21 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et le Mali, la lutte contre le terrorisme, la crise des réfugiés et sur la Conférence de Paris sur le climat, à Paris le 21 octobre 2015.


LE PRESIDENT : Mesdames, Messieurs, j'accueille avec grand plaisir le Président du Mali, Ibrahim Boubacar KEITA, pour cette visite d'Etat. Ce n'est pas la première fois qu'il vient ici, au Palais de l'Elysée. Il y a eu d'autres occasions, heureuses, tragiques. Je me souviens, il était là le 11 janvier de cette année et il avait défilé à mes côtés pour saluer la mémoire des victimes du terrorisme. J'avais tenu à ce qu'il soit accroché à mon bras, et moi au sien, parce que nous sommes liés, de manière indéfectible, par ce que nous avons subi du terrorisme et ce que nous avons été aussi capables de faire ensemble pour lutter contre ce fléau. C'était important qu'à travers nos deux personnes, le peuple malien et le peuple français, puissent montrer cette solidarité indéfectible.
Mais aujourd'hui, le Président Ibrahim Boubacar KEITA est là pour une visite exceptionnelle. Exceptionnelle parce qu'elle va durer deux jours. Exceptionnelle parce qu'il va y avoir des rencontres politiques, économiques. Exceptionnelle parce que lui-même va aller demain à l'OCDE et c'est très important que nous puissions, lui et moi, mobiliser la communauté financière internationale pour l'appeler à investir massivement au Mali £ et c'est aussi une visite exceptionnelle dans le contexte que l'on connaît, toujours la lutte contre le terrorisme, même s'il touche moins le Mali aujourd'hui, il frappe des pays voisins. Des pays également amis je pense au Niger, je pense au Nigeria, je pense au Cameroun, je pense au Tchad et si les noms des organisations terroristes peuvent être différents, ce sont toujours les mêmes idéologies, les mêmes pratiques barbares qui sont hélas au rendez-vous.
C'est une visite également exceptionnelle dans le contexte de ce que l'on appelle « les réfugiés ». C'est-à-dire ces milliers de femmes, d'hommes, d'enfants qui, parce qu'ils sont menacés dans leur propre pays, décident d'aller loin. La plupart de ces réfugiés, qui peuvent être des réfugiés politiques, des réfugiés climatiques, il y en a beaucoup, sont accueillis par les pays du Sud, 80 % des réfugiés dans le monde sont accueillis par les pays du Sud. Si je pouvais utiliser une formule, je dirais « ce sont les pauvres qui accueillent les plus pauvres qu'eux ». Puis, il y a aussi ceux qui viennent jusqu'en Europe et qui espèrent trouver là le refuge ou un avenir économique. Nous devons avoir des règles communes. Elles sont connues ! Autant ceux qui relèvent de l'asile doivent être accueillis, autant ce qu'on appelle les « migrants économiques », et même si l'on peut en comprendre les raisons, doivent être raccompagnés.
Mais en même temps, on ne peut pas raccompagner des femmes, des hommes s'il n'y a pas un avenir possible pour le bien-être qu'ils attendent dans leur propre pays ! Il va donc y avoir une réunion importante qui va se tenir à La Valette, à Malte, entre l'Europe et l'Afrique, et le Mali sera regardé comme une référence, comme un exemple de ce que nous pouvons faire. L'Europe doit aussi en tirer les conséquences en ayant une politique africaine qui soit fondée sur le développement et le respect.
Nous aurons également la conférence sur le climat. Le Mali a décidé de prendre sa part et de s'engager, avec des pays africains, avec nous, la France, pour que nous puissions réussir cette conférence et faire en sorte que des moyens financiers puissent là-encore être dégagés pour le développement, pour l'accès aux nouvelles technologies, pour faire franchir des étapes, notamment sur le plan énergétique, à des pays qui n'ont pas nécessairement des ressources énergétiques c'est le cas du Mali qui ont d'autres ressources et qui veulent pouvoir également accéder à l'électricité et à l'autonomie énergétique.
