22 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-grecques et la construction européenne, à Athènes le 22 octobre 2015.
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre, Cher Alexis,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Je suis très sensible à votre invitation et à l'accueil que vous me réservez, ainsi qu'à la délégation qui m'accompagne, les ministres, les parlementaires, les chefs d'entreprise. Nous sommes très sensibles, aussi, aux mots que vous avez pu prononcer.
Ils viennent d'un homme pétri de culture et de science politique. La culture et la science politique peuvent servir à de grandes causes, notamment à rappeler les liens qui unissent nos deux pays Vous parlez pour la plupart un français parfait £ ceux qui n'ont pas cette chance et sont donc accablés par le malheur peuvent se reporter au document qui est prévu à cet effet
Vous avez rappelé ce qu'était votre attachement personnel à la France, vous, Monsieur le Président, puisque vous êtes un ancien boursier du gouvernement français, vous y avez suivi des études au plus haut niveau, vous êtes un parfait francophone et vous l'avez encore montré, vous pouvez citer André MALRAUX sans vous référer à la moindre note. Vous avez également présidé pendant longtemps le Groupe parlementaire d'amitié entre la France et la Grèce.
Vous êtes également un ardent Européen. Dans toutes les fonctions que vous avez exercées, vous vous êtes toujours impliqué, pour que l'Europe puisse avancer, puisse être une communauté de valeurs et puisse franchir des étapes qui ne soient pas qu'économiques ou monétaires.
Vous avez joué un rôle majeur, au lendemain du référendum : vous avez réuni les familles politiques de votre pays, ici même, vous avez rappelé leur attachement à l'Europe et à la Zone Euro. C'est parce que vous avez eu cette volonté commune de rappeler ce qu'est l'engagement de la Grèce pour l'Europe que votre voix a pu être entendue.
J'ai fait en sorte, non pas simplement d'être votre porte-parole, je n'en avais pas le droit et ce n'est pas ma fonction, mais d'être auprès de vous, aux côtés de la Grèce, pour vous appeler à prendre des responsabilités et l'Europe à faire preuve de solidarité.
Je suis également heureux de retrouver Alexis TSIPRAS ici, car d'habitude je ne le vois qu'à Bruxelles. Je préfère, même si le soleil n'a pas été au rendez-vous, être ici en Grèce pour lui parler, plutôt que dans les couloirs de Bruxelles. Nous avons passé toute une nuit ensemble, avec les chefs d'Etat et de gouvernement. C'était la nuit entre le 12 et le 13 juillet, jusqu'au dernier instant, nous ne savions pas si nous pourrions conclure l'accord. Il a fallu l'obstination, le courage d'Alexis TSIPRAS pour que nous puissions aboutir à ce résultat.
Vous avez fait le choix de la responsabilité, l'Europe a fait le choix de la solidarité, avec un programme de 86 milliards d'euros sur trois ans. Mais cette solidarité doit encore se renforcer. De nouvelles avancées sur la dette seront nécessaires et cela fait partie de la résolution d'ensemble de la question.
Je sais l'importance des efforts, des sacrifices, que le peuple grec a pu consentir depuis plusieurs années. Je sais aussi l'ampleur des réformes que vous engagez, la réforme de l'Etat, de l'impôt, des services publics, de l'éducation, de la santé. Toutes ces réformes ne visent pas seulement à rétablir les comptes publics, elles doivent également être dirigées vers la croissance et vers l'activité. Le sens de cette politique, c'est d'apporter plus de sécurité à la population, plus de respect des règles européennes, mais aussi plus de bien-être.
La France, je vous l'affirme ici, sera à vos côtés pour vous apporter plus d'assistance technique dans des secteurs comme la gestion des actifs publics, comme les collectivités locales, comme la santé. Ces objectifs figureront dans la déclaration conjointe que nous adopterons demain.
La France a toujours été aux côtés de la Grèce dans les épreuves qu'elle a pu traverser. La France était là pour soutenir la jeune République de VENIZELOS pendant la première guerre mondiale. La France était là, lorsqu'en 1945, une centaine de jeunes intellectuels fuyaient la répression. Vint en France, parmi eux, un certain Cornelius CASTORIADIS, qui fut un grand promoteur de la démocratie à l'âge des totalitarismes. Beaucoup d'intellectuels grecs ont pu enrichir la culture française, inspirer même des partis politiques et faire preuve également de combativité et d'engagement contre les dictatures.
La France était là aussi, à la fin de la dictature des colonels, lorsque Constantin CARAMANLIS rejoignit Athènes dans l'avion du Président GISCARD d'ESTAING. La France était toujours là pour appuyer l'entrée de la Grèce dans la Communauté européenne, réalisant ainsi une promesse, un projet que le général de GAULLE avait lui-même formulé en 1962.
