24 janvier 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations économiques franco-indiennes, à Chandigarh le 24 janvier 2016.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, messieurs les ministres,
Messieurs, mesdames les représentants des entreprises,
C'est une visite exceptionnelle, ce n'est pas la première en Inde, mais celle-ci a un caractère très particulier. D'abord, parce que je suis l'invité d'honneur du Jour de la République, c'est-à-dire de l'adoption de la Constitution indienne, c'était le 26 janvier 1950, parce que les troupes françaises vont défiler à côté de l'armée indienne, et ce sera là aussi la première fois. Et aussi parce que je viens en Inde après l'accord qui a été signé à Paris pour le climat, accord qui doit beaucoup au Premier ministre MODI.
Je voulais donc par mon propre déplacement ici lui exprimer toute notre reconnaissance, car s'il n'y avait pas eu l'intervention puissante, argumentée du Premier ministre MODI sur la justice climatique et sur ce qu'elle devait forcément impliquer dans l'accord, il n'y aurait pas eu le consensus que Laurent FABIUS comme Président de la Conférence a été capable de réunir.
Mais il ne faut pas simplement se contenter des accords, même s'il est très important qu'il y en ait de nombreux qui puissent être signés. Il faut faire en sorte qu'ils puissent être traduits dans la réalité.
Je salue ici les présidents des entreprises qui se sont pleinement investis dans les perspectives que nous avions ouvertes, le Premier ministre MODI et moi-même, lors de sa visite à Paris en avril dernier.
Nous voulions venir dans un lieu qui puisse être lui-même exceptionnel, et nous sommes ici à Chandigarh. C'est une ville, une région symbole où un grand architecte français a réalisé des uvres, une ville nouvelle. Il lui fallait un peuple disponible pour arriver à traduire ses utopies, il lui fallait aussi être soutenu par des leaders et des responsables, ils étaient là, en Inde. Et il fallait aussi avoir une forme d'audace pour créer de tels bâtiments. Et c'était également un message de paix puisqu'il y a cette main ouverte, ouverte pour donner ou ouverte pour recevoir. Et je souhaite que cette uvre architecturale considérable puisse être reconnue un jour par l'UNESCO comme partie intégrante du patrimoine mondial de l'humanité.
Et puis il y a le Premier ministre MODI y tenait et il avait raison cette exposition au musée qui nous a convaincu que c'était ici le berceau de l'humanité. C'est très impressionnant de revenir à son berceau, généralement ce n'est pas le chemin que nous employons mais là, nous sommes revenus à l'origine même de l'être humain intelligent. Et cela nous donne une grande responsabilité. Il y a 2,5 millions d'années, il y avait des hommes qui vivaient ici, qui se battaient pour leur propre vie, pour que nous soyons finalement là aujourd'hui.
Alors à nous aussi, 2 millions 500.000 années après, d'être capables de fixer un horizon lointain pour que la vie puisse être respectée, pour que la planète puisse être protégée, pour que l'humanité puisse pouvoir donner ce qu'elle a encore en elle-même de progrès £ et pour que nous puissions lutter contre toutes les forces qui veulent justement propager la mort.
Cette responsabilité-là, elle est aussi au cur de mon déplacement. Ma visite en Inde a 2 objectifs principaux. Premier objectif, c'est de consolider le partenariat stratégique entre la France et l'Inde. Il a été conclu en 1998, mais il n'a cessé de se consolider depuis. Et il est aujourd'hui le plus précieux et le plus nécessaire des traités. Mais nous devons en faire non pas simplement un ensemble de recommandations, voire même d'obligations, mais un ensemble d'actions notamment pour notre sécurité.
La France et l'Inde sont deux démocraties, de très grandes démocraties. J'évoquais les valeurs que nous portons, donc nous sommes les premières cibles des terroristes, puisqu'ils n'acceptent ni la liberté ni la démocratie et pas davantage la culture. Nous devons coopérer encore davantage en matière de sécurité et au-delà des équipements militaires que nous pouvons promouvoir ou que nous pouvons mettre à la disposition de notre partenaire indien, (je pense à nos avions Rafale), je pense à la cybersécurité, je pense à des matériels qui peuvent concourir justement à la protection de nos espaces respectifs, mais aussi nous permettre d'agir lorsque le monde est lui-même attaqué. Au-delà de tout ce que peut produire en termes d'emploi ou d'activité ces échanges qui concernent notre industrie de défense, il y a un symbole dans ces matériels, c'est de lier nos 2 pays, de faire que nous puissions agir ensemble pour la sécurité du monde et avoir cette forme de confiance mutuelle.
Le second objectif de ma visite, c'est la mise en uvre des décisions que nous avons prises à la Conférence de Paris sur le climat. En décembre, tous les pays ont pris des engagements, avec des étapes, étape de 2020, étape de 2024, à l'horizon de l'humanité toutes ces étapes sont finalement très rapprochées. Mais si nous songeons au degré de pollution que connaissent nos villes, au risque de catastrophes, l'année dernière a été la plus chaude semble-t-il de l'humanité, alors nous ne devons pas perdre de temps, nous devons aller encore plus vite que ce qui était prévu. Et la France veut construire avec l'Inde le monde de l'après-carbone, en lançant dès maintenant des projets. C'était le sens des échanges que nous avons eus avec les chefs d'entreprise indiens et français et je salue les 2 coprésidents du Forum et nous pouvons maintenant utiliser la présence des entreprises françaises en Inde, je rappelle qu'il y a 1.000 entreprises françaises qui font de mon pays le 3ème investisseur ici en Inde. Utilisons donc ce réseau formidable qui a été capable de créer un lien de solidarité et de confiance, pour que nous puissions investir davantage dans les prochaines années.
