14 juin 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la filière vinicole, à Bordeaux le 14 juin 2015.


Monsieur le maire de Bordeaux,
Monsieur le Premier ministre,
Aujourd'hui votre ville n'est pas simplement la capitale d'une région, non pas simplement un lieu d'exposition pour la France £ c'est la capitale du monde, en l'occurrence pour le vin et les spiritueux.
Je veux remercier le Président qui m'a fait l'invitation de venir ici pour Vinexpo. C'était à l'occasion du Salon de l'Agriculture, et je portais déjà témoignage de ce que la qualité de nos produits ce qu'ils peuvent représenter pour nos terroirs, la culture qu'ils peuvent également donner à voir, et parfois à boire pouvait pour notre pays correspondre à une excellence.
Je salue ici les parlementaires et les élus de ce département, cette région, et je veux également dire combien les ministres qui m'accompagnent sont mobilisés pour la réussite de votre filière.
C'est un événement mondial qui se tient à Bordeaux. Ce n'est pas le seul, mais celui-là est considérable. Les chiffres ont été rappelés : Vinexpo, c'est 2 400 exposants, 50 000 visiteurs, venant de 150 pays. Monsieur le Président de la Région, c'est aussi une grande fierté pour vous.
Vinexpo rassemble des producteurs, des négociants, des fournisseurs, bref, les professionnels d'un secteur économique majeur pour la France. La filière, 90 000 exploitations, de nombreux métiers : il y a ceux qui ont sélectionné la vigne, ceux qui l'ont plantée, ceux qui l'ont vendangée, ceux qui ont assemblé les vins, ceux qui ont choisi les chênes pour les tonneaux, ceux qui se sont chargés du vieillissement, ceux qui l'ont commercialisé, ceux qui l'ont proposé. C'est toute cette filière-là qui correspond à une histoire, une tradition, mais aussi à un investissement.
Ça m'a été rappelé : votre filière exige de nombreux investissements, c'est-à-dire des capitaux, c'est-à-dire des financements, mais aussi une visibilité et une stratégie. Cette stratégie, c'est la vôtre, c'est aussi celle de la France, de soutenir les entreprises £ et il y en a beaucoup, ici, liées à la viticulture. Avec cette capacité d'innovation indispensable : la génétique, le machinisme agricole, la tonnellerie, l'nologie. C'est donc une filière d'avenir, parce que ce qui est en cause, c'est tout ce que nous serons capables de faire avec les progrès de la science, de la technologie, pour poursuivre cette tradition.
Les emplois, 500 000, les exportations, 11 milliards, l'excédent commercial, 10 milliards : vous êtes leader mondial, je l'évoquais il n'y a pas beaucoup de domaines où nous sommes en leadership mondial, même si nous avons vocation dans de nombreux domaines à l'être et à le devenir. Là où nous sommes déjà les premiers, restons largement les premiers. C'est le sens de ma visite. Elle n'a pas d'autre objet : faire valoir, ici en France, dans le monde, ce que nous représentons, ce que nous portons.
Bordeaux j'y suis est fidèle à l'héritage qui relie cette ville à une histoire, et les grandes étapes se lisent à travers des noms légendaires. Je parle des noms de l'histoire, noms de crus, noms de château : Ausone, le poète romain à qui l'on doit la dénomination de Château Ausone £ John Talbot, le connétable anglais, qui maintenant est connu pour le Château. Tous ces patronymes, flamands, allemands, anglais, écrits sur quantité de bouteilles.
Bordeaux, c'est aussi un port, où depuis des siècles on charge le vin vers des destinations lointaines. C'est une place commerciale, avec une chambre de commerce particulièrement active, qui a été fondée en 1705.
Bordeaux, c'est aussi une terre à l'image de ce qu'est la France, c'est-à-dire ambitieuse, quand elle pense qu'elle peut conquérir. L'intérêt que suscite la culture du vin n'a cessé de croître, et gagne de nombreux pays. Vous êtes sur un marché mondial, vous le savez, mais sur un marché en expansion ce qui n'est plus vrai du marché national, même si les efforts de qualité permettent là encore d'améliorer les valeurs ajoutées. Au niveau mondial, vous avez de grandes espérances. Les Etats-Unis sont aujourd'hui le premier marché du vin du monde £ et la Chine progresse rapidement. En 2005, il y avait un quart de la consommation mondiale de vin qui était importé £ aujourd'hui nous sommes à plus de 40 %. Nous pensons que nous pouvons encore dépasser ces proportions.
