20 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-marocaines, la crise de réfugiés et sur les élections en Grèce, à Tanger le 20 septembre 2015.

Mesdames, Messieurs,
Nous arrivons au terme de ce voyage. C'est le deuxième que je fais au Maroc depuis que je suis élu Président de la République, et il a été en tout point réussi, du point de vue de la France et du point de vue du Maroc - je peux m'engager jusque-là.
Réussi d'abord parce qu'il était très important, après une période que chacun connaît, de faire en sorte que nous puissions franchir des étapes nouvelles dans notre partenariat et j'allais dire même dans le renforcement de notre amitié.
Au plan économique, j'avais souhaité que de nombreux chefs d'entreprise puissent m'accompagner et j'ai voulu qu'il y ait des grandes, des moyennes, des petites entreprises, bref toutes celles qui contribuent d'abord à l'emploi en France et aussi au développement de nos exportations, de nos investissements à l'étranger. Nos entreprises ont réaffirmé leur présence ou leurs intentions d'investissement dans de nombreux domaines : aéronautique, automobile, infrastructures, environnement, ville durable, technologies, agriculture, agroalimentaire Bref il y a eu, au-delà des accords qui ont pu être signés entre entreprises, des perspectives nombreuses qui ont été ouvertes, d'autant plus importantes que le Maroc et la France - et vous avez entendu l'Appel de Tanger - sont pleinement engagés dans l'action contre le réchauffement climatique et cela ouvre aussi des perspectives de croissance. On l'a vu ici au Maroc à travers les énergies renouvelables, on le voit aussi à travers la mobilité, les transports. Hier, c'était le TGV £ aujourd'hui, c'était la visite de Tanger Med et c'était tout à fait impressionnant. Nous voyons qu'il y a des partenariats, des coopérations, des alliances qui se nouent et c'est très important entre nos deux pays, car cela crée des emplois au Maroc - vous savez qu'il y a 750 entreprises françaises qui sont au Maroc et que cela représente entre 120 000 et 150 000 emplois - mais c'est aussi des emplois en France. Il y a l'usine RENAULT j'ai insisté là-dessus devant la communauté française, parce que celle qui s'est créée tout près d'ici est une usine qui n'émet plus de CO2 - c'est la seule au monde - : nous sommes donc capables entre Marocains et Français de faire des exploits sur le plan technologique.
Nous avons aussi évoqué des sujets politiques et notamment sur la question de l'Afrique, sur ce que peut être la relation franco-marocaine au service de l'Afrique, et cela a été aussi une priorité que les entreprises françaises et les entreprises marocaines ont portée : aller ensemble pour développer un certain nombre d'exportations, d'implantations ou d'investissements grâce à des financements que peuvent apporter le secteur bancaire, et l'Agence française de Développement qui va connaître une évolution très importante de ses moyens.
Sujet politique aussi, l'analyse d'un certain nombre de situations, et notamment le Burkina Faso,où nous soutenons entièrement le dialogue qui a été engagé par plusieurs chefs d'Etat africains avec ceux qui ont, en toute illégalité, commis un acte de force pour revenir au processus de transition. En ce moment même, il se passe des discussions et la France soutient les médiations africaines qui sont engagées et je mets en garde ceux qui voudraient s'y opposer.
Ensuite, nous avons abordé les questions de sécurité, bien sûr la Syrie et d'une manière générale, le terrorisme, et nous avons encore intensifié notre coopération en cette matière et nous faisons en sorte que nos services puissent travailler dans le meilleur esprit.
Nous voulons aussi qu'il puisse y avoir, et cela a été une annonce importante faite ici, la formation d'imams français de manière à ce qu'ils puissent avoir un enseignement de l'Islam et faire valoir que la France est un pays où des principes sont posés et où des limites sont fixées et d'avoir cette possibilité de faire que l'Islam de France - et je remercie ceux qui ici le représentent - puisse avoir les libertés que la République accorde dans les limites que chacun peut connaître. Je remercie aussi les autres cultes qui sont venus ici, marquant là le dialogue qui est indispensable et la vie commune que nous sommes capables d'organiser en France. [à l'intention de Mme Latifa Ibn Zlaten :] J'étais très heureux que vous puissiez venir et aussi, après ce que vous faites en France, que vous puissiez aussi le traduire ici au Maroc.
Sur le plan culturel également, il y a eu des annonces importantes, mais je ne veux pas être trop long. Ce que je pense le plus digne d'intérêt pour cette visite est la confiance, une fois encore, que la France fait au Maroc et que le Maroc fait à la France. On en voit beaucoup de signes. Ici, c'est l'enseignement du français, non pas pour faire plaisir à la France mais pour que le Maroc puisse se saisir de cet atout de disposer d'une langue au service de la culture et de l'économie.
