12 juin 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les réformes en matière d'assurance maladie, à Nantes le 12 juin 2015.

Monsieur le Président de la Mutualité française, je vous remercie de m'inviter à m'exprimer, ici à Nantes, devant votre Congrès. Je retrouve avec plaisir Jean-Marc AYRAULT, Premier ministre pendant deux ans, et qui a largement accompagné les évolutions que j'avais présentées devant vous lors de votre précédent congrès.
Je salue la ministre qui s'est déjà elle-même adressée aux congressistes, la maire de Nantes, qui nous accueille dans sa métropole, et les parlementaires et élus qui vont bien au-delà du département puisque plusieurs d'entre eux suivent les questions de santé et de protection sociale, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
C'est vrai, c'est la deuxième fois que je m'adresse à vous, à l'occasion du congrès de la Mutualité française. La première, c'était à Nice, il y a trois ans en 2012, et j'avais annoncé la généralisation de la complémentaire santé. Je reviens donc devant vous pour en faire l'évaluation, quant à sa mise en uvre, quant aux engagements que j'avais pris £ mais je suis là aussi devant vous, à l'occasion de votre congrès, pour rappeler la force des valeurs que porte la mutualité, qui sont d'autant plus impérieuses dans le contexte que connaît notre pays.
Face au repli sur soi, à l'individualisation des comportements, à la défiance, à la peur, nous devons plus que jamais affirmer les principes de cohésion, de justice et de solidarité, ceux-là mêmes que vous avez inscrits depuis longtemps dans vos organisations.
La solidarité, c'est de donner à chacun les moyens d'être protégés contre les aléas de la vie, et notamment la maladie. C'est aussi de garantir l'accès de tous aux meilleurs soins, quel que soit son revenu, son âge, sa place sur le territoire. C'était l'idéal des premières mutuelles, quand elles se sont constituées, à la fin du XIXème siècle. C'est toujours le vôtre.
C'était aussi l'idéal que portaient les fondateurs de la Sécurité sociale, et vous avez eu raison, monsieur le Président, de ne pas dissocier les mutuelles de la Sécurité sociale. « C'était le grand dessein de poursuivre en temps de paix la solidarité construite en temps de guerre », pour reprendre les mots de Pierre LAROQUE. Cet idéal, c'est toujours le vôtre, et cet engagement est toujours le nôtre.
Certains voudraient faire douter de la pertinence de ce projet en prétextant que nous n'en aurions plus les moyens, que la protection sociale serait devenue un boulet dans la compétition économique et que les mécanismes assurantiels devraient en définitive tout emporter. D'autres nous enjoignent de ne rien changer, s'arc-boutant devant toute évolution au risque de remettre en question le modèle qu'ils entendent, sûrement de bonne foi, protéger. Je le rappelle ici : la réforme est la condition du progrès, et le statu quo, la certitude de la régression.
Cela vaut pour notre droit du travail, et je m'exprimais hier devant la Conférence Internationale du Travail à Genève pour affirmer qu'il y a, dans notre pays, des socles qui doivent être préservés - socles de droit, socles de garanties - mais en même temps que nous devons aussi procéder aux adaptations nécessaires par rapport aux nouveaux défis. Cela vaut pour notre organisation économique, pour le dialogue social, et c'est le sens des projets de loi qui sont débattus en ce moment même au Parlement.
Mais cela vaut aussi pour le système de santé qui doit s'adapter aux innovations, au progrès scientifique, aux nouvelles modalités de prise en charge, aux besoins des patients, aux nouvelles aspirations des professionnels de santé. Nous devons à chaque fois, montrer que nous sommes fidèles à des principes et que nous sommes capables de les traduire en fonction des réalités.
Notre devoir, et le mien, est de tout faire pour que la protection sociale en France, reste l'une des meilleures du monde enfin c'est ce que nous proclamons ! Il faudrait aussi vérifier, compte tenu des atteintes qui ont pu être portées ces dernières années. De faire en sorte que notre système de santé qui, incontestablement, est parmi les meilleurs du monde, puisse être toujours là comme une sécurité pour les Français. Et nous devons donc permettre qu'il puisse intégrer toutes les innovations et les progrès, et en même temps, faire que personne ne s'en trouve exclu pour des raisons financières.
