13 juillet 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'accord entre la Grèce et les autres pays de la Zone euro, à Bruxelles le 13 juillet 2015.

Mesdames, Messieurs,
Après plus de quinze heures, je crois, de discussions, de négociations, de débats, un accord a été trouvé. Cet accord, la France le cherchait, le voulait, et cet accord est là. Il permet à la Grèce de rester dans la zone euro. C'était l'objectif, avec forcément, le respect des règles européennes.
L'objectif était de faire en sorte que la zone euro puisse être préservée dans son intégrité, dans son unité, dans sa solidarité. L'objectif, c'était que l'Europe puisse être à la hauteur du défi qui lui était lancé, être capable de régler une crise qui depuis plusieurs années minait la zone euro. L'objectif était aussi de donner un espoir à la Grèce après tant d'années de souffrance, d'austérité - même si la Grèce n'en a pas terminé et qu'elle devra encore faire des efforts - alors qu'elle était convaincue qu'il fallait trouver à nouveau à rassembler le peuple grec.
Ce que j'ai voulu, c'était plus que l'intérêt de la Grèce, c'était l'intérêt de l'Europe. Et c'était aussi l'intérêt de la France. Parce que l'intérêt de la France ne se dissocie pas de l'intérêt de l'Europe.
La France a un rôle particulier à jouer : faire en sorte que ce processus, cette construction qui se sont noués au lendemain de la guerre puisse se poursuivre avec, bien sûr, des épreuves, des défis, mais en même temps toujours avec la volonté d'incarner une force, celle de la zone euro, une zone monétaire qui doit permettre la stabilité et la croissance. Il n'y a pas de stabilité sans croissance, il n'y a pas de croissance sans stabilité.
Le rôle de la France a été de chercher, tout au long de ces dernières semaines, à rapprocher les positions, à respecter le peuple grec mais à respecter aussi les autres nations qui composent la zone euro. Le rôle de la France a été non pas de chercher un équilibre, mais de trouver le bon chemin pour la zone euro et pour l'Europe.
L'enjeu était aussi de faire respecter les règles européennes, de faire en sorte que la Grèce puisse accéder aux financements prévus, justement, dans le cas où un pays a des difficultés. C'est ce que demandait la Grèce. Elle avait adressé une requête auprès des institutions pour bénéficier de ce que l'on appelle une procédure MES, un prêt pour lui venir en soutien dans le cadre d'un troisième programme.
Respecter les règles, c'était aussi faire en sorte que les mesures de redressement pour la croissance, pour la stabilité puissent être prises et cela a été long pour aboutir à ce résultat.
L'enjeu, c'était aussi d'offrir à la Grèce des financements longs pour assurer justement sa sortie de la crise. Des financements longs mais aussi des financements immédiats pour en terminer avec ce que la Grèce vit en ce moment, et qui va surement encore durer quelques jours : la fermeture des banques et la difficulté de trouver des liquidités. Il sera nécessaire de mettre en place - ce sera le rôle des ministres des Finances ce soir - des mécanismes de financement pour permettre qu'il y ait un accompagnement, tout le temps de la négociation du nouveau programme.
Comment sommes-nous parvenus à ce résultat ? D'abord en prenant le temps, toute la nuit - vous allez me dire, j'y suis habitué maintenant - mais il fallait consacrer du temps pour que tout soit discuté, que tout soit regardé, que tout soit dit par les gouvernements de la zone euro, par la Grèce, et par ceux qui étaient les plus réticents - on le savait - et demandaient des garanties.
Alors il fallait garder ce rapport franco-allemand, cette relation entre madame MERKEL et moi-même qui est nécessaire si l'on veut aboutir à un compromis. S'il n'y a pas cette solidité, cette cohésion - qui n'empêche pas parfois des différences, cela peut arriver - pour chercher un compromis, il n'y a pas d'accord. Et nous avons passé beaucoup d'heures avec madame MERKEL, avec Alexis TSIPRAS, avec les autorités européennes pour arriver à ce résultat.
Il fallait aussi qu'Alexis TSIPRAS, Premier ministre grec, qui avait déjà fait voter par son Parlement des réformes, puisse faire valoir ses attentes et ses propositions. Il a fait un choix, courageux, au moment même où lui étaient demandées d'autres réformes. En même temps, il savait que c'était la condition pour bénéficier de ces financements : près de 80 milliards pour financer ses projets dans les prochaines années et faire face à ses échéances. Pour les prochaines années, il lui a été également apporté 35 milliards d'euros du plan Juncker pour les investissements. Et puis il y aura ce financement à court terme dont j'ai parlé pour assurer la soudure.
