22 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi
Point de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la crise des réfugiés, les logiciels truqués des moteurs diesel de onze millions de véhicules Volkswagen et sur la Grande-Bretagne et l'Union européenne, à Londres le 22 septembre.
Journaliste : Monsieur le Président, un accord est intervenu au Conseil JAI, mais c'est un accord à majorité qualifiée, cinq pays n'ont pas voté pour. Donc, est-ce que c'est un accord qui sert à quelque chose ? Est-ce que c'est une Europe à deux vitesses ? Surtout, qu'est-ce que ça veut dire pour le Conseil européen extraordinaire de demain ?
LE PRESIDENT : L'Europe a pris ses responsabilités au cours de ce Conseil. Elle a été capable d'accueillir mais, avec des conditions et avec des règles. C'est ce que demandait la France, que l'on puisse répondre à cet appel de personnes qui veulent sauver leur vie en venant jusqu'ici, mais avec des procédures qui puissent être comprises et qui puissent être respectées.
L'accord permet d'avoir enfin ces centres d'information, mais surtout d'inscription, qui vont pouvoir accueillir les réfugiés, en Grèce et en Italie, et puis, faire partir ceux qui ne relèvent pas du droit d'asile. Avoir aussi, un suivi de ces réfugiés et une répartition, c'était la condition. La France avait déjà pris ses engagements. J'avais moi-même annoncé que nous en accueillerions 24 000. Donc, là, tous les pays doivent respecter les engagements qui ont été pris. Certains n'ont pas voté. Mais la règle, c'est la majorité qualifiée. C'est-à-dire que même ceux qui ont voté contre devront appliquer l'accord qui est intervenu.
Demain, il y a un Conseil européen extraordinaire, il doit faire encore davantage. Là, nous avons réglé ce qu'on a appelé les centres « hotspots », cette fois-ci, il va falloir aider les pays qui aujourd'hui, accueillent des réfugiés loin de l'Europe, la Turquie, la Jordanie, le Liban. Et puis, aussi d'autres pays qui peuvent être des pays de transit. C'est en aidant ces pays que l'on évitera que ces personnes viennent se réfugier en Europe, avec le risque pour leur propre vie. Donc, c'est très important que demain, l'Europe consacre des moyens financiers et fasse en sorte que nous puissions agir et vite, pour éviter ce que nous avons connu ces dernières semaines, voire ces derniers mois.
C'est donc une étape importante, ce n'est pas fait, il y a encore un Conseil européen, il y aura d'autres échéances. L'Europe prend enfin des décisions, celles que j'avais demandées, avec d'autres, celles que nous voulions prendre vite, c'est-à-dire les centres « hotspots », des lieux qui peuvent être soutenus par l'Europe pour retenir les réfugiés et en même temps faire notre travail, notre travail d'Européens, notre devoir, c'est-à-dire d'accueillir des réfugiés et de les répartir dans le continent européen.
Cent vingt mille, cent vingt mille pour un continent qui compte 450 millions d'habitants, on n'en serait pas capable ? Donc, on va montrer qu'on est capable de faire cet accueil et en même temps d'avoir des règles qui puissent être respectées, cela s'appelle la responsabilité et cela s'appelle la solidarité.
Maryse BURGOT, France 2 : Y aura-t-il des sanctions, Monsieur le Président, contre ces pays qui ont voté contre et qui disent qu'ils n'appliqueront pas l'accord ?
LE PRESIDENT : Il y a des règles en Europe. Quand on ne respecte pas le droit de la concurrence, quand on ne respecte pas le Pacte de stabilité, il y a des sanctions. Cela existe. Donc, ces pays se mettraient forcément en infraction avec l'Europe.
On ne peut pas demander à l'Europe un soutien et refuser à l'Europe une solidarité. Cela s'appelle être dans le même ensemble. Quand on est dans l'Union européenne, on ne vient pas simplement pour avoir des avantages. On vient aussi pour prendre sa part. Surtout lorsqu'il s'agit surtout d'accueillir des personnes qui sont dans une situation extrêmement difficile.
Ces pays, ce sont des pays qui ont reçu de l'Europe, au moment où ils sont sortis de ce qu'était le bloc soviétique. C'était des pays qui étaient de l'autre côté du Mur de Berlin. Qu'a fait la France ? Qu'ont fait l'Allemagne et d'autres pays européens ? Les accueillir et les intégrer. Là, on leur demande, non pas d'accueillir d'autres pays, on leur demande d'accueillir des femmes, des hommes qui sont en danger de mort.
Journaliste : Aujourd'hui, à Bruxelles, c'était la règle, effectivement, il n'y avait pas besoin que tout le monde soit d'accord, c'était la règle de la majorité qualifiée. Demain, au Conseil européen, ça va être une tout autre règle, il faut qu'il y ait unanimité ou en tout cas consensus. Vous ne l'aurez pas !
LE PRESIDENT : C'est pour cela qu'il était très important de faire voter, à la majorité qualifiée, le mécanisme de répartition et de renvoyer au travail du Conseil européen les aides qui peuvent être fournies aux pays qui aujourd'hui, accueillent des réfugiés hors de l'Europe, la Turquie, le Liban, la Jordanie. C'est pour cela qu'a été fait cette démarche, cette méthode, cette organisation de deux réunions.
