24 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique du gouvernement en faveur du logement social, à Montpellier le 24 septembre 2015.

Madame la Ministre, chère Sylvia PINEL,
Monsieur le Ministre, cher Patrick KANNER,
Mesdames, Messieurs les parlementaires et élus,
Monsieur le Président, cher Jean-Louis DUMONT, qui n'a rien perdu de sa verve. Il y a quelques années, j'avais le privilège d'être dans le même groupe parlementaire que lui, il ne prenait pas souvent la parole mais quand il la saisissait, il était très difficile de l'arrêter.
Je constate qu'il a gardé les mêmes accents, les mêmes convictions, les mêmes engagements au service du mouvement que vous représentez, chers congressistes.
Je tenais à venir, ici, à votre congrès d'abord pour saluer votre mouvement. Je tenais à le faire, ici, à Montpellier, cette grande agglomération qui a beaucoup construit, qui a fait de la mixité sociale et de l'esthétique urbaine une large part de son identité, démontrant que l'on peut faire du social et du beau, que l'on peut bâtir et, en même temps, changer le cadre de vie, que l'on peut faire une ville et en même temps une agglomération en lien avec son espace rural.
Je voulais en venant, ici, à votre congrès, reconnaitre l'engagement de l'ensemble des acteurs du logement social, de métropole, d'Outre-mer, rassemblés dans leur diversité. Diversité de leurs responsabilités, diversité des territoires, diversités des acteurs, - les bailleurs, les collectivités locales, les associations de locataires bref tous ceux qui font vivre notre pays.
Votre mouvement fédère des familles. Ce n'est déjà pas facile d'être dans une même famille, alors quand il y en a plusieurs comme dans votre mouvement Vous savez ce qu'est la coexistence, la cohabitation et en même temps l'union des forces. Et vous avez toujours su préserver cet instrument. C'était l'essentiel.
Vous fédérez plus de 760 organismes, employez 80 000 salariés, et logez près de 11 millions de Français. Ces Français, ces hommes et ces femmes, vous en connaissez tous les visages. C'est pour eux que vous trouvez tous les jours des solutions à des problèmes qui ne se réduisent pas seulement à trouver un logement, ou à y rester. C'est pour eux que vous êtes attentifs à l'entretien des locaux, à leur bien-être, à leur cadre de vie. C'est pour eux, enfin, que vous construisez, que vous réhabilitez, que vous rénovez, que vous investissez.
Oui, et je l'affirme ici, vous êtes un des piliers de notre pacte républicain. Vous êtes une institution à tous égards originale, liée à l'histoire, l'histoire des lois sociales sûrement, l'histoire de la décentralisation à l'évidence. Mais aussi l'histoire d'un engagement qui remonte à loin quand, face au développement industriel, et pour tenir compte aussi de la transhumance agricole, il a fallu loger, loger beaucoup, loger aussi celles et ceux qui venaient de loin dans les années 60 et qui voulaient être accueillis décemment.
Et c'est parce que vous étiez là que la République a pu tenir. C'est parce que vous êtes toujours là, que la République a besoin de vous.
Monsieur le Président, vous avez rappelé qu'il y a 26 ans, un Président de la République m'avait précédé. Je m'interroge : pourquoi a-t-il fallu 26 ans pour qu'un autre Président de la République vienne aujourd'hui ? Quand François MITTERRAND était là, il y a 26 ans, il voulait vous faire partager sa vision de l'avenir, du logement. Il vous a interpellés, et c'est encore vrai aujourd'hui, en tant que meilleurs témoins, mais aussi meilleurs acteurs, de l'évolution de notre société.
Témoins, vous l'êtes de ce qui ne va pas, de ce qui est insupportable, de ce qui tend les rapports sociaux. Acteurs, vous l'êtes lorsque vous bâtissez, lorsque vous changez l'environnement et lorsque vous assumez vos responsabilités.
