3 novembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la coopération franco-chinoise dans la lutte contre le dérèglement climatique et sur les relations économiques entre la France et la Chine, à Pékin le 3 novembre 2015.


Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprise,
Je viens, ici, en Chine pour une deuxième visite d'Etat. La première remontait à 2013 et elle visait à préparer le cinquantième anniversaire du rétablissement de nos relations diplomatiques et de la reconnaissance par la France de la Chine populaire.
Deux ans plus tard, je reviens et nous préparons ensemble, Chine et France, un grand événement : la conférence sur le climat qui va se tenir d'ici quelques jours à Paris et qui va décider de l'avenir de la planète. Rien que cela, l'avenir de la planète. Pourquoi la Chine et la France sont ensemble ? Parce que ce sont deux grandes nations qui ont la responsabilité du destin de chacun de leur pays, mais aussi du monde. Nous ne concevons pas les décisions que nous prenons simplement à l'intérieur de nos propres frontières. Nous considérons que nous avons une responsabilité mondiale, parce que nous avons une grande Histoire, parce que nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité, parce que nous sommes deux nations universelles.
Nous avons signé, le président XI Jinping et moi-même, une déclaration conjointe pour préparer la conférence sur le climat. C'est un document très important non pas simplement parce que nous nous retrouvons dans les objectifs conclure un accord global, contraignant, différencié £ ces paroles ont déjà été prononcées non, c'est une déclaration très importante parce que nous voulons que d'ici la fin du siècle, la planète ne connaisse pas un réchauffement supérieur à deux degrés. Ce qui suppose des engagements forts en matière de montée des énergies renouvelables, en matière d'efficacité énergétique, en matière de mobilité, mais une telle volonté exige aussi que nous puissions avoir des procédures, des mécanismes.
Le président XI Jinping et moi-même, nous avons adopté un texte qui peut être demain celui de l'Accord de Paris, c'est-à-dire d'un mécanisme qui, tous les cinq ans, fera que l'ensemble des pays de la Communauté internationale, ceux-là-mêmes qui ont déjà pris des engagements et qui les confirmeront le mois prochain, pourront revenir sur un certain nombre de leurs obligations pour les renforcer, de manière à ce que l'on soit bien dans la trajectoire des deux degrés et pas davantage, pour le réchauffement de la planète.
Dans cette même déclaration, nous montrons qu'il faudra dégager des financements et partager de la technologie, de manière à ce que bon nombre de pays émergents ou des pays en développement puissent remplir leurs obligations, sans risque pour leur développement et leur croissance. Enfin, dans cette déclaration, la Chine et la France conviennent que la lutte contre le réchauffement n'est pas une contrainte supplémentaire, même si elle aura nécessairement à prendre cette caractéristique dans un certain nombre de nos choix.
Mais la lutte contre le réchauffement, c'est aussi une opportunité économique, un facteur de croissance, la croissance verte. C'est la raison aussi de ma présence ici aujourd'hui à Pékin : promouvoir tous les instruments, toutes les formes de croissance que la lutte contre le réchauffement climatique peut nous offrir comme occasion en matière d'investissement et de choix. La Chine et la France ont pris non seulement des engagements dans cette déclaration, mais la Chine et la France ont aussi adopté des stratégies nationales.
La Chine, lors de son plenum du comité central du Parti communiste chinois, a porté l'idée, la belle idée, de « civilisation écologique » et a pris également des objectifs très ambitieux pour augmenter la part des énergies renouvelables, pour baisser l'intensité des émissions de CO2 par point de production nationale, également augmenter son stock de forêts et introduire le prix du carbone à partir d'un marché. Voilà une stratégie qui est à la fois forte, exigeante, et ambitieuse.
De notre côté, la France, nous avons fait adopter une loi : la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, et avec sensiblement les mêmes objectifs. La montée des énergies renouvelables qui représenteront d'ici 2030 un peu plus de 30% de notre mix énergétique £ il y aura la baisse de 40% de nos émissions de gaz à effet de serre, toujours d'ici 2030 £ et nous pourrons réduire de moitié notre consommation d'énergie d'ici 2050. Donc nous sommes finalement en phase, la Chine et la France.
C'est pourquoi je vous propose, aujourd'hui, que nous puissions, à partir de ces deux stratégies nationales, ouvrir une nouvelle phase dans notre relation économique, fondée sur ce partenariat vert, avec la croissance verte. Cela peut être, si nous en décidons, si les entreprises elles sont là coordonnent également leurs efforts et nouent des partenariats, ce peut être un formidable moyen d'amplifier la coopération franco-chinoise. Nous voulons donc multiplier les alliances, les coopérations, les partenariats. Hier, j'ai commencé ma visite à Chongqing où les entreprises françaises SUEZ et ENGIE, avec des entreprises chinoises, sont engagées dans un magnifique projet d'économie circulaire : utiliser l'eau usée pour en faire une matière première à destination des industriels.
