15 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la crise des réfugiés et la situation en Syrie, à Bruxelles le 15 octobre 2015.
Mesdames, Messieurs,
Le Conseil européen d'aujourd'hui a été essentiellement consacré à la mise en uvre des décisions qui avaient été prises le 23 septembre dernier sur la question des réfugiés et nous avons pu trouver un accord sur l'ensemble des questions.
D'abord pour mettre en place les « hotspots », c'est-à-dire les centres d'inscription, d'enregistrement, d'accueil mais aussi de raccompagnement des personnes qui ne peuvent pas accéder au statut de réfugiés, et pour constater qu'il y aurait bientôt 6 centres hotspots en Italie et qu'en Grèce il y en a maintenant qui sont en train d'être bâtis, notamment à Lesbos. J'ai confirmé que la France prendrait sa part puisque nous enverrons des spécialistes de l'Office des réfugiés, ce que l'on appelle l'OFPRA, et également d'autres personnels, des experts pour l'accueil, l'identification des personnes auprès de Frontex. Tous les pays sont appelés à faire ce même effort et à participer.
Ensuite, il nous faut aussi que nous puissions renforcer Frontex, et une proposition française que j'avais d'ailleurs présentée devant le Parlement européen à Strasbourg, a été retenue, c'est à dire une réserve de gardes-frontières disponible dans chaque Etat membre et mobilisable lorsqu'un Etat est confronté, c'est le cas, à une pression forte à la frontière. Ce corps de gardes-frontières européens va donc être progressivement mis en place.
Nous voulions aussi que les Etats et les pays qui accueillent aujourd'hui des réfugiés à l'extérieur de l'Union européenne puissent être soutenus par l'Europe puisque ces pays font l'essentiel de l'effort depuis d'ailleurs des mois et des mois pour que des Syriens, des Irakiens, tous ceux qui sont victimes de guerre ou de dictature puissent être accueillis dans la région. Il était donc légitime qu'il puisse y avoir une action directe de la part des pays européens, de la Commission pour soutenir ces pays que ce soit la Jordanie, le Liban et la Turquie.
Il y a eu un plan d'action qui a été présenté par le Président de la Commission européenne sur la Turquie. Ce plan d'action peut se résumer en trois grandes orientations. La gestion de la frontière mais aussi le soutien aux Syriens qui sont installés en Turquie et enfin la réadmission des personnes qui n'ont pas vocation à entrer en Europe, ce sont les migrants qui seraient enregistrés dans un centre hotspot et ne seraient pas considérés comme réfugiés et qui devraient donc être réadmis en Turquie. Sur cette base là, il y aura donc une aide qui sera prodiguée à la Turquie. Il y aura aussi des actions communes entre l'Europe et la Turquie et cela fait partie de ce que la Commission européenne a été maintenant confortée dans cette démarche.
Nous avons nous-aussi insisté pour que si libéralisation des visas il doit y avoir avec la Turquie, ce soit sur des bases extrêmement précises et contrôlées. J'ai insisté là-dessus car je considère qu'il ne doit pas y avoir de malentendus ou d'ambiguïtés. Il ne faudrait pas que la libéralisation des visas, qui pourrait être donc accordée à la Turquie, conduise à ce qu'il y ait des personnes qui viennent de Turquie dont on ne serait pas sûr de l'identité, ou qu'il n'y ait pas eu de contrôle en amont. Il ne peut y avoir de libéralisation des visas que s'il y a ce processus de contrôle, de veille, de vigilance pour qu'il y ait une très grande clarté dans les échanges entre la Turquie et les pays de l'Union européenne.
Sur le processus de négociation lui-même pour l'adhésion de la Turquie, il peut reprendre. Vous savez que cela avait déjà été décidé, cela doit être de toute manière sur la base des critères et des conditions qui avaient été fixées initialement. Il peut y avoir des chapitres qui peuvent être examinés mais c'est dans le cadre de l'ensemble d'un processus, dont on sait qu'il n'est pas encore arrivé à son terme, loin de là, que la question de l'adhésion de la Turquie pourra être posée et, là aussi, les clartés qui étaient attendues ont été apportées.
Ensuite nous avons évoqué l'Afrique puisqu'il y aura dans quelques jours un sommet à La Valette à Malte. Il a été prévu de dégager des sommes importantes pour la réussite de ce sommet, pour le développement de l'Afrique, de toute l'Afrique puisque ce n'est pas un sommet qui concernerait une partie de l'Afrique. C'est vraiment une rencontre que nous voulons d'ailleurs inscrire dans le cadre également de la préparation de la Conférence sur le Climat où il y aura également des financements qui pourraient être dégagés pour permettre à des pays africains d'accéder aux énergies renouvelables et aux nouvelles technologies. Il était donc très important de donner un sens à cette rencontre de la Valette qui n'est pas simplement de prévenir des migrations même si cela doit avoir ce résultat, c'est de donner toutes les conditions au développement de l'Afrique et de mettre ce continent en état, comme il le montre dans certains pays, de connaître une croissance et une activité soutenues et d'avoir avec l'Europe un partenariat d'exception. Des moyens financiers étaient donc prévus pour permettre la réussite de ce processus.
Nous avons également évoqué la Syrie et la Libye. Pourquoi ? Parce que ce sont deux pays qui sont profondément déstabilisés, pas forcément à la suite des mêmes processus, mais il n'empêche, le résultat est là.
Le fait qu'il n'y ait toujours pas de gouvernement d'union en Libye favorise des trafics de toute sorte. L'UE a annoncé qu'elle allait passer à la phase 2 de son projet justement de contrôles des trafics maritimes dans le cadre d'une action qui avait déjà été prévue il y a quelques mois.
Avec la Syrie nous avons eu avant le Conseil une réunion à 3, Royaume Uni, Allemagne, France pour prendre des positions qui nous paraissent devoir être celles de l'Union européenne et qui ont d'ailleurs été reprises dans le communiqué. Quelles sont ces positions ? Quelles sont ces conclusions ?
Premièrement, il doit y avoir une lutte contre le terrorisme, contre Daech. Toutes les initiatives qui peuvent être prises doivent aller dans cette direction. L'intervention russe de ce point de vue ne permet pas d'être convaincu qu'il y ait une concentration des frappes, c'est le moins que l'on puisse dire, concernant Daech.
