19 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique de l'emploi, à Paris le 19 octobre 2015.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Monsieur le Président du conseil économique, social et environnemental,
Je vous remercie une fois encore de nous accueillir dans cette enceinte pour cette quatrième conférence sociale.
Je salue ici tous les participants, les représentants des organisations syndicales, les représentants des employeurs, mais aussi tous ceux qui font vivre dans notre pays non seulement le dialogue, mais aussi la responsabilité.
Nous nous retrouvons pour cette quatrième conférence depuis le début du quinquennat. La première avait essentiellement été consacrée à la préparation de la réforme du marché du travail, et notamment des plans sociaux.
Souvenons-nous, il y en avait beaucoup à cette époque et il fallait trouver des méthodes et des moyens de les prévenir et surtout d'éviter qu'ils puissent créer une insécurité juridique aussi bien pour les employeurs que pour les salariés.
Cela a débouché sur un accord, un accord national interprofessionnel, qui est devenu une loi : la loi sur la sécurisation de l'emploi.
La deuxième conférence, elle, avait traité de la formation professionnelle. Et là encore, après une négociation, un accord national a été conclu et une loi est venue consacrer, traduire le résultat de cette négociation.
La troisième conférence avait été essentiellement dirigée vers la réflexion sur le dialogue social. Ce fut quelques mois plus tard la loi Rebsamen. Cette conférence avait également relancé l'apprentissage et des décisions importantes ont été prises permettant d'avoir déjà des résultats pour cette rentrée.
Alors qu'en conclure ? Aucune conférence n'est restée sans suite. Aucun de ces rendez-vous n'a été sans conséquence et sans portée.
Toutes les conférences ont ouvert des chantiers, porté des réflexions et se sont conclues par des accords nationaux ou par des lois.
Aujourd'hui, notre conférence est sans doute l'une des plus importantes du quinquennat, parce qu'elle nous met en face des grandes mutations qui sont à l'uvre : la révolution numérique, la transition énergétique, écologique, l'avenir du travail, les nouveaux rapports de production, et cette conférence est entièrement tournée vers la question du chômage et de donc de la création d'emplois.
Cette conférence nous oblige à concevoir de nouveaux instruments, de nouvelles règles pour de nouveaux progrès. Cette conférence, elle nous pose une question majeure : sommes-nous capables de réinventer notre modèle social, dans la fidélité aux valeurs qui l'ont fondé ?
Cette conférence nous place tous, les présents comme les absents, devant nos responsabilités. Voulons-nous une démocratie organisée et apaisée avec des acteurs prêts au compromis quand ils sont possibles ou alors considérons-nous qu'il faut en finir avec les partenaires sociaux, avec les corps intermédiaires, avec le paritarisme, ou nous en remettre au rapport de force, à la confrontation, au conflit, sur tous sujets et en tous lieux ?
Il est tentant, tellement facile d'ailleurs, de s'en prendre au dialogue social parce qu'il serait trop lent, trop lourd, trop lointain, de mettre en cause la légitimité des syndicats, des organisations d'employeurs et de considérer le paritarisme comme une vieille lune issue de l'après-guerre, et que l'on aurait uniquement à entretenir, alors même que c'est ce qui fonde la gestion de nos principaux régimes sociaux.
C'est aussi oublier que chaque année, 1 600 accords de branches, 40 000 accords d'entreprises sont signés, et le plus souvent d'ailleurs par toutes les organisations représentatives. Il est également commode, pour d'autres, de ne jamais s'engager à signer le moindre accord, en espérant d'ailleurs que d'autres le feront à leur place, tout en dénonçant dans le même mouvement les insuffisances du dialogue social.
Moi, je crois au rôle des organisations représentatives. Je crois à la nécessité d'avoir des acteurs responsables qui sengagent. Je crois au dialogue social, et je n'accepterai jamais que les violences inexcusables qui ont été commises à Air France puissent être l'occasion de s'en prendre au syndicalisme dans son ensemble.
