23 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et la Grèce et sur la construction européenne, à Athènes le 23 octobre 2015.


Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Parlement,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames Messieurs les parlementaires,
Je veux d'abord vous confier combien les mots que vous avez adressés pour exprimer vos condoléances à mon pays à la suite de la catastrophe qui, ce matin, s'est produite, et qui a provoqué la mort de 43 de mes concitoyens me touche particulièrement. Ce n'est, hélas, pas la première fois que la France est touchée par des catastrophes. Vous aussi, vous savez ce que sont les épreuves et face à ces événements, nous devons toujours marquer une solidarité, et penser que ce qui nous rassemble, ce sont des valeurs communes.
C'est aussi pourquoi, je ressens avec émotion le privilège qui est le mien, et l'honneur que vous faites à mon pays en me permettant de m'exprimer ici devant vous, à la Vouli. Car pour tout Européen, votre Parlement est un symbole. C'est ici à Athènes qu'est née l'idée même de démocratie, et c'est à partir de là que la démocratie a pu rayonner bien au-delà de l'Europe.
Elle reste une cause qui nous réunit tous.
La démocratie, c'est toujours un combat, ce n'est jamais un acquis. En Grèce, il a fallu plusieurs générations pour qu'elle s'y établisse. Vous êtes les héritiers de la Première Assemblée nationale d'Epidaure qui, en 1821, a proclamé l'Indépendance. Vous savez mieux que quiconque le temps qu'il a fallu au peuple grec pour qu'il accède à sa pleine souveraineté.
Votre peuple, qui a payé un lourd tribut au fascisme, au nazisme, a dû se battre pour accéder pleinement à la liberté. La France s'honore d'avoir toujours été aux côtés de la Grèce dans tous les moments les plus graves qu'elle a pu traverser. Pendant les années noires des Colonels, la France a été le refuge de beaucoup d'artistes, de philosophes, de syndicalistes, de responsables politiques, et en 1974, c'est dans l'avion du Président français, Valéry GISCARD D'ESTAING, que Konstantin KARAMANLIS est revenu à Athènes.
La France a constamment travaillé pour que l'ancrage européen de la Grèce puisse être assuré. C'était d'ailleurs la promesse que le Général de GAULLE, ici même, en 1963, avait faite au peuple grec. Il avait dit que faute de réussir la construction européenne, « chacun des états de notre continent n'aurait le choix qu'entre la stricte défense de ses intérêts à l'intérieur de ses frontières, ou bien une situation de satellite économique ». Ces mots-là sont encore actuels au moment où je m'exprime.
Venir ici à Athènes, pour le Président de la République française, pays où sont nés les droits de l'Homme, pays où la Révolution française a été une espérance bien au-delà de ce qu'étaient à l'époque les frontières ! Oui, venir ici à Athènes, c'est saluer la leçon de démocratie que vous nous avez donnée ces derniers mois. Cette leçon, c'est celle d'un pays attaché à sa dignité, c'est celle d'un peuple qui entend garder la maîtrise de son destin, c'est celle d'une Nation qui affronte avec courage les circonstances qui la frappe.
La démocratie, c'est s'adresser à l'intelligence des citoyens plutôt que d'exciter leur peur. La démocratie, c'est donner au peuple les moyens de faire le choix en toute lucidité de la responsabilité et de la volonté. La démocratie, c'est l'ouverture, le dialogue, le progrès, la lutte contre les injustices, contre les oligarchies, contre les privilèges, et c'est pourquoi ce combat-là n'est jamais achevé. Faire vivre la démocratie, c'est ne jamais céder à la démagogie.
Je le disais, le peuple grec s'est exprimé à trois reprises, ces derniers mois. L'Europe vous regardait, s'interrogeait £ vous pouviez décider de son avenir, de l'avenir de l'Europe, autant que du destin de votre pays, et vous n'avez pas failli. Trois législatures successives ont approuvé les programmes d'aide, et avec eux les réformes indispensables au redressement du pays. Il y a eu cet accord le 13 juillet dernier. Je sais les débats qu'il a pu faire naître y compris ici, et c'est légitime, mais vous l'avez approuvé avec une très large majorité, dans un climat d'unité nationale.
Ce que vous avez exprimé avec vos sensibilités différentes, c'est votre attachement indéfectible à l'Europe et votre volonté de rester dans la zone euro. Vous avez également montré que, face à des forces qui poussaient à la division, à l'éclatement, vous vouliez croire à l'Union européenne. Face à ceux qui vous conseillaient, même momentanément, de sortir de la zone euro, vous n'avez pas voulu les entendre.