La première réunion, celle d'aujourd'hui, est pour régler le mécanisme de la répartition. C'est fait. Sur la base notamment des propositions de la France et de l'Allemagne. Et puis, demain, on ne va plus parler de la répartition, c'est fini, puisque cela a été voté, cela doit s'appliquer. Les centres « hotspots », j'ai un peu de scrupule à utiliser ce mot, mais cela veut dire le centre d'inscription et de répartition et également il faut le dire de raccompagnement des migrants qui n'ont pas de droits à faire valoir, ces centres-là vont se mettre en place. On ne va plus en rediscuter demain. Ce que l'on va traiter demain, c'est de l'aide aux pays extérieurs à l'Union européenne pour l'accueil des réfugiés.
Journaliste : Mais il faut que demain, l'Europe démontre véritablement son unité, on l'a vu, elle s'est quand même déchirée à travers cette crise sans précédent. Le message politique demain, c'est que néanmoins l'Europe est unie et peut faire face ?
LE PRESIDENT : Mais elle est déjà unie aujourd'hui. Il y a eu un vote à la majorité qualifiée. Cela veut dire quoi la majorité qualifiée ? Cela veut dire qu'il n'y a eu, sur les vingt-huit, que cinq pays qui n'ont pas adhéré au processus et qui n'ont pas pu empêcher le vote, parce qu'il y avait une majorité très large. La règle de la majorité qualifiée, cela veut dire, qu'on ait voté pour ou qu'on ait voté contre, cela s'applique à tous les pays.
Donc, demain, on va avoir une autre image d'unité qui est la solidarité à l'égard de l'extérieur, à l'égard des pays qui sont loin, mais qui sont essentiels, si on veut éviter que les réfugiés viennent toujours en plus grand nombre vers l'Europe.
Alors, vous allez me dire, mais à vingt-huit, on n'arrive pas toujours à se mettre d'accord à l'unanimité ! Ah non, c'est vrai ! Vingt-huit, ce n'est déjà pas facile même, quand on est deux ou trois, à devoir se mettre d'accord, alors à vingt-huit, c'est encore plus difficile ! Là, à vingt-huit, il y a une règle qui applique, c'est la majorité qualifiée. Demain, ce sera la règle de l'unanimité. Je n'ai pas de doute, demain, ce ne sera pas facile. Mais il s'agit d'aider les autres, en s'aidant soi-même. Parce que cela veut dire quoi d'aider les pays qui accueillent des réfugiés, cela veut dire éviter que ces réfugiés viennent vers l'Europe, et puis, rester tout près de leur lieu de vie d'il y a quelques jours ou quelques mois. Donc, nous avons tout intérêt à ce que ces pays-là puissent coopérer avec nous et, nous, les aider.
Journaliste : La ministre de l'Ecologie a annoncé une enquête approfondie en France suite aux fraudes constatées par le constructeur VOLKSWAGEN
LE PRESIDENT : Oui. C'est ce qu'a demandé aussi la Chancelière MERKEL, puisque c'est un constructeur allemand, que toute la transparence soit faite et que les contrôles puissent avoir lieu. C'est la bonne procédure, non pas pour pénaliser VOLKSWAGEN encore davantage, mais pour que le consommateur soit alerté et averti. Je pense que les constructeurs français, puisqu'eux-mêmes pourraient être interrogés à ce sujet, eux ont montré qu'ils n'avaient pas donné d'informations erronées. Donc, c'est très important que VOLKSWAGEN maintenant, donne l'ensemble de ce qui a été fait ou de ce qui n'a pas été fait.
Journaliste : Vous allez parler avec David CAMERON ce soir. Qu'est-ce que vous allez lui dire pour le convaincre définitivement de rester dans l'Union européenne ?
LE PRESIDENT : Que c'est l'intérêt de l'Europe, que c'est l'intérêt du Royaume-Uni, que le référendum puisqu'il aura lieu puisse donner un « oui », mais ce n'est pas un « oui » qu'il faut conditionner, ce n'est pas un « oui » qu'il faut promouvoir, au détriment de l'Europe. Cela doit être un « oui » qui vienne renforcer les principes de l'Union européenne, notamment la libre circulation et les règles sociales.
Ce qui va être possible de voir avec David CAMERON, c'est que nous, nous sommes dans la Zone Euro, pas l'Angleterre. A partir de là, nous pouvons dire que c'est normal que l'Angleterre puisse avoir d'autres règles. Mais elle ne doit pas empêcher la zone euro d'avancer et de progresser. Je pense que l'on peut trouver là, un bon équilibre.
Journaliste : Le fait que le Royaume-Uni ne participe pas à la répartition des réfugiés, est-ce que c'est de bon augure pour ça ?
LE PRESIDENT : Ce sont les règles actuelles, le Royaume-Uni n'est pas dans l'espace Schengen. Donc, le Royaume-Uni n'est pas dans la répartition. En revanche, le Royaume-Uni David CAMERON l'a dit prendra aussi sa part dans l'accueil des réfugiés, notamment ce qu'on appelle la réinstallation, c'est-à-dire les réfugiés qui sont dans un certain nombre de camps et qui peuvent venir au Royaume-Uni. C'est la méthode qui a été proposée par David CAMERON. Elle est compatible avec celle qui vient d'être adoptée aujourd'hui. Merci.