Ce qui s'est passé dans cette grande entreprise justifie au contraire le recours au dialogue social avec des efforts partagés pour éviter les licenciements et assurer l'avenir de cette entreprise. Le dialogue social n'efface pas les conflits, les contradictions, les divergences d'intérêt £ il les organise, il leur donne un cadre, il favorise le compromis dans l'intérêt même de ceux qui font vivre l'entreprise.
Ce qui est vrai pour le dialogue social dans les branches, dans les entreprises, au niveau national, l'est également pour les régimes sociaux. Des régimes sociaux parfois peuvent relever de la loi et donc du gouvernement et du Parlement. Ce fut l'objet de la réforme des retraites de 2014, et je me réjouis déjà des résultats qui sont permis par cette évolution, puisque le régime général d'assurance vieillesse est d'ores et déjà équilibré cette année.
Et puis il y a les régimes sociaux qui obéissent aux règles fixées par les partenaires sociaux au nom du paritarisme. C'est le cas des retraites complémentaires.
A cet égard, l'accord de principe conclu le 16 octobre entre le patronat et plusieurs organisations syndicales est à mes yeux une preuve de responsabilité. Beaucoup ont anticipé l'échec, car des mesures courageuses étaient nécessaires pour sauvegarder l'ARRCO et l'AGIRC, dont l'horizon n'était que de douze ans pour les salariés et même de trois ans pour les cadres.
L'échec aurait conduit non seulement à une impasse financière mais à terme à la faillite des régimes. Ce qui aurait abouti soit à leur étatisation - on aurait demandé au gouvernement de définir, à la place des partenaires sociaux, l'avenir des régimes complémentaires-, soit à la privatisation on aurait demandé aux assurances de faire le complément. C'eut été une immense insécurité pour les futurs retraités, c'est-à-dire les salariés d'aujourd'hui.
Grâce aux efforts qui ont été prévus, les régimes de répartition sont préservés jusqu'en 2030 - tous les régimes de répartition, régime général, régime complémentaire- et les droits pour l'essentiel sont maintenus, sans que l'âge de la retraite n'ait été reculé, puisque c'est le choix qui reste proposé pour les futurs retraités.
Notre pays a besoin d'avancer, a besoin d'être réformé, mais pour y parvenir, il est nécessaire de donner des garanties, des garanties aux salariés pour leurs droits fondamentaux, des garanties aux entreprises par rapport à la visibilité qui doit être la leur, pour la conduite de leurs décisions et de leurs choix.
Et je veux parler clair, le statu quo n'est plus possible, et l'alternative, c'est la réforme ou la rupture, la rénovation du modèle social ou sa disparition. Jamais les sujets de négociation n'ont été aussi nombreux. Je parlais des rapports au travail, liés aux nouvelles technologies, les services à la personne, qui gomment les frontières du salariat, la formation sur toute la vie, l'indemnisation des chômeurs, les nouveaux métiers liés à la transition énergétique et écologique.
Sur tous ces enjeux-là, la France n'avancera pas sans une préparation commune des décisions, sans une concertation approfondie sur les réponses, et sans négociation sur les conséquences. Le dialogue social est donc non pas une formalité, non pas une obligation, je ne sais laquelle d'ailleurs, mais une condition du progrès.
Les employeurs ne pourront franchir les mutations qu'avec la participation des salariés, l'élévation de leurs qualifications et de leur niveau de formation. Quant aux salariés, ils ne peuvent pas tout attendre de la loi et du code du travail tel qu'il est. Faute d'être adapté aux nouvelles conditions économiques, écologiques, technologiques, il ne les protégera que de manière virtuelle et les contournements se multiplieront comme nous le voyons déjà au détriment de l'emploi et des droits sociaux.
Alors, il faut avancer. Chacun ici mesure la gravité de la période £ nous connaissons les fractures, les crispations, les tensions qui traversent notre pays, personne n'est dupe du jeu de ceux qui profèrent le repli derrière des frontières nationales au prétexte de nous sauver de tout alors que ce serait la ruine du travail français, quand on sait que le tiers de la production de notre pays est exporté.
Je rappelle aussi que notre compétitivité est la meilleure garantie pour notre emploi futur. Que dire de ceux aussi qui prônent le démantèlement du code du travail, de la durée du travail, du contrat de travail, voire du Smic, pour prétendument sauver les entreprises au détriment des travailleurs et de la cohésion sociale?