La condition, si nous voulons y parvenir, est de faire les économies nécessaires pour mobiliser les ressources afin que notre système de soins soit le plus efficace là où il est le plus attendu. Et de le faire avec justice, entre les générations, entre les catégories sociales, entre les individus, entre les territoires. C'est le sens de la politique que conduit le gouvernement depuis trois ans.
J'ai retenu vos mots, monsieur le Président, par rapport à cette politique. Ils ne sont pas très différents de ceux qu'expriment beaucoup de nos concitoyens : espoir il en faut et il y en a inquiétudes elles sont souvent légitimes impatience £ c'est celui sur lequel je m'attarderai en vous répondant.
C'est vrai que les réformes prennent du temps, trop de temps. Non pas qu'il y aurait une forme de résistance cela peut arriver ! ou de mauvaise volonté, mais parce que, je le dis souvent, nos procédures ne sont plus adaptées à l'exigence de rapidité et aux urgences d'une société, notamment lorsqu'il s'agit de sortir d'une crise, d'apporter des réponses à des situations sociales douloureuses, ou encore de prodiguer des soutiens à l'économie.
Attendre six mois, huit mois, parfois davantage, pour qu'une loi soit votée, avoir cette patience, et ici, je le dis devant les parlementaires, d'entendre les amendements ou les propositions, parfois de les intégrer, de les discuter, une lecture, deux lectures, trois lectures, une réécriture, pour ensuite avoir un vote, parfois une contestation devant le Conseil constitutionnel c'est devenu la règle et enfin la mise en uvre £ et pendant ce temps-là Oui je mesure l'impatience, parce que quand une réforme est proclamée généralisation de la complémentaire santé, j'y reviendrai mais je pourrais prendre d'autres sujets et le moment où elle s'applique effectivement, il se passe trop de temps.
Et c'est vrai que si on avait une pratique en France vous l'avez évoqué, elle existe chez beaucoup de nos voisins où les partenaires sociaux s'engagent, signent et finalement déclarent ce qu'est l'intérêt général, sans qu'il soit forcément nécessaire de passer par la loi, ou alors plus tard, comme une forme de ratification, oui, cela irait plus vite ! Oui cela mettrait une pression sur les acteurs qui ont vocation à intervenir - les acteurs comme la Sécurité sociale, les mutuelles, les complémentaires quand il s'agit de santé, mais aussi les entreprises et les salariés. C'est vrai également dans le domaine du travail !
En France, il a même fallu faire une loi sur le dialogue social ! Normalement, cela aurait dû revenir aux partenaires sociaux. Qui, mieux qu'eux, peuvent décider de ce que doit être la négociation, le dialogue, dans une société comme la nôtre, et dans les entreprises ? Pourtant il a fallu de nouveau recourir à la loi. Parfois, au moment de signer, il y a comme une rétention, une réserve. Ce n'est pas celle que vous avez indiquée. Vous avez-vous-même dit que la Mutualité était prête à aller au-delà et à prendre ses responsabilités. Alors je comprends ces impatiences. Et en même temps ce sont les règles de notre vie démocratique, et je les respecte £ parce que ce qui caractérise l'action que nous menons depuis trois ans, c'est le respect des partenaires sociaux. C'est ce que nous avons fait, notamment quand il s'est agi de l'accord interprofessionnel qui a modifié les règles de la couverture complémentaire.
C'est ainsi que nous avons agi aussi pour mettre en uvre le Crédit Impôt Compétitivité Emploi, puis le Pacte de responsabilité - faire que ce soit les partenaires qui puissent accompagner. Dans le domaine qui vous intéresse davantage, la santé, nous avons toujours voulu négocier et entendre les différentes parties prenantes.
Aujourd'hui nous devons agir au nom de la solidarité. C'est ce que nous avons fait depuis trois ans.
Avec la ministre, nous avons toujours refusé de faire payer aux malades le redressement de nos comptes sociaux.
Car pendant trop longtemps, des gouvernements avaient rivalisé d'imagination et il y en a toujours quand il s'agit de faire un certain nombre de coupes claires dans les droits des malades des gouvernements avaient rivalisé d'imagination pour mettre à contribution les patients : participations forfaitaires, franchises au périmètre sans cesse étendu abaissement des taux de remboursement des médicaments, ticket modérateur sur les actes lourds à l'hôpital.
