20 août 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la transition énergétique, Le Bourget-du-Lac le 20 août 2015.


LE PRESIDENT : Je voudrais d'abord remercier les élus, de nous accueillir ici au Bourget-du-Lac, dans le département de la Savoie, dans la région Rhône-Alpes, bientôt liée à l'Auvergne. Je voulais surtout, par ma présence, celle des ministres, Ségolène ROYAL, André VALLINI, saluer les entrepreneurs qui sont ici, les innovateurs, les chercheurs, tous les salariés de l'Institut national pour l'énergie solaire. J'y étais venu il y a plus de 3 ans, à l'époque je n'étais que candidat et j'avais pu regarder un certain nombre d'installations, mais pas toutes. Jean THERME souhaitait que je sois Président, enfin, il ne voulait pas donner une préférence, mais la condition pour visiter l'ensemble des installations était d'être Président. Je reviens donc maintenant, avant d'autres rendez-vous s'il m'invite dans d'autres circonstances. Mais je voudrais remercier tout particulièrement Jean THERME, parce que je sais combien il a été à l'initiative, avec d'autres, avec les élus, avec les industriels, pour que ce centre existe, pour que le CEA puisse jouer ce rôle. S'il n'y avait pas le CEA, s'il n'y avait pas tout ce concours, toute cette expérience, tout ce travail, il n'y aurait pas non plus, pour les industriels, pour les entrepreneurs, la possibilité d'aller jusqu'au bout de leurs intentions et donc de leurs investissements.
Si je suis ici c'est parce que la loi sur la transition énergétique vient d'être votée, il y a quelques semaines. La loi avait été soumise, comme chacune des lois d'ailleurs, au Conseil constitutionnel qui en a validé la conformité à la Constitution, et donc je l'ai promulguée il y a 3 jours. C'est un acte très important. Il a d'ailleurs rassemblé l'essentiel des parlementaires et, même s'il peut toujours y avoir des différences d'approche, l'idée de la transition énergétique est partagée.
Donc, c'est une loi qui va rassembler au-delà des clivages politiques, mais qui va surtout rassembler tous les acteurs, industriels, élus, innovateurs, pour que nous puissions faire de la France c'était l'intention de la ministre, c'est sa volonté un grand pays exemplaire en matière de transition énergétique. Nous avons en plus une responsabilité puisque nous allons accueillir la Conférence sur le climat à la fin de l'année, qui va être d'ailleurs, pour la France, l'occasion de démontrer toutes nos technologies et de les faire voir comme une vitrine pour l'ensemble du monde. Non pas que nous pensions que nous sommes toujours les meilleurs, mais enfin il se trouve que nous sommes parfois les meilleurs, et qu'il vaut mieux le dire car certains pourraient ne pas forcément avoir cette même opinion.
La Conférence sur le climat est un enjeu pour nous, montrer que nous avons nous-mêmes, à travers cette loi, pris les engagements et fixé les objectifs, que nous avons entraîné l'Europe, et je dois dire que la complémentarité avec l'Allemagne a été essentielle. Avec Madame MERKEL nous avons fait en sorte que les objectifs qui ont été posés par l'Union européenne, puissent préparer le succès de la Conférence sur le climat. Mais c'est un enjeu politique, allons-nous réussir à entraîner le monde dans un accord global qui sera contraignant, qui aura donc des conséquences ? Il ne doit pas être regardé comme une contrainte, et c'était le sens-même de ce déplacement, mais comme une chance pour la croissance et pour l'emploi, la croissance verte et de nombreux emplois liés à l'industrie et aux services.
Comment faire pour qu'une loi puisse se traduire en actes concrets ? Beaucoup va dépendre du gouvernement : mettre en uvre - et je sais que la ministre s'y emploie - , très vite les décrets d'application. D'ailleurs pour une part la loi est d'application immédiate. Puis il y a le rôle des élus locaux et je pense que ce que nous allons démontrer encore cet après-midi avec le territoire à énergie positive. Il y en a plus de 200 qui ont été sélectionnés. Il y en aura d'autres. C'est finalement la démonstration qu'on peut aussi, sur un territoire, se mobiliser et trouver des solutions qui sont celles d'ailleurs de la loi sur la transition énergétique, c'est-à-dire le renouvelable, les économies d'énergie, la mobilité, le stockage de l'énergie.