Vous n'avez pas non plus voulu vous réfugier dans le protectionnisme, vous abriter derrière des frontières de papier. Vous avez opposé le choix authentiquement souverain d'une adhésion renouvelée à nos valeurs européennes. Vous avez donc défendu votre souveraineté, sans tomber dans le souverainisme, votre singularité sans verser dans le particularisme, votre identité sans céder à l'illusionnisme. Bref, vous avez accepté le compromis, c'est-à-dire l'esprit européen.
En faisant de ce choix, vous avez su préserver l'Europe des turbulences qui auraient pu déstabiliser l'ensemble de la zone euro. Par vos engagements, vous avez mis votre pays à l'abri d'une spéculation qui vous a déjà fait tant de mal, et qui vous aurait ruinée. Par vos décisions, vous avez mis la Grèce en situation de se redresser.
A travers vous, je souhaite exprimer le soutien de la France à la Grèce. Elle connaît, depuis six années, une crise économique, sociale et forcément morale, sans précédent £ une crise qui a détruit plus d'un quart de votre richesse, une crise qui a d'abord frappé les plus fragiles et qui continue à soumettre la jeunesse à un avenir qu'elle ne voit plus.
Le soutien que je vous exprime n'est pas une compassion. Vous ne l'accepteriez pas et vous auriez raison. C'est le soutien pour une coopération solide que la France est prête à engager avec vous, pour la mise en uvre des réformes et le retour de la croissance. Je le fais en tant que Français et ami de la Grèce, je le fais aussi en tant qu'Européen, et je le fais enfin en tant que progressiste parce que c'est ce qui m'anime depuis que je me suis engagé en politique.
Ces derniers mois, j'ai plaidé pour que la Grèce reste dans la zone euro, pour une raison toute simple : parce que sans la Grèce, l'Europe ne serait plus l'Europe et la zone euro aurait perdu de sa légitimité en perdant son intégrité. Je sais que les réformes sont exigeantes. Nous en menons tous, y compris en France, pour préserver l'avenir. Je sais qu'elles sont difficiles, je pense aux retraites qui doivent être équilibrées, à la fiscalité dont il faut corriger les insuffisances et les iniquités, à la libération de l'activité économique, à la modernisation de l'Etat. Mais ces réformes sont nécessaires, non pas seulement pour rétablir les comptes, mais pour garantir l'avenir, l'avenir des jeunes, l'avenir de l'industrie, l'avenir de la compétitivité, l'avenir des services publics.
Dans cette longue nuit du 12 au 13 juillet, c'est le sort non seulement de la Grèce, mais d'une conception de l'Europe qui s'est joué. Parfois, il faut des heures pour faire comprendre ce qui est en jeu. L'enjeu n'était pas simplement de trouver un accord sur une mesure plutôt qu'une autre. C'était de savoir si nous pouvions encore vivre ensemble dans la zone euro, si nous portions un projet plus grand que nous, et qui ne se réduisait pas à des disciplines, même s'il pouvait y en avoir. C'était de savoir si nous partagions ensemble une communauté de destin.
Quand je suis rentré dans la salle du Conseil européen, le soir du 12 juillet, j'ai regardé mes collègues, chefs d'Etat et de Gouvernement. Je n'étais pas sûr de pouvoir les convaincre, et eux-mêmes s'interrogeaient sur ce qu'ils avaient à faire. Puis, au petit matin, quand les doutes ont commencé à s'installer, « est-ce que nous pourrions trouver une solution », je les ai sentis plus inquiets, plus interrogatifs sur les conséquences qu'aurait le choix de ne pas garder la Grèce dans la zone euro.
Après il a fallu débattre, il a fallu argumenter, et je veux saluer ce qu'a été l'attitude d'Alexis TSIPRAS. Parce qu'il s'est battu pour que la Grèce soit respectée, parce qu'il s'est engagé au nom de son pays et ce n'était pas facile ! pour qu'un programme crédible soit acceptable, à condition de pouvoir être appliqué dans un esprit de justice. Il me l'a rappelé, comme il l'a rappelé à Angela MERKEL, dans une nuit qui continuait à s'allonger puisque nous étions déjà le matin.