Mais depuis 2012 a été privilégiée une autre voie : celle de mieux dépenser. Mieux dépenser pour continuer à bien rembourser £ mieux dépenser pour ne pas alourdir les prélèvements £ mieux dépenser pour mieux répondre aux besoins des patients £ mieux dépenser pour intégrer le progrès médical. A cet égard, si j'ai signalé les lenteurs, je veux tout de même souligner la rapidité avec laquelle a été introduite, malgré son coût, le nouveau médicament capable de guérir l'hépatite C. Parce que c'était un devoir £ parce que c'était une obligation £ et que nous avons préféré oui, c'était une charge supplémentaire l'intégrer dans les comptes, plutôt que de priver de nombreux patients de ces innovations.
Et je veux revenir sur ce qu'était la tendance des dépenses d'assurance maladie. Jusqu'à la fin des années 2000, c'était une progression de 4 % par an environ. Aujourd'hui, c'est près de 2 %, et je veux saluer les efforts de tous, les vôtres en particulier, et ceux des professionnels de santé, parce que sans eux nous ne serions pas arrivés à cette progression maîtrisée. Il faut saluer ce résultat.
De la même manière, je veux signaler que, de 2006 à 2012, la part de la dépense de soins couverte par l'Assurance maladie obligatoire était tombée en-dessous de 75 %. Ce qui revient à dire que la charge avait été renvoyée sur les complémentaires, et à défaut, sur les malades. Parfois d'ailleurs, sur les deux. Depuis trois ans, la part de l'Assurance maladie obligatoire est remontée, ce qui a permis de diminuer le reste à charge et d'améliorer le pouvoir d'achat des Français.
Est-ce à-dire que le patient ne devrait avoir aucune responsabilité dans la maîtrise de la dépense ? Je ne le pense pas. Le patient doit être respecté aussi comme citoyen, et il doit être impliqué dans les actions de prévention, dans le traitement de sa maladie, dans le respect des prescriptions. Et toutes les informations qui peuvent lui être données - c'est aussi la logique du parcours de soins - toute l'organisation du système de santé doit conduire à cette responsabilité. Mais je le dis aussi nettement : l'obstacle financier ne peut pas être la réponse à la responsabilité du patient. C'est pourquoi le tiers payant n'est pas l'irresponsabilité ! Le tiers payant, c'est une étape de plus vers la simplification que nous demandons tous £ mais aussi vers une garantie supplémentaire de l'égal accès de tous à la santé.
Je sais que, comme toute réforme et celle du tiers payant n'échappe pas à la règle elle est approuvée dans son principe, mais elle est contestée dans ses modalités. Parfois, en contestant les modalités, on peut aussi essayer d'atteindre le principe. Mais je crois que là encore, le pragmatisme est la condition de la réussite. Nous procéderons par étapes, en commençant par les plus modestes, c'est-à-dire les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé £ cela sera fait dès le mois prochain, le 1er juillet 2015 £ puis à compter du 1er juillet 2016, le tiers payant sera étendu aux patients qui sont couverts à 100 % par l'Assurance maladie. Enfin, il sera généralisé à la fin de l'année 2017, et je ne doute pas je sais que vous y contribuerez que les solutions techniques seront trouvées d'ici là. Car s'il n'y a pas de solution technique, il ne peut pas y avoir de solution tout court.
C'est toujours au nom de la solidarité que j'ai également voulu généraliser la complémentaire santé. Près d'un quart des dépenses médicales reste en effet à la charge des patients. Mais ce chiffre moyen indique mal la réalité. C'est vrai que cette proportion s'élève à plus de la moitié pour les soins dentaires, l'optique, les prothèses, et ce sont les organismes complémentaires, dont les mutuelles, qui en couvrent la plus grande part. Ce qui fait monsieur le Président, vous aviez raison que les taux de remboursement affichés par l'Assurance obligatoire n'ont sur ce type de soins aucune signification, puisque ce sont les complémentaires qui font l'essentiel de l'effort.
La généralisation d'une assurance complémentaire ou d'une mutuelle s'inscrit nécessairement dans la volonté d'un accès de tous aux soins. Mais il ne suffit pas de proclamer la généralisation de la complémentaire santé, faut-il encore qu'elle donne de bonnes garanties et au moindre coût. C'est l'ambition que j'avais tracée à Nice, il y a trois ans.