Tout à l'heure, nous allons visiter la galerie des solutions à l'occasion de ce forum, et il y aura beaucoup de démonstrations de ce que peuvent faire les entreprises françaises et chinoises ensemble. Cette galerie des solutions, de Pékin, préfigure ce que sera l'Agenda des solutions à Paris. En effet, lors de cette conférence il n'y aura pas que des chefs d'Etat et de Gouvernement, il n'y aura pas que des délégués, il y aura aussi tous les acteurs de la société civile : les grandes organisations non-gouvernementales, mais également les entreprises, les partenaires sociaux, et nous voulons qu'il puisse être montré au monde tout ce qui a été déjà engagé et qui peut se diffuser. C'est ainsi que nous pourrons, entre la Chine et la France, non seulement rééquilibrer nos échanges commerciaux, mais nourrir un nouveau courant d'investissement.
Je pense à tout ce qui est lié aux énergies renouvelables ou à la meilleure utilisation de l'énergie, à la cogénération à partir de déchets, ce que nous faisons déjà à Shanghai avec VEOLIA ou à Chengjiang avec VINCI et SUEZ. Je pense à l'efficacité énergétique et SCHNEIDER, de ce point de vue, est une référence. Je pense aussi à ce que nous pouvons faire en termes de recherche entre EDF et l'Académie des sciences chinoise pour un prototype de centrale solaire thermodynamique. Je sais aussi qu'AIR LIQUIDE a ouvert à Shanghai un laboratoire sur l'efficacité énergétique.
Nous sommes donc en marche et nous devons encore amplifier. Nous pouvons notamment, dans plusieurs domaines, montrer l'exemple au monde entier. Je pense au domaine de l'eau où nous pouvons montrer des gestions intégrées, où nous pouvons montrer qu'il est possible de retraiter 95% de l'eau dans les villes £ c'est l'objectif que s'est donné la Chine, à l'horizon 2020. Je pense à l'urbanisation qui va être une grande question pour les pays émergents. Ici en Chine, il y a vingt-cinq millions de nouveaux habitants urbains chaque année, on voit ce que nous avons à préparer : de nouvelles éco-cités, de nouvelles villes durables, et là-aussi la France est prête à répondre aux sollicitations.
L'enjeu, c'est le financement. C'est la raison pour laquelle nous avons, au cours de cette visite, décidé de plusieurs instruments de financement. Il y a des fonds privés qui se sont liés les uns, les autres, et puis il y a aussi ce que peuvent faire les institutions financières publiques à travers des fonds dédiés et je pense notamment aux fonds franco-chinois. Quand le Premier ministre chinois est venu à Paris, il nous a fait l'immense honneur de faire connaître la contribution de la Chine pour la conférence sur le climat à Paris à l'occasion du déjeuner à l'Elysée. Mais il a aussi proposé que soit créé un fonds franco-chinois qui servirait justement à financer des projets conjoints d'infrastructures, dans nos pays si cela est nécessaire, mais aussi en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Je sais également que la Banque centrale de Chine est impliquée sur la finance verte et nous pourrons en discuter lors du G20 qui se tiendra ici en Chine l'année prochaine. Je ne veux pas oublier aussi tout ce que nous avons à faire en matière de transport. Je salue l'objectif là-encore que la Chine s'est donné de cinq millions de voitures bas carbone d'ici 2020. PEUGEOT, RENAULT développent des véhicules électriques ou des véhicules hybrides avec là-aussi l'objectif de créer des partenariats pour convaincre les marchés asiatiques de l'utilité de ce mode de transport.
Nous avons aussi à agir en matière agricole parce que la sécurité alimentaire, la qualité de l'alimentation, c'est un élément très important aussi pour le climat. Je salue ici les entreprises françaises qui sont présentes dans la filière du lait, de la viande, de la charcuterie, du vin parce que là-encore, nous pouvons nouer de nouvelles alliances. Enfin, il y a la santé et là-aussi nous avons de grands groupes qui peuvent coopérer avec des entreprises chinoises pour assurer le développement durable.
Bref, cette visite est importante sur le plan politique, j'espère décisive pour la préparation de la conférence sur le climat, qui a marqué une avancée majeure à travers la déclaration franco-chinoise. Cette visite c'est aussi, je le disais, une stimulation pour que nous puissions aller encore plus vite dans la réalisation de nos projets pour la croissance verte. Je pense même que ce que nous représentons, Chinois et Français, les avancées qui sont déjà les nôtres, les technologies que nous avons su mettre en uvre notamment dans les énergies renouvelables et dans l'efficacité énergétique, dans la gestion des villes, tout cela nous donne un temps d'avance. Un temps d'avance pour montrer au monde que c'est possible, un temps d'avance pour convaincre beaucoup de pays que la conférence de Paris doit être un succès, un temps d'avance aussi pour rassurer aussi nos peuples par rapport à leur destin et à leur avenir. Le réchauffement climatique est à la fois un défi considérable : qu'est-ce que nous allons laisser aux générations futures ? Quelle planète allons-nous offrir à celles et ceux qui nous suivront ?
En même temps, c'est aussi un moyen de répondre à une autre interrogation sur la croissance : en Chine, de savoir si cette croissance très forte que vous avez connue pourra se prolonger £ en France, de retrouver des marges de croissance et de ne pas regarder le climat, de ne pas regarder l'environnement comme un nouveau fardeau, une nouvelle difficulté, une nouvelle contrainte mais comme un levier, comme une occasion nouvelle de porter le progrès, comme une opportunité de développement. C'est le sens que je veux donner à cette conférence d'aujourd'hui, à cette visite d'Etat : c'est d'ouvrir de nouveaux progrès pour le monde avec la Chine et avec la France. Merci.