Puis, il y a eu l'accord. L'accord était fondé sur la responsabilité, celle d'engagements qui devaient être pris par la Grèce. L'accord c'était également la solidarité. La solidarité de l'Europe. Pour ceux qui avaient un doute il y en a toujours, ici comme ailleurs c'est une aide de 86 milliards d'euros qui pourra être versée à la Grèce au cours des prochains mois et des prochaines années. C'est un programme de croissance de 35 milliards d'euros, et c'est, parce que cela fait partie des engagements, une indispensable négociation sur le service de la dette.
Les prochaines semaines seront décisives parce que la Grèce doit aborder, encore une fois, la revue de son d'engagement. Ici, je vous l'assure, autant il est nécessaire que ce qui a été écrit soit respecté, autant il est indispensable que la cohésion sociale soit préservée en Grèce, comme ailleurs. Le droit fondamental de tout ménage, de toute famille en Europe ne peut être mis en cause : ce droit, c'est celui de disposer d'un toit sûr et qui ne peut pas être saisi sans que des conditions aient été strictement posées. Là-aussi, j'ai entendu le message qui m'a été adressé.
Je disais « les prochaines semaines seront décisives » parce qu'il faudra qu'il y ait une situation définitivement clarifiée il y a trop de temps que vous êtes dans l'incertitude et le peuple grec avec vous £ il faudra que le budget soit financé, que les banques soient recapitalisées, que le contrôle des capitaux soit levé pour que l'économie redémarre et crée des emplois.
La France a été à vos côtés dans la négociation, elle sera encore à vos côtés pour la mise en uvre des réformes qui vous attendent. Parce que c'était mon choix, mais c'était aussi le choix que les Européens voulaient faire avec vous. Parce qu'il y avait un lien, un lien qui unit nos deux pays, nos deux peuples. Ce lien, il a été tissé par l'Histoire qui a vu la France soutenir la Grèce chaque fois que son indépendance ou sa démocratie était menacée.
Les dirigeants français qui m'ont précédé ont toujours eu, au-delà des sensibilités qui pouvaient être les leurs, de faire avancer nos deux pays ensemble, d'unir nos deux démocraties et de nous ancrer dans le même chemin, le même destin européen.
Nous avons aussi la volonté d'agir dans le cadre de l'Union européenne parce que nous portons aussi des valeurs politiques. Nous voulons agir pour la paix, pour la paix au Proche-Orient, au Moyen-Orient. Nous voulons lutter contre le terrorisme. Nous voulons travailler à une solution politique qui mettrait enfin un terme à la guerre civile épouvantable qui déchire la Syrie. Et parce que nous sommes justement engagés dans la région, parce que nous sommes deux pays méditerranéens, nous voulons faire coexister des religions, des nationalités différentes, faire respecter les minorités, notamment au Moyen-Orient et je pense aux Chrétiens qui doivent pouvoir rester là où ils ont toujours vécu et la France apprécie la volonté de la Grèce de contribuer à la stabilité de la Méditerranée orientale.
Sur Chypre, la France appuie toutes les initiatives qui permettront d'appuyer et d'accompagner le dialogue pour retrouver l'unité de l'île et pour trouver aussi un règlement politique selon les paramètres agréés par les Nations unies. Voilà ce qui nous unit, aussi, sur la politique étrangère.
Puis, il y a ce que nous voulons faire ensemble de l'Europe. L'Europe, ce n'est pas simplement un marché, une monnaie, des règles. L'Europe c'est une conception commune, ce sont des valeurs. Et il est bien temps que nous puissions, au-delà des disciplines qui nous ont à ce point mobilisés ces dernières années, à cause de la crise qui a sévi, nous voulons que l'Europe puisse avancer, qu'elle puisse être plus forte sur le plan politique, porter sa parole, et ne pas laisser d'autres le faire à notre place, surtout quand ils ne veulent plus jouer l'influence qui était la leur précédemment, ou qu'ils veulent au contraire pousser des avantages.
L'Europe doit être une puissance politique. L'Europe doit aussi donner des espoirs à des peuples qui aujourd'hui, doutent d'elle. Et si les peuples se défont de cette ambition européenne, ce n'est pas simplement l'Europe qui aurait à en souffrir, c'est la démocratie elle-même. Parce que ceux qui mettent en cause l'Europe mettent en cause ses valeurs, mettent en cause ses principes. Et puis nous devons aussi donner une dimension sociale à l'Europe, une dimension de solidarité, j'y reviendrai au sujet des réfugiés.
