22 juin 2015 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Hollande, Président de la République, sur la Grèce et la Zone euro, à Bruxelles le 22 juin 2015.
LE PRESIDENT : Bonsoir Mesdames, Messieurs. Après ce Conseil de la zone euro, et surtout le travail qui a pu être fait ces dernières heures, nous avançons vers un accord. Il reste du travail entre les institutions et le gouvernement grec, et tout doit être fait pour que, à la réunion de l'Eurogroupe c'est-à-dire des ministres des Finances des pays de la zone euro il puisse y avoir une conclusion avant le Conseil européen jeudi.
Le gouvernement grec a pris ses responsabilités notamment dans les derniers jours et particulièrement encore aujourd'hui pour faire de nouvelles propositions, alors même que nous connaissons la situation difficile de la Grèce et ce qui a été demandé au peuple grec depuis déjà plusieurs années. Le gouvernement grec a donc mis sur la table une proposition qui a suscité un accueil positif des institutions, c'est-à-dire de la Commission européenne, de la Banque Centrale Européenne et du FMI.
La France soutient cette démarche, parce que c'est la bonne : trouver les conditions d'un accord global et durable. Certes, ce qui est en cause, ce sont des mesures budgétaires, des mesures fiscales, pour que la Grèce puisse respecter une trajectoire qui a d'ailleurs été améliorée dans la discussion. C'est-à-dire, dans un sens favorable aux Grecs. Cela va au-delà des mesures budgétaires et fiscales qu'il convient de préciser, pour qu'il puisse y avoir un plan global, comprenant des financements, comprenant un soutien pour la croissance de la Grèce, et comprenant une démarche pour les étapes suivantes.
Nous ne pouvons pas revenir dans les prochains mois devant le Conseil européen encore avec la question de la Grèce. La Grèce doit rester dans la zone euro. Tout doit être fait pour qu'avec un effort qui doit être partagé, la Grèce reste dans la zone euro. Quel est le calendrier que nous avons à l'esprit ? J'ai dit le plus vite possible, c'est-à-dire que, l'Eurogroupe les ministres des Finances puisse être saisi après encore 48h de travail, des nouvelles propositions, cette fois-ci évaluées, précisées, concrétisées, sortant de la discussion entre le gouvernement grec et les trois institutions.
Le Conseil européen, à ce moment-là, acterait les conclusions de l'Eurogroupe, et ensuite, ce serait sans doute aux Parlements des différents pays, et notamment au Parlement grec, de prendre sa décision. La France a fait, avec d'ailleurs ses partenaires, et notamment l'Allemagne, en sorte d'aboutir à cette évolution. Je veux saluer, aussi bien le travail des institutions responsables, et notamment la Commission européenne, mais aussi ce qu'a proposé, dans cette dernière formule, le gouvernement grec.
Je prends en compte aussi ce que cela signifie pour lui, de faire en sorte de trouver une solution, une solution durable. Maintenant, je crois, dans l'intérêt de tous, dans l'intérêt des Grecs, dans l'intérêt des Européens, dans l'intérêt de la croissance, qu'une solution doit sortir de toutes ces discussions et le plus tôt sera le mieux. Les bases d'un accord sont aujourd'hui réunies. Voilà ce que je voulais dire. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Béatrice HADJADJ : Monsieur le Président, vous parlez d'une solution durable, est-ce que vous pouvez être plus précis sur ce que vous appelez une solution durable ? Est-ce que cette solution aurait un coût pour les contribuables français parce qu'il s'agirait d'aider davantage encore la Grèce dans les années qui viennent ? Est-ce que la bienveillance dont vous faites preuve à l'égard de la Grèce est en partie motivée par le fait que la gauche française sent beaucoup de sympathie à l'égard de ce gouvernement, et souhaite que la France soit justement bienveillante, peut-être plus bienveillante que l'Allemagne, qui semble beaucoup plus, comment dire, peut-être sévère ce soir ? Merci.
LE PRESIDENT : D'abord, la France, comme les autres pays de la zone euro, est engagée financièrement. Nous avons fait des choix, depuis déjà plusieurs années, pour permettre la solidarité européenne. Notamment à l'égard de la Grèce. Il ne s'agit pas de mettre un nouvel argent, de solliciter le contribuable, pas davantage l'épargnant. C'est dans le cadre des financements qui existent aujourd'hui que des solutions doivent être trouvées.