Alors, comme c'est sur le monde que vous agissez, il y a une concurrence, il y a une compétition. Elle s'est sûrement accentuée. Il existe d'excellents vins partout dans le monde, même si les nôtres sont à juste raison considérés comme les meilleurs. Ce que nous devons promouvoir, c'est donc une filière ambitieuse, une filière excellente, mais qui nous ressemble : produit d'un terroir, d'un climat, de techniques, qui se transmettent d'ailleurs de génération en génération. C'est la raison pour laquelle nous sommes très attachés aux indications géographiques. Les protéger, c'est exprimer par la reconnaissance d'une démarche collective, une authenticité et une valeur qui ne peuvent pas être délocalisées.
Cette démarche, elle est la nôtre dans les accords internationaux. C'est-à-dire que partout où nous négocions, nous devons faire en sorte que nos appellations puissent être reconnues, et que des pays, de grand pays, puissent considérer que c'est aussi leur intérêt, pour leurs consommateurs ce que d'ailleurs les Chinois ont fini par consentir, avec les appellations Cognac et Champagne, et sont prochainement prêts à reconnaître pour celle de Bordeaux.
Il y a donc un engagement pour la France, pour l'Europe, de faire reconnaître, de protéger ces appellations et ces indications. Cette volonté-là sera affichée par la France avec une constance pour les négociations internationales qui sont en cause £ je pense notamment à celle avec les Etats-Unis. C'est un enjeu économique que cette protection. C'est aussi une marque de respect pour les professionnels, dont le travail et les compétences doivent éviter toute usurpation. C'est la raison pour laquelle aussi je salue le travail qu'accomplit l'Institut National des Appellations d'Origine, l'INAO, en lien étroit avec les professionnels.
La spécificité des plus grands vins, on le sait, c'est de naître dans des territoires considérés difficiles. La terre du vin, c'est une terre bosselée, c'est une terre qu'il faut travailler, mais le travail justement a fait que c'est une beauté âpre que beaucoup de visiteurs viennent chercher, dans l'notourisme vous en avez parlé. C'est une dimension très importante de la politique touristique de la France, car c'est une nouvelle forme de voyage, qui est fondée sur la découverte des paysages viticoles. C'est ce qui justifie que certains vignobles puissent être classés au patrimoine mondial de l'Unesco, c'est notamment le cas de Saint-Émilion, et que d'autres doivent pouvoir l'être également.
Dans cette perspective, l'ouverture à Bordeaux l'année prochaine d'une Cité du vin, qui porte également le mot de Civilisation, est un événement important. C'est à l'initiative de la Mairie de Bordeaux, avec le concours de l'ensemble des collectivités publiques, que cette initiative est née. Elle aura des conséquences significatives pour le tourisme, puisqu'il y a là cette volonté de présenter, de promouvoir ce qu'est la culture du vin.
L'notourisme constitue je l'ai dit un atout pour la France : 30 % des 85 millions de visiteurs étrangers qui viennent dans notre pays puisque nous sommes aussi leaders en nombre de visiteurs, mais pas leaders en recettes touristiques venant de ce marché mondial £ ce qui veut dire que nous devons, si je puis dire, enrichir la présence des touristes ici, dans notre pays. Laurent FABIUS, ministre des Affaires étrangères et du Tourisme, fait de cet enjeu du tourisme et de l'notourisme qui fait partie des pôles d'excellence de notre pays une priorité.
Le vin fait aussi l'objet d'un commerce important. Encore faut-il savoir ce qui est le vin, et ce qu'il n'est pas £ d'où l'enjeu de sa définition. Cette responsabilité n'appartient pas qu'aux producteurs : il faut y associer les consommateurs. C'est pour cette raison qu'a été créée en 1924 une organisation intergouvernementale, l'Organisation internationale de la vigne et du vin, dont la France accueille le siège. Je veux que cette organisation puisse jouer tout son rôle. Elle rassemble un peu moins de 50 Etats membres. C'est un travail remarquable qui y est mené. Nous devons élargir son audience c'est notre intérêt à des grands pays comme la Chine et les Etats-Unis.
