31 juillet 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le village de Saint-Cirq-Lapopie et sur le rayonnement de la France dans le monde, à Saint-Cirq-Lapopie le 31 juillet 2015.


Monsieur le Sénateur Maire,
Monsieur le Président du conseil régional,
Monsieur le Président du conseil départemental,
Monsieur le Maire de Cahors,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Député,
Mesdames, messieurs,
Vous qui vivez ici toute l'année et d'autres qui êtes venus pour une visite non pas parce que j'étais là mais parce que c'est Saint-Cirq et que vous vouliez comme moi découvrir - car pour ce qui me concerne c'est la première fois - le village préféré des Français et c'est vrai, un des sites les plus beaux d'Europe -puisque vous en avez parlé- et sans doute du monde.
J'ai inauguré dans ma vie publique bien des hôtels de ville ou des mairies, des petites, des grandes qui, à chaque fois, rassemblaient la population. Car un hôtel de ville, une mairie, c'est ce qui unit des citoyens qui sont attachés à ce lieu, à ce symbole de la vie en commun. Nous avons besoin de nous rassembler. Parfois c'est difficile parce quil y a des conflits qui peuvent nous traverser, parce quil y a des clivages à travers nos sensibilités mais nous sommes la France et la France n'a jamais avancé quunie et rassemblée. Et par les circonstances nous en avons connu de cruelles notamment au début de l'année ou parfois plus heureuses lorsqu'il s'agit de la fête nationale ou d'autres événements il nous faut créer entre nous cette solidarité indispensable. Nous sommes dans une époque où les égoïsmes nationaux reviennent. J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte lorsqu'il a fallu au Conseil européen traiter de la question des réfugiés. Il y avait donc 28 pays représentés par leurs chefs de gouvernement ou leurs chefs d'Etat et il fallait trouver une solution pour 60 000 Syriens, Irakiens, Érythréens de toutes confessions et de toutes origines. Et je voyais un certain nombre d'arguments utilisés pour ici justifier que ce n'était pas le bon endroit, le bon moment et quil ne fallait imposer aucune contrainte à aucun pays. Or, nous la France, nous sommes bien sûr fermes à l'égard de l'immigration clandestine, nous sommes soucieux de l'équilibre qu'il nous faut préserver et en même temps nous devons assurer notre devoir lorsqu'il y a un refuge à offrir, un asile à accorder à des individus, des êtres humains qui sont désespérés parce que chassés.
Oui, les égoïsmes nationaux sont de retour et vous avez évoqué, monsieur le maire, la Grèce. Certains pouvaient considérer que les Grecs n'avaient plus leur place dans la zone euro parce quils navaient pas fait les efforts depuis des décennies pour se mettre à niveau. Et nous, nous avons pensé « qu'est-ce que ce serait lEurope s'il n'y avait plus la Grèce ? » Durant la dernière période où en France on parlait de la réforme des collèges et on s'interrogeait sur le fait qu'il fallait continuer dans certaines options ou même dans certains enseignements de faire prévaloir le latin et le grec. Souvent ceux qui demandaient pour leurs enfants que le grec puisse être préservé dans les cursus scolaires étaient également prêts à dire que les Grecs, eux, aillent faire leurs affaires ailleurs parce que cela pourrait nous coûter un peu plus. Alors, nous devons faire en sorte quil y ait des idées qui puissent nous dépasser et que la solidarité, la conscience de vivre ensemble puissent être plus fortes que simplement l'égoïsme qui peut être individuel ou qui peut être national.