Mais si l'on veut faire ce changement, cette mutation, nous devons avoir des industriels qui puissent nous permettre d'atteindre nos objectifs. Et c'est là que l'innovation est essentielle et que ce que nous avons pu faire grâce à vous, c'est-à-dire dans le cadre de la nouvelle France industrielle avoir cette priorité pour la transition énergétique, faire travailler des chercheurs, des universitaires, des régions, et des industriels, des entreprises de toutes tailles, c'est finalement ce qui nous permet, aujourd'hui, de pouvoir utiliser les leviers de la loi et les enjeux de l'accord sur le climat.
Pour qu'il y ait de l'innovation, il faut qu'il y ait des talents, il faut qu'il y ait des recherches, il faut qu'il y ait des entrepreneurs, il faut qu'il y ait des accompagnements, et c'était le sens, d'ailleurs, de la plupart de vos interventions. L'accompagnement d'abord législatif et réglementaire, il doit exister. S'il n'y a pas de règle, il n'y aura pas d'innovation, parce que c'est la règle qui va produire l'innovation. C'est parce qu'on a des objectifs élevés pour le bâtiment, pour la rénovation, pour la mobilité, pour les règles d'utilisation de l'énergie, qu'on peut susciter une innovation.
Jean THERME a dit : « la transition énergétique et la transition numérique c'est peut-être finalement le même processus, car ce que le numérique nous apporte, c'est aussi la capacité de contrôler les consommations, les productions, et un certain nombre d'innovations énergétiques. » Pour ce qui est du bâtiment, pour ce qui est de la mobilité, les règles, en matière de transport, ce que l'on va demander aux villes, aux régions, aux départements, de faire, de leur propre initiative, tout cela doit favoriser l'innovation.
Puis il y a les règles financières. Le Crédit Impôt Recherche. Dès que j'ai été dans cette responsabilité de Président de la République, la question m'a été posée, « Allez-vous modifier, corriger ? », et chaque année il y a toujours un rapport parlementaire je parle devant un certain nombre d'élus ici qui essaye de nous amener à faire évoluer le Crédit Impôt Recherche. Je demande aux parlementaires d'arrêter de faire des rapports là-dessus, il n'y aura pas de changement du Crédit Impôt Recherche pendant la durée du quinquennat. Pourquoi ? Pour les raisons que vous avez indiquées, parce qu'il faut de la stabilité, de la visibilité, de la certitude, et quand vous vous engagez sur un certain nombre d'innovations, il faut que vous soyez sûr que les dispositions financières seront appliquées. Je sais qu'il y a des contrôles, qu'ils sont souvent rigoureux et que ces contrôles peuvent parfois dissuader, ils sont nécessaires, pour que justement les parlementaires puissent être sûrs que l'argent public -il s'agit d'argent public- puisse être pleinement utilisé.
Mais le Crédit Impôt Recherche est sans doute, en termes d'avantages comparatifs - puisque nous sommes dans une compétition mondiale, y compris sur le photovoltaïque, sur la transition énergétique, sur l'ensemble de ces sujets -, c'est ce qui fait la différence et ce qui donne à la France un atout supplémentaire. Donc nous le garderons et nous pourrons éventuellement plus tard, l'améliorer encore. Après il y a la Banque Publique d'Investissement, vous avez tout dit là-dessus, l'ADEME, les Investissements d'Avenir, et là-dessus cela avait été engagé avant nous, cela a été prolongé, cela a été poursuivi, cela sera amplifié, le programme des Investissements d'Avenir met la priorité sur la transition énergétique et c'est un financement qui est particulièrement précieux parce que là aussi il est à long terme.
Un mot sur l'exportation, parce que c'est très important. Si nous avons un accord sur le climat - et nous devons le rechercher -, mais quoi qu'il arrive, même si nous n'en n'avions pas, ce qui serait une catastrophe, l'enjeu est d'être capable de proposer à beaucoup de pays, qui vont s'engager dans la transition énergétique, des solutions. S'il y a un accord sur le climat cela ne sera pas simplement un accord sur des règles, sur des mécanismes ce sera déjà un acquis ce sera aussi un accord sur les financements. Car beaucoup de pays, émergents, ou des pays vulnérables, vont demander, à juste raison, que leur transition énergétique puisse être accompagnée financièrement, c'est l'affaire du fonds vert, c'est l'affaire des fonds privés comme publics, des banques de développement qui doivent se mobiliser , pour permettre que nous puissions dégager 100 milliards de dollars par an, à compter de 2020, et sans doute avant. Il y aura donc des moyens financiers. Serons-nous capables de proposer des solutions ? Des pays comme l'Inde sont d'ailleurs pour l'instant assez réticents sur l'accord sur le climat, mais totalement mobilisés sur l'énergie solaire.