Ça me rappelle les tenants du grand soir, qui même s'ils venaient d'un tout autre camp et avaient une toute autre vision de la société, pensaient que, d'un seul coup, il était possible de faire table rase. Non, il n'y a pas plus de table rase que de radicalité £ il y a la réforme que nous devons engager.
Je sais que ce n'est pas facile, dans un tel contexte, la négociation, la concertation, le compromis, et pourtant, ce sont des démarches indispensables, parce que nous avons besoin justement de cohésion, et non de division. Mon objectif, celui du gouvernement, c'est la réforme, et ma méthode, celle du gouvernement, c'est le dialogue social. Le dialogue social n'empêche pas la prise de décision au terme d'un processus, et sur aucun sujet, il n'y aura de renoncement.
La démarche que je vous propose, c'est celle d'aborder franchement les grandes questions qui nous sont posées et qui sont à l'ordre du jour de la conférence
D'abord, le compte personnel d'activité £ c'est une grande réforme qui va sans doute prendre encore des années pour entrer en vigueur, mais qui va s'engager dès aujourd'hui. Notre modèle social devra s'attacher à mieux anticiper les ruptures, redonner des possibilités de promotion, fermer les différentes trappes à précarité qui se sont multipliées ces dernières années.
Nous devons accompagner les salariés dans des transitions professionnelles, et transformer ces mobilités, ces mutations en opportunités, et pour cela, nous devons construire des instruments juridiques pour assurer la continuité de la vie professionnelle des salariés. C'est le compte personnel d'activité.
Chaque actif sera doté, dès son entrée dans la vie professionnelle, d'une forme de capital, d'un patrimoine qui lui appartiendra en propre, et qui sera tout au long de sa vie fructifié par des droits qui s'accumuleront, le plus souvent exprimés en temps, et qui permettront à ce salarié d'avoir une meilleure mobilisation de ses droits, de faire des choix professionnels qui lui assureront une mobilité, un changement de métier, une promotion, un retour au travail s'il l'a perdu.
Le compte personnel d'activité est donc d'abord une plus grande capacité d'autonomie reconnue à chacun, mais aussi des garanties nouvelles, des droits fongibles, portables, faciles d'accès, des droits qui agrègeront le compte épargne temps, le compte de prévention de la pénibilité, le compte formation, et même les droits à congés. Et dans la discussion qui va s'engager, lors de la convention de l'UNEDIC, on pourra également mettre en uvre ce dispositif pour que les partenaires sociaux puissent y voir une solution à un certain nombre de transitions.
Le principe du compte personnel d'activité a été d'ores et déjà prévu par une loi, la loi Rebsamen du 17 août dernier, reste à en décider les modalités. France Stratégie a remis son rapport au Premier ministre, et ce rapport constitue une base solide pour vos travaux afin que la réforme puisse rapidement aller de l'avant. La ministre, madame EL KHOMRI, présentera à la fin du mois aux partenaires sociaux un document d'orientation sur ces différents points, afin qu'un accord ou une position commune puisse intervenir mi-décembre.
Ce texte précisera les éléments clefs de la réforme, les possibilités de mise en commun des comptes personnels existants, la création d'un portail de droits, le renforcement de l'accompagnement, la concrétisation du droit à la deuxième chance pour les jeunes sortis sans qualification, et qui pourront d'ailleurs être dotés d'un capital de départ. Les échanges se poursuivront avec les régions, au cours du mois de novembre, et l'objectif, c'est que le projet de loi puisse être soumis au Parlement dès le début de l'année prochaine. Voilà la grande réforme qui est celle du compte personnel d'activité.
Le deuxième enjeu de la conférence sociale, c'est la place de la négociation collective. La loi Rebsamen a considérablement simplifié les modalités de fonctionnement des instances représentatives. Mais l'enjeu aujourd'hui, c'est de faire en sorte que le dialogue social se rapproche de l'entreprise, car c'est à ce niveau que les adaptations nécessaires peuvent être négociées.