François MITTERRAND avait voulu lier votre ambition qui est celle de donner un toit à chacun aux enjeux de la ville. C'est d'ailleurs en venant à votre congrès qu'il avait lancé la politique de la ville. Il l'avait confiée à un ministre en charge de ce seul sujet. C'était Michel DELEBARRE. Et il avait voulu que cette politique de la ville ne soit pas simplement une politique du logement, mais une politique de l'ensemble des acteurs publics : État, collectivités locales. Pour que notre environnement et notre mode de vie puissent changer. Pour que l'image de la ville puisse être celle d'une nouvelle civilisation.
De majorité en majorité, d'alternance en alternance, l'ambition est restée la même, et la volonté s'est affirmée. Aujourd'hui c'est l'ANRU avec Action Logement qui mobilisera 20 milliards de travaux sur les dix prochaines années. Et vous en serez, vous le mouvement HLM, un des acteurs principaux car vous êtes en première ligne.
Si je devais définir ce que vous êtes, dans un moment où on parle beaucoup de sport et notamment de rugby : vous êtes en première ligne. En première ligne face à la crise, au chômage, aux inégalités, aux tensions qui traversent notre société. En première ligne face aux mutations du monde, la transition énergétique, la conférence sur le climat, ces nouvelles conditions qui vont être forcément posées ou imposées à l'ensemble des acteurs publics et privés. Face aux changements de la démographie, avec ce qu'elle exige de renouvellement du parc et, en même temps, de maintien d'une population plus âgée dans les logements. Et puis face aux migrations qui vont toujours créer des besoins qu'il faudra satisfaire. Et qui créeront également des interrogations sur les priorités pour ne pas dire les préférences.
En première ligne, donc, pour répondre au besoin de logement d'une population fragile. Mais aussi pour répondre à une attente des classes moyennes, qui veulent également être logées dans votre parc. Et c'est la raison pour laquelle, quand on sait ce que représente la fierté de disposer d'un logement, l'ambition que nous devons partager encore aujourd'hui c'est de construire davantage. Parce que malgré tous nos efforts, malgré tous vos efforts, nous ne bâtissons pas suffisamment de logements et notamment de logements sociaux.
L'année dernière, 120 000 logements sociaux ont été financés £ c'est un résultat honorable. Mais il est encore loin du compte. Ça représente 30 % des logements neufs. Un logement neuf sur trois est un logement social, mais c'est encore insuffisant. Vous connaissez les chiffres, ils ont été rappelés tout au long de vos congrès : 1 700 000 demandes restent insatisfaites. Et parmi ces demandes, il y a aussi celles de familles qui veulent changer de logement dans le parc, qui attendent longtemps, et qui expriment toujours davantage leur frustration.
Et puis il y a ce devoir de loger les plus précaires, les plus jeunes qui sont les premières victimes de la difficulté de l'accès à un toit. Je réaffirme donc ici, devant vous, l'objectif de construire plus et la volonté de l'État d'accorder des moyens de l'atteindre. Car sans logement, difficile d'accéder à un emploi. Et sans emploi, impossible d'accéder à un logement privé.
Le contrat que nous avons ensemble, État et bailleurs sociaux, c'est de permettre à chacune et à chacun d'avoir un avenir à travers un logement. Vous avez rappelé, Monsieur le Président, que j'avais pris des engagements, à la fois comme candidat et comme Président de la République. Ces engagements, j'entends les respecter. Depuis trois ans j'ai veillé avec les gouvernements de Jean-Marc AYRAULT et de Manuel VALLS à clarifier la relation entre l'État et le logement social. D'abord à travers un pacte, puis un agenda triennal pour 2015-2018.