Deuxième conclusion, nous devons rentrer dans un processus de transition politique et faire en sorte que tous les composants puissent être rassemblés dans l'esprit de Genève. Bachar El-Assad, cela a été rappelé, ne peut pas être l'avenir de la Syrie.
Enfin, troisièmement, il est très important que cessent les bombardements sur les populations civiles notamment du régime syrien. Or l'intervention russe de ce point de vue n'a rien changé. Il y a toujours ces actions dont les Syriens eux-mêmes sont les victimes. C'est la raison pour laquelle le processus politique doit se confirmer. Les trois pays et l'Union européenne agiront dans la même direction. Il y aura sans doute des contacts avec les pays qui sont les plus concernés, les pays de la région, les pays du Golfe, l'Iran, aucun ne doit être négligé, mais aussi avec l'ensemble des puissances qui peuvent également être impliquées, je pense à la Russie et aux Etats-Unis.
C'est sur ces bases là que le Conseil a également conclu. Voilà ce que je peux vous dire sur ce Conseil. Pourquoi il était important ? Non pas parce que il y avait des annonces qui devaient être faites mais parce qu'il fallait qu'il y ait, après des décisions du mois de septembre, des mises en uvre qui soient rapides et efficaces. Parce que l'afflux de réfugiés ne s'est pas ralenti et ne peut pas se ralentir tant qu'il n'y a pas une politique européenne globale agissant à la fois sur les sources, les causes, ce qui se passe en Syrie, ce qui se passe en Afrique de l'Ouest, ce qui se passe en Libye mais aussi sur l'aide aux pays qui aujourd'hui sont confrontés à l'accueil, depuis des années d'ailleurs, des réfugié. D'où les aides qui sont aujourd'hui dégagées. Il ne peut pas y avoir de réponse s'il n'y a pas des frontières extérieures qui puissent être respectées. Si tel n'était pas le cas, si le mécanisme de répartition et le mécanisme des « hotspots » ne se mettaient pas en place rapidement, nous aurions forcément des crises qui pourraient conduire certains pays à rétablir des frontières. Ce serait finalement le démantèlement de Schengen sans que ce soit un progrès pour quelque pays que ce soit.
Il était donc très important que l'Europe puisse montrer qu'elle avait non seulement pris des décisions mais qu'elle les mettait en uvre et qu'elle était capable de le faire dans un délai très court aussi bien pour les « hotspots », que pour les gardes-frontières, que pour les aides à la Turquie, que pour les aides aux pays africains, que pour les aides aux pays qui accueillent les réfugiés.
Nous aurons de nouveau un Conseil européen au mois de décembre, et il sera à ce moment-là très important de faire l'évaluation de cette politique qui va maintenant se mettre en application rapidement.
Je peux répondre à vos questions.
QUESTIONS/REPONSES :
Q - Pourrait-on être plus précis, quel est le montant de l'aide accordée ? On parle d'un milliard d'euros. Deuxièmement, la Turquie souhaitait également être reconnue comme un pays sûr par l'Union européenne. Est-ce que cela serait le cas et quelles seraient les conséquences, éventuellement, en matière d'asile ? Ces « hotspots » sont maintenant en uvre en Italie, vont être en uvre en Grèce. Mais la question de la reconduite, dont vous sembliez faire une priorité encore le 23 septembre, n'est toujours pas abordée. Est-ce qu'il n'y a pas un risque de thrombose de ces « hotspots » ?
Alors, d'abord sur la Turquie. Il n'y a pas de montant qui a été fixé. Cela sera l'objet des discussions qui vont se poursuivre parce qu'il ne s'agit pas de donner de l'argent. Il s'agit de savoir ce que ces fonds peuvent avoir comme effet et ce qu'ils peuvent représenter pour la Turquie et pour l'Union européenne comme moyen de rendre plus facile la vie des réfugiés en Turquie. Ces sommes doivent être également consacrées à la création de centres de réfugiés, éventuellement sur le territoire turc. Ces sommes doivent également être consacrées à la prise en charge des enfants des réfugiés et aussi à des contrôles des frontières. Donc c'est sur la base des actions qui sont contenues dans le plan, que le président de la Commission européenne a présenté, qu'il y aura ces transferts. D'ores et déjà, cela se chiffre, je peux le communiquer, la Commission européenne a dégagé 500 millions d'euros sur ses moyens propres pour assurer déjà une première action, ou des premières actions.
Deuxièmement, qu'est-ce que cela veut dire reconnaître la Turquie comme un pays sûr ? Cela peut avoir un avantage, c'est de dire que quand vous venez d'un pays sûr, vous ne pouvez pas être considéré comme réfugié. Et, dès lors, pour les personnes qui sont aujourd'hui en Turquie, et qui sont donc dans un pays qui serait reconnu comme sûr, il n'y aurait pas de possibilité que ces personnes puissent être accueillies comme réfugiés. On voit bien aussi les difficultés de ces situations.
Quant à la libéralisation des visas, qui pourraient être aussi une conséquence d'être reconnu comme un pays sûr -c'est pour ça que ça a été découplé-, il ne peut pas y avoir de libéralisation des visas s'il n'y a pas des contrôles, s'il n'y a pas des conditions qui soient respectées par la Turquie. Donc c'est un mouvement parallèle. Il y aura une libéralisation progressive des visas que s'il y a des actions qui sont engagées.