Le principe de l'accord majoritaire peut permettre de progresser dans cette voie en toute sécurité pour les salariés et leurs représentants. Sur la base du rapport qui a été présenté au Premier ministre par Jean-Denis COMBREXELLE, madame EL-KHOMRI mène une concertation approfondie qui doit déboucher, au début de l'année prochaine, sur des dispositions législatives.
Nous devons réduire le nombre de branches, -il y en a 750 en France, je rappelle qu'il y en a 50 en Allemagne-, faire en sorte que soit apporté un véritable service aux PME et aux TPE, et le rapport COMBREXELLE propose des accords de méthode pour fixer les règles de la négociation et introduit l'idée, qui mérite effectivement réflexion, d'accord à durée déterminée pour qu'il puisse y avoir régulièrement l'évaluation.
Il ne s'agit évidemment pas de toucher au principe du code du travail, à la durée légale du travail, au Smic, au contrat de travail. L'objectif, ce n'est pas d'inverser la hiérarchie des normes, c'est de faire le pari de la confiance pour que ce soit les employeurs et les salariés, à travers leurs représentants, qui déterminent d'un commun accord les solutions les meilleures pour leur entreprise ou pour leur branche professionnelle.
Ces dispositions seront donc incluses dans le projet de loi sur le travail, qui sera présenté comme je le rappelais au début de l'année par la ministre du Travail, en même temps que le compte personnel d'activité. De manière générale, notre législation du travail est devenue avec le temps illisible, comme l'ont souligné Robert BADINTER et Antoine LYON-CAEN.
Le problème n'est pas le volume de notre code du travail, mais le fait qu'il soit devenu de plus en plus difficile à utiliser par les intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire par les salariés, et de plus en plus difficile à pratiquer par les employeurs, notamment dans les PME et les TPE. Parce que le code du travail est le fruit d'une longue histoire, et revient dans le détail sur des solutions qui sont aujourd'hui dépassées, d'où la complexité.
Il y aura donc une clarification du code du travail, elle sera lancée sans tarder, et le Premier ministre en précisera la méthode et le calendrier.
La troisième question, qui est dans l'ordre du jour de la conférence, c'est le numérique et ce qu'il peut provoquer sur le travail et sur l'emploi. Là encore, il y a eu un rapport, je veux le saluer, celui de Bruno METTLING, sur la transformation numérique et la vie au travail.
Il nous rappelle que la grande aventure numérique impacte l'ensemble des activités et des entreprises, dans les quinze ans à venir, 50 % des emplois actuels auront évolué, certains disparu, ou en tout cas, été transformés par la révolution digitale. Mais d'autres, plus nombreux encore, auront été créés. Nous devons donc tenir compte de ce que cela va changer et dans le volume de l'emploi et dans la qualité du travail.
Nous devons faire en sorte qu'il y ait de plus en plus d'emplois créés par le numérique, et que la qualité du travail puisse être améliorée. D'où des questions, forcément, à traiter par les partenaires sociaux, la généralisation du travail à distance, le droit à la déconnexion, la comptabilisation du temps, et notamment les forfaits jours, les conditions de travail, et aussi la formation professionnelle, liées à ces nouveaux métier.
J'ai moi-même lancé la Grande école du numérique, pour faire en sorte que nous ayons beaucoup plus de jeunes qui se lancent dans cet apprentissage. La ministre de l'Education nationale a introduit l'enseignement du codage à l'école, pour que nous ayons des futurs salariés qui puissent s'emparer de cette question du numérique, non pas simplement pour en faire un élément de leur vie personnelle, ou de leurs loisirs, mais pour en faire un atout pour aller chercher et trouver un emploi.
Et le numérique ne doit pas être une fracture, sur le territoire, et entre les Français, cela doit être un atout mis à la disposition, ce qui suppose, là aussi, de changer les mécanismes de la formation professionnelle, et d'adapter d'ailleurs, tous les outils sociaux pour qu'ils soient beaucoup plus accessibles aux salariés.
