15 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique en faveur des entreprises, à Paris le 15 septembre 2015.
Madame, Monsieur, les ministres,
Monsieur le président du Prix de l'Audace Créatrice,
Mesdames et messieurs les présidents et responsables du jury,
Mesdames, messieurs les chefs d'entreprises et amis.
Il est vrai que ce prix est devenu une tradition. Je le remets à l'Elysée, et je dois même confesser qu'il existait avant moi.
Marc LADREIT De LACHARRIERE pourrait avoir le prix chaque année mais il accepte par délégation qu'il puisse être remis à d'autres car pour lui l'audace fait partie de sa nature. Il pousse l'audace devant vous qui êtes tous de fidèles soutiens du Gouvernement, de faire en sorte de s'exprimer avec les mots qui ont été les siens, d'admonester celles et ceux qui veulent faire du déclin notre destin et qui à chaque fois qu'il peut y avoir de mauvaises nouvelles sont trop enjoués de les mettre à la une, oubliant les bonnes.
C'est vrai que je vous disais en l'entendant « quel bon Porte-parole du Gouvernement il pourrait faire ». Mais je vois déjà qu'il prend ombrage de ces compliments et qu'il craint, non en fait il ne craint rien, car il a su dans des domaines très différents, mener des entreprises au plus haut niveau. Et encore aujourd'hui, il va être l'un des plus puissants dans le domaine du digital et c'est une chance pour la France que de disposer d'entrepreneurs qui justement sont capables de grande mobilité et de grande modernité.
C'est parce qu'il est animé de cet esprit d'audace qu'il veut partager. Partager ce prix et chaque année c'est un entrepreneur qui a montré ses capacités à donner de l'espoir à un secteur économique et surtout à des salariés.
Aujourd'hui, c'est vous Jean-Claude MAILLARD. Il se trouve que je vous connais et que je suis allé visiter l'entreprise à Figeac. Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu, je n'interviens en aucune façon pour ce prix et le jury si tant est que je puisse tenter quelques manuvres aurait rapidement à faire la preuve de son indépendance.
Vous, avez donc été choisi pour vous et pour l'entreprise que j'ai visitée à Figeac. Il est vrai que c'est une entreprise exceptionnelle, parce que vous avez eu un destin exceptionnel.
En quelques années, très vite en réalité, vous avez été capable de passer d'une entreprise unipersonnelle à une société qui est largement ouverte quant à son capital, qui a créé 1800 emplois, 1799 et qui a été capable sur son chiffre d'affaires de connaître une progression considérable. Dans un secteur, l'aéronautique, qui est lui-même particulièrement dynamique, mais qui pouvait être à tout moment exigeant à l'égard de ce qu'on peut appeler un sous-traitant dans le meilleur sens du terme. Vous avez été capable de vous adapter à toutes les conditions qui vous étaient faites par les donneurs d'ordre et même à leur proposer un certain nombre de produits.
Vous avez été récompensé -avant de l'être par le Prix de l'Audace Créatrice- par le ministre de l'Economie, puisque c'est chez vous que nous avions lancé l'usine du futur et c'est une grande volonté du Gouvernement et du ministre de l'Economie en particulier, avec les entreprises concernées, de montrer qu'il n'y a pas de contradiction entre la robotisation et la création d'emplois £ entre les usines du futur et la capacité de pouvoir créer de l'activité dans un département que je connais bien qui est le Lot.
Vous avez, avec ce département, un lien qui est resté indéfectible, car vous auriez pu investir et créer ailleurs que dans le département où vous aviez vos racines. Vous avez avec les élus une relation qui est constante, parfois bruyante, car vous leur avez demandé l'impossible, puisque vous réalisiez l'impossible. Quand je suis allé visiter le site, vous avez été capable de prendre des terres qui avaient été celles d'un chantier très important pour installer une véritable colline où vous avez installé votre entreprise £ parce que vous voulez être en hauteur. C'est aussi une part de votre ambition, voir loin et donc être dans la position la plus élevée sur le plan géographique mais surtout technologique £ ce que vous avez réalisé.