Nous n'avons pas perdu de temps. En 2013, le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, a relevé les plafonds de ressources de la CMU complémentaire et de l'aide à la complémentaire santé, 550.000 personnes ont été concernées. Cette extension a été rendue possible par la fiscalisation de la cotisation patronale aux contrats collectifs. Parallèlement, le panier de soins couverts par la CMU complémentaire et par l'aide à la Complémentaire santé a été étendu, et pour ces patients, les franchises ont été supprimées, les dépassements d'honoraires interdits, les tarifs opposables institués pour les lunettes, les audioprothèses et les soins dentaires.
L'aide à la complémentaire, qui était vous l'aviez signalé mal connue, sous-utilisée, a vu ses conditions de mise en uvre simplifiées et réformées. A la fin de l'année dernière, a été lancé un appel d'offres national qui a permis de sélectionner des contrats éligibles, de les mettre en concurrence cela n'a pas été facile, y compris pour le secteur mutualiste, je le sais qui ont permis à plus de 1,2 million d'assurés sociaux de voir leurs tarifs baisser de 15 à 40 % et d'obtenir, pour certains, une meilleure couverture. Un exemple : pour une personne âgée vivant seule, l'allègement tarifaire peut atteindre 300 euros, et il s'ajoute au relèvement de 10 % du montant de l'aide à la complémentaire santé décidée en 2014 pour les plus de 60 ans.
Là encore, il ne suffit pas d'avoir une couverture complémentaire, faut-il que les garanties soient sérieuses. C'est la vocation du contrat solidaire et responsable. Vous avez bien voulu saluer les engagements qui ont été pris et qui ont été tenus : le contenu a été enrichi, des plafonds ont été fixés pour empêcher une inflation tarifaire préjudiciable à tous, et le traitement fiscal a été différencié pas suffisamment par rapport aux autres contrats.
Puis est intervenu, en 2013, un accord entre les partenaires sociaux. Cet accord a donné lieu à une traduction législative. Quelle était la volonté des partenaires sociaux ? C'était de généraliser la complémentaire santé en entreprise, c'est-à-dire de faire en sorte qu'un certain nombre de salariés de petites ou moyennes entreprises, qui n'étaient couverts par rien, puissent l'être, à peu près 500.000, et que d'autres, les plus nombreux, qui étaient couverts par un contrat individuel, puissent avoir un contrat collectif leur offrant de meilleures garanties. De ce point de vue, les partenaires sociaux ont joué leur rôle. Et ont permis un progrès, un progrès pour ces salariés. D'ailleurs, les entreprises participent à 50 % des coûts. Ce qui fait qu'un certain nombre de salariés qui avaient des contrats individuels vont maintenant rentrer dans le contrat collectif et vont avoir de meilleurs droits. Cela peut bouleverser le système. Et c'est ce que vous nous avez dit, monsieur le Président. Parce qu'à chaque fois qu'il peut y avoir un progrès, il y a aussi un revers à la médaille.
Je veux saluer l'évolution qui est en cours, parce que le mouvement de négociation se poursuit avec 23 accords de branche conclus entre les partenaires sociaux, et un accord récemment signé dans le secteur de l'intérim qui permettra à 700.000 salariés de bénéficier d'une couverture collective au 1er janvier prochain, avec sept mois de maintien gratuit des droits en cas de chômage. Dans la plupart des cas, les garanties négociées vont au-delà du panier de soins minimal.
A un moment, les mutuelles et ce moment n'est sans doute pas terminé se sont inquiétées de cette mutation £ mais elles ont voulu être bien représentées dans le processus £ et je pense que vous avez fait tous les efforts je veux les saluer pour que la part des contrats collectifs dans votre activité puisse s'accentuer. Vous êtes devenus un des principaux acteurs des contrats collectifs.
Mais je reviens au problème que vous avez posé, monsieur le Président. L'amélioration de la couverture des salariés ne peut pas avoir pour contrepartie la dégradation de la situation des jeunes, des chômeurs, des travailleurs précaires, des personnes handicapées et surtout des retraités.
J'entends votre inquiétude et elle est sûrement partagée sur la segmentation accrue des contrats et le risque d'un renchérissement des garanties pour les plus âgés £ car, quand un salarié part à la retraite, non seulement il subit une perte de revenu par rapport à ce qu'était sa rémunération en activité, mais il doit aussi acquitter une cotisation, celle de son ancien employeur, et faire face à un renchérissement supplémentaire de sa prime globale. On peut craindre que la concurrence accrue sur les contrats d'entreprise ne se traduise par un alourdissement de la tarification en fonction de l'âge et c'est ce cercle vicieux que vous voulez, que nous voulons, empêcher.