Alors, il m'est arrivé donc d'inaugurer bien des mairies mais c'est la première fois, je dois le concéder, que je viens inaugurer une mairie non pas comme Président de la République, cela m'est arrivé, mais une mairie qui a cette caractéristique presque dêtre un lieu où on peut déclarer, ici dans une forme d'auditorium. Alors, je ne vais pas faire un discours trop long mais la tentation pourrait me prendre. Vous êtes là, il est la bonne heure, nous devons tenir jusqu'au repas, donc je pourrais vous dire tout le bien que je pense de votre commune. C'est vrai qu'elle est exceptionnelle. Elle est exceptionnelle parce que -et je veux en féliciter les habitants et les équipes municipales successives- ce lieu a été préservé, conservé et en même temps travaillé et valorisé. Sil n'avait pas été préservé, il y aurait des atteintes très grandes qui auraient été portées à un paysage, à des structures, à des toits et il ny aurait pas cette harmonie. Rien n'est plus beau que l'harmonie : chaque maison prise individuellement peut paraître banale mais c'est l'ensemble qui fait ce caractère, qui fait cette force et qui justifie qu'il y ait 700 000 personnes qui viennent -je ne sais d'ailleurs pas comment mais je sais pourquoi- jusqu'ici. Jai compris qu'il fallait mettre des parkings parce que c'est vrai que c'est la condition indispensable. Jai compris aussi que cétait un sujet controversé, comme toujours, comme partout, mais si vous voulez être visité et généralement en voiture, mieux vaut avoir ce type d'équipement.
Vous avez su également comprendre quil ne suffisait pas d'être un très beau site, un très beau village pour attirer des touristes £ il fallait d'abord que les habitants puissent eux-mêmes vivre là et puissent accueillir dautres toute l'année, des artistes, des agents qui vont promouvoir le tourisme, des animateurs et puis aussi attirer des résidents quelquefois qui viennent de loin, de tous les pays du monde, ce qui fait que j'ai l'impression ici d'être dans une conférence internationale, je vous en remercie, Monsieur le sénateur maire !
Vous avez compris aussi que vous aviez reçu en héritage non seulement un patrimoine bâti exceptionnel, mais également un patrimoine humain. Vous avez évoqué en lisant d'ailleurs un texte d'André BRETON, cette figure du surréalisme, vous avez évoqué aussi Henri MARTIN et puis tant d'autres. C'est ainsi que vous devez mettre en valeur ces patrimoines humains et architecturaux et faire en sorte que vous puissiez toujours rayonner parce qu'un site doit être vivant. Un site n'est pas simplement une protection même si je sais qu'il y a des agents de l'administration qui veillent à ce que tout soit fait dans le respect de ce qu'a été l'histoire. Mais vous devez faire vivre ce site et c'est ce que vous avez entrepris, monsieur le maire, avec votre équipe municipale, parce que vous avez voulu avec l'appui des collectivités publiques que vous avez encore sollicitées ce soir c'était sans doute la raison de ma venue mais vous avez voulu quil y ait des investissements, que les ruelles soient de nouveau faites comme elles létaient dans le passé tout en étant agréables pour le visiteur. Vous avez voulu que les toits puissent être conservés, vous avez voulu que il y ait des façades qui puissent être également réhabilitées, vous voulez quil n'y ait aucun patrimoine bâti qui puisse être inoccupé et vous voulez faire en sorte que chaque ruelle, chaque escalier, chaque maison puisse être en soi une raison de visite.
Alors, vous avez sollicité les collectivités publiques, vous avez eu la décence de ne pas appeler la solidarité de l'Etat sauf à travers la personne du préfet et qui ne manquera pas de répondre à vos exigences. Ce qu'il faut néanmoins concevoir pour ces communes qui sont très particulières puisque ce sont des communes où il y a peu d'habitants, beaucoup de visiteurs et des investissements considérables à faire et nous devons donc créer une forme de « statut », le mot serait mal choisi, mais en tout cas de spécificités de ces communes parce quelles doivent prendre en charge une part de notre patrimoine et dans les réformes que nous aurons à engager sur les dotations aux collectivités locales sujet qui vous est cher nous devons faire en sorte que cette spécificité, cette caractéristique-là puisse être prise en compte parce que vous devez assurer des investissements et des dépenses quaucune autre commune de même taille ne peut imaginer. Commune de 260 habitants avec 700 000 visiteurs, avec ces charges très importantes et en même temps ce souci de l'esthétique. Donc nous ferons en sorte de vous accompagner.
