3 novembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations économiques entre la France et la Chine, à Pékin le 3 novembre 2015.

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie d'abord pour votre invitation, celle du China Entrepreneur Club, c'est-à-dire de cette grande famille des entrepreneurs chinois qui, après avoir montré leurs capacités, leur talent et leur réussite ici en Chine veulent investir partout dans le monde et notamment en France.
Je remercie Jack MA des paroles qu'il a bien voulu prononcer. Je ne manquerai pas de les reproduire dans mon propre pays où la magie n'est pas toujours au rendez-vous, mais grâce à vous, nous avons là toutes les occasions pour convaincre. Monsieur Jack MA, je n'ai qu'un seul regret, c'est que vous n'ayez pas été professeur de Français il y a vingt ans en Chine, car si vous l'aviez été, vous seriez aujourd'hui conseiller du Gouvernement français.
Je veux saluer tous ceux qui se sont exprimés et qui ont chaque fois insisté à la fois sur la force de l'économie chinoise, sur ses capacités et en même temps sur la volonté des industriels qui sont ici réunis, de vouloir maintenant définir une stratégie à l'échelle du monde. La France a confiance en la Chine £ la meilleure preuve, c'est qu'il y a trois mille entreprises françaises qui sont implantées ici en Chine, et qui emploient plus d'un demi-million de personnes. Je rappelle que la France est le premier employeur européen en Chine.
Les investissements chinois ont considérablement augmenté ces derniers mois en France. Il y a aujourd'hui plus de deux cents entreprises chinoises qui emploient vingt mille personnes dans mon pays, et la France est le deuxième pays d'accueil des investissements chinois en Europe. Le message que je voulais vous adresser est très simple. La France dispose de grands groupes, d'entreprises de taille intermédiaire, de petites et moyennes entreprises qui ont de grandes capacités de développement parce qu'elles maîtrisent, ces entreprises, une grande technologie. Mais nous n'avons peur de rien en France, pas même d'investissements qui pourraient venir ici nous renforcer. Je vais vous en donner quelques illustrations.
Des entreprises chinoises ont souhaité acquérir tout ou partie d'entreprises françaises dans des secteurs très différents : le secteur ferroviaire, le secteur sidérurgique, le secteur touristique on vient de parler de FOSUN et du CLUB MEDITERRANEE- le secteur de l'immobilier, des infrastructures, l'aéroport de Toulouse, l'agroalimentaire, et même le vin ou le champagne. Nous ne considérons pas que nous devrions, à chaque fois que se présente un investisseur et en particulier chinois, évoquer je ne sais quelle clause de souveraineté. Parce que nous avons suffisamment confiance en nous pour savoir que cet investissement vient renforcer encore notre capacité, à la condition que cet investissement soit durable, puisse être compatible avec les normes qui existent en France et puisse enrichir par ce partenariat l'action des entreprises concernées.
Je souhaite également vous confirmer que les moyens financiers mis à la disposition des entreprises qui viendront investir en France sont d'ores et déjà prévus. A l'occasion de ma seconde visite d'Etat ici, depuis 2013, j'ai conclu avec les autorités chinoises un fonds commun qui permettra d'investir dans de nombreux domaines. Là-aussi, il n'y a pas de secteur qui devrait être protégé ou qui devrait être au contraire exclu. Par exemple, il va y avoir un fonds commun qui va investir dans le Grand Paris, dans les grandes infrastructures pour la capitale de la France. C'est dire si nous sommes ouverts et si nous avons confiance.
De la même manière, nous sommes conscients qu'il peut y avoir des partenariats comme celui que PEUGEOT a noué avec DONGFENG ou comme SUEZ ENVIRONNEMENT a été capable de faire à Chongqing pour mener à bien un certain nombre de projets de développement, c'est-à-dire favorable à la production française comme à la production chinoise. Nous voulons aussi insister sur le fait que la France est un pays qui effectivement a de la chance, la chance d'être situé là où il est, c'est-à-dire à l'ouverture de l'Europe et également capable de s'ouvrir à l'autre côté de la Méditerranée.
La France est un pays qui permet d'aller vers des pays tiers, des marchés tiers. Investir en France, c'est à la fois investir en Europe, en Afrique, au Maghreb, au Moyen-Orient, compte tenu de la position géographique qui est la nôtre. Ensuite, nous sommes un pays qui a une longue histoire, comme la vôtre, et avec des relations très fortes dans le monde. C'est vrai que, nous ne nous en rendons pas forcément toujours compte, mais la France est appréciée et aimée de beaucoup de pays. Venir investir en France, c'est être capable de porter les couleurs de la France pour aller chercher les marchés et gagner de nouveaux domaines commerciaux.
Les investissements étrangers en France depuis le début de l'année ont augmenté de 20%. C'est considérable. Cela tient à un certain nombre de dispositions que nous avons prises, notamment la création d'une agence Business France qui facilite toutes les implantations d'entreprises étrangères dans mon pays. Cela tient également à une simplification dans la délivrance des visas, aussi bien pour les entrepreneurs, les chercheurs, les étudiants, que pour les touristes. Cela tient aussi à la volonté d'accompagner les investissements étrangers en France et plus particulièrement les investissements chinois.
