27 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la coopération franco-allemande en matière d'économie numérique, à Paris le 27 octobre 2015.


Madame la Chancelière, chère Angela,
Monsieur le Président de la Commission européenne, cher Jean-Claude,
Je salue également le vice-président, cher Andrus,
Et les ministres,
Ce qui est possible au niveau des ministres ne peut pas l'être au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement. Je suis donc amené moi-même à prendre la parole pour conclure cette conférence. Je crains de répéter beaucoup de ce qui a été dit.
D'abord, mes remerciements à tous les participants. Car, comme l'a dit Angela, s'il n'y a pas d'entreprises, il n'y a pas de conférence et il n'y a pas de possibilités de développer le numérique entre nos deux pays.
Remerciements aussi aux ministres qui se sont engagés, comme nous l'avions souhaité, à faire travailler nos experts, nos entreprises, également nos institutions financières, pour aboutir à des résultats, à une stratégie, à une feuille de route, à des mesures qui puissent être partagés entre la France et l'Allemagne.
Remerciements également à la Commission européenne de s'être associée à cette démarche. Car, s'il s'agit d'une initiative franco-allemande, Jean-Claude JUNCKER sait que chaque fois que la France et l'Allemagne prennent un certain nombre d'initiatives, c'est toujours au service de l'Union européenne. C'est ce que nous avons voulu, encore une fois, démontrer.
Nous sommes conscients de la révolution qui est en cours, cela en est une. Révolution du numérique qui modifie nos modes de production, de consommation, de transport, d'alimentation, bref nos vies. Mais également nos économies. Ce n'est pas une révolution que l'on doit attendre, elle est là.
Nous devons prendre des décisions. Ces décisions sont justifiées par l'enjeu lui-même. C'est un enjeu en termes d'emploi et de croissance, c'est un enjeu en termes de formation, de ceux qui sont déjà dans l'emploi ou de ceux qui aspirent à être sur le marché du travail. C'est également un enjeu technologique.
Mais c'est surtout un enjeu européen. Est-ce que nous voulons être un continent qui prend sa part ou qui prend sa place ? Ce n'est pas la même chose. Nous voulons être le continent qui peut, sur le numérique, être le meilleur au monde. Certes, il y a une concurrence et on sait d'où elle vient. Il y a de grands opérateurs, de grands industriels. Soit nous suivons, soit nous anticipons. Nous, nous avons fait le choix d'anticiper et, dans certains domaines, de prendre de l'avance.
C'est vrai que l'alliance entre la France et l'Allemagne peut être extrêmement fructueuse et nous en avons eu la démonstration à travers un certain nombre d'exemples. Je remercie d'avoir donné cette concrétisation, comment des entreprises françaises et allemandes, y compris de tailles différentes, de niveau technologique parfois également différent, peuvent aller ensemble et finalement créer la synergie indispensable. Nous devons agir maintenant et nous devons agir au niveau de chacun de nos pays et au niveau européen.
Un mot sur ce que nous faisons en France. Nous allons engager deux réformes législatives importantes. L'une sur le numérique et notamment tout ce qui a trait à la protection des données, à l'usage des données, également à la vie privée ou la vie de nos organisations. C'est le projet de loi qu'Axelle LEMAIRE est en train de porter. Et puis, une autre réforme, très importante, qui va être sur les opportunités économiques qui sont maintenant devant nous, grâce à la transition numérique et aux nouvelles technologies.
L'enjeu, c'est d'abord d'ouvrir les secteurs qui sont aujourd'hui fermés et qui, grâce au numérique, vont être amenés à changer de dimension, changer de vitesse. Trop d'activités sont encore bloquées par des barrières à l'entrée qui ne sont plus justifiables et qui ne pourront pas résister avec le numérique.