De la même manière, le vin dans l'Union européenne a longtemps été considéré comme un produit agricole comme les autres. Nous avons voulu qu'il puisse aller au-delà de ce qui était une mesure de soutien des prix £ et depuis une quinzaine d'années, l'Europe a changé son orientation, et nous avons veillé à lui donner encore une ampleur nouvelle à travers la réforme de la politique agricole. Il s'agit d'assurer la mutation, l'élévation de la qualité, et de promouvoir l'économie vinicole.
Il y a donc la nécessité de faire que la Commission puisse prolonger les investissements qui sont prévus, et les soutiens qui y sont liés, au-delà de 2018. J'ai à l'instant confirmé que la France soutiendrait cette proposition, dans le cadre du budget européen qui est connu jusqu'en 2020, pour que tous les acteurs de la filière puissent être sûrs qu'ils disposeront des soutiens et des dispositifs qui sont aujourd'hui mis en place. L'intervention de l'Europe, est déterminant pour les investissements, les équipements de la filière, et notamment l'incorporation des progrès technologiques. Nous garantirons tous les financements.
Vinexpo, c'est un salon important pour le vin, mais aussi pour les spiritueux. Beaucoup sont déjà reconnus sur les marchés étrangers, d'autres méritent de l'être encore davantage. Je pense notamment au rhum des Outremers, car nous devons aussi montrer la diversité, la pluralité de nos productions. Je suis allé récemment aux Antilles, le Premier ministre était à La Réunion £ c'est très important que nous puissions aussi avoir cette politique qui permet de donner à toutes nos régions, celles qui peuvent avoir des productions, cette reconnaissance.
Alors je parle de promotion, et j'en arrive à cette question sensible : celle de savoir ce qui peut être compris, autorisé, interprété, et ce qu'il faut préserver pour assurer les principes de santé publique. Ici, nul ne doute de ces enjeux. L'alcoolisme a toujours été un fléau, qui a reculé ces dernières années, ces dernières décennies, pour le bien de tous. Ici, personne ne conteste qu'il faille continuer à lutter contre les addictions, et favoriser les programmes d'éducation à la santé. Ici, tout le monde est conscient qu'il y a des risques, notamment pour les jeunes, et particulièrement par rapport à la sécurité routière. En même temps, nous sommes conscients que nous avons un modèle, que nous devons là aussi promouvoir : celui de la consommation responsable.
Alors certains pays ont choisi d'interdire purement et simplement la consommation d'alcool, ou de la dissuader. D'autres, au contraire, n'ont prévu qu'une régulation minimale de la consommation. La France elle, a su construire et choisir une voie, qui récuse à la fois la surtaxe, qui condamne le produit par lui-même, et la promotion sans entraves, qui pourrait encourager les abus. Le modèle français, nous devons absolument le préserver. Il s'est identifié à une loi : la loi Evin, qui a fixé depuis vingt-cinq ans les règles. Cette loi n'interdit pas la publicité pour le vin, ni pour les alcools, mais elle l'encadre très précisément.
Cet équilibre, je le dis ici devant vous et franchement, doit être préservé. C'est ce que j'ai indiqué auprès des professionnels. Nous devons garder cet équilibre, parce qu'il nous permet justement de promouvoir, ici en France et partout dans le monde, notre conception, et de le faire avec esprit de rassemblement, sans créer de divisions il y en a suffisamment , d'oppositions vaines, de caricatures on en a vu encore ces derniers jours. Le droit actuel permet déjà de faire. Il y a eu des demandes, et je peux les comprendre, suite à un certain nombre de décisions de tribunaux.
Ma position est simple : nous devons garder les équilibres de la loi Evin, préserver ce qu'elle prévoit aujourd'hui, et s'il y a des précisions, il faut les engager avec une grande précaution. Clarification, oui, mais préservation des équilibres de la loi Evin, oui aussi, oui d'abord. La réflexion doit se poursuivre elle ne doit pas durer trop longtemps. Je ne veux pas qu'on puisse dans notre pays avoir ce débat perpétuel, ce renvoi toujours à plus tard. Précision, clarification, préservation des équilibres de la loi Evin.