Enfin, sur la question très importante des reconduites. Un centre « hotspot » -tout le monde conteste cette appellation parce qu'on ne sait pas exactement ce que cela veut dire, même si on connaît la langue anglaise mais ça ne révèle pas ce qu'est un centre « hotspot », c'est pour ça qu'il a été précisé la définition des centres qui a été donnée dans le relevé de conclusions- c'est quoi un centre qui s'appellerait « hotspot » ? On fait l'accueil, on enregistre, on vérifie si une personne relève du statut de réfugié ou au contraire n'en relève pas, donc doit être raccompagnée, et pour le réfugié, guidé vers un pays d'accueil. Donc le raccompagnement est inhérent aux centres d'accueil et d'enregistrement. Et c'est très important qu'on puisse mettre des moyens pour assurer le raccompagnement. Ce qui suppose d'abord de traiter vite les dossiers des personnes qui viennent dans ces centres. Si on les fait attendre des dizaines de jours, d'abord c'est insupportable pour les pays qui les reçoivent. Ensuite, c'est même contestable de les retenir, de les priver de liberté pendant une période aussi longue. Donc, il faut que dans un délai très court, tout en respectant les droits, il puisse être dit avec autorité qu'une personne pourra rentrer en Europe parce qu'elle est réfugiée, et d'autres devront être raccompagnées. Et ensuite, il convient de dégager des moyens supplémentaires pour qu'il y ait l'effectivité du retour, ce qui appelle aussi une réadmission dans un certain nombre de pays, par exemple la Turquie. Une personne vient de Turquie, ne peut pas être considérée comme réfugiée, doit être raccompagnée, par des moyens que l'Europe doit proposer. Et ensuite, il faut que le pays d'où vient cette personne puisse admettre son retour. Donc c'est ce processus-là qui doit bien être mis en place. Parce que c'est cette protection des frontières et les droits qui peuvent être reconnus à un certain nombre de réfugiés ou de migrants que nous devons donner cette clarification à tous.
Q - Monsieur le Président, on a pu comprendre qu'il y avait eu une discussion qui s'était prolongée à l'initiative de l'Allemagne sur un mécanisme permanent de relocalisation de réfugiés qui devait être inscrit dans le texte noir sur blanc. Qu'on donne un caractère un peu plus permanent à ce qui avait été décidé sur 160.000 demandeurs d'asile. L'Allemagne aurait mis un peu « les pieds dans le plat » face à l'Europe de l'Est, avec une division encore très forte. C'était ma première question : que s'est-il passé exactement lors de cette discussion ?
Et puis, vous nous dites qu'en l'occurrence la France a poussé l'idée de ce corps européen Frontex, alors que là encore l'Europe de l'Est voudrait le faire de façon ad hoc. Le groupe de Viegrad a déjà eu des mécanismes de solidarité justement aux frontières et dit que cela suffit. Est-ce que vraiment cette idée française est adoptée et défendue par tous ?
Quel était le débat ? C'était de savoir si le mécanisme, qui a été déjà décidé, de répartition, devait être rappelé dans le relevé de conclusions. J'ai considéré qu'il fallait que nous puissions avoir une référence à ce que nous avons décidé. L'Allemagne voulait encore davantage, que l'on puisse remettre les mécanismes comme un mécanisme permanent. Il a été donc convenu qu'il y aurait un rappel de ce qui a été décidé, c'est-à-dire ce mécanisme de répartition, sur 120 000, pas sur davantage à ce stade. Et c'est finalement ce compromis qui a été adopté à la fin du Conseil, c'est-à-dire le rappel de la décision qui avait déjà été prise sur la répartition.
Ensuite, sur la question des gardes-frontières, je pense non seulement que l'idée a progressé puisqu'elle a été intégrée dans le relevé de conclusions, donc l'accord de garde-frontières qui progressivement va se mettre en place. Parce que là aussi, si nous voulons protéger nos frontières extérieures, il faut avoir des personnels pour le faire. On me dira que cela sera un coût supplémentaire mais cela sera finalement un coût bien moins élevé que s'il fallait, par exemple, rétablir des frontières nationales. Je connais un certain nombre de personnes qui disent qu'il faut rétablir les frontières nationales. Vous voyez ce que ça pourrait représenter comme charge pour des pays qui ont de larges frontières- je ne vais pas en citer mais- la France par exemple. Mieux vaut avoir un système de frontières extérieures avec un corps européen, avec des pays qui peuvent et la France y est prête- à ajouter à ce corps européen des contingents nationaux en cas de besoin, de manière à ce que les frontières extérieures puissent être surveillées, y compris dans l'intérêt des réfugiés qui sinon pourraient perdre la vie. C'est ce que Frontex a quand même permis, c'est-à-dire avoir des bateaux qui puissent sauver un certain nombre de personnes sur des embarcations qui étaient destinées à être coulées, car c'est ça que font les trafiquants.
Donc voilà, cette proposition n'est plus une proposition, c'est une décision.
Q - Le Président Juncker et la Chancelière Merkel ont tous deux dit en arrivant que cela manquait d'efforts pour un certain nombre de pays en ce qui concerne les personnels promis et l'argent promis. L'agence Frontex par exemple a demandé 800 experts, et en a que 48 pour l'instant. Vous partagez ce sentiment que les choses ne vont pas assez vite? On a que 19 personnes relocalisées pour l'instant sur les 160 000 annoncées ? Et que va faire la France de façon plus concrète ? Vous avez dit « on va mettre des gens ». Quand ? Combien ? Combien d'argent aussi dans le fonds pour la Syrie et le fonds pour l'Afrique ?
D'un point de vue général, avant d'en arriver à la France, oui il faut que les engagements qui ont été pris puissent être tenus. C'était d'ailleurs l'objet du Conseil européen, faire la démonstration qu'il ne suffit pas de prendre des décisions, il faut les mettre en uvre : les centres « hotspots », les personnels pour assurer l'accueil et la vérification, Frontex qui doit être renforcée, les moyens financiers qui doivent être dégagés pour aider les pays, les moyens financiers qui doivent être dégagés également pour assurer la protection de nos frontières. Voilà ce que le Conseil devait avoir comme effet.
Ensuite, s'agissant de la France : La France est d'ores et déjà engagée pour les fonds qu'il conviendra de mettre à disposition de l'Afrique. La France est également présente dans les fonds pour la Syrie. Je ne parle pas des opérations militaires, je parle des opérations humanitaires. La France a renforcé sa participation au PAM. La France a aussi relevé sa dotation au HCR. Nous faisons non pas notre devoir. Il n'y a pas que notre devoir moral. Nous faisons ce que nous devons faire dans l'intérêt même des réfugiés, dans l'intérêt même de l'Europe pour qu'il ne puisse pas y avoir justement de déplacements de populations.