Mais je reviens à l'amitié entre la France et la Grèce. Elle a aussi une dimension économique que je veux renforcer avec cette visite. La France est le quatrième investisseur en Grèce, 120 entreprises, 12 000 salariés grecs, je souhaite que la France puisse être plus présente encore si vous en décidez ainsi dans les grands projets d'infrastructures mais aussi en matière de santé, en matière d'énergie, en matière aussi de nouvelles technologies. Nous pouvons, si nous en décidons ainsi, construire un partenariat exceptionnel.
Votre Premier ministre a appelé à un retour des investisseurs, je relayerai son appel en France. Je suis venu ici en Grèce avec une délégation qui comporte des ministres, des parlementaires de toutes sensibilités, des élus, mais aussi beaucoup de chefs d'entreprise, parce que je voulais que ces chefs d'entreprise puissent avoir confiance dans la Grèce et prendre des décisions qui puissent être utiles à nos deux pays.
Puis, il y a la culture, la culture qui n'est pas un supplément d'âme, qui est notre âme. Nous sommes deux grandes nations qui ont la prétention d'incarner une conception du monde par la culture. La culture c'est ce que nous pouvons penser être de plus précieux, on peut tout enlever à un peuple, à un pays, sauf sa culture, parce que c'est son âme précisément. Je veux que nos deux pays puissent avoir plus d'ambition pour nos artistes, pour nos musées, pour le secteur archéologique, qui est également fondamental et l'Ecole française d'Athènes contribue depuis 1846 au rayonnement de nos deux pays dans ce domaine. Et puis il y a la francophonie, le français est la deuxième langue enseignée au primaire et au collège ici en Grèce, mais je me souviens que pour une génération plus ancienne - c'est-à-dire la mienne -beaucoup de Grecs parlaient français. Alors je veux que la France devienne le premier pays d'accueil d'étudiants grecs et je veux qu'il y ait une multiplication des accords entre les universités - 500 accords ont été signés entre les universités grecques et les universités françaises.
Et puis il y a ce que nous pouvons faire dans la coopération dans beaucoup de domaines - j'ai évoqué ces sujets - et ça sera intégré dans la déclaration que nous avons signée avec le Premier ministre Alexis TSIPRAS. La France mettra son assistance technique à la disposition de la Grèce pour la lutte contre l'évasion fiscale, pour la modernisation de l'administration, pour la réforme hospitalière, pour la gouvernance locale, pour tout ce qui peut contribuer à vous aider à retrouver de la croissance. Je pense aussi à la gestion des actifs de l'Etat, je sais que c'est un sujet sensible ici, mais la France est prête - justement parce qu'elle est soucieuse elle aussi de la souveraineté et de l'indépendance - de vous accompagner pour cette gestion des actifs de l'Etat qui a été l'un des sujets de la nuit du 13 août.
Mesdames, Messieurs les députés, je vous l'ai dit, l'Europe c'est ce que nous pourrons en faire. L'Europe c'est un acquis, c'est un héritage, c'est une histoire £ la seule question qui vaille maintenant est celle-ci : est-ce que c'est encore un projet ? Est-ce que c'est encore une ambition ? Est-ce que c'est encore un destin ? On ne reste pas dans l'Europe simplement pour avoir une protection monétaire ou un soutien financier, on est dans l'Europe parce qu'on a la conscience que c'est en étant ensemble qu'on pourra être plus fort, plus solidaire, plus capable de changer le monde, et c'est pourquoi je veux souligner que l'Europe n'existe pas sans solidarité et sans valeurs communes.
Aujourd'hui c'est la Grèce qui est en première ligne face à l'afflux de réfugiés, 500 000 depuis le début de l'année. La grande majorité fuit la guerre et les massacres et viennent chercher en Europe la protection ceux-là doivent être accueillis - et puis il y en a d'autres qui utilisent la migration pour chercher un travail qui leur échappe dans leur propre pays, nous ne pourrons pas les accueillir, c'est une décision lourde, mais c'est ce que nous avons à faire - nous devons protéger nos frontières et l'Europe doit être aussi une garantie.
On ne peut pas laisser la Grèce, l'Italie seules face à cet afflux de réfugiés, donc l'Europe doit prendre des décisions. Et c'est là que revient le mot de solidarité, et ceux-là même qui pouvaient douter de la solidarité, lorsqu'il s'agissait de prévoir des financements pour tel ou tel pays, appellent aujourd'hui à la solidarité de ces mêmes pays pour protéger la frontière, et ils ont raison de le faire - comme la Grèce avait raison de demander la solidarité - parce que c'est le fondement même de l'Union européenne.
