2 octobre 2015 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'application des accords de Minsk sur l'Ukraine et sur la situation en Syrie, à Paris le 2 octobre 2015.
LE PRESIDENT :
Mesdames, Messieurs, nous avons eu une longue réunion et je remercie Angela d'avoir organisé avec moi le processus qui nous a permis aujourd'hui de tenir une réunion Format Normandie avec le Président POUTINE et le Président POROCHENKO. Nous n'y avons pas passé la nuit mais toute la journée a été essentiellement consacrée au sujet de l'application des accords de Minsk, ceux-là mêmes que nous avions signés, non mais en fait organisés, à Minsk au début de l'année.
Nous avons voulu insister sur quatre dimensions : la première, c'est la sécurité. Nous avons voulu nous assurer que le retrait des armes légères, qui avait été approuvé par un accord il y a quelques jours puisse commencer dès demain matin à minuit, que pour les armes lourdes, il puisse y avoir un processus comparable et que nous puissions poser des scellés conformément aux souhaits de l'OSCE. Nous avons également voulu que l'OSCE puisse avoir un accès, libre et sûr, sur l'ensemble du territoire ukrainien jusqu'à l'accès même à la frontière. Enfin, des actions de déminage seront lancées sans délai pour la sécurité de la population et des drônes pourront poursuivre leur mission. Sur cet aspect de sécurité, c'est là qu'il y a eu depuis Minsk le plus de progrès, puisque le cessez-le-feu est maintenant globalement respecté et que nous avons pu engager, étape par étape, les retraits des armes.
Aujourd'hui, nous avons pu faire de nouvelles avancées et permettre qu'il n'y ait plus de victimes de ce qui a été un conflit particulièrement lourd et dramatique. Mais les accords de Minsk ne sont pas seulement le cessez-le-feu, le retrait des armes légères et des armes lourdes et la surveillance et la possibilité pour l'OSCE d'aller partout.
La deuxième dimension sur laquelle nous avons passé le plus de temps, c'est celle du processus politique. Nous avons donc voulu que des élections, des élections locales, puissent se tenir selon la loi électorale ukrainienne mais également être organisées dans le cadre d'un groupe de travail et de manière à permettre que ce scrutin puisse être incontestable. Nous avons lancé un appel pour que toutes les parties s'engagent sur ce processus, ce qui veut dire que les élections qui étaient prévues le 18 octobre, à nos yeux ne pourront pas se tenir dès lors qu'elles ne répondent pas aux conditions que nous avons posées.
Mais en même temps, des élections doivent être organisées et pour cela, une loi électorale doit être votée et cette loi électorale doit également être discutée dans le cadre de ce groupe de travail. Une fois que la loi électorale aura été votée, un délai de 90 jours s'ouvrira pour l'organisation des élections. C'est le vu que nous formons et c'est le souhait qui a été émis ici.
Il y a également une disposition très importante sur l'amnistie qui doit entrer en vigueur le jour même des élections et une immunité qui doit être accordée à tous les candidats pendant la période des élections. Le point très important a été le statut des régions de l'Est qu'on appelle « la loi spéciale pour les régions » et là, nous avons convenu qu'elle s'appliquerait dès le jour des élections à titre provisoire dans un premier temps et définitivement le jour où l'OSCE considérerait que le processus électoral est incontestable. Enfin, nous avons rappelé les objectifs des accords de Minsk, c'est-à-dire le rétablissement à terme du contrôle total de la frontière et le retrait des unités armées étrangères.
La troisième dimension, je serai plus rapide et nous y reviendrons, c'est l'humanitaire et là, nous avons décidé que les points de passage seraient multipliés, qu'il y aurait une ouverture aux organisations humanitaires, Croix Rouge, Médecins Sans Frontières.., et que le processus de l'échange des prisonniers devrait se poursuivre à un rythme accéléré.
Sur le plan économique, c'est essentiellement sur l'accord sur le gaz que nous avons discuté. Il a été paraphé, il sera signé et devra donc être exécuté.