Nous voulons que Paris soit une grande place internationale et puisse être, notamment pour son marché des capitaux, un atout pour les entreprises qui viennent s'y investir. Nous avons d'ailleurs fait le choix d'utiliser le yuan dans nos opérations et, par exemple, la Caisse qui est chargée de financer la sécurité sociale française a émis une partie de sa dette en yuan, preuve là-encore de la confiance mutuelle que nous avons les uns pour les autres. Je n'ai aucun doute sur la capacité et la robustesse de l'économie chinoise. Cela a été très bien dit par le Président tout à l'heure : il y a une évolution de l'économie chinoise. Il était assez prévisible qu'après avoir eu des taux d'investissement aussi élevés, à un moment il puisse y avoir un arbitrage entre consommation et investissement. C'est ce qui se produit.
De la même manière, nous ne pouvions pas demander qu'il y ait un rééquilibrage du yuan, qu'il y ait un rééquilibrage quant aux excédents commerciaux et aux excédents des paiements courants chinois, sans considérer qu'il y aurait forcément des conséquences sur l'économie chinoise. C'est ce que nous vivons aujourd'hui. Mais les fondamentaux de cette économie, son niveau élevé de productivité, sa capacité d'adaptation, la rapidité de ses réformes, tout cela confirment que l'économie chinoise va rester sur un rythme de croissance élevé. C'est la raison pour laquelle nous voulons, là-aussi, accompagner ce processus et également montrer que toutes les économies doivent se réformer. Qu'il n'y a pas d'exception, qu'il n'y a aucun pays, aucun continent, aucune grande économie qui puisse être à l'abri.
Nous sommes tous dans la mondialisation, et quelles que soient les histoires de nos pays respectifs, ou leur niveau de développement, la mondialisation elle est là. Nous devons la maîtriser, la réguler, mais elle a aussi un certain nombre de conséquences. La zone euro, par exemple, a été amenée à se réformer profondément ces dernières années, à la suite de la crise de 2008, la crise des subprimes. Depuis que je suis Président de la République, c'est-à-dire depuis trois ans, nous avons fait en sorte de stabiliser la zone euro, de la renforcer, de créer une union bancaire pour éviter qu'il puisse y avoir d'autres défaillances du système financier, d'avoir un mécanisme de supervision unique, là-aussi pour prévenir d'autres dérèglements et éviter également que ce soit le contribuable qui paye pour les inconséquences de la finance. Nous avons aussi voulu qu'il y ait une cohésion plus grande dans la zone euro et qu'il y ait des politiques qui soient suffisamment flexibles pour ne pas créer trop d'austérité, mais suffisamment sérieuses pour que les déficits publics puissent être réduits, la France prenant également sa part dans ce mouvement.
Enfin, j'ai veillé à ce que la zone euro reste solidaire. Vous êtes un grand pays et vous n'imaginez pas qu'une partie de votre pays puisse à un moment se séparer de vous : il en était de même pour la zone euro. Je ne pouvais pas accepter que la Grèce puisse sortir de la zone euro, non pas parce qu'elle ne pouvait pas facilement s'adapter. Non ! Il fallait qu'elle fasse des réformes. Mais parce que c'était l'unité de la zone euro qui était en cause. Depuis que nous avons pris cette décision, la stabilité sur les marchés est revenue, les taux d'intérêt sont parmi les plus faibles du monde, l'euro est une monnaie stable et la croissance comme les investissements ont repris un rythme de progression. Il y a eu aussi des décisions importantes en Europe avec ce plan d'investissement décidé par la Commission européenne, le plan Juncker, qui va développer des infrastructures, qui va mettre en uvre des nouvelles technologies. Je vous appelle à vous joindre à ce mouvement d'investissement qui n'est d'ailleurs pas seulement réservé aux acteurs publics mais qui mobilise beaucoup d'acteurs privés, et qui peut être là-aussi de bonnes opportunités en termes de placements.
Je pense également que nous avons à faire des réformes dans mon propre pays et c'est ce que j'ai entrepris depuis trois ans. La France qui avait des atouts, et vous les connaissez £ vous avez cité -et je vous en remercie- tous les domaines d'excellence de la France et il y en a de nombreux, dans le domaine aéronautique, de l'énergie, des transports, de la ville durable, dans le domaine c'est vrai aussi du luxe, de la gastronomie. Mais nous avions un problème de compétitivité : nous étions plus chers dans un certain nombre de secteurs que nos principaux concurrents. Ce n'était pas acceptable, ce n'était pas supportable. Nous avons donc très vite pris des mesures pour baisser le coût du travail, améliorer les marges des entreprises et nous en tirons aujourd'hui les premiers bénéfices. Les marges des entreprises ont maintenant retrouvé leur niveau d'avant la crise. Nous avons un coût du travail qui est équivalent voire même plus faible que celui de nos amis et voisins allemands. Nous avons des taux d'intérêt particulièrement bas. Nous avons également fait des réformes pour assouplir le marché du travail £ nous allons continuer pour le Code du travail.