Il y a eu également des signes tangibles de soutien à votre secteur qui ont été adressés. Je veux citer l'application du taux réduit de TVA à la construction de logements sociaux - ce ne fut pas une bataille facile. Je me souviens des pressions qui étaient exercées comme toujours sur le Président de la République. Je me souviens d'une ministre à l'époque, qui n'était pas Sylvia PINEL, qui en avait fait son étendard - je regrette qu'elle ne le saisisse toujours pas. Mais elle avait obtenu, et j'avais voulu vous envoyer ce signe, ainsi qu'à l'ensemble du logement social, qu'il y ait ce taux réduit de TVA pour la construction de logements sociaux. De même, la durée d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bailleurs sociaux a été rallongée pour bâtir davantage de logements neufs, et ceci pendant trois ans. De même nous avons rassemblé le produit des majorations de pénalités de la loi SRU, j'y reviendrai, pour financer la construction de logements à faible loyer. Ce que vous appelez dans un jargon qui n'appartient qu'au logement social, les PLAI et les supers PLAI.
Qu'y a-t-il derrière ce jargon ? Il y a des loyers plus bas pour des populations plus fragiles. Il était donc légitime, il était même naturel que ce soit par le versement de pénalités des communes qui n'assurent pas la mixité sociale que l'on puisse financer ces logements et assurer à des populations fragiles les quittances les plus faibles.
Au total, ce sont plus de quatre milliards d'euros d'aides fiscales qui ont été accordés au soutien du logement social pour atteindre les objectifs partagés. Alors je sais bien que vous êtes aussi les champions en calcul et en comparaison : que met-on dans le logement social sous la forme d'aides fiscales £ et que met-on dans le logement locatif privé sous la forme d'aides fiscales ou de niches fiscales ? Vous saluez les premières, vous dénoncez les secondes. Mais nous avons besoin de logements sociaux et nous avons besoin de logements privés.
Vous-mêmes bailleurs sociaux, vous avez pris vos responsabilités. Vous avez mutualisé vos fonds propres, j'imagine que cela n'a pas été simple au sein de votre mouvement. Parce qu'ici on est tous pour la justice, mais quand il s'agit de partager on est un peu plus réticent - de ce point de vue, vous n'êtes pas différents des Français. Il a donc fallu sans doute vous convaincre - non pas par le gouvernement, il ne se serait pas permis d'aller jusque là mais par vous-mêmes , de mutualiser vos fonds propres, pour produire des logements là où ils sont attendus, détruire des immeubles dégradés dans des zones moins tendues, et encourager l'investissement.
Je vous en remercie parce que c'est un mécanisme de solidarité très précieux, parce que ça permet de dépenser mieux l'argent du logement social quels que soient les territoires. C'est vous qui pilotez cette mutualisation et que je vous confirme ici qu'il n'y aura pas de prélèvements de l'Etat sur les fonds mutualisés.
J'ai également pris l'engagement de libérer du foncier public pour le mettre à disposition des constructeurs de logements sociaux, et même de logements privés. C'était une promesse que j'avais faite dans la campagne de 2012.
J'ai vu les résistances que l'administration était capable d'organiser. J'ai vu ce qu'une administration, en particulier celle que connait bien Jean-Louis DUMONT, était capable de ralentir, considérant - et je peux la comprendre, cette administration des Finances - que le foncier public est le bien de tous. Que lorsque l'Etat cherche des moyens financiers pour ne pas lever l'impôt davantage qu'il n'est aujourd'hui, il est important de gérer aussi les recettes exceptionnelles que sont les ventes de foncier.
Mais s'il n'y a pas de terrains qui se libèrent, s'il n'y a pas de terrains pas chers qui se libèrent, il n'y aura pas de constructions, et il n'y aura pas de constructions de logements sociaux.
Alors j'ai multiplié les réunions. Avec les ministres, avec les administrations, avec les opérateurs, nos amis de la SNCF, de RFF, et puis d'autres encore. Je n'oublie pas le ministère de la Défense, qui défend bien son foncier public. Régulièrement, je me suis tenu informé : « Combien de ventes ? ». Je sentais une gêne, on ne me donnait jamais le chiffre, « C'est en cours, ça vient, ça progresse, on y arrive ». Oui, mais combien ? Le chiffre était mystérieux. On le lâchait à voix basse, pour que je ne l'entende pas.