La confiance, c'est le fait que des entreprises françaises s'installent et qu'il y a de plus en plus de coopération. La confiance, c'est qu'une communauté française importante - plus de 50 000 personnes - puisse vivre en toute sérénité, sécurité ici au Maroc. La confiance, c'est aussi qu'il y ait des Marocains en France qui puissent vivre avec la même tranquillité, le même respect pour nos règles et nos lois et là aussi, nous avons pu en parler avec Sa Majesté.
Je veux ainsi terminer ce déplacement en disant aussi la fierté que peuvent avoir les Marocains par rapport à des réalisations comme celle que nous venons de visiter, parce que c'est la preuve qu'un pays comme le Maroc peut connaître de la croissance, du développement et peut être aussi un exemple, et je souhaite que nous puissions encore ouvrir de nouvelles étapes à travers d'autres rendez-vous.
Je recevrai Sa Majesté Mohammed VI à l'occasion de la Conférence sur le climat à Paris. Il m'a confirmé qu'il serait là et vous savez que nous pourrons à ce moment-là, après l'accord - si accord il y a à Paris - lui transmettre la responsabilité d'accueillir à Marrakech la Conférence sur le climat dite COP22.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Journaliste (Le 360) :
Monsieur le Président, on a noté que le patron du renseignement marocain, Abdellatif HAMMOUCHI, n'a pas été décoré comme la France l'avait promis. Nous voudrions savoir pourquoi et quand la France le fera. Merci.
M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
Nous avons, je l'ai rappelé, une coopération intense entre les services de renseignement français et marocains pour assurer la sécurité - la sécurité des Marocains comme la sécurité des Français. Cela va même au-delà puisque grâce à cette coopération, nous pouvons agir également pour prévenir un certain nombre de risques, de menaces d'attentats ou d'agressions en Europe je pense notamment en Belgique où il y a eu hélas un certain nombre d'actes qui ont été commis dans la période récente.
C'est la raison pour laquelle, après que monsieur HAMMOUCHI a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 2011, le ministre de l'Intérieur a annoncé en février dernier qu'il serait promu comme officier. Il se fera remettre cette distinction au moment où ce sera souhaitable, opportun et décidé avec lui-même. Mais aujourd'hui, ce n'était pas à l'ordre du jour. Mais la distinction a déjà été annoncée, elle ne manque plus qu'à être ensuite décernée et remise.
Laure POLLEZ (France 2, « Complément d'enquête ») :
Avez-vous évoqué avec le Roi du Maroc le dossier en cours mettant en cause deux journalistes français pour chantage présumé ? Et croyez-vous à ces accusations graves de chantage formulées par le Maroc ?
M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
Ce que j'ai rappelé avant cette visite comme pendant cette visite, ce sont les règles qui existent en France. Ces règles sont à la fois l'indépendance de la justice qui travaille avec les éléments d'informations qu'elle peut saisir sur toutes les enquêtes, et la deuxième règle est celle de l'indépendance de la presse qui n'est pas non plus à l'abri d'un certain nombre d'abus - s'ils sont vérifiés et s'ils sont démontrés. Il faut laisser la justice travailler.
C'est ainsi d'ailleurs que sur l'affaire du livre et de ce qui s'est produit, la justice française a pu travailler et a pu avancer dans la vérification des faits.
Journaliste (L'économiste) :
Monsieur le Président, la France avait l'habitude de maintenir une politique arabe très active. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quels sont les contours de cette politique, surtout au niveau économique ? Merci.
M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
La France a de bonnes relations avec les pays arabes et cela ne date pas d'aujourd'hui. Mais il est vrai que, compte tenu de la gravité des sujets, nous avons encore renforcé nos liens avec les pays arabes. D'abord parce que ce qui se passe au Moyen-Orient, en Syrie justifie que nous puissions agir ensemble. Il y a ce qui se passe aussi en Irak où nous devons faire en sorte que le gouvernement irakien puisse rassembler toutes les composantes et puisse reconquérir son territoire, notamment sur Daech. Nous avons également avec les pays arabes des préoccupations, et lorsqu'elles surgissent - je pense à ce qui se passe sur l'esplanade des Mosquées - nous devons appeler à l'apaisement et nous devons demander que rien ne soit fait qui puisse être irréparable.
Nous avons la même volonté sur la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens, que les négociations puissent se rouvrir. Nous avons aussi sur le plan économique des relations particulièrement solides et nous en avons fait la démonstration encore aujourd'hui. Vous savez qu'aujourd'hui au Maroc, il y a aussi des investissements qui viennent des pays arabes avec lesquels nous avons de très bonnes relations et c'est très important que nous puissions justement faire en sorte que nous conjuguions nos efforts - les pays du Golfe, un pays comme le Maroc, la France - pour investir encore davantage.
Voilà pourquoi la France a une conception qui ne se réduit pas à l'économie - parce que ce serait à courte vue- qui prend en compte la politique et qui fait en sorte que le développement soit la priorité qui doit être donnée, et la paix comme volonté commune.