Enfin, nos ministres des Affaires étrangères, les quatre, se réuniront au début du mois de novembre pour faire le point de ce processus.
Si je veux résumer ce que nous avons fait tout au long de la journée, c'est l'évaluation des accords de Minsk et c'est la poursuite du processus en prenant en compte toutes les réalités. Pour qu'au-delà des délais qui avaient été prévus initialement, nous puissions aboutir dans toutes les dimensions de l'accord de Minsk. Une fois encore, je remercie tous les participants, les quatre parce que pour être en Format Normandie, il faut que nous soyons quatre et je remercie Angela parce que nous sommes ensemble depuis le début de ce processus et nous entendons le mener à bien jusqu'à son terme.
Journaliste :
J'ai également une question à propos d'éventuelles garanties et sur le point qui viendrait en dernier du processus. Ce double point qui est le retour du contrôle de la frontière à l'Ukraine et le retrait des groupes armés, vous avez évoqué, Monsieur le Président, un retrait à terme, Madame la Chancelière a parlé de certains retards dans l'application de Minsk. Est-ce que cela laisse supposer que l'accord de Minsk puisse déborder de l'année 2015 sur l'année 2016 ? Et autre question sur ces derniers points, est-ce que vous avez obtenu des garanties précises du Président russe et si ce n'est pas le cas, qu'est-ce qui vous permet de penser qu'il est de bonne volonté ? Est-ce que cela a un lien avec la situation en Syrie ? Pardon pour cette question qui est à plusieurs entrées. Merci !
LE PRESIDENT:
En France, il y a toujours plusieurs entrées ! Mais il n'y a qu'une sortie, donc Minsk. C'est un processus avec un ordre et avec un calendrier et pour que nous puissions suivre ce qui avait été prévu à Minsk. Il faut franchir les étapes les unes après les autres. La première, c'était le cessez-le-feu, il a pris du temps, plus de temps qu'il n'était prévu. Ensuite, c'était le retrait et c'est encore le retrait des armes lourdes et légères, cela a pris plus de temps qu'il n'était prévu. C'est l'échange des prisonniers, ce sont les groupes de travail tripartites. Nous avons mis aussi plus de temps qu'initialement nous l'avions pensé, c'est le vote par le Parlement ukrainien de modification constitutionnelle, cela a pris plus de temps mais cela s'est fait. Puis, arrive la question des élections et la nécessité d'avoir là-encore le temps nécessaire pour faire une loi électorale qui puisse être parfaitement conforme aux critères de l'OSCE et discutée dans le cadre du groupe tripartite, cela prendra plus de temps. La meilleure preuve, c'est que nous ne pensons pas, nous ne voulons pas que des élections puissent avoir lieu dans des conditions qui ne seraient pas respectueuses de Minsk dans les territoires de l'Est ukrainien. Il est donc probable, même certain maintenant, que dès lors qu'il nous faut trois mois pour organiser un scrutin, que nous irons au-delà de la date qui était prévue pour la fin de Minsk, c'est-à-dire, le 31 décembre 2015. Mais une fois que nous aurons eu les élections et que d'ailleurs, le statut spécial s'appliquera à titre provisoire le jour des élections et définitivement une fois que les résultats auront été confirmés. Il faudra encore prendre du temps pour aboutir à la dernière étape qui est l'étape essentielle, d'un point de vue du retour de l'intégrité de l'Ukraine, c'est-à-dire le contrôle total de la frontière et le retrait des unités étrangères mais il est vrai, vous avez raison, que cela va prendre plus de temps qu'il n'était prévu, nous en avons acté le principe et finalement, les modalités aujourd'hui. Je laisserai après Angela dire si nous pouvons avoir confiance !