Alors il a fallu que l'on mette davantage de pression et j'ai donc sollicité Thierry REPENTIN, pour qu'il puisse, avec les ministres, et Sylvia PINEL en particulier, et tous les ministres, et toutes les administrations, mettre une pression supplémentaire. Et nous y sommes. Nous y sommes, c'est une première étape. A la fin de cette année, 60 terrains auront été mis à disposition, 60. J'ai fait les comptes : il y a à peu près 300 à 400 terrains qui seraient disponibles.
Il n'y a pas que l'administration qui peut résister, et il n'y a pas que le ministère des Finances qui, pour les raisons que j'ai indiquées et qui sont des raisons légitimes, veuille céder avec une décote la plus faible possible. Il y a aussi des élus à qui on propose ces terrains, et qui ne les prennent pas. Non pas parce qu'ils seraient trop chers, mais parce que l'obligation leur serait faite de faire du logement social.
Il va donc falloir prendre aussi des mesures coercitives de ce côté-là. Parce que moi je suis prêt, avec le gouvernement et la ministre, à aller jusqu'à 100 % de décote, c'est-à-dire la livraison gratuite de terrains, dès lors qu'il y a des logements sociaux qui sont construits sur le foncier libéré.
Je veux saluer les villes qui se sont engagées et les opérations qui se sont faites dans les grandes villes, Paris, Bordeaux, Nantes, Marseille, mais aussi dans des villes moyennes, Saint-Malo, Thonon, Grasse, Mantes, Kourou en Guyane. Si c'est possible partout, ça doit se faire partout. Aujourd'hui, les 60 opérations prévues ce sont 5 à 6 000 logements, dont la moitié de logements sociaux, qui pourront être construits.
Ces décisions n'ont pas d'autre but que de construire davantage, avec des loyers abordables pour les résidents. Il y a ce qui relève du secteur privé, je l'évoquais. Des mesures fiscales ont été prises pour favoriser le logement locatif et on en perçoit les premiers effets. Avec des transactions immobilières en progression très forte, avec des ventes de logements neufs qui sont significatives depuis le début de l'année, avec les permis de construire et les mises en chantier qui redémarrent pour la première fois depuis longtemps.
Donc ce que nous avons fait pour le logement privé trouve enfin sa traduction. Mais le logement social, lui, est non seulement une exigence en matière d'accueil des classes modestes et moyennes, mais aussi une nécessité économique pour l'activité du bâtiment, aussi bien pour la construction que pour la réhabilitation. C'est la raison pour laquelle l'Etat doit rester et restera un financier direct du logement social.
Il a été décidé de mettre en place, Sylvia PINEL en a fait l'annonce récemment, un fonds national des aides à la pierre. Ce fonds rassemble les bailleurs, vous, les collectivités locales et l'Etat. C'est un fonds qui sécurise, puisque l'argent qui y sera déposé, demeurera affecté au seul logement social, quoi qu'il arrive. C'est un fonds qui mutualise, puisqu'il répartira les aides à la pierre, sur le territoire et notamment les zones les plus tendues. Et pour que ce fonds puisse avoir une portée, pour que ce fonds puisse se traduire en logements nouveaux, l'Etat doit montrer l'exemple et y contribuer directement.
Et c'est la raison pour laquelle je vous annonce, ici, à votre congrès, que l'Etat contribuera directement, avec 250 millions d'euros de crédits de paiement, à la constitution de ce fonds pour atteindre 500 millions d'euros d'engagement, si vous accompagnez ce processus.