Si on veut éviter que des personnes qui sont dans le dénuement viennent en Europe, il faut veiller à ce qu'elles puissent être sur des lieux proches de ce qu'était autrefois leur vie, accueillies dans les meilleurs conditions pour que ces personnes travaillent -C'est le problème de la Turquie : il faut que la Turquie accorde des autorisations de travail aux réfugiés. Il faut, et ça mérite effectivement d'être soutenu, que ces personnes puissent voir leurs enfants éduqués, puissent être alimentées. Voilà ce que nous devons faire. Et assurer notamment pour les pays africains des développements qui leurs évitent de regarder l'Europe comme un lieu où il serait nécessaire d'aller pour vivre mieux.
Donc c'est toute cette politique que nous voulons engager. Cela suppose des moyens, mais des moyens finalement bien inférieurs à ceux que nous serions obligés de consacrer si des réfugiés continuaient de venir en masse.
Où vont les réfugiés ? Je vais revenir sur cette question. Aujourd'hui les réfugiés qui sont venus depuis déjà plusieurs mois sont allés essentiellement en Allemagne, en Autriche et en Suède. L'Allemagne -ce sont les chiffres que donne Mme Merkel- a accueilli depuis le début de l'année plus de 500 000 personnes. Et le pays qui, rapporté à sa population, a fait le plus pour les réfugiés, c'est la Suède.
La France, qui a pris des engagements et qui a dit qu'elle était prête à assurer dans le mécanisme de répartition l'accueil sur deux ans de 24 000 (30 000) personnes, n'est pas, aujourd'hui, en termes de nombre, soumise à un afflux de réfugiés. Et ceux qui prétendent que nous serions envahis sont en réalité des manipulateurs, des falsificateurs, et qui le font pour des raisons purement politiques, pour faire peur.
Vous pensez qu'un pays comme l'Allemagne, qui accueille 500 000 réfugiés et qui entend des débats politiques ça ne vaut pas que pour la France, puisqu'il y aussi d'autres pays, qui d'ailleurs pour des raisons qui n'ont rien à voir avec celles de la France, refusent d'accueillir peut continuer à avoir vis-à-vis de l'Europe un regard complaisant alors que c'est elle qui a fait l'essentiel de l'effort ?
Il est donc très important que nous puissions trouver des solutions pour que les réfugiés puissent être accueillis au plus près de leurs lieux de vie d'origine. C'est tout ce que nous devons faire. Et n'accueillir que celles et ceux qui sont dans une détresse telle que ils auraient comme unique solution de venir jusqu'en Europe.
Donc c'est très important de rappeler ces réalités. C'est pour cela que Mme Merkel a raison. Elle veut que nous puissions et nous travaillons ensemble- avoir des frontières extérieures respectées, avoir des mécanismes d'aide pour les pays de manière à ce que ce mouvement de réfugiés se ralentisse. Et que l'Allemagne puisse intégrer ces personnes qui sont venues depuis le début de l'année pour vivre en Allemagne. L'Allemagne va être obligée de dépenser des sommes très importantes, qui se chiffrent à plusieurs milliards, sans d'ailleurs que l'Allemagne ne demande quelque compensation que ce soit.
Voilà ce que je voulais dire parce que ça permet d'avoir les idées claires dans certaines têtes, pas simplement en Allemagne.
Q - Ce soir il y a eu une fusillade à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie, et un réfugié est mort. C'est pour cette raison que le président de Bulgarie est parti avant la fin du sommet. Que pensez-vous de ce nouveau développement ?
Je n'ai pas eu cette information, donc je ne peux pas la commenter. Le Premier ministre de la Bulgarie est resté presque jusqu'au bout du sommet. Il a peut-être été informé lui-même de ce grave incident, mais il n'y a pas eu du tout de débat là-dessus.
Le Premier ministre bulgare s'est exprimé, et il a dit qu'il souhaitait, vis-à-vis de la Turquie que ce plan soit accepté. Il a également, puisqu'il n'est pas dans l'espace Schengen, dit combien il voulait que les frontières puissent être protégées.
Q - Sur la trilatérale que vous avez eue avec M. Cameron et Mme Merkel, vous rappeliez tout à l'heure qu'il avait été rappelé que Bachar ne pouvait pas être l'avenir de la Syrie, mais êtes-vous parvenu à une solution commune sur le sort à réserver au Président Bachar et-Assad dans le cadre d'une transition politique qui fait encore débat au sein de l'UE ?
Non, il n'y a pas eu de débat là-dessus, parce que la position est commune. Elle est celle que la conférence de Genève avait déjà tracé, c'est à dire que la discussion s'engage nécessairement entre l'opposition et des représentants du régime pour former un gouvernement de transition où il y a des représentants du régime et il y a des représentants des différentes oppositions modérées et démocratiques. Il est dit très clairement que Bachar el-Assad ne peut pas être l'avenir. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu'il partira. C'est ce que cela veut dire. On est tous, de ce point de vue, d'accord. On pourrait dire partir tout de suite, partir au milieu, partir à la fin. Ce qui est important, c'est de dire qu'il n'est pas l'avenir, et donc à partir de là, il faut aller le plus vite possible vers cette transition politique. C'est ce que nous allons nous employer à faire dans les prochaines semaines. Il y aura des discussions qui vont se poursuivre avec les différents protagonistes que j'ai cités de manière à ce que nous puissions hâter ce processus.
L'intervention russe de ce point de vue peut consolider le régime mais ne sauvera pas Bachar. Consolider le régime parce qu'aujourd'hui les frappes russes concernent essentiellement les zones qui sont contrôlées par l'opposition, et très marginalement par Daech, un peu par Al-Nosra. Mais de toute manière, au-delà de cette intervention et de ses effets, le processus politique doit nécessairement conduire à un gouvernement d'union dans lequel Bachar el-Assad, à terme, n'aura plus sa place.
Q - Concernant la France, la CGT a annoncé qu'elle ne participerait pas à la conférence sociale. Est-ce que vous redoutez un divorce avec une certaine gauche depuis ce qu'on appelle maintenant l'affaire Air France. Une partie de la gauche s'est solidarisée avec les salariés mis à pied. Une autre vous reproche de ne pas avoir assez dit la violence des licenciements. Redoutez-vous ce divorce avec une certaine partie de votre base électorale ?
Je vais m'exprimer à la Conférence sociale lundi, et vous m'entendrez sur cette question du dialogue, de la négociation, du modèle social. Je vous donne rendez-vous lundi.