LE PRESIDENT :
J'ajoute un mot sur la confiance justement. Il y a deux conclusions que nous pouvons tirer de la réunion d'aujourd'hui : c'est que le format Normandie est le bon format. Nous l'avions imaginé avec Angela, c'était le 6 juin 2014, il a permis d'arriver à Minsk et d'avoir un accord. Ce format Normandie, il s'est prolongé de multiples façons, y compris par des conférences téléphoniques mais il a tenu. La meilleure preuve, c'est qu'aujourd'hui, dans le cadre du format Normandie, nous avons pu avancer dans le processus de Minsk, même si ses calendriers ou ses modalités ont pu évoluer.
La deuxième conclusion, c'est que Minsk tient. C'est que nous sommes dans le cadre de Minsk et que chaque participant veut rester sur Minsk et veut l'application de Minsk, aussi bien le Président POROCHENKO que le Président POUTINE, cela est très important. Comme l'a dit Angela MERKEL, il n'y a pas de lien avec d'autres situations. Cela ne veut pas dire qu'à titre bilatéral, nous n'avons pas parlé de la situation en Syrie mais il n'y a eu aucun lien qui a été établi entre ce que nous avons à faire pour l'Ukraine et ce qui peut par ailleurs nous préoccuper dans le monde.
Journaliste :
Monsieur le Président, vous dites que vous n'avez pas établi de lien entre la Syrie et le processus de Minsk mais l'impression que l'on a, c'est que les bombes jetées par le Président POUTINE sur la Syrie le renforcent plus que jamais. Est-ce que l'ombre de la Syrie n'a pas plané sur ce Sommet ?
LE PRESIDENT :
Nous avons parlé avec le Président POUTINE de la Syrie. Comment ne pas évoquer ce sujet, alors qu'il a déjà fait tellement de victimes 250.000 morts, quatre millions de réfugiés, huit millions de déplacés. La Russie s'engage en Syrie, mais elle s'est toujours engagée en Syrie. Depuis le départ, la Russie a soutenu le régime de Bachar EL-ASSAD, a fourni des armes. Aujourd'hui, elle va plus loin, mais elle garde finalement la même ligne qui est le soutien à Bachar EL-ASSAD et à son régime. Nous en avons parlé avec le Président POUTINE et nous avons rappelé, en tout cas la France a rappelé par ma voix, qu'il y avait une solution politique que nous devons rechercher. Cette solution politique, c'est de revenir à ce qu'on a appelé l'esprit de Genève, c'est-à-dire de mettre le régime, l'opposition, en capacité de former un Gouvernement de consensus et de considérer que l'avenir de la Syrie passe par le départ de Bachar EL-ASSAD. Cela est la solution politique à laquelle nous devons travailler. Travailler avec la Russie, travailler avec les Etats-Unis, travailler avec l'Iran, travailler avec la Turquie, travailler avec les Pays du Golfe, travailler avec tous les pays qui voudront, pays européens, participer à cette solution politique. Elle est indispensable.
Quant aux frappes, tous les pays ne sont pas engagés dans des frappes. La Russie vient de les décider. La France, au nom de la légitime défense, considérant que Daesh est la menace qui nous concerne directement puisqu'il prépare ce groupe terroriste des attentats en France et d'ailleurs en Europe et dans le monde, nous avions décidé de frapper nous aussi.
Mais ce que j'ai rappelé au Président POUTINE, c'est que les frappes doivent concerner Daesh et uniquement Daesh. Nous ne faisons pas d'autres cibles. A partir de là, nous devons mettre chacun devant sa responsabilité. C'est sur ce groupe terroriste organisé sur deux pays la Syrie et l'Irak que nous devons concentrer nos actions. Enfin, nous devons exiger du régime de Bachar EL-ASSAD, d'en finir avec les bombardements sur la population civile, avec des armes de toutes natures. Quant aux réfugiés, ces réfugiés, ils ne sont pas venus parce qu'il y aurait ces derniers mois la guerre que nous connaissons en Syrie et les exactions de Daesh et du régime £ il y a effectivement des réfugiés qui viennent à cause de ce qui se produit en Syrie mais la plupart étaient déjà dans des camps ou étaient dans des pays et veulent ou voulaient rejoindre l'Europe. Donc, il faut bien considérer que ce n'est pas en agissant en Syrie que nous pourrons empêcher le mouvement des réfugiés. Le mouvement des réfugiés est déjà là depuis trois ans et nous avons suffisamment averti le monde entier qu'à un moment ou un autre, les personnes qui sont dans les camps, si elles ne sont pas nourries, si leurs enfants ne sont pas éduqués, s'il n'y a pas de travail, à un moment ou un autre, franchiraient les obstacles et notamment la Méditerranée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Europe a pris les décisions notamment d'aider la Turquie, d'aider les pays qui accueillent des réfugiés.