Voilà le contexte dans lequel nous nous retrouvons. Vous comprendrez bien que je veuille dire au Président KEITA combien nous regardons le chemin qui a été parcouru avec fierté, et avec, également confiance.
Il y a à peine trois ans, je prenais la décision, au nom de la France, de faire intervenir nos forces au Mali. C'était le 11 janvier comme quoi il y a des dates, comme cela, qui s'inscrivent dans l'Histoire le 11 janvier 2013. A ce moment-là, il fallait parer à l'urgence. L'urgence, c'était une action terroriste d'envergure qui voulait submerger l'ensemble du Mali. Nous avons, grâce à nos armées, dans un premier temps, endigué, dans un second temps repoussé, dans un troisième temps renvoyé les terroristes. Il y en a encore, mais nous avons sécurisé le Mali.
Mais cette étape-là, essentielle, si elle n'avait pas été suivie par d'autres, n'aurait été qu'une opération militaire. Il a fallu qu'il y ait une transition politique, et d'abord des élections. Le Président KEITA est, si je puis dire, le produit de ce processus. Il a convaincu le peuple Malien de lui faire confiance, et j'étais moi-même présent à Bamako pour la cérémonie d'investiture.
Cependant, il ne suffit pas d'avoir des autorités légitimes, un Président élu, pour qu'un pays connaisse la paix, la sécurité, le développement. Il a donc fallu qu'il y ait toute l'obstination du Président KEITA et que nous puissions aller, grâce à nos amis algériens, qui ont accueilli les délégations, qu'il y ait cet accord de paix. Aujourd'hui, il a été signé, il est respecté et c'est très important que par exemple, nous en parlions tous les deux, que les écoles à Kidal puissent rouvrir, après trois ans de fermeture. Je pense que le Président KEITA, comme tous les Maliens et notamment ceux qui vivent dans le Nord, ont dû voir à travers cette réouverture de l'école, un symbole de la réussite.
Nous devons également appuyer le développement économique du Mali, et c'est ce que cette visite d'Etat va permettre de faire. Là-encore, je pense que nous devons être exemplaires. Exemplaires, parce que la France ne demande aucun privilège £ elle demande simplement à ses entreprises d'être les meilleures pour pouvoir offrir des produits, des services et des investissements qui puissent être utiles au Mali.
Nous voulons toujours aussi, par l'opération Barkhane, assurer autant qu'il est possible la protection et le respect des accords que nous avons passés avec les pays de la région. C'est la raison pour laquelle, il y a encore des soldats français présents au Mali, en même temps qu''il y a la MINUSMA, et je veux saluer leur courage, leur dévouement et, pour certains d'entre eux, le sacrifice. Je pense au premier qui est mort pour l'intégrité du Mali, pour la paix, pour lutter contre le terrorisme, et mort pour la France, Damien BOITEUX, et en citant ce nom, je cite le nom de tous les soldats français qui sont morts et je n'oublie pas les blessés. Encore récemment, il y a eu trois soldats qui ont été blessés à la suite d'une mine qui avait été posée là et qui a explosé. Ils sont aujourd'hui soignés, mais frappés douloureusement. Là-encore, j'exprime à leur famille toute notre solidarité.
La France sera toujours présente, dès lors qu'il y a un risque, dès lors qu'il y a une résurgence du terrorisme, pour assurer la sécurité et la stabilité. Je n'oublie pas non plus les communautés françaises au Mali, maliennes ici en France, et tout à l'heure, les deux hymnes ont été joués sous l'Arc-de-Triomphe comme pour symboliser cette relation exceptionnelle.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que signifie cette visite. Une visite importante même exceptionnelle et qui traduit bien ce que -pour ce qui me concerne- j'ai voulu faire. C'est-à-dire, à la différence de ce qui a pu se produire dans un passé qui n'est pas si lointain, une opération militaire, parce qu'elle était nécessaire, qui avait une légitimité internationale puisque l'ONU en avait donné l'autorisation, mais une construction également solide entre nos deux pays pour que le terrorisme ne puisse plus y retrouver quel que terreau que ce soit et que nous puissions ensemble bâtir un avenir qui puisse donner une perspective de développement au Mali, pays si cher à la France.