C'est aussi une démonstration qu'il est possible, dans ce qu'on appelle un département rural -le Lot fait partie de ce type de territoire- de créer, d'innover et d'embaucher. J'étais moi-même dans le département de la Haute Saône hier, avec quasiment l'ensemble du Gouvernement et le Premier ministre. Nous étions dans une entreprise, PARISOT, qui représente là-aussi de nombreux emplois -près de 1500 emplois- qui ont été créés, maintenus, grâce à une volonté d'être justement dans un territoire rural et d'être à la pointe de la technologie. Nos usines d'ailleurs pour l'essentiel sont dans le territoire rural. Ce qui fait d'ailleurs qu'elles ont plus de possibilités de développement.
Alors quand je suis allé visiter votre usine, la préfecture, les élus m'ont dit « voilà il n'y a qu'un seul problème, c'est quand monsieur MAILLIARD s'exprime », car il est capable de tout, de tout dire, vous l'avez montré et encore vous vous êtes retenu, sans doute parce qu'ici ce n'était pas votre cadre habituel. Mais vous en direz davantage encore ! Et il avait préparé. Comme quoi la censure fonctionne encore dans notre pays, au moins ici.
Je veux aussi me souvenir de ce déplacement. C'était le jour où non seulement nous lancions l'usine du futur mais nous annoncions également le plan pour le soutien à l'investissement avec le sur-amortissement de 40 % qui permet à beaucoup d'entreprises d'investir dans une période assez proche.
Grâce à vous - et c'est le sens que je veux donner aussi à ces rencontres - nous avons encore amélioré le dispositif. Parce que vous disiez « vous voyez ces machines, je ne les ai pas achetées en propre, je suis passé par une société de leasing parce que ce n'est pas facile de financer l'investissement, parce que la BPI n'en fait pas suffisamment, parce qu'on ne garantit pas assez de prêts ». Vous m'aviez demandé, et avec le ministre nous y avons veillé, à ce que l'on puisse intégrer dans les investissements éligibles au soutien que nous mettions en place, justement, le leasing. C'est ce qui a été fait et j'espère a pu être utilisé.
Vous dites que vous ne demandez rien à l'Etat. C'est ce que disent toutes les entreprises, mais je me souviens que nous avions confirmé un engagement qui avait été passé, qui tardait à venir d'ailleurs, sur une aide -et elle était justifiée cette aide- pour la réindustrialisation de 6 millions d'euros. Elle vous a permis d'aller plus loin encore justement dans l'usine du futur.
Voilà pourquoi c'était très important que je puisse vous remettre ce prix ici à l'Elysée. J'avais fait le voyage vers le Lot, vous venez maintenant pour le match retour ici.
Je saisis cette occasion, en présence du Porte-parole du Gouvernement et du ministre de l'Economie, pour vous dire combien nous sommes conscients que dans cette période où la reprise est là, mais encore fragile, où le contexte international demeure incertain, parce qu'un certain nombre de pays émergeants peuvent connaître une inversion de conjoncture et aussi un cycle qui peut être moins favorable, combien il est encore incertain de savoir ce que vont être les prix des matières premières et notamment du pétrole, et combien nous sommes aussi sur les questions de taux d'intérêt dans l'attente de décisions qui sont prises ailleurs, combien il est nécessaire non pas de rester spectateur du monde mais acteurs du monde, et c'est la raison pour laquelle nous devons agir, réformer, avancer.
J'ai donc demandé non seulement au Gouvernement de poursuivre le Pacte de responsabilité parce que c'était la parole qui avait été donnée et surtout parce que cela donnait de la visibilité aux entreprises, notamment pour le CICE et pour les allégements de charges, nous avons complété par le soutien à l'investissement et nous ferons encore en sorte de donner plus de cohérence et de visibilité pour notre action.
J'ai demandé au Gouvernement de travailler sur trois chantiers. Le premier, c'est celui du compte personnel d'activité qui permet à l'employeur de répondre à des exigences de formation ou d'organisation du temps de travail et donne aussi aux salariés la capacité, tout au long de sa vie, qu'il reste dans une entreprise ou qu'il en change, de pouvoir avoir des droits qui sont attachés à lui et non pas à son statut ou à son entreprise. C'est ce qui permettra d'améliorer la qualification de nos salariés, de permettre plus de mobilité, de favoriser les transitions et cela sera l'objet d'une négociation qui va se poursuivre dans les prochaines semaines.