Pour ce qui concerne aussi le lien qui peut être établi, non, ce n'est pas parce que Vladimir POUTINE et la Russie sont engagés désormais en Syrie que nous devrions avoir une autre attitude par rapport à ce qui doit se faire pour l'Ukraine et donc je rappelle : aucun lien n'a été établi et d'ailleurs lui-même ne l'a pas introduit.
Journaliste :
Lors de ces bilatérales avec le Président russe, est-ce que vous avez eu le sentiment que Vladimir POUTINE évoluait, pouvait évoluer pour l'avenir de la Syrie et en particulier sur le sort de Monsieur ASSAD ? Est-ce que vous avez eu la garantie que les dernières frappes sur Racca étaient bien sur Daesh comme l'a affirmé l'administration russe ? Autre question : pourquoi faut-il absolument ne frapper que sur Daesh ? Est-ce que ce n'est pas légitime de frapper d'autres groupes comme Al NOSRA proche d'Al QAIDA ?
LE PRESIDENT :
Avec le Président POUTINE, nous avons évoqué le processus politique en Syrie, et je lui ai fait valoir que si c'était ASSAD l'interlocuteur, il n'y aurait pas de progrès, il n'y aurait pas de regroupement possible et que la situation politique en Syrie, ce n'était pas ASSAD d'un côté, Daesh de l'autre £ au milieu si je puis dire. Il y a de nombreux groupes d'opposition qui pour beaucoup sont prêts à aller vers une solution politique et que c'est avec eux qu'il faut prioritairement travailler.
Deuxième considération, et là-dessus, je pense que le Président POUTINE peut également avoir le même objectif, nous devons veiller à l'intégrité de la Syrie, à l'unité de la Syrie. Qu'est-ce que cela voudrait dire d'avoir d'un côté une Syrie réduite à un certain nombre de territoires contrôlés par un régime et de l'autre, un vaste ensemble qui serait laissé au chaos et peut-être demain l'organisation d'un califat ? Ce serait la pire des situations et ce serait une partition que nous ne pourrions pas accepter non seulement parce qu'elle contredirait un principe majeur des Nations Unies et d'intégrité d'un pays, mais parce que cela serait, on le sent bien, une division fondée sur des critères religieux, entre Chiites et Sunnites. Ce qui permettrait d'ailleurs à Daesh de se parer d'une intention et d'une volonté de rassembler des groupes pour des raisons religieuses.
Enfin, sur les frappes, j'ai fait remarquer au Président POUTINE que là où nous avons nous identifié des frappes, il n'y en avait qu'une sur Racca et d'autres qui étaient sur des secteurs qui étaient contrôlés par l'opposition. D'où la position de la France qui est de dire que nous devons -et on pourra en faire la vérification- frapper là où est Daesh pour ceux qui ont décidé de frapper. Pour le reste, nous devons travailler à la paix et aujourd'hui, c'était une journée qui était consacrée à la paix. Et on peut regarder les progrès, ce n'est pas toujours facile de le dire lorsqu'on est un des acteurs. Quand je vois quelle était la situation en Ukraine que nous avons affrontée avec Angela MERKEL il y a un an et où nous en sommes, nous ne sommes pas arrivés à la solution mais il y a moins de victimes et les interlocuteurs se parlent. Nous pouvons aujourd'hui montrer des progrès et la paix, cela se fait par la recherche de solutions politiques. C'est ce que nous voulions démontrer au cours de ce « format Normandie » à l'Elysée.
