7 septembre 2015 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'exposition "Osiris, Mystères engloutis d'Egypte" à l'Institut du monde arabe, la situation dans les pays arabes et sur la coopération culturelle avec l'Egypte, à Paris le 7 septembre 2015.

Mesdames, Messieurs les ministres égyptiens et français,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le président de l'Institut du monde arabe, cher Jack LANG,
Monsieur le commissaire de l'exposition, cher Franck GODDIO.
C'est vrai que c'est la sixième fois -vous l'avez rappelé- que je me rends à l'Institut du monde arabe. J'essaie d'en comprendre les raisons £ il y a ce qui relève de l'amitié, celle qui me lie à Jack LANG, mais ce n'est pas la principale. Ce qui fait que je suis régulièrement à l'Institut du monde arabe, c'est pour admirer, saluer, parfois inaugurer des expositions qui permettent à la France et aussi au monde arabe de rayonner dans le monde. Et une fois encore c'est ce qui vient de se produire à travers cette exposition « Osiris, mystères engloutis d'Egypte ». Je ne doute pas que l'exposition va connaître un grand succès d'abord parce qu'il y a le mystère, ensuite parce qu'il y est englouti et que vous avez tout fait pour que l'on ait cette impression. Il y a même des images qui laissent penser que nous sommes sous l'eau et que nous découvrons les splendides sculptures, objets que vous exposez ici. Il y a également une volonté, la nôtre, qui est de partager avec le monde arabe une même conception, une conception exigeante de la culture et de défense des biens, patrimoines de l'humanité.
Mais ici aujourd'hui, l'exposition -je le dis à chaque fois mais c'est encore plus vrai pour cette exposition- « Osiris », elle est exceptionnelle. Elle est exceptionnelle par les uvres qui sont présentées, 250, issues des fouilles de Franck GODDIO, fondateur de l'Institut européen d'archéologie sous-marine, et elle représente des découvertes de 10 ans et avec 40 pièces qui ont été apportées par les musées du Caire et d'Alexandrie et qui sont pour beaucoup présentées pour la première fois en France et à Paris. Et je voulais dire au Président SISSI et aux ministres égyptiens qui le représentent combien nous sommes touchés par ce choix que vous avez fait de donner à la France pour quelques semaines, pour quelques mois les uvres qui appartiennent à l'Egypte.
L'exposition est également exceptionnelle parce qu'elle est le fruit d'un travail exceptionnel -je l'évoquais- lancé par Franck GODDIO en 1996 et qui a permis de retrouver dans la baie d'Aboukir les villes englouties de Canope, Thônis et Héracléion qui ont été submergées depuis très longtemps. Ces fouilles ont permis de mettre à jour des infrastructures portuaires, des temples, des objets qui ont été étudiés, restaurés, exposés, exposés comme vous les avez découvertes ces uvres, exposées dans les mêmes conditions qui étaient celles où elles étaient célébrées il y a de nombreux siècles, ce qui fait que nous sommes saisis, nous avons l'impression d'être non pas « Osiris », je vous rassure, mais d'être dans les temples qui en faisaient régulièrement le rite.
Cette exposition est également un message, un message de lutte pour que nous puissions préserver ces biens, un message d'espoir à l'heure où le Moyen-Orient traverse tant de drames dont l'Europe ces derniers mois découvre l'ampleur. Car à un moment, les mers n'arrêtent plus, les murs sont franchis, les frontières sont ignorées quand des familles entières n'ont plus comme espoir que de retrouver un continent de paix, en tout cas le croient-ils. Et c'est ce qui a fait que pendant ces derniers mois il y a eu ces déplacements, ces réfugiés. Il a fallu des drames sûrement pour que les Européens puissent prendre conscience de ce qui pourtant se produisait depuis plusieurs années. Rien que pour le début de l'année, 3.000 personnes sont mortes en cherchant à traverser la Méditerranée. Quand il n'y a pas d'image, nous préférons fermer les yeux, d'ailleurs les ouvrir sur quoi ? Mais s'il est possible de fermer les yeux, il n'est pas possible de fermer la porte quand il y a des réfugiés qui viennent nous demander secours. C'est une tradition, c'est un droit, c'est même un devoir et c'est celui que nous avons décidé d'accomplir mais dans un cadre organisé, maîtrisé, ce qui doit être le cadre européen.
Le message, c'est aussi de faire que le passé puisse nous permettre de regarder aussi ce que peut être l'avenir et ce passé-là est détruit, il est anéanti par les mêmes qui s'attaquent aux personnes comme s'il fallait éradiquer tout ce qui pouvait donner corps, vie à ce qu'est l'humanité. Et c'est la raison pour laquelle je veux -même si je m'éloigne de l'Egypte mais je pense à tous ces biens patrimoniaux- saluer la mémoire de Khaled ASSAAD qui a été assassiné £ c'était l'homme qui avait permis la restauration de Palmyre, qui avait voulu que ce site puisse être préservé, conservé. Quels que fussent les mouvements qui pouvaient saisir son propre pays, il était resté sur place à Palmyre même quand il était annoncé que Daech allait venir £ il voulait rester pour au moins empêcher le pire. Il a été décapité, son corps a été démembré. Mais il a laissé aussi sa trace, c'est-à-dire à travers son sacrifice la volonté de défendre non pas un bien, non pas un patrimoine d'un pays, d'une civilisation mais le nôtre.