Le second grand chantier, c'est celui des opportunités économiques liées à la transformation notamment provoquée par le numérique - pas seulement. Le ministre MACRON a déjà engagé une part de cette réforme dans la loi qui porte son nom, et je lui ai demandé d'aller plus loin. Il y a de nombreux secteurs qui sont profondément modifiés dans leurs conditions de développement par le numérique. Il y a des situations de travail qui n'obéissent plus aux classifications habituelles - qu'est ce qui relève du salariat, qu'est ce qui est de l'ordre de l'auto entrepreneuriat ou qu'est-ce qui est de l'ordre de l'entreprise individuelle ? - nous devons donc faire en sorte que le travail puisse être favorisé sous ces différentes formes, avec les protections qui sont nécessaires et la souplesse qui est indispensable. Les opportunités économiques, c'est finalement de donner à des secteurs que l'on connaît et qui se sont déjà considérablement modifiés, les transports, le tourisme, la culture, les nouvelles conditions de pouvoir créer de l'activité et de l'emploi.
Enfin, le troisième chantier, c'est celui de la réforme du Code du travail qui a été proposé dans le rapport COMBREXELLE et qui doit maintenant être traduit. Traduit en négociations lorsqu'elles sont possibles, traduit en loi lorsque c'est nécessaire -et cela le sera- justement pour ouvrir un nouveau champ pour la négociation collective et faire en sorte que les accords d'entreprise puissent s'adapter dans le cadre de ce qu'on appelle l'ordre public social, les dispositions qui permettent aux entreprises d'avoir plus d'initiatives et aux salariés d'avoir plus de sécurité.
Voilà ce que nous aurons à faire au cours des prochains mois. Mais nous avons aussi à donner à nos entreprises toutes les conditions pour leur innovation. Je pense que c'était ici-même, il y a trois ans, que j'avais considéré que le Crédit Impôt Recherche devait être sanctuarisé. Vous avez vu que cela a été non seulement le cas mais que nous avons même amélioré le système en l'étendant à l'innovation. Je veux aussi que tout ce qui peut être facteur d'innovation puisse être soutenu - et c'est ce que nous avons fait dans la loi Macron pour l'actionnariat salarié. C'était une demande des entreprises, notamment des start-up, et en particulier de ce que disait monsieur De LACHARRIERE : « si nous voulons qu'il y ait des créateurs, il faut aussi qu'il y ait des hommes et des femmes qui accompagnent les créateurs, et pour les intéresser dans un moment où il n'est pas forcément facile de distribuer autant de salaires, faute de résultats, que nous puissions leur permettre d'accéder à l'actionnariat ». C'est ce qui a été permis par la loi « Activité croissance ». Nous, nous continuerons à agir autant de temps qu'il nous sera donné pour le faire parce que c'est la condition de la réussite.
Les Français veulent les réformes tout en les craignant. De ce point de vue-là, les salariés et les entrepreneurs ne sont pas différents, ce sont les mêmes. Alors ce que nous devons faire c'est de garantir pour changer, et changer pour garantir. Garantir parce qu'il faut que chacun connaisse bien le cadre dans lequel il va pouvoir travailler, investir, innover et en même temps faire que ces garanties-là offrent une possibilité de changement car nous devons avancer. Si nous n'avançons pas, alors nous ne pourrons pas garantir ce que nous considérons comme essentiel. Cela vaut pour l'économie, cela vaut d'ailleurs pour d'autres domaines et je pense à la question de l'ouverture de notre pays et de ses capacités d'accueil. S'il n'y a pas de garantie, il y a la peur qui nous saisit, mais s'il n'y a pas aussi cette volonté d'être un pays qui peut prendre des initiatives, alors nous ne pouvons pas jouer tout le rôle qui est attendu de la France.
Ce Prix de l'Audace Créatrice, qui vaut pour l'économie, qui vaut pour l'entreprise, et qui est une belle leçon, vaut pour l'ensemble de la Nation. Il faut avoir l'audace, pas simplement les dirigeants -ils en ont dans le domaine économique, j'espère dans le domaine politique- mais pour la France toute entière, elle ne doit rien craindre d'elle-même. Je dis souvent finalement que nous ne sommes pas dans la défense d'une identité, nous sommes dans la promotion d'une idée. L'idée qui nous anime tous, c'est-à-dire avancer et réussir. On n'a jamais réussi en se protégeant, en se repliant et en doutant de nous-mêmes. On ne réussit que si l'on a une grande confiance. C'est la confiance aussi à travers ce prix que nous portons aux chefs d'entreprise, à ceux qui innovent, à ceux qui investissent, à ceux qui créent, et c'est vous aujourd'hui monsieur MAILLARD qui êtes à l'honneur aujourd'hui.