J'ai fixé un objectif, un milliard de dollars par an d'investissements supplémentaires en Inde venant d'entreprises françaises. Et nous pouvons même aller plus vite, 8 milliards au cours des 3 prochaines années. Plusieurs domaines ont été évoqués, les villes intelligentes d'abord, l'Inde connaît une urbanisation rapide comme grand pays émergent. Vous êtes le pays le plus peuplé du monde et inexorablement vous aurez à bâtir des cités nouvelles. Vous avez déjà 9 métropoles de plus de 4 millions d'habitants et des besoins d'investissements considérables que vous avez vous-même chiffrés, j'entendais 680 milliards pour les 20 prochaines années. Alors comme à Chandigarh, nous devons faire de nouvelles villes et si vous le voulez bien, nous les bâtiront ensemble.
Vous avez lancé, M. le Premier ministre MODI, un grand programme sur 5 ans pour la construction de 100 villes intelligentes en lien avec les autorités locales. Nous, nous sommes partie prenante de ce plan et c'est le sens des accords qui ont été signés avec Nagpur, avec Pondichéry. Depuis quelques mois, Chandigarh s'est mobilisé, a consulté sa population et a été sélectionné pour faire partie de ce grand programme. Et bien, la France sera présente avec l'Agence française de développement.
Nous voulons aussi qu'en matière d'énergie, nous puissions être les premiers, Indiens et Français, les premiers dans l'innovation, les premiers dans la mise en place, les premiers dans le développement. Nous voulons donc participer pleinement avec vous à l'objectif que vous avez fixé de réduire l'intensité carbone de l'Inde et de produire davantage, 40 % de votre énergie sous forme de renouvelables. Et là encore, le soleil sera le domaine principal.
Beaucoup d'entreprises qui m'accompagnent aujourd'hui travaillent dans ce secteur, des contrats là aussi ont été signés et pour nous. C'est un transfert de technologies, c'est un partage de technologies pour que les entreprises indiennes et France puissent ensuite exporter ce savoir-faire et cette capacité partout dans le monde.
Autre domaine, le transport, là aussi les besoins de l'Inde sont immenses : transport ferroviaire, transport maritime, transport routier. Je sais qu'il y a eu là encore des contrats importants pour l'équipement en locomotives, pour créer aussi une usine qui les fabriquera. Et nous voulons qu'entre notre meilleur opérateur, la SNCF et INDIAN RAILWAYS, nous puissions avoir un nouveau partenariat pour la rénovation des gares.
Mais le transport, c'est aussi le maritime avec ce que la France peut offrir. La France est le 2ème espace maritime du monde, nous ne sommes pas le pays le plus peuplé du monde mais nous sommes l'un des pays, peut-être bientôt le 1er pays maritime du monde. C'est un capital considérable, c'est une responsabilité importante et nous avons les meilleures entreprises dans ce domaine.
Il y a aussi d'autres secteurs qui sont aussi du transport, le spatial, nous transportons dans le ciel de l'information et de la technologie. Je ne voudrais pas être trop long parce que nos domaines de coopération sont finalement multiples et ne s'arrêtent même pas la mise en uvre de la COP21, encore que tout est dans la COP21. Mais nous avons en matière de santé, d'agroalimentaire, de partenariats aussi pour l'énergie nucléaire civile tant de choses à faire.
Je veux terminer mon propos. Nous sommes dans un moment où l'économie mondiale une fois encore s'interroge sur elle-même. Et ce qui était hier une tendance qui pouvait être heureuse pour l'économie mondiale devient un risque supplémentaire, je parle du prix du pétrole. Nous devons stabiliser les marchés parce que les entreprises, pour leurs investissements, ont besoin d'avoir des prix stables. Nous savons que le prix du pétrole aujourd'hui est anormalement bas, mais nous savons aussi qu'il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande. Donc nous devons faire en sorte de donner un objectif de prix : prix de l'énergie, prix du carbone pour que les investissements puissent être menées à bien.
Des ralentissements sont observés dans un certain nombre de grandes économies comme la Chine, mais enfin de quoi parle-t-on ? D'une économie qui était à 9% de croissance et qui peut-être ne sera plus qu'à 6%. Et si elle connait un ralentissement, il sera sans doute conjoncturel et s'il devait être structurel, il engendrera d'autres bénéfices, c'est-à-dire une consommation intérieure plus importante. Puis il y a l'Inde qui connaît une croissance très importante grâce aux réformes qui ont été menées. Et donc mon message est très simple : la France a confiance dans l'économie indienne, la France pense que c'est ici que s'invente un certain nombre de nouvelles politiques, c'est ici que se conçoivent de nouvelles innovations, avec une population jeune de mieux en mieux formée. Elle peut à la fois participer à la prospérité ici, mais aussi à la croissance en Europe et en France si nous savons travailler ensemble, si nous savons échanger aussi les talents, les compétences comme ça a d'ailleurs été souhaité ici entre les chefs d'entreprise.
Alors mon voyage, ma visite, la deuxième, celle-ci exceptionnelle, vient confirmer la relation historique que nous avons entre nos deux pays. Nous portons les mêmes valeurs, les mêmes principes et nous avons les mêmes espérances : le progrès, la diffusion de la richesse, la lutte contre la pauvreté. Et c'est en étant innovant que nous remporterons ces victoires et c'est parce que je crois à la capacité de l'Inde à porter ses innovations que j'ai confiance dans la relation, une fois encore, que nous avons établie avec le Premier ministre MODI.
Alors, il a la même impatience que celle que j'exprime souvent devant mon gouvernement, il faut aller vite, il faut aller encore plus vite et même là c'est trop lent. Merci.