De ce point de vue, je veux rassurer. Ce qui serait le plus inquiétant, ce n'est pas de continuer à fournir à la Grèce des liquidités, c'est le rôle de la Banque Centrale ou des financements, qui ont déjà été prévus. Ce serait qu'on soit dans une incertitude, une instabilité, une perspective de sortie de la Grèce de la zone euro, qui ne mettrait pas simplement la Grèce, mais un certain nombre de pays de la zone euro en danger, en difficulté ou en tension.
La France cherche, non pas à satisfaire je ne sais quel a priori, même si nous sommes conscients des efforts qu'a pu faire le peuple grec et de ce qu'il supporte mais parce que c'est l'intérêt commun. Le gouvernement grec a par ailleurs fait des propositions qui aboutissent à augmenter un certain nombre d'impôts, à revenir sur un système de pension anticipée, de préretraite, et nous devons aussi en tenir compte.
Parce qu'il y a eu de nouvelles avancées, mais parce que la Grèce a elle-même présenté de nouvelles mesures. Il ne s'agissait plus de prendre les mesures, enfin, toutes les mesures du gouvernement précédent, celui qui était avant Monsieur TSIPRAS £ il a été demandé au gouvernement de TSIPRAS de proposer des mesures équivalentes en termes de rendements financiers, mais différentes en termes d'inspiration. Il vient donc de présenter cette copie, et je crois que cela rentre dans le schéma qui avait été proposé par les institutions européennes.
Enfin, par rapport à des considérations politiques £ qu'est-ce que je cherche ? Je cherche à ce que l'Europe puisse être stabilisée, pour qu'il y ait une visibilité, c'est pourquoi je veux un accord durable, pour ne pas qu'on y revienne, pour ne pas que cette question grecque, qui empoisonne la vie de l'Europe depuis quatre ans, et qui met aussi les Grecs dans une situation de plus en plus difficile, puisse entraver la reprise économique, les taux d'intérêt qui sont particulièrement bas £ pas simplement pour la France, mais aussi pour un certain nombre de pays, et je veux qu'on puisse donner de la zone euro la meilleure image : celle de la responsabilité, et de la solidarité, celle d'une zone qui est capable de se protéger face à la spéculation, et capable aussi de prendre des décisions qui peuvent mettre davantage de solidité financière et de croissance.
Voilà la démarche que je poursuis, et je dois dire que je la poursuis en bonne intelligence avec Angela MERKEL, puisqu'avec la Chancelière, depuis plusieurs semaines, pour ne pas dire plusieurs mois, nous travaillons ensemble avec le gouvernement d'Alexis TSIPRAS, pour arriver à une solution et à une sortie de crise, et donc à un accord durable. C'est bien qu'il en soit ainsi. Parce que si la France était seule de son point de vue, même si son point de vue était le bon, elle n'entraînerait personne d'autre. Il était donc très important, et ce soir, j'ai eu cette conviction, et ce sentiment : c'était que la plupart des pays autour de la table étaient, à certaines conditions, pour que les bases de l'accord qui étaient devant nous puissent se traduire dans un accord global et durable le plus vite possible.
Ce n'est pas une question de gauche et de droite, même s'il peut y avoir effectivement des gouvernements qui ont ces caractéristiques, c'est une question d'Europe, et c'est une question également d'avenir.
Alexandra MAYER HOHDAHL, DPA : Une question. Vous avez parlé du Parlement grec : d'après ce que l'on peut voir des propositions qui ont été faites, il y aurait peut-être des résistances dans le gouvernement, dans Syriza, à ces propositions qui ont été faites. Est-ce qu'il y a des craintes sur ce qui peut se passer dans le Parlement ? Est-ce qu'il y a des demandes pour que ce vote se passe avant le 30 juin ? Merci.
LE PRESIDENT : Oui, il faudra qu'il y ait des ratifications parlementaires là où elles sont nécessaires, en l'occurrence, en Grèce, compte tenu du plan qui va être proposé. S'il n'y a pas de ratification parlementaire en Grèce, il n'y aura pas de plan, tout simplement. Cela vaut pour d'autres Parlements, pour le Bundestag aussi, qui aura à être saisi. En France, nous avons d'autres règles, et nous n'avons pas l'obligation de passer devant le Parlement, mais enfin, à un moment ou à un autre, le Parlement français demandera aussi des comptes, et c'est bien légitime.