Les aides à la pierre directes ne résument pas le soutien qui vous est apporté. Et je pense notamment à la réduction de vos coûts de financement. C'était le sens de la baisse de la rémunération du taux du Livret A, qui est tombé à 0,75 %. Et quand le directeur général de la Caisse des dépôts, le gouverneur de la Banque de France, la ministre du Logement viennent voir le Président de la République pour dire et c'était vrai à d'autres époques il faut baisser le taux du Livret A, moi, je pense aussi aux épargnants. C'est vrai que l'inflation a considérablement diminué, c'est vrai aujourd'hui qu'elle est à moins de 0,5 %, et donc qu'il y a toujours une rémunération réelle du Livret A.
Si j'ai pris cette décision, qui n'est pas la plus populaire, c'est justement pour le logement des classes populaires. Parce qu'en baissant la rémunération du taux du Livret A, nous diminuons les prêts de la Caisse des dépôts au logement social. Rien que cette baisse de 1 % à 0,75 %, c'est 300 millions d'euros d'aide à la pierre d'une certaine façon pour vos opérations. Je veux que ce mouvement soit également complété par la baisse du taux de commissionnement des banques pour la gestion du Livret A et du Livret d'Epargne Populaire.
Pourquoi ? Parce qu'une diminution de 10 points de base du taux de commissionnement des banques, c'est 200 millions d'euros par an en faveur du logement social. Alors si j'ajoute la baisse du commissionnement, la baisse du taux du Livret A, les aides à la pierre, que je viens d'annoncer pour 250 millios d'euros, il y a donc une politique de l'Etat en faveur du logement social directe et indirecte.
Je veux revenir sur la libération du foncier. Pour faciliter encore les opérations, cette cession pourra désormais se faire de gré à gré avec les bailleurs sociaux, pour simplifier les procédures, pour aller plus vite, et pour éviter justement qu'une commune puisse empêcher la transaction.
De plus, la décote sera élargie aux ventes d'anciens logements à réhabiliter et appartenant à l'Etat, pour que nous puissions agir à la fois sur les terrains bâtis et sur ce que Jean-Louis DUMONT appelait les friches. Enfin, l'exonération sur les plus-values foncières, quand un terrain est vendu pour y construire du logement social, sera prolongée au-delà du 31 décembre 2015.
J'ai parlé de la Caisse des dépôts, je salue son directeur général £ son rôle est majeur, elle va bientôt célébrer son anniversaire, 200 ans. Il y a peu de personnes qui peuvent avoir ce privilège, seule une institution comme la vôtre peut donc organiser une cérémonie de cette nature. Mais une cérémonie n'est pas faite pour évoquer le passé et l'histoire, une cérémonie, pour une grande institution comme la vôtre, la Caisse des dépôts, c'est de penser à ce que sera cet établissement dans dix, vingt, cent ans peut-être. Ce doit être la Caisse du développement durable, ce doit être la Caisse des investissements d'avenir, ce doit être la Caisse du cadre de vie des Français.
Et c'est pourquoi il est très important que vous puissiez vous impliquer pleinement dans la transition énergétique. Et grâce aux fonds qui ont été mobilisés dans le cadre européen, ce qu'on appelle le plan JUNCKER, et ce que la Caisse des dépôts a été capable de proposer, une nouvelle ligne de financement, un nouvel instrument financier pourra être proposé au mouvement HLM pour renforcer la capacité d'investissement sur l'ensemble des territoires dans la construction et la rénovation des logements, dans le cadre de la transition énergétique.
Ce sont 500 millions d'euros au titre du FEDER qui sont d'ores et déjà assurés pour des projets qui sont déposés. L'effet de levier sera considérable, très profitable à l'activité du bâtiment et essentiel pour le pouvoir d'achat des locataires.