Merci.
Mesdames, Messieurs, nous avons eu une longue réunion et je remercie Angela d'avoir organisé avec moi le processus qui nous a permis aujourd'hui de tenir une réunion Format Normandie avec le Président POUTINE et le Président POROCHENKO. Nous n'y avons pas passé la nuit mais toute la journée a été essentiellement consacrée au sujet de l'application des accords de Minsk, ceux-là mêmes que nous avions signés, non mais en fait organisés, à Minsk au début de l'année.
Nous avons voulu insister sur quatre dimensions : la première, c'est la sécurité. Nous avons voulu nous assurer que le retrait des armes légères, qui avait été approuvé par un accord il y a quelques jours puisse commencer dès demain matin à minuit, que pour les armes lourdes, il puisse y avoir un processus comparable et que nous puissions poser des scellés conformément aux souhaits de l'OSCE. Nous avons également voulu que l'OSCE puisse avoir un accès, libre et sûr, sur l'ensemble du territoire ukrainien jusqu'à l'accès même à la frontière. Enfin, des actions de déminage seront lancées sans délai pour la sécurité de la population et des drônes pourront poursuivre leur mission. Sur cet aspect de sécurité, c'est là qu'il y a eu depuis Minsk le plus de progrès, puisque le cessez-le-feu est maintenant globalement respecté et que nous avons pu engager, étape par étape, les retraits des armes.
Aujourd'hui, nous avons pu faire de nouvelles avancées et permettre qu'il n'y ait plus de victimes de ce qui a été un conflit particulièrement lourd et dramatique. Mais les accords de Minsk ne sont pas seulement le cessez-le-feu, le retrait des armes légères et des armes lourdes et la surveillance et la possibilité pour l'OSCE d'aller partout.
La deuxième dimension sur laquelle nous avons passé le plus de temps, c'est celle du processus politique. Nous avons donc voulu que des élections, des élections locales, puissent se tenir selon la loi électorale ukrainienne mais également être organisées dans le cadre d'un groupe de travail et de manière à permettre que ce scrutin puisse être incontestable. Nous avons lancé un appel pour que toutes les parties s'engagent sur ce processus, ce qui veut dire que les élections qui étaient prévues le 18 octobre, à nos yeux ne pourront pas se tenir dès lors qu'elles ne répondent pas aux conditions que nous avons posées.
Mais en même temps, des élections doivent être organisées et pour cela, une loi électorale doit être votée et cette loi électorale doit également être discutée dans le cadre de ce groupe de travail. Une fois que la loi électorale aura été votée, un délai de 90 jours s'ouvrira pour l'organisation des élections. C'est le vu que nous formons et c'est le souhait qui a été émis ici.
Il y a également une disposition très importante sur l'amnistie qui doit entrer en vigueur le jour même des élections et une immunité qui doit être accordée à tous les candidats pendant la période des élections. Le point très important a été le statut des régions de l'Est qu'on appelle « la loi spéciale pour les régions » et là, nous avons convenu qu'elle s'appliquerait dès le jour des élections à titre provisoire dans un premier temps et définitivement le jour où l'OSCE considérerait que le processus électoral est incontestable. Enfin, nous avons rappelé les objectifs des accords de Minsk, c'est-à-dire le rétablissement à terme du contrôle total de la frontière et le retrait des unités armées étrangères.
La troisième dimension, je serai plus rapide et nous y reviendrons, c'est l'humanitaire et là, nous avons décidé que les points de passage seraient multipliés, qu'il y aurait une ouverture aux organisations humanitaires, Croix Rouge, Médecins Sans Frontières.., et que le processus de l'échange des prisonniers devrait se poursuivre à un rythme accéléré.
Sur le plan économique, c'est essentiellement sur l'accord sur le gaz que nous avons discuté. Il a été paraphé, il sera signé et devra donc être exécuté.
Enfin, nos ministres des Affaires étrangères, les quatre, se réuniront au début du mois de novembre pour faire le point de ce processus.