Le numérique, c'est aussi la disparition de certaines tâches répétitives ou physiques, mais cela peut être aussi des emplois qui peuvent être moins qualifiés que par le passé, et nous devons faire en sorte qu'il y ait une élévation du contenu en qualité et en emplois de la croissance numérique. Et puis, il y a aussi ce que nous devons faire pour que les salariés ou prétendus tels, qui sont embauchés par de grandes organisations, fondées sur l'économie collaborative ou du partage, que ces travailleurs puissent avoir un statut qui leur soit reconnu, et que l'on évite les sorties de la protection sociale.
Des formes d'individualisation qui affaibliraient nos régimes de solidarité. Et il y a aussi ces frontières qui s'estompent entre salariés, auto-entrepreneurs ou prestataires de services, voire même particuliers, mettant en cause d'autres activités, elles-mêmes déclarées, on l'a bien vu dans un certain nombre de secteurs, que ce soit pour les transports ou pour le tourisme.
Donc, nous avons à travailler sur ces questions-là, et ce sont les partenaires sociaux avec l'Etat, qui devront faire les propositions qui sont nécessaires. Nous devons penser le progrès technologique et le progrès social ensemble, et puis aussi libérer un certain nombre d'initiatives et d'énergies. La loi sur les nouvelles opportunités économiques, que présentera le ministre MACRON, en lien d'ailleurs avec la loi sur le Travail, permettra une adaptation aux nouvelles activités du numérique.
Il y aura également un cadre qui sera fixé pour le consommateur comme pour le producteur, de manière à ce que nous puissions tirer le maximum d'avantages du potentiel à la fois de services et de créations d'emplois que le numérique peut être capable de générer. Cette loi doit nous donner toutes les occasions de saisir les opportunités, et de moderniser notre pays sans défaire les droits. C'est tout l'enjeu qui est posé.
Comment faire en sorte que nous puissions, non pas nous adapter, mais anticiper sur les mouvements du numérique, sans faire disparaître les droits essentiels et notamment de protection des salariés. Finalement, cette réflexion sur le numérique est aussi celle que nous devons engager sur la transition écologique et énergétique. La France va accueillir la conférence à la fin de l'année, il y a en ce moment même une négociation qui est engagée à Bonn, nous avons une certaine confiance dans le résultat de cette conférence, dès lors que des Etats se sont engagés, des contributions ont été portées.
Il y aura un accord à Paris. Toute la question est de savoir à quel niveau sera l'accord, et si nous pouvons régulièrement le réviser, c'est cela l'enjeu de la négociation. Mais je n'ai pas de doute, quoi qu'il se passe à Paris, cette transition écologique et énergétique, elle est inscrite, des mouvements considérables vont avoir lieu, des investissements massifs vont être opérés.
Et toute la question est de savoir si la France, qui a de l'avance sur un certain nombre de technologies, aussi bien pour l'efficacité énergétique que pour le renouvelable, toute la question est de savoir si la France va encore accentuer son avance ou va se laisser finalement emporter par le mouvement. Donc nous devons, là aussi, faire de la transition énergétique non pas une contrainte, non pas une somme de réglementations, non pas de nouvelles fiscalités, nous devons faire en sorte que ce soit un atout économique, et aussi un mieux vivre, tout en protégeant la planète.
Aujourd'hui, il y a près d'un million de personnes qui travaillent directement dans l'économie verte, demain, nous pensons que ce sera le double, voire le triple, dès lors que la transition énergétique sera menée avec des investissements massifs, et avec une part croissante de populations qui seront concernées.
Tout cela peut faire apparaître de nouveaux marchés, et de nouveaux modèles pour notre industrie. La transition énergétique et écologique, c'est l'avenir de l'industrie en France, cette industrie, qui a perdu des emplois pendant ces vingt dernières années, cette industrie qui a décroché en termes de compétitivité, notamment ces dernières années, cette industrie qui a des points forts, qui nous font reconnaître partout dans le monde, cette industrie doit être confortée, doit être soutenue, doit être renouvelée.
Et la transition énergétique et écologique alliée avec le numérique, est pour nous un champ de développement considérable et d'exportations qui peuvent nous mettre dans une situation comparée à d'autres pays tout à fait favorables. Pour nous préparer à cette évolution, il y a la loi sur la transition énergétique et sur la croissance verte, il y a des mécanismes qui ont été introduits, et là aussi, il y a une stratégie qui a été définie.