En face, il y a eu une longue discussion pour ce que devaient être les contreparties, et notamment ce fonds pour les privatisations, qui ne pouvait être un fonds où il aurait été demandé aux Grecs de vendre les actifs aujourd'hui. Au contraire, il fallait les préserver pour qu'ils puissent avoir le meilleur rendement et assurer la croissance et la soutenabilité de la dette grecque.
Voilà ce qui a été fait tout au long de cette nuit et du petit matin.
Que va-t-il se passer maintenant ? Le Parlement grec va se réunir dans les prochaines heures pour adopter de nouvelles réformes et les parlements nationaux vont également se réunir. Pour ce qui concerne l'Assemblée nationale, ce sera fait mercredi pour qu'il puisse y avoir un vote sur la déclaration qui est sortie du sommet de la zone euro. Et puis, il y aura une période de négociations de ce programme. Ce qui a été ouvert aujourd'hui, c'est la négociation permettant à la Grèce d'accéder à un nouveau programme de soutien et d'aide. Et donc pendant les prochains jours, peut-être les prochaines semaines, aura lieu cette négociation.
Et pendant cette négociation il convient- je vous l'ai dit - d'assurer les financements. Quel est l'enjeu ? Celui de permettre à la Grèce de faire des réformes pour qu'elle puisse être capable d'être plus compétitive et d'avoir plus de croissance. Celui aussi d'avoir plus de croissance parce que sans croissance, la dette ne sera jamais soutenable. Enfin, il était important d'apporter à la Grèce la solidarité de l'Europe, dès lors que la Grèce prenait ses responsabilités.
Voilà Mesdames et Messieurs, à un moment nous avions pu craindre que la zone euro puisse se séparer d'un pays, la Grèce. Cette question était posée depuis des mois, des années même. Se priver de la Grèce, ce n'est pas simplement se priver d'un pays avec son PNB et sa population, c'est se priver d'un pays qui est au cur de notre civilisation, qui n'est pas simplement dans notre histoire mais qui est dans notre culture, notre façon de vivre.
La Grèce est un pays ami qui a voulu entrer dans l'Union européenne après des années de dictature. La Grèce est un pays qui a voulu entrer dans la zone euro alors même qu'il pouvait y avoir des discussions sur sa capacité à assurer cette transition et cette entrée dans la zone euro. Encore ces derniers jours, tous les partis démocratiques nous l'ont dit, la Grèce voulait rester dans la zone euro. Elle aurait pu faire un autre choix £ elle voulait faire ce choix, être dans la zone euro, rester dans la zone euro. Notre devoir était de lui permettre de le faire tout en faisant en sorte de lui offrir une solution. Rien n'aurait été pire que de la maintenir dans une zone monétaire sans lui donner les conditions de son développement.
C'est pourquoi aujourd'hui il y a eu une négociation longue mais surtout une décision, à bien des égards, historique.
Si la Grèce était sortie de la zone euro, qu'aurait-on dit ? Que la zone euro n'était pas capable d'assurer son intégrité, sa solidarité. Qu'aurait-on dit des Grecs ? Qu'ils n'étaient pas capables de prendre leurs responsabilités. Qu'aurait-on dit de la France, de l'Allemagne, qui ont vocation à donner cette impulsion ? Que nous n'aurions pas été au rendez-vous. La zone euro aurait reculé alors que l'Europe doit avancer et porter un projet qui puisse protéger les peuples - car l'euro protège les pays qui sont partie prenante de cette zone monétaire. Qu'aurait-on dit sur cette dislocation de cette grande idée ?
Il fallait réussir, et pour ce qui me concerne, j'ai voulu que nous puissions réussir à faire un accord, à apporter à la Grèce ce qu'elle attendait, à garder les principes de la construction européenne, le respect de ces institutions, l'amitié entre la France et l'Allemagne. Réussir pour que nous puissions ouvrir un nouveau temps de la construction européenne car il faudra bien que nous renforcions cet espace monétaire, que nous lui donnions encore plus de capacité à se faire respecter, à se protéger et à pouvoir également connaître plus de croissance. Ce sera surement le travail de ces prochains jours et de ces prochains mois. Mais aujourd'hui, même si cela a été long, je pense que ça a été pour l'Europe, une bonne nuit et un bon jour.