L'ensemble de ces mesures va également permettre d'ouvrir un certain nombre de secteurs qui étaient jusqu'à présent fermés, l'utilisation du numérique, tout cela fait, maintenant, de la France, un pays éminemment compétitif. La meilleure preuve, c'est que nous avons réduit notre déficit commercial, nous avons augmenté notre part de marché y compris, ici, en Chine, et donc je vous appelle là-aussi à faire confiance dans l'économie française parce que nous avons fait les réformes comme vous les faites dans votre propre pays.
Il y a enfin deux sujets qui peuvent nous lier et nous permettre de réaliser de grandes opérations. Le premier sujet, c'est l'innovation. Si nous voulons être les meilleurs dans la compétition internationale, nous devons être en avance sur le plan technologique. Vous l'avez compris ici, et notamment dans le secteur privé que vous représentez. Je veux créer un lien entre l'industrie du futur telle que nous la concevons en France et le made in China 2025 tel que vous l'avez vous-mêmes imaginé. Nous devons réaliser des transferts de technologie, multiplier les échanges autour du numérique car le numérique c'est véritablement l'économie de demain. En ce sens, je me réjouis qu'ALIBABA ait installé une ambassade à Paris suite à la rencontre que j'ai eu avec Jack MA parce que c'est ce qui va permettre de lier les start-ups françaises avec les entreprises les plus innovantes chinoises pour que nous puissions avancer ensemble.
Vous avez évoqué aussi d'autres secteurs comme le cinéma. Je suis tout à fait conscient que le cinéma va être la grande affaire de la Chine et sans doute que 50% des films dans le monde seront, demain, chinois. Nous devons là-encore ne rien craindre. La création, l'excellence, n'appartiennent pas à un seul pays, à un seul continent, et donc nous devons vous accompagner pour que, le cinéma français étant lui aussi illustre, puisse être lié à tout ce que vous voulez engager pour le cinéma à l'échelle du monde car il se trouve que vous avez un grand marché. Un milliard quatre cents millions de personnes, c'est pour le cinéma une formidable possibilité de développement.
Vous avez aussi parlé du sport, du sport et de sa médiatisation. Les Jeux olympiques d'hiver de 2022 vont avoir un impact considérable, vont mobiliser beaucoup de médias. Là-aussi, nous pouvons coopérer d'autant que nous préparons, nous aussi, les Jeux olympiques de 2024. Ils ne nous ont pas été attribués mais enfin, nous savons que tout le peuple chinois est derrière cette candidature, comme le peuple français. C'est aussi pour nous, au-delà de la grande compétition, un enjeu technologique. Comment être capable de diffuser des grands événements ? Comment faire naître une participation autour de ce qui va mobiliser le monde tout entier ?
Je n'oublie pas le tourisme, à la fois le gisement qu'il représente ici en Chine compte tenu de la beauté de votre pays, mais également de ce que la France, première destination touristique au monde, peut également offrir au marché chinois. Là-encore, nous sommes tout à fait ouverts et nous avons déjà pris un certain nombre de décisions ensemble, pour que notre secteur touristique puisse être associé au vôtre pour accueillir de plus en plus de touristes chinois et aussi de tous les pays émergents. Cela, c'est la première priorité : nous devons être dans l'innovation, utiliser les secteurs traditionnels je les ai évoqués- y compris même la gastronomie, à des fins d'innovation, c'est-à-dire montrer que nous ne pouvons pas regarder les marchés comme étant immobiles mais, au contraire, dans une dynamique tout à fait considérable.
La deuxième priorité, c'est la croissance verte. J'ai été tout à fait convaincu par le Président XI Jinping lorsqu'il a parlé de la civilisation écologique, celle qu'il voulait pour la Chine. La transition énergétique, celle qui va sans doute sortir de la conférence de Paris, va exiger des investissements considérables, des transformations très importantes dans nos villes et dans nos entreprises. Je vous propose que nous puissions ensemble y travailler d'ores et déjà. Mobiliser des financements, faire des partenariats entre nos entreprises, envoyer les mêmes signaux aux marchés à travers le prix du carbone, être capables sur des secteurs comme les transports, les énergies renouvelables, l'agroalimentaire, l'eau, de pouvoir également être les premiers au monde. Vous avez, en matière d'énergies renouvelables, commencé à investir massivement. La France a les meilleures entreprises dans ce domaine. Nous pouvons donc ensemble réussir à multiplier les opportunités grâce à ces deux enjeux de l'innovation et de la croissance verte.
Voilà, mesdames et messieurs, quel était mon message. D'abord, vous dire que je suis extrêmement flatté quand je sais que des entreprises comme les vôtres s'intéressent à la France, s'intéressent au meilleur sens du terme. Pas simplement pour aller prendre une part de capital dans une entreprise, pas simplement pour aller porter un investissement : s'intéressent à la France dans ce qu'elle peut elle-même offrir au monde. Si nos deux pays, Chine et France avec leurs atouts respectifs, avec leurs chefs d'entreprise et avec leurs traditions aussi, peuvent s'allier sur l'innovation et sur la croissance verte, être les meilleurs, je suis convaincu que nous pourrons aller ensemble à la conquête du monde. Merci.