Merci.
Le Conseil européen d'aujourd'hui a été essentiellement consacré à la mise en uvre des décisions qui avaient été prises le 23 septembre dernier sur la question des réfugiés et nous avons pu trouver un accord sur l'ensemble des questions.
D'abord pour mettre en place les « hotspots », c'est-à-dire les centres d'inscription, d'enregistrement, d'accueil mais aussi de raccompagnement des personnes qui ne peuvent pas accéder au statut de réfugiés, et pour constater qu'il y aurait bientôt 6 centres hotspots en Italie et qu'en Grèce il y en a maintenant qui sont en train d'être bâtis, notamment à Lesbos. J'ai confirmé que la France prendrait sa part puisque nous enverrons des spécialistes de l'Office des réfugiés, ce que l'on appelle l'OFPRA, et également d'autres personnels, des experts pour l'accueil, l'identification des personnes auprès de Frontex. Tous les pays sont appelés à faire ce même effort et à participer.
Ensuite, il nous faut aussi que nous puissions renforcer Frontex, et une proposition française que j'avais d'ailleurs présentée devant le Parlement européen à Strasbourg, a été retenue, c'est à dire une réserve de gardes-frontières disponible dans chaque Etat membre et mobilisable lorsqu'un Etat est confronté, c'est le cas, à une pression forte à la frontière. Ce corps de gardes-frontières européens va donc être progressivement mis en place.
Nous voulions aussi que les Etats et les pays qui accueillent aujourd'hui des réfugiés à l'extérieur de l'Union européenne puissent être soutenus par l'Europe puisque ces pays font l'essentiel de l'effort depuis d'ailleurs des mois et des mois pour que des Syriens, des Irakiens, tous ceux qui sont victimes de guerre ou de dictature puissent être accueillis dans la région. Il était donc légitime qu'il puisse y avoir une action directe de la part des pays européens, de la Commission pour soutenir ces pays que ce soit la Jordanie, le Liban et la Turquie.
Il y a eu un plan d'action qui a été présenté par le Président de la Commission européenne sur la Turquie. Ce plan d'action peut se résumer en trois grandes orientations. La gestion de la frontière mais aussi le soutien aux Syriens qui sont installés en Turquie et enfin la réadmission des personnes qui n'ont pas vocation à entrer en Europe, ce sont les migrants qui seraient enregistrés dans un centre hotspot et ne seraient pas considérés comme réfugiés et qui devraient donc être réadmis en Turquie. Sur cette base là, il y aura donc une aide qui sera prodiguée à la Turquie. Il y aura aussi des actions communes entre l'Europe et la Turquie et cela fait partie de ce que la Commission européenne a été maintenant confortée dans cette démarche.
Nous avons nous-aussi insisté pour que si libéralisation des visas il doit y avoir avec la Turquie, ce soit sur des bases extrêmement précises et contrôlées. J'ai insisté là-dessus car je considère qu'il ne doit pas y avoir de malentendus ou d'ambiguïtés. Il ne faudrait pas que la libéralisation des visas, qui pourrait être donc accordée à la Turquie, conduise à ce qu'il y ait des personnes qui viennent de Turquie dont on ne serait pas sûr de l'identité, ou qu'il n'y ait pas eu de contrôle en amont. Il ne peut y avoir de libéralisation des visas que s'il y a ce processus de contrôle, de veille, de vigilance pour qu'il y ait une très grande clarté dans les échanges entre la Turquie et les pays de l'Union européenne.
Sur le processus de négociation lui-même pour l'adhésion de la Turquie, il peut reprendre. Vous savez que cela avait déjà été décidé, cela doit être de toute manière sur la base des critères et des conditions qui avaient été fixées initialement. Il peut y avoir des chapitres qui peuvent être examinés mais c'est dans le cadre de l'ensemble d'un processus, dont on sait qu'il n'est pas encore arrivé à son terme, loin de là, que la question de l'adhésion de la Turquie pourra être posée et, là aussi, les clartés qui étaient attendues ont été apportées.
Ensuite nous avons évoqué l'Afrique puisqu'il y aura dans quelques jours un sommet à La Valette à Malte. Il a été prévu de dégager des sommes importantes pour la réussite de ce sommet, pour le développement de l'Afrique, de toute l'Afrique puisque ce n'est pas un sommet qui concernerait une partie de l'Afrique. C'est vraiment une rencontre que nous voulons d'ailleurs inscrire dans le cadre également de la préparation de la Conférence sur le Climat où il y aura également des financements qui pourraient être dégagés pour permettre à des pays africains d'accéder aux énergies renouvelables et aux nouvelles technologies. Il était donc très important de donner un sens à cette rencontre de la Valette qui n'est pas simplement de prévenir des migrations même si cela doit avoir ce résultat, c'est de donner toutes les conditions au développement de l'Afrique et de mettre ce continent en état, comme il le montre dans certains pays, de connaître une croissance et une activité soutenues et d'avoir avec l'Europe un partenariat d'exception. Des moyens financiers étaient donc prévus pour permettre la réussite de ce processus.
Nous avons également évoqué la Syrie et la Libye. Pourquoi ? Parce que ce sont deux pays qui sont profondément déstabilisés, pas forcément à la suite des mêmes processus, mais il n'empêche, le résultat est là.
Le fait qu'il n'y ait toujours pas de gouvernement d'union en Libye favorise des trafics de toute sorte. L'UE a annoncé qu'elle allait passer à la phase 2 de son projet justement de contrôles des trafics maritimes dans le cadre d'une action qui avait déjà été prévue il y a quelques mois.
Avec la Syrie nous avons eu avant le Conseil une réunion à 3, Royaume Uni, Allemagne, France pour prendre des positions qui nous paraissent devoir être celles de l'Union européenne et qui ont d'ailleurs été reprises dans le communiqué. Quelles sont ces positions ? Quelles sont ces conclusions ?
Premièrement, il doit y avoir une lutte contre le terrorisme, contre Daech. Toutes les initiatives qui peuvent être prises doivent aller dans cette direction. L'intervention russe de ce point de vue ne permet pas d'être convaincu qu'il y ait une concentration des frappes, c'est le moins que l'on puisse dire, concernant Daech.