Si je veux résumer ce que nous avons fait tout au long de la journée, c'est l'évaluation des accords de Minsk et c'est la poursuite du processus en prenant en compte toutes les réalités. Pour qu'au-delà des délais qui avaient été prévus initialement, nous puissions aboutir dans toutes les dimensions de l'accord de Minsk. Une fois encore, je remercie tous les participants, les quatre parce que pour être en Format Normandie, il faut que nous soyons quatre et je remercie Angela parce que nous sommes ensemble depuis le début de ce processus et nous entendons le mener à bien jusqu'à son terme.
Journaliste :
J'ai également une question à propos d'éventuelles garanties et sur le point qui viendrait en dernier du processus. Ce double point qui est le retour du contrôle de la frontière à l'Ukraine et le retrait des groupes armés, vous avez évoqué, Monsieur le Président, un retrait à terme, Madame la Chancelière a parlé de certains retards dans l'application de Minsk. Est-ce que cela laisse supposer que l'accord de Minsk puisse déborder de l'année 2015 sur l'année 2016 ? Et autre question sur ces derniers points, est-ce que vous avez obtenu des garanties précises du Président russe et si ce n'est pas le cas, qu'est-ce qui vous permet de penser qu'il est de bonne volonté ? Est-ce que cela a un lien avec la situation en Syrie ? Pardon pour cette question qui est à plusieurs entrées. Merci !
LE PRESIDENT:
En France, il y a toujours plusieurs entrées ! Mais il n'y a qu'une sortie, donc Minsk. C'est un processus avec un ordre et avec un calendrier et pour que nous puissions suivre ce qui avait été prévu à Minsk. Il faut franchir les étapes les unes après les autres. La première, c'était le cessez-le-feu, il a pris du temps, plus de temps qu'il n'était prévu. Ensuite, c'était le retrait et c'est encore le retrait des armes lourdes et légères, cela a pris plus de temps qu'il n'était prévu. C'est l'échange des prisonniers, ce sont les groupes de travail tripartites. Nous avons mis aussi plus de temps qu'initialement nous l'avions pensé, c'est le vote par le Parlement ukrainien de modification constitutionnelle, cela a pris plus de temps mais cela s'est fait. Puis, arrive la question des élections et la nécessité d'avoir là-encore le temps nécessaire pour faire une loi électorale qui puisse être parfaitement conforme aux critères de l'OSCE et discutée dans le cadre du groupe tripartite, cela prendra plus de temps. La meilleure preuve, c'est que nous ne pensons pas, nous ne voulons pas que des élections puissent avoir lieu dans des conditions qui ne seraient pas respectueuses de Minsk dans les territoires de l'Est ukrainien. Il est donc probable, même certain maintenant, que dès lors qu'il nous faut trois mois pour organiser un scrutin, que nous irons au-delà de la date qui était prévue pour la fin de Minsk, c'est-à-dire, le 31 décembre 2015. Mais une fois que nous aurons eu les élections et que d'ailleurs, le statut spécial s'appliquera à titre provisoire le jour des élections et définitivement une fois que les résultats auront été confirmés. Il faudra encore prendre du temps pour aboutir à la dernière étape qui est l'étape essentielle, d'un point de vue du retour de l'intégrité de l'Ukraine, c'est-à-dire le contrôle total de la frontière et le retrait des unités étrangères mais il est vrai, vous avez raison, que cela va prendre plus de temps qu'il n'était prévu, nous en avons acté le principe et finalement, les modalités aujourd'hui. Je laisserai après Angela dire si nous pouvons avoir confiance !
LE PRESIDENT :
J'ajoute un mot sur la confiance justement. Il y a deux conclusions que nous pouvons tirer de la réunion d'aujourd'hui : c'est que le format Normandie est le bon format. Nous l'avions imaginé avec Angela, c'était le 6 juin 2014, il a permis d'arriver à Minsk et d'avoir un accord. Ce format Normandie, il s'est prolongé de multiples façons, y compris par des conférences téléphoniques mais il a tenu. La meilleure preuve, c'est qu'aujourd'hui, dans le cadre du format Normandie, nous avons pu avancer dans le processus de Minsk, même si ses calendriers ou ses modalités ont pu évoluer.