Ensuite, il nous faut avoir au niveau national et en cohérence avec le niveau européen, un cadre réglementaire et législatif clair, simple, lisible pour les acteurs économiques, pour tous les acteurs, que ce soit des grands groupes, des PME, des indépendants, des entreprises du secteur industriel traditionnel ou du secteur de l'économie de demain.
Enfin, nous devons donner plus de transparence, plus d'accès aux données, plus de droits pour les citoyens pour un accès de tous à Internet.
Car, Internet n'est pas un lieu, c'est un lien, un lien entre les marchés, un lien entre les individus, un lien également entre les entreprises. C'est la raison pour laquelle nous devons penser, d'ores et déjà, européen. C'est pourquoi nous voulons faire cette conférence et nous voulons lui donner ce caractère. C'est aussi la raison pour laquelle la Commission européenne est pleinement engagée.
Nous devons penser européen parce que le numérique, c'est la révolution collaborative par essence. L'Europe peut nous permettre d'avoir, au-delà des règles et des institutions, une vision particulière de ce que peut être le numérique, une conception également qui nous est propre de la vie privée et aussi un modèle de production, un modèle social qui également caractérise notre continent.
J'ai bien relevé les trois grandes priorités qui se sont dégagées de vos travaux. Première priorité, c'est accompagner la modernisation de l'industrie. Le numérique, ce n'est pas simplement des contenus, ce n'est pas simplement des technologies. Cela doit changer le modèle industriel.
L'industrie de demain sera plus connectée et, c'est vrai aussi, plus écologique. C'est ce qui fait sens à la veille de la Conférence sur le climat. C'est l'objet de l'industrie du futur qui mobilise déjà des milliers d'entreprises. L'industrie du futur a été conçue en complémentarité avec la plateforme Industrie 4.0 de l'Allemagne. C'était bien qu'il en soit ainsi.
Un moment, j'avais parlé d'AIRBUS pour le numérique. Mais il ne s'agit pas de copier ce qui a été fait, ce n'est pas la même organisation. Mais il est vrai que, quand les entreprises peuvent être partenaires - même si, sur certains domaines, elles peuvent rester concurrentes - c'est une coopération extrêmement concrète et qui donne du sens aussi à ce rapprochement entre nos deux économies et nos deux sociétés.
Nous avons décidé de créer une Académie franco-allemande pour l'industrie du futur, c'est-à-dire une plateforme qui se verra confier des missions précises, sur des sujets clé : l'automatisation, l'économie de la donnée, les objets connectés, la sécurité, la logistique, les transports et cette coopération entre les salariés et les robots, puisque j'ai appris cet après-midi, grâce à vous, qu'on pouvait emmener son robot un peu partout. Je me demande même si, au Conseil européen, ce ne serait pas utile d'avoir parfois quelques robots qui puissent nous accompagner, pour que nous allions plus vite dans nos décisions. Mais je laisse ça à la réflexion du président de la Commission européenne.
Nous devons aussi faire que cette plateforme, cette Académie franco-allemande puisse associer les industriels, les organismes de recherche et les universités, pour en faire véritablement un pôle de compétitivité et de recherche au service de nos deux industries.
L'année prochaine, nous allons organiser un salon de l'industrie du futur et l'Allemagne sera l'invitée d'honneur.
La deuxième priorité, c'est de favoriser l'émergence de nouvelles activités. Dans une économie d'innovation, les fonds propres sont décisifs. Il faut trouver toujours plus d'argent pour assurer un développement toujours plus rapide. Angela a insisté là-dessus et Jean-Claude JUNCKER aussi.
Nous savons que ce sont les start-up qui vont créer le plus d'emplois, mais qui ont aussi besoin de plus de financements. Ce sont elles qu'il faut soutenir, faire grandir, pas simplement faire émerger, mais faire développer et croître. C'est la raison pour laquelle nous devons renforcer le capital-risque. Il y a le plan d'investissement européen voulu par le Président JUNCKER, c'est une réponse. Il y a ce que nous pouvons faire dans chacun de nos pays. Et puis, il y a ce qui est attendu des fonds d'investissement.