Yves IZARD (France Info) :
Monsieur le Président, il y a un Conseil européen extraordinaire mercredi sur les migrants. Quels sont les objectifs de la France et comment comptez-vous y parvenir, puisque l'on parle des migrants ? Aussi, je pense à la Grèce et au résultat, la victoire de TSIPRAS: est-ce que vous avez un commentaire ?
M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE :
D'abord, nous attendons du Conseil des ministres de l'Intérieur mardi que ces fameux centres dits « hotspots » - pour être très précis, ces centres d'enregistrement - puissent être non seulement mis en place mais qu'ils puissent fonctionner, ce qui suppose des moyens beaucoup plus importants qu'aujourd'hui.
Il ne s'agit pas simplement de faire de l'inscription, il s'agit d'être capable de faire un accueil, de permettre que les règles de Schengen s'appliquent, de faire la distinction entre les réfugiés qui peuvent prétendre au droit d'asile et les autres, pour que nous puissions aussi permettre des retours lorsqu'ils sont nécessaires. Cela suppose beaucoup de moyens mais s'il n'y a pas ces moyens, il n'y a pas la dignité qui est attendue de l'Europe pour accueillir les réfugiés et il n'y a pas la responsabilité pour que les frontières extérieures soient respectées. Pour la France, c'est donc l'objectif premier, la condition de tout et notamment de l'application des règles de Schengen et le droit des réfugiés.
La deuxième volonté de la France est que nous puissions aider les pays qui aujourd'hui accueillent des réfugiés et qui n'en peuvent plus. Il faudra donc consacrer beaucoup plus de ressources au Haut-Commissariat aux Réfugiés et à l'aide directe à ces pays - Jordanie, Liban, Turquie. Nous savons que beaucoup de départs se font de la Turquie : il s'agit de familles, il s'agit aussi de personnes qui étaient en Turquie parfois depuis plusieurs mois et qui, ne pouvant plus y travailler cherchent leur salut en Europe. Nous devons, avec la Turquie, même dans cette période où il y a des échéances électorales, faire en sorte que la Turquie puisse retenir, garder ses réfugiés mais nous devons aussi soutenir la Turquie. L'Europe doit être aux côtés de la Turquie pour assurer cette charge. Sinon l'Europe sera confrontée à d'autres mouvements de population.
Reste une dernière volonté de la France, celle qu'il puisse y avoir cette répartition des réfugiés relevant du droit d'asile. Cette répartition doit être de tous les pays européens. Aucun ne peut s'exonérer, ou alors nous n'appartenons plus au même ensemble fondé sur des valeurs et des principes. Alors j'ai souhaité avec la chancelière MERKEL que ce mécanisme puisse être obligatoire. Certains s'y refusent. D'autres veulent payer pour se décharger de cette obligation. Nous veillons - cela sera en tout cas la position que j'ai demandée au ministre CAZENEUVE de tenir - à ce que le mécanisme soit effectif, quelles que soient ses modalités et que les engagements puissent être tenus et que ce ne soit pas les mêmes pays qui reçoivent les réfugiés.
Voilà la démarche que nous engageons, voilà la position qui est la nôtre dans la négociation. Il y aura un Conseil européen mercredi et je souhaite vivement que ces questions puissent être autant qu'il est possible réglées par le Conseil des ministres et que tout ne soit pas renvoyé au Conseil européen.
Concernant les élections en Grèce. J'ai eu à l'instant Alexis TSIPRAS. Je l'ai félicité, selon les informations dont on peut disposer ce soir, pour un succès qui paraît plus large que prévu. Il semble qu'il puisse avoir avec l'allié qui était le sien, la majorité absolue au Parlement. C'est un succès important pour le mouvement Syriza et pour Alexis TSIPRAS.
C'est un résultat important pour la Grèce qui va connaître une période de stabilité avec une majorité solide et avec des dirigeants - et notamment Alexis TSIPRAS, qui a courageusement défendu sa position et notamment l'accord qui avait été conclu au Conseil européen le 13 juillet. C'est un succès important pour l'Europe qui doit entendre le message des Grecs qui s'engagent à faire des efforts, ils en ont déjà fait beaucoup, mais qui veulent aussi du progrès social, qui veulent aussi de la croissance. C'est un message important pour la gauche, pour la gauche européenne qui avec ce résultat, confirme que son avenir est dans l'affirmation de valeurs, de principes, dans le progrès, la croissance, mais aussi le réalisme. Le résultat qu'a fait le groupe dissident de Syriza, dit « Unité populaire », ne plaide pas en faveur de ce type de stratégie. Et avec Alexis TSIPRAS, nous avons convenu de travailler ensemble, avec d'autres, pour que cette idée de la gauche puisse être promue en Europe. Je me rendrai sans doute en Grèce dans les prochaines semaines.
Merci.