Deuxième conclusion, nous devons rentrer dans un processus de transition politique et faire en sorte que tous les composants puissent être rassemblés dans l'esprit de Genève. Bachar El-Assad, cela a été rappelé, ne peut pas être l'avenir de la Syrie.
Enfin, troisièmement, il est très important que cessent les bombardements sur les populations civiles notamment du régime syrien. Or l'intervention russe de ce point de vue n'a rien changé. Il y a toujours ces actions dont les Syriens eux-mêmes sont les victimes. C'est la raison pour laquelle le processus politique doit se confirmer. Les trois pays et l'Union européenne agiront dans la même direction. Il y aura sans doute des contacts avec les pays qui sont les plus concernés, les pays de la région, les pays du Golfe, l'Iran, aucun ne doit être négligé, mais aussi avec l'ensemble des puissances qui peuvent également être impliquées, je pense à la Russie et aux Etats-Unis.
C'est sur ces bases là que le Conseil a également conclu. Voilà ce que je peux vous dire sur ce Conseil. Pourquoi il était important ? Non pas parce que il y avait des annonces qui devaient être faites mais parce qu'il fallait qu'il y ait, après des décisions du mois de septembre, des mises en uvre qui soient rapides et efficaces. Parce que l'afflux de réfugiés ne s'est pas ralenti et ne peut pas se ralentir tant qu'il n'y a pas une politique européenne globale agissant à la fois sur les sources, les causes, ce qui se passe en Syrie, ce qui se passe en Afrique de l'Ouest, ce qui se passe en Libye mais aussi sur l'aide aux pays qui aujourd'hui sont confrontés à l'accueil, depuis des années d'ailleurs, des réfugié. D'où les aides qui sont aujourd'hui dégagées. Il ne peut pas y avoir de réponse s'il n'y a pas des frontières extérieures qui puissent être respectées. Si tel n'était pas le cas, si le mécanisme de répartition et le mécanisme des « hotspots » ne se mettaient pas en place rapidement, nous aurions forcément des crises qui pourraient conduire certains pays à rétablir des frontières. Ce serait finalement le démantèlement de Schengen sans que ce soit un progrès pour quelque pays que ce soit.
Il était donc très important que l'Europe puisse montrer qu'elle avait non seulement pris des décisions mais qu'elle les mettait en uvre et qu'elle était capable de le faire dans un délai très court aussi bien pour les « hotspots », que pour les gardes-frontières, que pour les aides à la Turquie, que pour les aides aux pays africains, que pour les aides aux pays qui accueillent les réfugiés.
Nous aurons de nouveau un Conseil européen au mois de décembre, et il sera à ce moment-là très important de faire l'évaluation de cette politique qui va maintenant se mettre en application rapidement.
Je peux répondre à vos questions.
QUESTIONS/REPONSES :
Q - Pourrait-on être plus précis, quel est le montant de l'aide accordée ? On parle d'un milliard d'euros. Deuxièmement, la Turquie souhaitait également être reconnue comme un pays sûr par l'Union européenne. Est-ce que cela serait le cas et quelles seraient les conséquences, éventuellement, en matière d'asile ? Ces « hotspots » sont maintenant en uvre en Italie, vont être en uvre en Grèce. Mais la question de la reconduite, dont vous sembliez faire une priorité encore le 23 septembre, n'est toujours pas abordée. Est-ce qu'il n'y a pas un risque de thrombose de ces « hotspots » ?
Alors, d'abord sur la Turquie. Il n'y a pas de montant qui a été fixé. Cela sera l'objet des discussions qui vont se poursuivre parce qu'il ne s'agit pas de donner de l'argent. Il s'agit de savoir ce que ces fonds peuvent avoir comme effet et ce qu'ils peuvent représenter pour la Turquie et pour l'Union européenne comme moyen de rendre plus facile la vie des réfugiés en Turquie. Ces sommes doivent être également consacrées à la création de centres de réfugiés, éventuellement sur le territoire turc. Ces sommes doivent également être consacrées à la prise en charge des enfants des réfugiés et aussi à des contrôles des frontières. Donc c'est sur la base des actions qui sont contenues dans le plan, que le président de la Commission européenne a présenté, qu'il y aura ces transferts. D'ores et déjà, cela se chiffre, je peux le communiquer, la Commission européenne a dégagé 500 millions d'euros sur ses moyens propres pour assurer déjà une première action, ou des premières actions.
Deuxièmement, qu'est-ce que cela veut dire reconnaître la Turquie comme un pays sûr ? Cela peut avoir un avantage, c'est de dire que quand vous venez d'un pays sûr, vous ne pouvez pas être considéré comme réfugié. Et, dès lors, pour les personnes qui sont aujourd'hui en Turquie, et qui sont donc dans un pays qui serait reconnu comme sûr, il n'y aurait pas de possibilité que ces personnes puissent être accueillies comme réfugiés. On voit bien aussi les difficultés de ces situations.
Quant à la libéralisation des visas, qui pourraient être aussi une conséquence d'être reconnu comme un pays sûr -c'est pour ça que ça a été découplé-, il ne peut pas y avoir de libéralisation des visas s'il n'y a pas des contrôles, s'il n'y a pas des conditions qui soient respectées par la Turquie. Donc c'est un mouvement parallèle. Il y aura une libéralisation progressive des visas que s'il y a des actions qui sont engagées.