Chaque pays a donc ses propres règles, mais c'est vrai que c'est d'ailleurs un argument qui peut être utilisé par les uns ou par les autres, le rôle des Parlements. C'est vrai qu'il doit y avoir, pour clore le processus, une ratification parlementaire là où elle est nécessaire.
Question : Monsieur le Président, sur un tout autre sujet, vous me pardonnez, quitte à revenir à la Grèce par la suite. Serge ATLAOUI a vu aujourd'hui ce qui pourrait être son dernier recours être rejeté, qu'entendez-vous qu'entend faire la France pour essayer de le sauver encore ?
LE PRESIDENT : Nous savions qu'il y avait cette procédure, nous savions qu'elle était suspensive, et il y aura, si les avocats en décident d'autres procédures qui seront ouvertes, et la France, sans rentrer dans un débat juridique, fait tout pour que Serge ATLAOUI puisse rester en vie.
Jean-Jérôme BERTOLUS, I TELE : Quand vous parlez d'accord global, vous insistez sur ce terme, ce soir, à votre arrivée, et on comprend évidemment que, Alexis TSIPRAS lui-même cherche un accord global. Est-ce que cela comprend une discussion et un aboutissement sur l'allègement de la dette ?
LE PRESIDENT : Un aboutissement, non, on ne va pas régler cette question. Là, dans les prochains jours, ce qui doit être réglé, ce sont les questions budgétaires pour permettre à la Grèce de rester dans le cadre de la trajectoire qui a été fixée, vous la connaissez, elle a été améliorée pour permettre à la Grèce de ne pas étouffer son économie, mais elle doit être respectée. C'est donc le sens des propositions qui ont été faites par le gouvernement grec, pour crédibiliser la trajectoire, et surtout, le respect dans les prochaines années.
Sur l'allongement des délais ou le reprofilage de la dette, cela ne pourrait venir que dans une seconde étape, cela doit être indiqué comme étant une étape ultérieure, mais qui n'est pas dans les prochains jours. En revanche, la question des financements, qui serait libérée pour la Grèce, oui, cela fait partie de l'accord global, puisque c'est en condition de cette trajectoire respectée que les fonds peuvent être libérés.
Si bien que l'accord, pour être global, doit porter sur les engagements budgétaires et fiscaux, sur les financements, pour permettre à la Grèce de faire face à ses échéances, et puis, sur le soutien à la croissance, dans le cadre des fonds structurels, et du plan JUNCKER, et enfin, sur les étapes qui devraient suivre l'accord global qui aurait été trouvé.
Quand j'insiste sur l'accord durable, c'est pour que dans trois mois, dans six mois, nous n'ayons pas à revenir devant les institutions européennes, et devant l'Eurogroupe ou devant le Conseil européen. Tous les pays, je dis bien tous les pays, aussi bien la Grèce que ceux qui étaient autour de la table, ont écarté l'idée d'un troisième programme, d'un nouveau programme. C'est la prolongation du programme existant qui est le cadre dans lequel nous travaillons.
Il ne peut pas être question de clore le deuxième programme et d'ouvrir un troisième programme. Pour être clair, si on ouvrait un troisième programme, cela voudrait dire qu'il y aurait de nouvelles conditionnalités qui seraient posées, et dans quelques mois, nous serions dans une situation comparable à celle que nous vivons. Non. Il n'y aura pas de troisième programme.
Anne-Sylvaine CHASSANY, FT : Vous avez dit qu'un reprofilage de la dette doit faire partie des étapes suivantes. Est-ce que c'est quelque chose qui a été discuté avec les autres Etats ?
LE PRESIDENT : Non, ce sujet de la dette n'est pour l'instant pas dans la discussion.
Anne-Sylvaine CHASSANY : Mais c'est quelque chose que vous, vous allez pousser, que la France va pousser ?
LE PRESIDENT : Cela fait partie effectivement de ce qui doit être à un moment abordé, mais on ne peut aborder cette question que lorsque les autres sont traitées. A un moment, je pense que le gouvernement grec a dû penser qu'on pouvait aller tout de suite à cette question, et en oubliant les autres. Non, il y a un ordre logique.