Les vignerons, nous l'avons dit aussi, ont une responsabilité environnementale. Ce qui veut dire que, en plus de promouvoir ce qu'est cette tradition, cette culture, cet enjeu économique, en plus que d'avoir aussi cette responsabilité sur le plan de la promotion, il faut avoir aussi un engagement sur le plan européen. C'est beaucoup vous demander, et en même temps, c'est l'intérêt de la filière. Cela a été très bien dit par le Président ROUSSET. Nous sommes confrontés à un réchauffement planétaire. La France, vous le savez, prépare cette conférence si importante pour l'avenir du monde. Nous devons convaincre, nous devons montrer l'exemple. En même temps, nous devons savoir nous-mêmes d'ores et déjà ce que cela peut avoir comme conséquences, pour nos cultures et pour notre pays.
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le FOLL, a voulu que l'écologie puisse trouver pleinement sa place dans la loi d'avenir de l'agriculture. Ici, nous devons utiliser sans cesse ces innovations contre les maladies de la vigne, en limitant les apports des produits phytosanitaires, et donc en intégrant autant qu'il est possible le progrès technique. C'est ce que nous allons faire avec l'INRA et avec l'Institut Technique de la Vigne et du Vin. Développement du bio-contrôle, utilisation des robots, des satellites numérique qui doit trouver sa place : autant de révolutions qui vont contribuer à gérer beaucoup mieux la vigne. Je souhaite également que l'agriculture biologique se développe, contribue encore à accroître la diversité de l'offre £ et l'Etat a déjà montré qu'il était prêt à accompagner cette évolution.
Enfin, je voulais vous donner cette coïncidence : je suis aujourd'hui, par votre invitation, à Vinexpo £ demain je serai au Salon du Bourget, et ce sera encore finalement votre région, grande région, votre ville, celle de Mérignac également j'y suis venu il y a peu qui se trouveront à l'honneur. Il est souvent facile de faire des comparaisons, mais nous avons une filière, le vin, les spiritueux, qui produit 10 milliards d'excédent pour notre commerce extérieur £ nous avons une filière aéronautique qui est la première en termes d'excédent. Il n'y a donc pas de contradiction à avoir sur un même territoire, une industrie symbole de modernité, et en même temps, une culture symbole de tradition. Les deux ont besoin d'un savoir-faire, de métiers, d'une formation.
L'enjeu pour notre pays, c'est d'être capable, à partir de ce qu'il a déjà comme avantages, de mobiliser toutes nos forces pour préparer nos industries à l'investissement indispensable, aux mutations liées aux révolutions technologiques, et également à la formation des personnels. Ce n'est pas deux mondes qui se rencontrent, c'est le même, et c'est la même perspective : conquérir des marchés, être capables de développer l'excellence, produire ce qu'il y a de meilleur.
Les succès de notre aéronautique Rafale, AIRBUS sont suffisamment probants pour que nous soyons, là aussi, fiers. Nous sommes fiers de ces succès, parce qu'ils ne traduisent pas simplement une réussite économique elle est là , ils témoignent aussi d'une conception de la fabrication, d'une culture, d'un art de vivre et d'une tradition, qui permet aussi d'assurer la modernité. Ce n'est pas une culture qui oppose, et Vinexpo en est la meilleure démonstration : c'est une culture qui rassemble, autour d'un art de vivre, une forme de convivialité.
Dans le moment où nous sommes, nous devons dire à tous nos compatriotes qu'ils appartiennent à un pays, un beau pays, et un grand pays £ qu'ils ne doivent pas se laisser entraîner par le doute ou par la résignation, et encore moins par le fatalisme £ qu'il y a des atouts considérables, des capacités remarquables, et vous en êtes ici la preuve. Lorsque nous sommes tous réunis pour valoriser ce que nous sommes, alors nous sommes invincibles. Si nous nous séparons, si nous nous divisons, si nous nous opposons, alors nous ne pourrons pas être parmi les meilleurs du monde. Ce sont les Nations les plus fortes qui assurent leur cohésion, mais c'est la cohésion qui permet d'avoir la force.
Je voulais venir à Vinexpo pour vous dire la confiance que je vous fais pour assurer l'avenir de cette filière. Je voulais venir à Vinexpo pour qu'il n'y ait pas de débat qui reste caché, ou au contraire, exposé, pour séparer et diviser. Je voulais venir à Vinexpo pour vous dire combien, lorsque la France est première dans le monde, nous devons tous ensemble exprimer notre fierté à l'égard des professionnels qui ont réussi cette performance. Vous en êtes, et je suis parmi vous.
Merci.