Enfin, sur la question très importante des reconduites. Un centre « hotspot » -tout le monde conteste cette appellation parce qu'on ne sait pas exactement ce que cela veut dire, même si on connaît la langue anglaise mais ça ne révèle pas ce qu'est un centre « hotspot », c'est pour ça qu'il a été précisé la définition des centres qui a été donnée dans le relevé de conclusions- c'est quoi un centre qui s'appellerait « hotspot » ? On fait l'accueil, on enregistre, on vérifie si une personne relève du statut de réfugié ou au contraire n'en relève pas, donc doit être raccompagnée, et pour le réfugié, guidé vers un pays d'accueil. Donc le raccompagnement est inhérent aux centres d'accueil et d'enregistrement. Et c'est très important qu'on puisse mettre des moyens pour assurer le raccompagnement. Ce qui suppose d'abord de traiter vite les dossiers des personnes qui viennent dans ces centres. Si on les fait attendre des dizaines de jours, d'abord c'est insupportable pour les pays qui les reçoivent. Ensuite, c'est même contestable de les retenir, de les priver de liberté pendant une période aussi longue. Donc, il faut que dans un délai très court, tout en respectant les droits, il puisse être dit avec autorité qu'une personne pourra rentrer en Europe parce qu'elle est réfugiée, et d'autres devront être raccompagnées. Et ensuite, il convient de dégager des moyens supplémentaires pour qu'il y ait l'effectivité du retour, ce qui appelle aussi une réadmission dans un certain nombre de pays, par exemple la Turquie. Une personne vient de Turquie, ne peut pas être considérée comme réfugiée, doit être raccompagnée, par des moyens que l'Europe doit proposer. Et ensuite, il faut que le pays d'où vient cette personne puisse admettre son retour. Donc c'est ce processus-là qui doit bien être mis en place. Parce que c'est cette protection des frontières et les droits qui peuvent être reconnus à un certain nombre de réfugiés ou de migrants que nous devons donner cette clarification à tous.
Q - Monsieur le Président, on a pu comprendre qu'il y avait eu une discussion qui s'était prolongée à l'initiative de l'Allemagne sur un mécanisme permanent de relocalisation de réfugiés qui devait être inscrit dans le texte noir sur blanc. Qu'on donne un caractère un peu plus permanent à ce qui avait été décidé sur 160.000 demandeurs d'asile. L'Allemagne aurait mis un peu « les pieds dans le plat » face à l'Europe de l'Est, avec une division encore très forte. C'était ma première question : que s'est-il passé exactement lors de cette discussion ?
Et puis, vous nous dites qu'en l'occurrence la France a poussé l'idée de ce corps européen Frontex, alors que là encore l'Europe de l'Est voudrait le faire de façon ad hoc. Le groupe de Viegrad a déjà eu des mécanismes de solidarité justement aux frontières et dit que cela suffit. Est-ce que vraiment cette idée française est adoptée et défendue par tous ?
Quel était le débat ? C'était de savoir si le mécanisme, qui a été déjà décidé, de répartition, devait être rappelé dans le relevé de conclusions. J'ai considéré qu'il fallait que nous puissions avoir une référence à ce que nous avons décidé. L'Allemagne voulait encore davantage, que l'on puisse remettre les mécanismes comme un mécanisme permanent. Il a été donc convenu qu'il y aurait un rappel de ce qui a été décidé, c'est-à-dire ce mécanisme de répartition, sur 120 000, pas sur davantage à ce stade. Et c'est finalement ce compromis qui a été adopté à la fin du Conseil, c'est-à-dire le rappel de la décision qui avait déjà été prise sur la répartition.
Ensuite, sur la question des gardes-frontières, je pense non seulement que l'idée a progressé puisqu'elle a été intégrée dans le relevé de conclusions, donc l'accord de garde-frontières qui progressivement va se mettre en place. Parce que là aussi, si nous voulons protéger nos frontières extérieures, il faut avoir des personnels pour le faire. On me dira que cela sera un coût supplémentaire mais cela sera finalement un coût bien moins élevé que s'il fallait, par exemple, rétablir des frontières nationales. Je connais un certain nombre de personnes qui disent qu'il faut rétablir les frontières nationales. Vous voyez ce que ça pourrait représenter comme charge pour des pays qui ont de larges frontières- je ne vais pas en citer mais- la France par exemple. Mieux vaut avoir un système de frontières extérieures avec un corps européen, avec des pays qui peuvent et la France y est prête- à ajouter à ce corps européen des contingents nationaux en cas de besoin, de manière à ce que les frontières extérieures puissent être surveillées, y compris dans l'intérêt des réfugiés qui sinon pourraient perdre la vie. C'est ce que Frontex a quand même permis, c'est-à-dire avoir des bateaux qui puissent sauver un certain nombre de personnes sur des embarcations qui étaient destinées à être coulées, car c'est ça que font les trafiquants.
Donc voilà, cette proposition n'est plus une proposition, c'est une décision.
Q - Le Président Juncker et la Chancelière Merkel ont tous deux dit en arrivant que cela manquait d'efforts pour un certain nombre de pays en ce qui concerne les personnels promis et l'argent promis. L'agence Frontex par exemple a demandé 800 experts, et en a que 48 pour l'instant. Vous partagez ce sentiment que les choses ne vont pas assez vite? On a que 19 personnes relocalisées pour l'instant sur les 160 000 annoncées ? Et que va faire la France de façon plus concrète ? Vous avez dit « on va mettre des gens ». Quand ? Combien ? Combien d'argent aussi dans le fonds pour la Syrie et le fonds pour l'Afrique ?
D'un point de vue général, avant d'en arriver à la France, oui il faut que les engagements qui ont été pris puissent être tenus. C'était d'ailleurs l'objet du Conseil européen, faire la démonstration qu'il ne suffit pas de prendre des décisions, il faut les mettre en uvre : les centres « hotspots », les personnels pour assurer l'accueil et la vérification, Frontex qui doit être renforcée, les moyens financiers qui doivent être dégagés pour aider les pays, les moyens financiers qui doivent être dégagés également pour assurer la protection de nos frontières. Voilà ce que le Conseil devait avoir comme effet.
Ensuite, s'agissant de la France : La France est d'ores et déjà engagée pour les fonds qu'il conviendra de mettre à disposition de l'Afrique. La France est également présente dans les fonds pour la Syrie. Je ne parle pas des opérations militaires, je parle des opérations humanitaires. La France a renforcé sa participation au PAM. La France a aussi relevé sa dotation au HCR. Nous faisons non pas notre devoir. Il n'y a pas que notre devoir moral. Nous faisons ce que nous devons faire dans l'intérêt même des réfugiés, dans l'intérêt même de l'Europe pour qu'il ne puisse pas y avoir justement de déplacements de populations.