Anne-Sylvaine CHASSANY : Ma deuxième question, le secteur bancaire grec. Est-ce que vous êtes inquiet ? Est-ce que vous avez discuté de ce sujet aujourd'hui ? Et est-ce que vous pensez
LE PRESIDENT : Je crois que les mesures ont été prises en toute indépendance, par la Banque Centrale Européenne pour éviter tout risque dans la période qui vient, pour permettre que la discussion qui continue, le travail qui doit être poursuivi, dans un délai court n'aient pas de conséquences défavorables sur les marchés, et notamment sur le système bancaire. Je crois que les paroles qui ont été prononcées, les actes qui ont été posés, les propositions qui ont été faites, notamment par le gouvernement grec, la manière avec laquelle les institutions ont reçu ces propositions, tout cela a été autant de signes de confiance qui ont été envoyés tout au long de la journée. La réunion du Conseil de la zone euro envoie le même signal.
Anne-Laure JUMET, Europe 1 : Deux toutes petites questions. Est-ce que vous considérez que quand TSIPRAS dit « on est allé au-delà de ce que voulaient les créanciers sur les mesures budgétaires », il a raison ? Est-ce que vous souscrivez à ses déclarations ? Par ailleurs, Christine LAGARDE dit qu'il reste encore beaucoup de travail à faire, est-ce qu'on peut savoir sur quoi, qu'est-ce qui bloque encore ? Merci.
LE PRESIDENT : Le gouvernement d'Alexis TSIPRAS a répondu aux questions qui lui étaient adressées sur les manières d'atteindre la trajectoire, de manière crédible, puisque le gouvernement grec ne voulait pas remettre en cause les petites pensions, mais en même temps, le gouvernement grec a annoncé des réformes structurelles pour le marché des biens, des réformes structurelles pour la Sécurité sociale et des réformes structurelles pour l'administration fiscale.
Le gouvernement grec a ajouté, au-delà de ces mesures structurelles, des dispositions fiscales ou budgétaires qui pourraient avoir le même effet que les dispositions qui lui étaient demandées pour atteindre la trajectoire. Il s'est donc mis dans une position alternative en disant : je tiens à ne pas mettre en cause le système des petites pensions, mais je préfère utiliser la voie fiscale pour atteindre des hauts revenus ou améliorer l'administration fiscale pour avoir de meilleurs retours de la lutte contre la fraude.
Ensuite, votre deuxième question, « qu'est-ce qui fait qu'il y a beaucoup de travail ? ». C'est cela ? En quoi consiste le travail de ces deux jours ? C'est de vérifier quelle est exactement l'évaluation en termes de recettes des mesures qui ont été présentées par le gouvernement grec, également, d'estimer quel est leur impact sur la croissance, de façon à ce que la croissance grecque, dans les prochains mois, ne soit pas trop affectée. Enfin, quelles sont les réformes structurelles qui peuvent être ajoutées aux mesures fiscales et budgétaires £ tel est le travail qui a été demandé, et que les institutions, Banque Centrale, Commission et FMI, ont en responsabilité de traiter.
Le gouvernement grec a montré aussi sa bonne volonté, puisque deux ministres vont rester tout au long des prochains jours, pour travailler avec les Commissaires européens, les représentants du Fonds Monétaire International, et la Banque Centrale Européenne, pour que, dans les deux prochains jours, jusqu'à mercredi soir, tout soit précisé, concrétisé, traduit, de manière à ce qu'il n'y ait pas de doute sur les mesures, leur impact, et leurs conséquences sur le redressement des finances publiques grecques.
Voyez, nous sommes quand même dans un travail qui est partagé. C'est un travail, nous pourrions dire, qui aurait dû être fait depuis plusieurs mois. Le travail est maintenant à courte échéance, parce que, je considère que le temps est venu d'arriver à la conclusion. Tout doit être fait pour y parvenir. Bien sûr, certains pourraient se dire : Nous pouvons même attendre le 30 juin, il y en a même qui peuvent penser que nous pouvons aller au-delà du 30 juin. Je considère que là, nous sommes dans une phase où il n'y a plus besoin si le travail est fait de différer la conclusion. Faut-il que le travail soit fait ! J'entends ce que dit madame LAGARDE. J'entends aussi ce que dit le gouvernement grec. Voilà, donc à jeudi !