La deuxième conclusion, c'est que Minsk tient. C'est que nous sommes dans le cadre de Minsk et que chaque participant veut rester sur Minsk et veut l'application de Minsk, aussi bien le Président POROCHENKO que le Président POUTINE, cela est très important. Comme l'a dit Angela MERKEL, il n'y a pas de lien avec d'autres situations. Cela ne veut pas dire qu'à titre bilatéral, nous n'avons pas parlé de la situation en Syrie mais il n'y a eu aucun lien qui a été établi entre ce que nous avons à faire pour l'Ukraine et ce qui peut par ailleurs nous préoccuper dans le monde.
Journaliste :
Monsieur le Président, vous dites que vous n'avez pas établi de lien entre la Syrie et le processus de Minsk mais l'impression que l'on a, c'est que les bombes jetées par le Président POUTINE sur la Syrie le renforcent plus que jamais. Est-ce que l'ombre de la Syrie n'a pas plané sur ce Sommet ?
LE PRESIDENT :
Nous avons parlé avec le Président POUTINE de la Syrie. Comment ne pas évoquer ce sujet, alors qu'il a déjà fait tellement de victimes 250.000 morts, quatre millions de réfugiés, huit millions de déplacés. La Russie s'engage en Syrie, mais elle s'est toujours engagée en Syrie. Depuis le départ, la Russie a soutenu le régime de Bachar EL-ASSAD, a fourni des armes. Aujourd'hui, elle va plus loin, mais elle garde finalement la même ligne qui est le soutien à Bachar EL-ASSAD et à son régime. Nous en avons parlé avec le Président POUTINE et nous avons rappelé, en tout cas la France a rappelé par ma voix, qu'il y avait une solution politique que nous devons rechercher. Cette solution politique, c'est de revenir à ce qu'on a appelé l'esprit de Genève, c'est-à-dire de mettre le régime, l'opposition, en capacité de former un Gouvernement de consensus et de considérer que l'avenir de la Syrie passe par le départ de Bachar EL-ASSAD. Cela est la solution politique à laquelle nous devons travailler. Travailler avec la Russie, travailler avec les Etats-Unis, travailler avec l'Iran, travailler avec la Turquie, travailler avec les Pays du Golfe, travailler avec tous les pays qui voudront, pays européens, participer à cette solution politique. Elle est indispensable.
Quant aux frappes, tous les pays ne sont pas engagés dans des frappes. La Russie vient de les décider. La France, au nom de la légitime défense, considérant que Daesh est la menace qui nous concerne directement puisqu'il prépare ce groupe terroriste des attentats en France et d'ailleurs en Europe et dans le monde, nous avions décidé de frapper nous aussi.
Mais ce que j'ai rappelé au Président POUTINE, c'est que les frappes doivent concerner Daesh et uniquement Daesh. Nous ne faisons pas d'autres cibles. A partir de là, nous devons mettre chacun devant sa responsabilité. C'est sur ce groupe terroriste organisé sur deux pays la Syrie et l'Irak que nous devons concentrer nos actions. Enfin, nous devons exiger du régime de Bachar EL-ASSAD, d'en finir avec les bombardements sur la population civile, avec des armes de toutes natures. Quant aux réfugiés, ces réfugiés, ils ne sont pas venus parce qu'il y aurait ces derniers mois la guerre que nous connaissons en Syrie et les exactions de Daesh et du régime £ il y a effectivement des réfugiés qui viennent à cause de ce qui se produit en Syrie mais la plupart étaient déjà dans des camps ou étaient dans des pays et veulent ou voulaient rejoindre l'Europe. Donc, il faut bien considérer que ce n'est pas en agissant en Syrie que nous pourrons empêcher le mouvement des réfugiés. Le mouvement des réfugiés est déjà là depuis trois ans et nous avons suffisamment averti le monde entier qu'à un moment ou un autre, les personnes qui sont dans les camps, si elles ne sont pas nourries, si leurs enfants ne sont pas éduqués, s'il n'y a pas de travail, à un moment ou un autre, franchiraient les obstacles et notamment la Méditerranée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Europe a pris les décisions notamment d'aider la Turquie, d'aider les pays qui accueillent des réfugiés.