L'Egypte dont je salue ici les représentants sait ce que le passé permet de faire pour l'avenir, l'Egypte sait que son patrimoine est un bienfait pour elle, pour sa société mais aussi pour l'ensemble du monde et c'est un message de culture que nous devons porter. Et Jack LANG a eu raison de consacrer cette exposition à la jeunesse, à la jeunesse du Moyen-Orient qui souffre, à celle qui ne va pas à l'école, 13 millions sont dans ce cas, à la jeunesse aussi, la nôtre ici en Europe, en France, qui veut comprendre, qui veut savoir, qui veut découvrir. Cette jeunesse va dans les musées, elle viendra j'en suis sûr ici à l'Institut du monde arabe et j'ai voulu avec la ministre de la Culture que nos grands musées nationaux, le Louvre, le musée d'Orsay, le château de Versailles, puissent ouvrir sept jours sur sept et qu'un des jours de la semaine puisse être réservé aux élèves. Et dès cet automne, le jour qui était jusqu'à présent fermé au public -c'était le lundi ou le mardi, ça dépendait des établissements- deviendra le jour des scolaires pour que nous puissions offrir à la jeunesse, à la jeunesse de France toutes les conditions pour apprendre, pour s'émerveiller, pour s'émouvoir.
Le message de cette exposition c'est aussi la coopération entre la France et l'Egypte. C'est une coopération archéologique d'abord puisque rien n'aurait été possible s'il n'y avait pas eu et depuis des décennies une confiance mutuelle pour mettre à jour les richesses. Et puis avec l'Egypte, il y a 20 ans, il y a eu la préparation de cette exposition. Jack LANG n'était pas encore là, il était ailleurs et sans doute y a-t-il eu de sa part une anticipation, une prophétie de faire qu'il y a 20 ans il puisse y avoir cette exposition et qu'elle puisse donc être organisée avec les archéologues égyptiens et français£ parce que si ces fouilles, des fouilles terrestres, des fouilles qui peuvent être sous-marines peuvent être engagées, peuvent être menées à bien -et elles ne sont pas terminées- c'est bien parce qu'il y a cette coopération.
La coopération entre l'Egypte et la France est aussi éducative, linguistique. 75 % des élèves du secondaire en Egypte apprennent le français. L'Egypte est un pays francophone, et au sommet de l'Etat égyptien il y a beaucoup de dirigeants qui parlent le français -pas tous mais ils le parlent- et qui veulent que cette éducation puisse être menée à bien à condition aussi que les Français considèrent que leur langue est un investissement qui doit être servi pour le monde entier. Et puis il y a la coopération aussi politique, diplomatique, militaire parce que nous sommes en face d'un Moyen-Orient qui doit être protégé et là aussi la France et l'Egypte luttent ensemble contre le terrorisme.
Je reviens à ces archives des fouilles et aux dangers qui peuvent parfois être ceux provoqués par les guerres et par le terrorisme. On sait ce qui s'est passé en Irak et c'est pourquoi nous avons décidé de numériser l'ensemble des biens culturels irakiens. Nous voulons aussi qu'il puisse y avoir une coopération scientifique et que nous puissions autant qu'il est possible connaître les biens pour éviter qu'ils ne soient cédés ou qu'ils soient l'objet de trafics. Là aussi les technologies sont très utiles, celles qui ont été précieuses pour les découvertes peuvent être également précieuses pour les protections. J'ai voulu que nous puissions avoir des visites virtuelles qui pourraient donc être accomplies permettant dans le monde entier de connaître l'ensemble des patrimoines de l'humanité. Et puis il nous faut protéger ces biens des trafics, mieux coopérer entre les grands musées et également faire en sorte que nous puissions avec l'UNESCO définir des règles. C'est la raison pour laquelle j'ai confié au président du Louvre, Jean-Luc MARTINEZ, une mission -il me fera connaître prochainement ses propositions- et avec la directrice de l'UNESCO, madame BOKOVA, nous prendrons un certain nombre de décisions relevant de nos propres responsabilités et faisant en sorte que la France avec l'UNESCO puisse protéger le patrimoine culturel en danger.
Mais je reviens à l'exposition, à ce qu'elle signifie aussi. Osiris, c'était le mythe, un dieu qui avait été démembré, décapité et que la force de l'amour a été capable d'une certaine façon de recomposer. Aujourd'hui il y a un pays, la Syrie, il y a un peuple qui peut être lui aussi démembré, il y a des hommes, des femmes qui peuvent connaître également les pires outrages de la part des terroristes de Daech. Si le mythe a un sens, c'est qu'il est possible de recomposer et de faire que ce peuple qui souffre aujourd'hui, martyr, puisse demain reprendre son unité et c'est l'espoir que nous devons formuler. Il y a ce qui relève des dieux -si l'on y croit- et il y a ce qui relève des hommes, pour les hommes et pour l'humanité. L'humanité peut être attaquée, elle l'est aujourd'hui, elle peut aussi se défendre et elle peut renaître à tout moment parce qu'elle est précisément l'humanité et qu'elle est toujours victorieuse. Merci cher Jack LANG de nous permettre avec les ministres égyptiens d'avoir aussi le rappel de cet engagement.