Car le logement social doit répondre à un défi environnemental. L'enjeu, c'est de participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Quand je réunirai à Paris l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement, pour je le souhaite de tout cur signer un accord, un accord contraignant, un accord universel, avec les financements qui permettront l'adaptation, notamment dans les pays les plus fragiles, je suis convaincu que ça aura des conséquences sur votre propre activité. Car il faudra changer beaucoup de normes, de conceptions, de modes de construction, et amplifier encore ce que vous avez engagé dans le cadre de la rénovation thermique. Alors, nous devons vous accompagner. Les bâtiments représentent 45 % de l'énergie consommée en France et le chauffage est le premier poste de consommation dans un logement. Des prêts à taux zéro, les éco-prêts, ont été mis en place pour accompagner la transition énergétique et la rénovation thermique. Ces prêts à taux zéro seront augmentés, élargis, de façon à ce que vous puissiez avoir tout le bénéfice de cette nouvelle organisation financière et être des modèles pour la transition.
Nous devons aussi relever un autre défi, celui que vous assurez depuis tant d'années, loger les plus modestes. C'est votre mission, c'est notre devoir. Les tensions sont de plus en plus fortes pour l'accès à un logement dans le parc social. Et c'est la seule possibilité pour loger de nombreuses familles. Chacun peut imaginer les frustrations, les colères, lorsque les attentes d'un logement social ne sont jamais satisfaites Alors que d'autres, on ne sait pour quelles raisons, pourraient disposer d'un logement. Ce qui justifie, dans le contexte que chacun a à l'esprit, des méthodes claires, transparentes d'attribution de logements, pour qu'il n'y ait pas de doute, pour que le soupçon ne soit pas ainsi diffusé, pour que les pensées les plus sombres ne trouvent pas, là, des modes de diffusion. C'est un de vos engagements. C'est une de vos responsabilités.
Nous devons faire en sorte que ces règles d'attribution, que ces modes de gestion soient exemplaires, grâce aussi aux outils de la loi ALUR. Je sais notamment vos efforts pour utiliser vos contingents réservataires, pour reloger des personnes relevant du DALO : il faut les amplifier.
Je mesure aussi ce qui est votre mobilisation pour mettre à disposition des logements vacants, pour accueillir des familles hébergées à l'hôtel, car il y a encore aujourd'hui des familles hébergées à l'hôtel. Et aussi, les demandeurs d'asile et les réfugiés. Vers qui se tourne-t-on lorsqu'il y a un afflux de réfugiés ? Vers le logement social, toujours vers le logement social.
Je veux saluer ici, vous l'avez fait Monsieur le Président, ce qu'a été l'attitude de votre mouvement. Non pas de fermer la porte, mais de chercher des solutions. Non pas pour écarter ceux qui attendent des logements sociaux depuis longtemps, mais pour faire que des logements qui, aujourd'hui, ne sont pas occupés, puissent être proposés. Je salue les élus, les bailleurs sociaux, qui ont pris cette responsabilité.
Et en même temps, je reviens d'un Conseil européen, qui s'est fini bien tard. Un moment, j'ai même craint de ne pas pouvoir être à l'heure pour votre rendez-vous, mais j'ai hâté la discussion. Et nous avons pu trouver une issue honorable pour qu'il y ait un mécanisme de répartition, pour ces 120.000 réfugiés. La France en accueillera 24.000 sur deux ans. Et nous ne serions pas capables d'assurer le logement de ces personnes alors que des particuliers se proposent, que des communes se sont également mobilisées, et que vous-mêmes avez fait le geste qui convenait, à partir de vos logements vacants ? Nous avons également mis en place, à nos frontières extérieures, des centres d'enregistrement, qui pourront permettre d'accueillir dignement les réfugiés, de raccompagner aussi humainement celles et ceux qui ne relèvent pas de ce statut.
Et puis nous avons décidé et c'était l'essentiel de la réunion de cette nuit d'aider les pays qui aujourd'hui accueillent des réfugiés. Je ne parle pas des pays européens, je parle des pays à l'extérieur de l'Europe. Quatre, cinq millions de personnes sont en Turquie, au Liban, en Jordanie. C'est vers ces pays-là qu'il faut aussi se tourner, pour les accompagner, pour les aider. Ceux qui ne sont pas généreux devront au moins être intelligents en considérant qu'il vaut mieux aider les réfugiés tout près de leur pays d'origine plutôt que de les obliger à venir, au risque de leur vie, ici, en Europe.