Si on veut éviter que des personnes qui sont dans le dénuement viennent en Europe, il faut veiller à ce qu'elles puissent être sur des lieux proches de ce qu'était autrefois leur vie, accueillies dans les meilleurs conditions pour que ces personnes travaillent -C'est le problème de la Turquie : il faut que la Turquie accorde des autorisations de travail aux réfugiés. Il faut, et ça mérite effectivement d'être soutenu, que ces personnes puissent voir leurs enfants éduqués, puissent être alimentées. Voilà ce que nous devons faire. Et assurer notamment pour les pays africains des développements qui leurs évitent de regarder l'Europe comme un lieu où il serait nécessaire d'aller pour vivre mieux.
Donc c'est toute cette politique que nous voulons engager. Cela suppose des moyens, mais des moyens finalement bien inférieurs à ceux que nous serions obligés de consacrer si des réfugiés continuaient de venir en masse.
Où vont les réfugiés ? Je vais revenir sur cette question. Aujourd'hui les réfugiés qui sont venus depuis déjà plusieurs mois sont allés essentiellement en Allemagne, en Autriche et en Suède. L'Allemagne -ce sont les chiffres que donne Mme Merkel- a accueilli depuis le début de l'année plus de 500 000 personnes. Et le pays qui, rapporté à sa population, a fait le plus pour les réfugiés, c'est la Suède.
La France, qui a pris des engagements et qui a dit qu'elle était prête à assurer dans le mécanisme de répartition l'accueil sur deux ans de 24 000 (30 000) personnes, n'est pas, aujourd'hui, en termes de nombre, soumise à un afflux de réfugiés. Et ceux qui prétendent que nous serions envahis sont en réalité des manipulateurs, des falsificateurs, et qui le font pour des raisons purement politiques, pour faire peur.
Vous pensez qu'un pays comme l'Allemagne, qui accueille 500 000 réfugiés et qui entend des débats politiques ça ne vaut pas que pour la France, puisqu'il y aussi d'autres pays, qui d'ailleurs pour des raisons qui n'ont rien à voir avec celles de la France, refusent d'accueillir peut continuer à avoir vis-à-vis de l'Europe un regard complaisant alors que c'est elle qui a fait l'essentiel de l'effort ?
Il est donc très important que nous puissions trouver des solutions pour que les réfugiés puissent être accueillis au plus près de leurs lieux de vie d'origine. C'est tout ce que nous devons faire. Et n'accueillir que celles et ceux qui sont dans une détresse telle que ils auraient comme unique solution de venir jusqu'en Europe.
Donc c'est très important de rappeler ces réalités. C'est pour cela que Mme Merkel a raison. Elle veut que nous puissions et nous travaillons ensemble- avoir des frontières extérieures respectées, avoir des mécanismes d'aide pour les pays de manière à ce que ce mouvement de réfugiés se ralentisse. Et que l'Allemagne puisse intégrer ces personnes qui sont venues depuis le début de l'année pour vivre en Allemagne. L'Allemagne va être obligée de dépenser des sommes très importantes, qui se chiffrent à plusieurs milliards, sans d'ailleurs que l'Allemagne ne demande quelque compensation que ce soit.
Voilà ce que je voulais dire parce que ça permet d'avoir les idées claires dans certaines têtes, pas simplement en Allemagne.
Q - Ce soir il y a eu une fusillade à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie, et un réfugié est mort. C'est pour cette raison que le président de Bulgarie est parti avant la fin du sommet. Que pensez-vous de ce nouveau développement ?
Je n'ai pas eu cette information, donc je ne peux pas la commenter. Le Premier ministre de la Bulgarie est resté presque jusqu'au bout du sommet. Il a peut-être été informé lui-même de ce grave incident, mais il n'y a pas eu du tout de débat là-dessus.
Le Premier ministre bulgare s'est exprimé, et il a dit qu'il souhaitait, vis-à-vis de la Turquie que ce plan soit accepté. Il a également, puisqu'il n'est pas dans l'espace Schengen, dit combien il voulait que les frontières puissent être protégées.
Q - Sur la trilatérale que vous avez eue avec M. Cameron et Mme Merkel, vous rappeliez tout à l'heure qu'il avait été rappelé que Bachar ne pouvait pas être l'avenir de la Syrie, mais êtes-vous parvenu à une solution commune sur le sort à réserver au Président Bachar et-Assad dans le cadre d'une transition politique qui fait encore débat au sein de l'UE ?
Non, il n'y a pas eu de débat là-dessus, parce que la position est commune. Elle est celle que la conférence de Genève avait déjà tracé, c'est à dire que la discussion s'engage nécessairement entre l'opposition et des représentants du régime pour former un gouvernement de transition où il y a des représentants du régime et il y a des représentants des différentes oppositions modérées et démocratiques. Il est dit très clairement que Bachar el-Assad ne peut pas être l'avenir. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu'il partira. C'est ce que cela veut dire. On est tous, de ce point de vue, d'accord. On pourrait dire partir tout de suite, partir au milieu, partir à la fin. Ce qui est important, c'est de dire qu'il n'est pas l'avenir, et donc à partir de là, il faut aller le plus vite possible vers cette transition politique. C'est ce que nous allons nous employer à faire dans les prochaines semaines. Il y aura des discussions qui vont se poursuivre avec les différents protagonistes que j'ai cités de manière à ce que nous puissions hâter ce processus.
L'intervention russe de ce point de vue peut consolider le régime mais ne sauvera pas Bachar. Consolider le régime parce qu'aujourd'hui les frappes russes concernent essentiellement les zones qui sont contrôlées par l'opposition, et très marginalement par Daech, un peu par Al-Nosra. Mais de toute manière, au-delà de cette intervention et de ses effets, le processus politique doit nécessairement conduire à un gouvernement d'union dans lequel Bachar el-Assad, à terme, n'aura plus sa place.
Q - Concernant la France, la CGT a annoncé qu'elle ne participerait pas à la conférence sociale. Est-ce que vous redoutez un divorce avec une certaine gauche depuis ce qu'on appelle maintenant l'affaire Air France. Une partie de la gauche s'est solidarisée avec les salariés mis à pied. Une autre vous reproche de ne pas avoir assez dit la violence des licenciements. Redoutez-vous ce divorce avec une certaine partie de votre base électorale ?
Je vais m'exprimer à la Conférence sociale lundi, et vous m'entendrez sur cette question du dialogue, de la négociation, du modèle social. Je vous donne rendez-vous lundi.
Merci.