Quest-ce que je pouvais faire ? En temps de sécheresse, apporter un peu de pluie ? Une fois encore, vous navez pas été déçus de ce côté-là ! Faire la promotion de votre village, non pas que ma seule présence y suffirait, vous avez mis en place des outils avec la région, avec le département et avec la communauté de communes pour avoir cette ambition-là. Mais de signaler queffectivement, le rôle du Président de la République, c'est de valoriser son pays, c'est de l'aimer d'abord parce que moi, je nai pas pu être maire de Saint-Cirq-Lapopie, tout le monde ne peut pas avoir le destin de Gérard MIQUEL. Mais, j'ai voulu être Président de la République et pour y parvenir, il faut remplir un certain nombre de conditions - je ne vais pas ici les énumérer pour ne pas susciter des vocations il y en a suffisamment-, mais parmi ces conditions, il y en a une qui est plus essentielle que toutes les autres : cest daimer son pays. Tout le monde laime, mais de laimer profondément, de l'aimer pleinement et de le mettre chaque fois en valeur, mais aussi de le mettre en question parce que si nous voulons faire aimer la France, il faut laimer elle-même. Ce nest pas toujours notre propre attitude £ il y a toujours des raisons de contester, de protester £ il y a toujours des raisons de vouloir se déchirer, se séparer. Mais si nous ne partageons pas le même amour de notre pays, qui pourra l'avoir à notre place ? Si je peux vous donner une part de mon expérience depuis trois ans, c'est que partout où je me déplace, que ce soit en Afrique, en Asie, dans les Amériques ou dans les continents les plus lointains, il y a toujours à l'égard de la France une attente particulière, une espérance pas simplement de faire du commerce cela peut arriver et je ne manque pas d'occasions mais de dire à la France ce qu'elle peut faire, que ce soit sur le climat, j'évoquais la conférence qui va se tenir à la fin de l'année où la France va être le rendez-vous du monde pour que notre planète puisse être préservée d'un réchauffement qui dénaturerait nos territoires.
La France est attendue pour la paix et la liberté. Cest ce que nous avons fait en Afrique, c'est ce que nous faisons au Moyen-Orient. La France, elle est attendue pour la liberté £ la France, elle est attendue pour l'idée de l'humanité, pour l'esthétique, pour la culture, pour la langue et si nous ne sommes pas le plus grand pays au monde, nous sommes un des pays qui est capable de donner une destinée commune. Quand nous avons été frappés au début de l'année par ces actes terroristes monstrueux, qu'est ce qui était en cause ? C'était l'idée de la liberté. Pourquoi tant de chefs d'Etat et de gouvernement sont venus à Paris défiler ? C'est parce que nous étions la France. Il y a, hélas, bien des régions du monde qui ont été plus frappées encore que nous et qui ne suscitent pas ce même élan de fraternité et de solidarité, parce que nous sommes la France. Et la France, cest une histoire sans doute qui a pu éclairer le monde, cest aussi des sites exceptionnels, un patrimoine mais c'est toujours des idées que nous portons et qui font quen Europe lorsqu'il faut faire des choix, nous les faisons dans la direction qui est attendue par beaucoup de peuples et beaucoup de nations.
Voilà pourquoi il faut être fiers, fiers de ce que nous sommes, fiers de ce que nous représentons et fiers aussi de la République. La mairie, où que ce soit, c'est la République. Et la République, ce n'est pas simplement des documents qui sont sur les murs, des affiches, ce nest pas simplement une devise, c'est aussi un comportement, la République. Ici, vous faites vivre bien sûr une histoire qui a commencé bien avant la République, mais vous devez faire vivre ce village avec les idéaux de la République et cest ce que je voulais, ici par cette inauguration, dans ce lieu magique, avec des personnes qui nous éclairent par leur passage vous dire : aimez la France, aimez la République et continuez à préserver ce lieu exceptionnel, ce site unique qui fait que la France est heureuse d'être en France. Merci !