Pour une fois que l'Europe a été à la hauteur à la fois de ses valeurs, de ses principes et des moyens qu'il faut dégager pour le monde. Parce qu'aujourd'hui, le monde est là, et parce qu'il n'existe pas de murs infranchissables , ni de frontières qui seraient inexpugnables. Ce temps-là est fini et nous devons prendre nos responsabilités. Nous les avons prises, et vous aussi.
Comme vous, le gouvernement doit se préoccuper, avec les partenaires sociaux, de loger les travailleurs, les salariés, les actifs, les jeunes, et c'est pourquoi une nouvelle garantie locative a été créée - elle sera effective au 1er janvier prochain- pour tous les actifs qui ont fait le choix de la mobilité, pour les précaires et pour tous les jeunes de moins de 30 ans. Et je souhaite qu'Action Logement réfléchisse à l'extension de cette garantie à tous les demandeurs d'emploi qui déménagent pour trouver un travail et pour forcément adapter leur loyer à leur situation.
Et je n'oublie pas un autre de vos devoirs, l'accession sociale à la propriété. C'est une aspiration profonde de nombreux locataires, qui préfèrent acquitter un remboursement que de payer un loyer. C'est aussi un moyen de rendre plus fluides les mouvements à l'intérieur du parc social. Chaque accession à la propriété libère un logement pour un futur locataire. Et nous savons parfaitement, pour un jeune couple par exemple, que la première accession est toujours la plus difficile. Alors, les locataires du parc HLM doivent être pleinement associés à cette organisation du parcours résidentiel.
C'est pourquoi, je confirme le maintien de l'APL Accession, et le soutien à la première accession à la propriété à travers le prêt à taux zéro, qui sera élargi et simplifié. Et le taux réduit de TVA sera maintenu pour l'accession sociale à la propriété dans les 300 mètres des 1.500 quartiers de la politique de la ville. L'accession à la propriété est un levier indispensable de la mixité sociale.
Monsieur le Président, dans deux mois, nous fêterons les quinze ans de la loi pour la Solidarité et le Renouvellement Urbains, plus connue sous le nom de SRU. Cette loi, qui doit beaucoup à Louis BESSON, Jean-Claude GAYSSOT et Dominique VOYNET, dans le gouvernement de Lionel JOSPIN, rendait tangible un principe fondamental auquel était très attaché l'abbé Pierre, qui avait fait le déplacement à l'Assemblée nationale. Ce principe est de donner un toit pour tous, et partout. Quinze ans que cette loi est inscrite dans le paysage de la République, quinze ans que vous êtes des partenaires pour sa mise en uvre, quinze ans qu'elle est régulièrement l'objet de débats, et notamment son fameux article 55, imposant aux communes de plus de 3.500 habitants de construire 25 % de logements sociaux.
Et pourtant, malgré ces débats, malgré ces contestations, depuis quinze ans, cette loi a permis la construction de 450.000 logements sociaux, permettant à un million de personnes d'être ainsi logées. Je veux d'abord saluer les maires qui ont fait le choix d'appliquer la loi SRU, et saluer ce qu'a été leur action et leur décision. C'est parce que des communes ont été capables de comprendre que ce n'était pas simplement une obligation juridique, mais une obligation morale, une obligation sociale, une obligation républicaine, que nous avons pu, grâce à la loi SRU, construire 450.000 logements sociaux. C'est aussi parce que les communes ont eu plus de quinze ans pour appliquer la loi qu'on ne peut plus accepter que certains maires s'arrogent le droit de refuser sciemment de construire du logement social alors que tous les autres y participent.
