de novembre de l'année dernière. L'idée de la France, c'est de croire au progrès, à la liberté, à la culture. L'idée de la France, c'est de ne jamais renoncer à changer le monde. L'idée de la France, c'est de porter toujours ce même message que les peuples peuvent décider eux-mêmes de leur avenir. L'idée de la France, c'est aussi au-delà de nos convictions, de nos croyances, de penser que ce qui nous réunit est plus fort et ce que nous pouvons exprimer à travers le mot laïcité, c'est-à-dire le respect, la liberté et en même temps la confiance que nous formons un ensemble indissociable.
Alors c'est cette idée de la France que nous devons partout, non pas simplement défendre, comme si nous avions à nous protéger, mais promouvoir, continuer à faire partager, considérer qu'aucun peuple nulle part au monde ne peut être privé de cette idée là, parce que c'est une idée universelle. Pour que cette idée puisse continuer à se diffuser, il faut qu'il y ait des femmes et des hommes qui y croient encore et qui partout dans le monde veulent aussi être Français au sens d'être universel. La langue française, la culture française, s'enrichissent toujours des autres langues et des autres cultures. Nous n'avons jamais conçu notre propre création comme étant exclusive, comme devant écraser les autres. Au contraire, nous avons toujours fait accueil à tous les écrivains, à tous les peintres, à tous les créateurs, pas simplement parce qu'ils étaient poursuivis dans leur propre pays, mais parce qu'ils nous apportaient cette chance formidable du partage.
Une alliance française a justement cette ambition-là. Je veux également saluer les personnels enseignants, dans un établissement qui n'a pas de statut public et qui fait néanmoins en sorte d'accueillir 1 000 élèves. J'ai voulu aussi avec le Président HUMALA que nous puissions accueillir davantage d'étudiants venant du Pérou, nous en aurons 1 000 à la rentrée prochaine. Le Président HUMALA a voulu qu'il y ait des boursiers plus nombreux et nous avons fait en sorte de pouvoir les accompagner parce qu'à chaque fois qu'un étudiant, un chercheur se forme en français, nous considérons que c'est une chance de plus, pas simplement pour eux, mais pour nous. Faites en sorte là encore, de favoriser ces échanges là où vous êtes, de porter cette belle idée de la France et de partager cette ambition.
Nous sommes venus aussi pour signer un certain nombre d'accords, ce que nous voulons faire à chaque fois pour que nos entreprises puissent avoir les meilleures conditions pour leur activité. Ce n'est pas toujours simple. Il se trouve qu'au Pérou, il y a eu cette volonté d'ouverture, d'accepter qu'il y ait des accords avec l'Europe, que les marchés soient ouverts, que nous puissions également libéraliser les visas, grâce aussi aux passeports biométriques que le Pérou a bien voulu faire concevoir par une entreprise française. Un passeport biométrique français est d'ailleurs la meilleure garantie, pour être sûr de ceux que nous pouvons accueillir, puisque je parle d'accueil.
Il y a cette question lancinante des réfugiés. Ici, même en Amérique latine, viennent des réfugiés, ne pensons pas que ce n'est qu'une question européenne, même si les proximités géographiques font que les réfugiés vont bien sûr d'abord là où ils peuvent être accueillis, dans la région, puis ensuite en Europe. Je sais l'effort que fait l'Amérique latine pour accueillir un certain nombre de Syriens, d'Irakiens qui fuient à cause des massacres, et là encore même si c'est un sujet difficile, toujours utilisé par les extrémistes pour faire peur, nous avons ce devoir là et nous devons aussi en faire une cause humanitaire.
Ce matin, au moment où j'arrivais au Pérou, j'ai eu une communication téléphonique avec le Président OBAMA, la Chancelière MERKEL et le Premier ministre CAMERON, pour que nous puissions faire la pression nécessaire pour qu'il y ait un cessez-le-feu le plus vite possible en Syrie, pour que nous en terminions avec ces bombardements qui frappent des villes entières, une ville comme Alep.
Il y a quelques années, il y aurait eu une mobilisation internationale considérable, si nous avions su qu'une ville était à ce point martyrisée. Aujourd'hui à cause sans doute de cette banalisation des catastrophes, de cette habitude de l'horreur, nous regardons ces villes, cette ville souffrir en silence. Là aussi nous sommes responsables et la France continuera d'agir pour qu'il puisse y avoir ce cessez-le-feu, puis cette transition politique afin que nous puissions en terminer avec un conflit, qui on le voit bien a une conséquence en Europe et dans le monde.
Je termine là. J'étais il y a quelques heures en Polynésie française et les Polynésiens me disaient : « vous êtes là au bout du monde ». Je leur ai répondu que non, je n'étais pas au bout du monde, que j'étais au bout de la France, parce que la France est partout présente dans le monde. Elle est présente sur tous les continents, sur toutes les mers, à cause de l'Histoire qui fait qu'un certain nombre de territoires sont restés Français, mais aussi à cause de la responsabilité qui est la nôtre. La France est partout présente par sa communauté, par vous. La France est un pays du monde, pleinement dans le monde, mais elle ne peut l'être que s'il y a toujours cette flamme française, qui ne peut être entretenue que par les Français eux-mêmes.
C'est pourquoi je voulais ici vous en exprimer ma reconnaissance. Merci. Vive la République et vive la France.