Je demande aux partenaires sociaux de prendre toute leur part dans la définition de ces choix, à la fois dans les modes de production, dans le soutien à l'activité, dans l'organisation du travail et dans la formation. Parce que le problème que nous avons en France, ce n'est pas seulement c'est déjà considérable d'avoir trois millions et demi de chômeurs, et beaucoup de précaires, le problème que nous avons, c'est d'avoir des emplois qui ne sont pas pourvus.
Le problème que nous avons, c'est d'avoir des possibilités d'emplois qui ne sont pas saisies, non pas à cause des demandeurs d'emploi ou des chômeurs, mais à cause d'un système de formation défaillant £ la formation initiale, nous y travaillons, ce sont les réformes que nous engageons pour l'éducation. L'apprentissage, nous l'avons soutenu, stimulé, et il y a tout le système de formation professionnelle, qui exige que chaque euro qui est collecté dans le champ des organisations professionnelles soit directement affecté à la préparation des emplois de demain.
Ce qui exige que pour les jeunes, et encore davantage pour les chômeurs, ces fonds puissent être directement orientés vers des formations qui débouchent sur des métiers, ce qui aussi justifie que Pôle emploi, avec les régions, puisse davantage encore que, aujourd'hui, proposer à tout demandeur d'emploi une formation qualifiante, surtout pour les chômeurs de longue durée, qui s'interrogent sur la possibilité qu'ils auront un jour de retrouver une insertion sur le marché du travail.
C'est ce grand enjeu de la formation professionnelle qui est posé, à la fois par le niveau du chômage et par les mutations que notre économie doit affronter, affronter et saisir. S'il n'y avait pas de possibilités d'emplois, nous pourrions envisager que des mesures sociales, mais là, nous avons ces opportunités qui sont là, nous devons former pour pouvoir avoir les meilleures chances dans les transitions qui s'opèrent.
Là aussi, il va de soi qu'une position convergente de l'ensemble des partenaires sociaux, sur cette vision-là, sur cette stratégie-là, sur cet enjeu de qualification, et d'investissement, oui, je vous le dis, une stratégie commune de l'ensemble des partenaires sociaux, avec le gouvernement, serait un atout précieux pour aller de l'avant.
A la confluence de tous ces enjeux il y a l'insertion des jeunes. Beaucoup a été fait depuis 2012 emplois d'avenir, apprentissage, garantie jeunes, réforme de l'éducation, droit au retour en formation pour ceux qui ont été écartés trop tôt du système scolaire mais il va falloir faire davantage encore.
D'abord le droit au retour en formation, qui est désormais opérationnel et qui accueille des milliers de jeunes sortis sans qualification de l'école, doit être encore amplifié.
Je souhaite notamment que le compte personnel de formation, qui deviendra donc le compte personnel d'activité de ces jeunes, soit crédité d'un nombre d'heures suffisant pour atteindre un premier niveau de qualification.
Ensuite, je souhaite le renouvellement pour 2016 du plan relatif aux formations prioritaires £ cela vaut pour les jeunes comme pour les moins jeunes. 100 000 ont été réalisées en 2015 avec un très beau succès puisque l'on pense que 60 % de ces formations ont débouché sur un emploi.
Ce potentiel sera porté l'an prochain à 150 000, et encore d'avantage tourné vers les chômeurs de longue durée, vers les seniors et vers les jeunes.
Enfin, dans le cadre de sa montée en charge, la garantie jeunes offrira 100 000 places en 2017 et sera étendue à l'ensemble des territoires volontaires dès mars 2016, c'est-à-dire, je l'espère, à la totalité du territoire. Parce que c'est un enjeu majeur. On ne peut pas laisser un jeune sans formation, sans qualification et sans emploi.
Mesdames et messieurs, je l'ai rappelé devant vous, notre modèle social doit se renouveler pour rester fidèle aux valeurs qui l'ont constitué. Il ne peut pas être une construction inexorablement figée en dehors du contexte économique et de la réalité vécue par les salariés.