Aujourd'hui, c'est important, il y avait plusieurs accords qui ont été conclus. Je voudrais remercier l'ensemble des participants, et souligner l'accord entre le fonds français PARTECH et les banques publiques allemande et française. Egalement la création d'un fonds de 500 millions d'euros par ORANGE, PUBLICIS et SIEMENS pour le financement d'entreprises innovantes européennes.
Saluer parallèlement la Banque publique d'investissement et la Banque publique allemande qui avec la Banque publique italienne ont décidé de joindre leurs efforts pour financer les industries nouvelles en Europe. C'est une décision très importante et je suis heureux qu'elle ait pu être annoncée ici à Paris.
Enfin, nous devons développer une stratégie franco-allemande, et donc une stratégie européenne, pour donner un cadre à l'économie numérique aussi bien pour la protection des données que pour le marché unique. La donnée, la donnée c'est la matière première, c'est ce qui va permettre de créer de la valeur, donc nous avons besoin qu'il y ait un accès plus large aux données.
En même temps nous savons qu'il y a des données qu'il nous faut protéger. C'est toujours le même dilemme entre ce que nous pouvons utiliser à des fins économiques et ce que nous devons garder pour la protection de nos vies ou de nos droits. Si nous ne réglons pas ce dilemme, si nous ne trouvons pas l'équilibre, alors, je vous l'annonce, nous perdrons sur les deux tableaux, nous nous ferons voler nos données, si je puis dire, capter en tout cas, absorber, et nous ne protégerons pas nos vies privées.
A partir de là, nous souhaitons nous adresser à la Commission européenne puisqu'elle a lancé cette consultation publique pour assurer la défense de l'ouverture des données dans une démarche de transparence et sur l'enjeu de la régulation des plateformes numériques en Europe. Nous répondrons, la France et l'Allemagne, d'une seule voix pour donner nos propositions à la Commission européenne.
Les données des Européens doivent également être protégées. Il y a les données qui sont exportées Outre-Atlantique. Une décision de la Cour de justice est intervenue, qui nous oblige à trouver une réponse appropriée pour rentrer dans une discussion avec les Etats-Unis pour aboutir à un cadre qui assure à chaque Européen une protection de ses données et qui nous permette d'utiliser aussi nos données en Europe pour créer de la valeur. Le cadre juridique doit être stabilisé. Nous devons aussi travailler pour avoir un cadre international dans lequel les droits attachés aux données seront protégés partout de manière équivalente. Une forme de charte mondiale pour les droits sur Internet. Nous devons aussi y travailler.
Quel est le rôle de la puissance publique dans ce cadre-là ? On le voit, il est très différent de ce qu'il a pu être jusqu'à présent. Il ne s'agit plus simplement d'intervenir, de prendre des décisions pour préparer l'avenir, cela fait toujours partie de notre responsabilité, mais nous devons soutenir les initiatives, accompagner les transformations, corriger les injustices, introduire de nouvelles sécurités, protéger aussi les citoyens.
Voilà ce qui est attendu mais rien ne pourra se faire sans l'intervention des opérateurs, des industriels, des inventeurs, des innovateurs. Et c'est ce que vous nous conduisez à faire, c'est-à-dire à vous soutenir, à engager des politiques publiques qui puissent être favorables à ce que vous avez voulu comme perspective, créer de l'activité, créer de l'emploi et surtout, parce que c'est ça le sens de l'économie, répondre à de nouveaux besoins.
C'est cet environnement-là que nous voulons créer, c'est le sens de cette conférence sur le numérique et l'année prochaine nous serons en Allemagne et nous aurons encore avancé. D'ici là, la Commission européenne aura répondu à toutes nos sollicitations et nous aurons le meilleur cadre européen, le meilleur cadre national à travers les lois que nous aurons fait voter et l'alliance franco-allemande pour nous assurer de la bonne marche.
Merci.