Le Premier ministre MODI veut en faire le grand sujet de son mandat. Les pays africains, - nous en avons parlé tout à l'heure avec vous de VICAT -, pour les techniques du bâtiment, les pays africains, qu'ils soient producteurs ou non de pétrole, sont pleinement mobilisés pour la transition.
Pourquoi ? Parce que la transition énergétique peut leur permettre de sauter une génération technologique, c'est-à-dire d'aller beaucoup plus vite que nous, pour accéder à ce que nous connaissons aujourd'hui mais après avoir consommé énormément d'énergie fossile.
Nous devons donc faire en sorte de proposer des offres, à des pays qui vont être demandeurs, à condition que ces offres soient technologiquement meilleures, financièrement attractives et avec des coûts qui puissent être supportés par des pays qui ne sont pas parmi les plus riches de la planète.
Là-dessus, il y a la COFACE, il y a également l'AFD PROPARCO, je ne veux pas entrer dans trop de détails. Finalement, qu'est-ce que l'AFD ? C'est une banque publique, pour aider les investissements qui se font dans les pays en développement. Et nous devons en faire une grande banque. Une banque à l'international pour nous comme la COFACE, doit être un outil financier, que nous voulons rapprocher de la Banque publique d'investissement, dans cet objectif, pour que nous puissions accompagner les entreprises françaises, pour qu'elles puissent gagner des marchés.
Je voulais donc vous dire ici que l'exportation sera une priorité et la loi sur la transition énergétique nous permet, là aussi, de montrer nos atouts, de développer nos technologies, mais ensuite nous avons absolument besoin de pouvoir les mettre sur l'ensemble des marchés mondiaux.
J'ai donc eu le plaisir de revenir ici à l'Institut national pour l'énergie solaire. J'ai été à AIR LIQUIDE il y a quelques instants, et nous allons signer dans l'après-midi une convention pour les territoires à énergie positive. Le solaire fait partie de cette priorité que nous avons donnée, que la ministre a voulue pour les énergies renouvelables.
L'énergie renouvelable, ce n'est pas une énergie qui doit se substituer aux autres. A terme elle se substituera à d'autres énergies, c'est bien le but. Elle s'ajoute à d'autres énergies. Et le choix que nous avons fait est de garder une production nucléaire à un niveau qui nous place d'ailleurs dans le monde au plus haut niveau, mais qui doit dans la consommation d'énergie à terme, diminuer de façon à ce que les énergies renouvelables puissent aussi prendre toute leur part, voire davantage.
Les pays qui ont fait le choix - et c'était leur souveraineté, leur indépendance, (...) - de faire disparaitre à terme l'énergie nucléaire, avaient fait des choix antérieurs pour l'énergie renouvelable. Mais l'énergie renouvelable doit être aussi compétitive. Nous devons donc avoir, ce que la ministre à voulu, ce mix énergétique où nous avons finalement toutes les technologies, toutes les capacités, mais l'énergie renouvelable doit monter, doit monter davantage en France, et l'énergie solaire en particulier.
C'est pour cela que je voulais faire cette annonce, parce que je suis ici parmi vous, et que vous êtes plusieurs entreprises à travailler et beaucoup de chercheurs ici à vous dévouer pour cette énergie. Il y a eu un appel à projet pour 400 mégawatts qui a été lancé par le gouvernement, par la ministre. Les dossiers ont été déposés au mois de juin, auprès de la CRE, pour qu'il puisse y avoir justement des solutions qui puissent être trouvées.
En fait, il y a beaucoup plus de projets qui sont présentés, donc beaucoup plus d'opportunités, beaucoup plus d'investissements que l'on ne l'avait imaginé. J'ai donc décidé qu'on allait augmenter de 400 mégawatts l'appel d'offres, et que de 400 nous allons passer à 800, nous allons doubler, pour que vous puissiez avoir beaucoup plus de capacités de développement en France, ce qui ne vous empêchera pas d'aller ensuite chercher des marchés extérieurs.
Mais nous devons, la France doit, après la loi sur la transition énergétique, montrer qu'elle a confiance dans l'énergie solaire, qu'elle fait ce choix-là et qu'elle a en plus des industriels qui lui permettront de réussir ce défi, grâce à vous. Et donc merci pour cet accueil.
Je ne peux pas inaugurer le bâtiment, parce que je n'en ai pas encore eu le droit, mais ça sera la ministre qui le fera la prochaine fois, et je suis sûr qu'elle y sera bien accueillie, comme je l'ai été aujourd'hui. Merci à tous.