C'est quand un pays est en difficulté qu'il faut lui prodiguer son soutien, pas quand il va bien. Nous avons tous besoin les uns des autres. Certains en Europe sans doute connaissent-ils mal la géographie - ont découvert que la Grèce était au Sud, qu'elle avait une frontière à quelques kilomètres, ses côtes en tout cas, de la Turquie et que les îles grecques étaient aujourd'hui submergées. Alors c'est ça que nous devons faire apparaître, la solidarité et l'efficacité, parce que si la solidarité ne se résume qu'à des incantations, à des mots, à des proclamations, elle n'a pas de portée. La solidarité ça doit être de créer ces centres qu'on appelle hotspots, pour que les personnes qui s'y présentes puissent être enregistrées, accueillies, raccompagnées pour celles qui ne peuvent pas prétendre y entrer ou réparties pour celles qui relèvent du droit d'asile. Et nous devons aussi avoir un système de gardes-frontières, nous devons avoir avec la Turquie une relation qui soit à la fois de soutien et en même temps d'exigence, parce qu'on ne peut pas accepter non plus que la Turquie laisse passer un certain nombre de personnes qui devraient normalement être retenues, donc nous devons avoir avec la Turquie - et nous avons commencé la Commission européenne et même madame MERKEL dimanche dernier - avoir cette relation, au nom de l'Europe, mais là aussi en veillant à ce que les conditions soient posées et que des moyens puissent être accordés. La France elle-même doit mettre à disposition des agences européennes qui soutiennent la Grèce, je pense notamment à Frontex où le Bureau européen pour l'asile, des dizaines d'experts, pour que les formalités, les procédures soient accélérées.
Mesdames, Messieurs les députés, vous avez vécu et vous vivez encore une crise. Ce mot vient du grec ancien « krinein », qui signifie choisir et décider. La crise c'est un moment où tout peut basculer, un moment aussi où tout peut être fait pour que ressurgisse l'espoir et à cette renaissance la France doit prendre sa part. Si j'ai souhaité qu'il puisse y avoir une nouvelle étape de la construction européenne ce n'est pas pour organiser je ne sais quelle fuite en avant ou pour chercher dans un lendemain approximatif ce que le présent ne peut pas nous fournir, mais c'est parce que j'ai la conviction que si l'Europe n'avance pas, chaque pays finira par douter. Je vois bien y compris dans le mien - la poussée de l'influence de ceux qui veulent se retirer de tout, se replier, se barricader, ériger des murs, considérer l'autre comme un suspect, ne plus vouloir rien donner à ceux qui n'habitent pas dans le même endroit ou dans le même pays, je vois bien comment ces forces face à des épreuves comme celle des réfugiés utilisent la peur, je vois bien comment la crise sociale, économique, a pu également nourrir un certain nombre de désillusions, de fractures, d'oppositions.
Alors nous devons agir et c'est la raison pour laquelle je propose que l'Europe puisse se donner un nouvel agenda, un agenda où on puisse se retrouver sur un certain nombre de projets d'investissement, au-delà du Plan Juncker £ un agenda qui place la jeunesse au cur des politiques européennes, qui permette à l'Union économique et monétaire, la zone euro, d'avoir également son propre budget, qui mette en place un gouvernement économique et qui associe directement le Parlement européen.
Nous devons avancer, avancer toujours, et je redis ici en Grèce parce que comme la France, nous sommes influencés par la philosophie des Lumières, nous croyons toujours que le progrès est possible. Nous sommes revenus de beaucoup d'épreuves. Nos deux peuples sont regardés dans le monde au-delà de leurs forces économiques ou de leurs faiblesses parce qu'ils incarnent une idée de la civilisation, parce qu'ils ont cette conscience de pouvoir porter un message européen, un message européen pour souder les peuples entre eux, pour repousser les fanatismes, pour permettre une vie ensemble, une vie commune, pour être capable de donner à la jeunesse une nouvelle espérance. C'est la raison pour laquelle je suis venu à Athènes, et aussi parce que je voulais vous dire toute ma gratitude pour les choix que vous avez faits, vous dire toute ma solidarité et, en même temps, le respect que je dois vous demander des engagements qui ont été pris. Mais je voulais aussi venir à Athènes parce qu'ici, ici où est née la démocratie, où l'Europe d'une certaine façon a été imaginée, c'est encore ici que nous devons préparer l'avenir commun. Vive la Grèce, vive la France !