Pour ce qui concerne aussi le lien qui peut être établi, non, ce n'est pas parce que Vladimir POUTINE et la Russie sont engagés désormais en Syrie que nous devrions avoir une autre attitude par rapport à ce qui doit se faire pour l'Ukraine et donc je rappelle : aucun lien n'a été établi et d'ailleurs lui-même ne l'a pas introduit.
Journaliste :
Lors de ces bilatérales avec le Président russe, est-ce que vous avez eu le sentiment que Vladimir POUTINE évoluait, pouvait évoluer pour l'avenir de la Syrie et en particulier sur le sort de Monsieur ASSAD ? Est-ce que vous avez eu la garantie que les dernières frappes sur Racca étaient bien sur Daesh comme l'a affirmé l'administration russe ? Autre question : pourquoi faut-il absolument ne frapper que sur Daesh ? Est-ce que ce n'est pas légitime de frapper d'autres groupes comme Al NOSRA proche d'Al QAIDA ?
LE PRESIDENT :
Avec le Président POUTINE, nous avons évoqué le processus politique en Syrie, et je lui ai fait valoir que si c'était ASSAD l'interlocuteur, il n'y aurait pas de progrès, il n'y aurait pas de regroupement possible et que la situation politique en Syrie, ce n'était pas ASSAD d'un côté, Daesh de l'autre £ au milieu si je puis dire. Il y a de nombreux groupes d'opposition qui pour beaucoup sont prêts à aller vers une solution politique et que c'est avec eux qu'il faut prioritairement travailler.
Deuxième considération, et là-dessus, je pense que le Président POUTINE peut également avoir le même objectif, nous devons veiller à l'intégrité de la Syrie, à l'unité de la Syrie. Qu'est-ce que cela voudrait dire d'avoir d'un côté une Syrie réduite à un certain nombre de territoires contrôlés par un régime et de l'autre, un vaste ensemble qui serait laissé au chaos et peut-être demain l'organisation d'un califat ? Ce serait la pire des situations et ce serait une partition que nous ne pourrions pas accepter non seulement parce qu'elle contredirait un principe majeur des Nations Unies et d'intégrité d'un pays, mais parce que cela serait, on le sent bien, une division fondée sur des critères religieux, entre Chiites et Sunnites. Ce qui permettrait d'ailleurs à Daesh de se parer d'une intention et d'une volonté de rassembler des groupes pour des raisons religieuses.
Enfin, sur les frappes, j'ai fait remarquer au Président POUTINE que là où nous avons nous identifié des frappes, il n'y en avait qu'une sur Racca et d'autres qui étaient sur des secteurs qui étaient contrôlés par l'opposition. D'où la position de la France qui est de dire que nous devons -et on pourra en faire la vérification- frapper là où est Daesh pour ceux qui ont décidé de frapper. Pour le reste, nous devons travailler à la paix et aujourd'hui, c'était une journée qui était consacrée à la paix. Et on peut regarder les progrès, ce n'est pas toujours facile de le dire lorsqu'on est un des acteurs. Quand je vois quelle était la situation en Ukraine que nous avons affrontée avec Angela MERKEL il y a un an et où nous en sommes, nous ne sommes pas arrivés à la solution mais il y a moins de victimes et les interlocuteurs se parlent. Nous pouvons aujourd'hui montrer des progrès et la paix, cela se fait par la recherche de solutions politiques. C'est ce que nous voulions démontrer au cours de ce « format Normandie » à l'Elysée.
Merci.