Cette histoire commune a naturellement créé des liens très forts entre nos deux pays. Ils se concrétisent par des échanges économiques, la France est l'un des premiers partenaires commerciaux de votre pays et nous voulons qu'elle investisse davantage. Elle est déjà le quatrième investisseur étranger en Grèce, il y a plus d'une centaine d'entreprises françaises qui sont présentes ici, employant plus de 12 000 Grecs, dans des domaines très différents comme le bâtiment, les travaux publics, l'énergie, l'industrie. Je veux qu'elles soient plus nombreuses et qu'elles investissent encore davantage. J'ai demandé à un grand industriel, qui a longtemps présidé RENAULT, Louis SCHWEITZER, de mettre son expérience au service de cette grande cause.
Notre partenariat n'est pas simplement économique, il est aussi culturel. Nous avons une même passion pour l'étude de l'histoire et de l'antiquité grecque. Je pense à l'Ecole française d'Athènes, qui tisse depuis 1846 le fil de la coopération historique et archéologique franco-grecque. Aujourd'hui, ce sont de jeunes artistes qui trouvent dans l'Institut français de la Grèce un lieu de liberté et de création.
La France accueille 2 500 étudiants grecs dans nos universités, perpétuant ainsi une tradition francophone de la Grèce et je me réjouis qu'un élève sur deux en Grèce apprenne notre langue.
Monsieur le Président de la République, dans un texte intitulé « Tisser l'amitié », Jean-Pierre VERNANT, ce grand ami de la Grèce, évoque la « philia » grecque. « L'amitié, dit-il, peut se penser sur le modèle du tissage. Un tissage qui unit chacun à soi-même, comme il l'unit aux autres. » Voilà le sens de l'amitié fraternelle qui relie la France et la Grèce depuis longtemps.
Depuis l'Histoire, l'Histoire multimillénaire de votre pays, la France puise une partie d'elle-même, de ses origines, de ses références, de son imaginaire dans votre culture. C'est pourquoi nous nous sommes autant engagés auprès de vous. Pour l'Histoire, pour la culture, pour des valeurs communes, mais également pour l'avenir. Nous ne concevions pas la Grèce isolée en Europe, repoussée par les Européens. Nous n'imaginions pas l'Europe sans la Grèce. Comment la France aurait-elle pu vous mettre de côté, à côté de nos aspirations communes ? Cela n'aurait pas été la France et cela n'aurait pas été l'Europe. C'est pourquoi elle a fait ce choix.
Nous devons, en France comme en Grèce, deux grandes nations européennes, porter les valeurs de dignité, de respect, les valeurs qui permettent à chaque peuple d'être en paix avec lui-même. Vous faites face à l'afflux de réfugiés nombreux, plus de 500 000 sont venus de Turquie jusqu'en Grèce, puis ensuite dans toute l'Europe. Je sais ce que ce fardeau, car, cela en est un, même s'il est humain et qu'il doit inspirer en nous le respect humanitaire, je sais ce qu'il peut représenter. C'est la raison pour laquelle l'Europe doit être, une fois encore, à vos côtés.
C'est à la fois son devoir moral, c'est également son intérêt. Vous êtes notre frontière. Vous êtes la pointe avancée de l'Europe dans le Sud de la Méditerranée. Donc, protéger la frontière, c'est protéger aussi la Grèce et faire en sorte que les centres que vous créez, ces fameux centres hotspots, puissent être véritablement efficaces et dignes dans l'accueil que l'on peut réserver à ceux qui fuient les lieux de massacres.
Voilà pourquoi, il était si important que je puisse enfin venir en Grèce, Monsieur le Président. Car, dès votre élection, vous m'aviez lancé cette invitation. Je cherchais le bon moment pour y répondre. J'ai pensé que c'était maintenant la meilleure période, non pas parce que tout serait réglé, mais parce que beaucoup a déjà été fait. Parce que nous avons confiance, les uns et les autres dans l'avenir. Parce que nous portons des valeurs de progrès. Aussi, parce qu'il nous reste encore beaucoup à faire. Beaucoup à faire dans nos pays respectifs, qui sont toujours saisis par les interrogations et les peurs. Mais beaucoup à faire aussi pour l'Europe, qui ne peut pas donner le visage simplement de l'angoisse et de l'inquiétude.
L'Europe a toujours été un espace d'espoir, d'engagement et de combat pour l'essentiel. Voilà pourquoi, en ce jour si important pour nos deux pays, je voulais lever mon verre à l'amitié entre la France et la Grèce et vous dire toute ma confiance dans notre Histoire, mais aussi dans notre avenir.