L'Etat est le garant du droit au logement, et j'entends donc aujourd'hui que la loi SRU soit strictement mise en uvre, car la République ne s'arrête pas aux frontières communales et même intercommunales. Le Premier ministre, Manuel VALLS, annoncera en octobre prochain la liste des communes les plus carencées, c'est-à-dire celles qui n'ont pas appliqué, depuis des années, la loi. Cette liste tiendra compte des contraintes géographiques, financières, urbaines, qui, parfois, reconnaissons-le, empêchent la construction de logements sur certains territoires.
Une fois le constat établi, après concertation, une politique de préemption sera engagée, et l'Etat délivrera lui-même les permis de construire et réalisera les logements nécessaires. Un projet de loi sera débattu au Parlement au début de l'année prochaine et comprendra des mesures fortes, telles que l'attribution directe par le préfet du contingent de logements sociaux des communes carencées. Le logement social est bien plus qu'une réponse à un droit, à un droit fondamental, le droit au logement. Le logement social, c'est une nécessité économique, urbaine, républicaine. Le mouvement que vous représentez a l'ambition d'aller bien au-delà d'accorder un toit pour chacun. Vous avez vocation à préserver le lien social, à bâtir la ville de demain, à réussir la transition énergétique, à participer à la révolution numérique.
Par vos décisions, vous vous inscrivez dans un temps long. Vos constructions seront habitées par plusieurs générations de femmes et d'hommes £ vos rénovations, vos réhabilitations seront au service de familles qui en auront pour longtemps les retombées, peut-être toute leur vie. Vos dépenses d'entretien permettront de prolonger la durée de vie de nouveaux, de nombreux ensembles immobiliers, notre patrimoine, votre patrimoine. Bref, vous êtes pleinement dans le développement durable. Et vous assurez la cohésion du pays.
Et c'est pourquoi nous avons tous ensemble à relever le défi républicain. Pour vous ça signifie l'égalité, l'égalité de tous, à accéder à un logement, la liberté de sortir du parc social dès que le revenu ou l'âge le justifie - nul ne doit penser qu'il vivra toujours dans le parc social-, et puis la fraternité, d'une vie en commun. C'est pourquoi le logement social s'engage à travers ses salariés, ses administrateurs, son réseau. Cet engagement est un investissement dans l'avenir du pays. Et le logement social c'est la condition même de l'accomplissement de la promesse républicaine, notamment pour les familles et les plus jeunes.
Je sais toutes les sollicitations que l'on adresse aux bailleurs sociaux, et je n'ai pas manqué de le faire aujourd'hui. Vous êtes les acteurs de la politique de la ville, vous êtes les opérateurs de la solidarité territoriale, y compris dans l'espace rural, vous êtes les inventeurs de l'habitat de demain, vous êtes le mouvement qui accueille les plus démunis, tout en faisant en sorte que les classes moyennes puissent se reconnaître dans le parc social. Vous offrez le confort indispensable, et vous y ajoutez un cadre agréable, avec les loyers les plus bas. Vous devez construire plus de logements, mais avec des ressources sans cesse plus contraintes. Je connais ce qu'est, finalement, votre responsabilité, assurer des missions qui vont bien au-delà de l'acte de construction. Et c'est pourquoi nous devons réussir ensemble à porter cette ambition, qui est de vivre ensemble, pas de vivre simplement dans des grands ensembles.
Vivre ensemble, ça concerne bien davantage que les millions de personnes logées dans le parc HLM, ça concerne tout le pays, et beaucoup de ceux qui sont dans le logement privé, beaucoup de ceux qui ignorent même l'existence du parc social, ont besoin de vous. C'est vous qui assurez la ville, c'est vous qui assurez la solidarité territoriale. Ma présence aujourd'hui à votre congrès, 26 ans après celle de François MITTERRAND, n'est pas simplement un hommage. Ce n'est pas simplement une reconnaissance, c'est l'expression de la confiance que la République vous porte et que l'Etat vous reconnaît pour ce que vous faites, vous le mouvement HLM, pour la République, pour notre pays tout entier, et pour les Français.
Vive la République et vive la France.