Mais si le dialogue social vient à s'enrayer, soit par des défauts de participation des acteurs ils en ont le droit soit par contestation même de son utilité - ce qui serait faux -, alors ce n'est pas le dialogue social qui sera enrayé, c'est le modèle social qui sera défait. Et les premières victimes seront les salariés qui seront laissés à eux-mêmes sans représentants légitimes, capables de les défendre £ mais les entreprises elles-mêmes, et je les mets en garde si certains avaient cette idée là à l'esprit. Les entreprises elles-mêmes, faute de dialogue social, faute de responsabilité sociale, faute d'un modèle social partagé, seraient confrontées à des mouvements qu'elles ne pourraient plus maitriser, à la confrontation, à la force, à la brutalité, au désespoir.
Donc à travers le modèle social, son avenir, c'est l'équilibre du pays qui est en cause, et la conception même des rapports sociaux. C'est le choix entre l'affrontement et l'apaisement, la rupture ou la réforme, le repli ou l'ouverture. Et cette question n'est pas posée simplement au Président de la République ou au gouvernement, elle est posée à chacune et à chacun d'entre vous, présents ou absents.
Nous avons le devoir de redonner confiance dans le progrès, dans l'avenir, dans un projet collectif. Les mutations économiques, les transitions énergétiques, écologiques, la nouvelle donne technologique nous offrent la vue de nouvelles conditions pour bâtir une économie solide, nouvelle, créative.
Ces opportunités-là, il faut les saisir pour les mettre au service de la croissance et de l'emploi.
La reprise économique qui est là, encore insuffisante, le rétablissement de nos comptes publics qui a été opéré et qui se poursuivra, et l'amélioration de notre compétitivité qui a été favorisée par le Pacte de responsabilité, nous donnent des possibilités nouvelles pour agir, des marges pour investir. Et le chômage qui reste à un niveau insupportable nous confère à tous l'obligation d'agir.
Alors, je ne ralentirai en aucune manière le rythme des réformes d'ici la fin du quinquennat, aussi bien sur le plan législatif avec la loi sur le travail, avec la loi sur le numérique, et les nouvelles opportunités. Aussi bien sur le plan règlementaire avec la simplification et avec l'amélioration des droits des salariés. Je ne diffèrerai aucun rendez-vous social, l'UNEDIC, l'évolution du code du travail, et le gouvernement engagera toutes les négociations utiles sur les grands thèmes de la conférence sociale.
Le Premier ministre, lorsqu'il préparera la feuille de route, indiquera les sujets, la méthode et le calendrier.
Et j'ai confiance, je le dis dans ce contexte-là, j'ai confiance dans les partenaires sociaux, au-delà des différences, et des sensibilités, pour s'inscrire dans ce mouvement. Parce que ce mouvement est celui d'un pays qui veut regarder l'avenir en face £ qui veut changer un certain nombre de procédures sans changer de nature £ un pays qui sait qu'il a des atouts considérables et qui ne demande qu'à les mettre en uvre £ un pays qui ne se résigne pas même s'il y a des tensions, même s'il y a des pressions, même s'il peut y avoir toujours la revendication ultime de la radicalité. Un pays qui ne pourra pas accepter que soit remis en cause l'essentiel de ce qui a fait le progrès social dans notre pays. Un pays aussi qui sait ce qu'il doit aux partenaires sociaux.
Il n'y a pas eu de grande réforme depuis l'après-guerre sans que les partenaires sociaux y aient été associés ou qu'ils aient pris eux-mêmes la responsabilité.
Alors j'ai confiance dans le dialogue social, dans la réforme nécessaire, indispensable, dans le modèle social que nous devons non seulement préserver mais faire évoluer. J'ai confiance parce que je sais ce que les Français peuvent éprouver dans cette période, une peur, une peur légitime, quel va être l'avenir ? Mais qui ne se laisseront pas gagner par la peur, car il n'y a aucun pays qui n'a pu être victorieux s'il a cédé à la peur, au repli et au doute de lui-même. Et c'est pourquoi les partenaires sociaux seront au cur de ce que nous avons à faire jusqu'au bout pour faire avancer notre pays dans la réforme et dans le dialogue. Merci.