Vous avez donné des chiffres, ils sont exacts. Si rien n'est fait, les retraités, en tout cas certains d'entre eux, peuvent voir leurs garanties et le coût de celles-ci multiplié par trois. Je veux donc que la généralisation de la complémentaire santé soit effective pour les retraités d'ici 2017 et qu'ils puissent conserver leurs garanties avec le même niveau de prime au moment de leur départ en retraite. Par la suite, l'évolution de ces tarifs devra obéir à des critères objectifs en fonction de l'âge. Ce qui doit être réglé, c'est le temps de sortie du système de l'activité par rapport à l'âge de départ en retraite et à la période de retraite.
Comment y parvenir ? Il y a deux voies possibles. La première est d'adapter la loi de 1989 loi ÉVIN qui n'a rien à voir avec celle dont on entend parler en ce moment sur la sortie des contrats de groupe, puisque déjà, cette préoccupation avait été évoquée. Cette loi pose un principe général comme souvent, mais ses modalités d'application sont restées imprécises.
Si nous prenons cette voie, c'est-à-dire d'adapter la loi pour que la sortie des contrats de groupe soit améliorée, les coûts seront nécessairement répartis entre l'ensemble des assurés et les entreprises.
L'autre voie consiste à s'appuyer sur les contrats responsables en ciblant davantage les aides fiscales et sociales pour renforcer la solidarité inter-générations. La solution pourrait être la différenciation de la taxe sur les contrats au bénéfice des plus responsables. C'est la solution que vous avez à l'esprit. Dès lors que la prise en charge des retraités serait prévue, il y aurait une différenciation fiscale au bénéfice de ces contrats.
Les deux voies doivent être explorées, l'une comme l'autre, afin que la généralisation soit effective pour l'ensemble des Français dans une logique de continuité de la protection pour les retraités.
La conséquence est qu'il va falloir évaluer les aides de l'État. Vous avez rappelé les chiffres : près de 4 milliards. Cette évaluation avait été prévue par la loi de 2013. Elle doit être réalisée et au plus vite, c'est-à-dire d'ici la fin de l'année. Lorsque cette évaluation sera faite, toutes les conclusions seront tirées pour aboutir au résultat que j'ai fixé.
Parce que la généralisation de la complémentaire santé, ce n'est pas la généralisation de la loi du marché, c'est la généralisation de la solidarité envers tous les Français pour que le marché soit laissé, sur certains aspects, de côté, notamment pour les plus âgés. Les mutuelles montrent d'ailleurs l'exemple puisque la différenciation tarifaire entre 60 et 75 ans y est deux fois moins forte que dans le secteur assurantiel. C'est d'ailleurs la raison qui explique que les trois quarts des retraités souscrivent à des mutuelles. Vous avez vous-mêmes fait l'effort et il serait légitime qu'il puisse être appuyé par la redistribution des aides.
La complémentaire santé n'est pas un produit comme les autres et cela vaut pour tous les Français. La concurrence est là, elle existe, et elle peut aboutir je l'ai évoqué à des avantages, des bénéfices, pour les assurés. Mais la concurrence ne doit pas servir à sélectionner les bons risques, à multiplier les pratiques commerciales toujours plus discriminatoires et coûteuses. Je demande donc à la ministre de bien suivre les pratiques et de prévenir tous les abus.
Voilà ce que je voulais ici, devant votre congrès, préciser sur la complémentaire santé. Mais je voulais aussi souligner le rôle qui est le vôtre pour moderniser le système de santé.
L'enjeu est en effet de travailler, pas simplement à rembourser ce que vous faites en complément de l'assurance maladie. L'enjeu est de pouvoir prendre toute votre part dans la réforme, dans l'évolution du système de santé avec l'assurance maladie obligatoire.
Les mutuelles ne sont pas seulement des organismes payeurs, rôle auquel certains voudraient les réduire. L'intérêt général appelle donc à vous confier une place dans la régulation du système de soins, non pas à part, non pas en tant qu'acteurs séparés, mais avec l'assurance maladie obligatoire. Il n'y a pas deux systèmes de remboursement dans notre pays, il y a un même système de Sécurité sociale avec des organismes différents : la protection obligatoire et la protection complémentaire.
Dès lors, dans les conventions avec les professions de santé, le rôle des mutuelles est particulièrement utile, notamment pour limiter les pratiques tarifaires excessives. Nous l'avons démontré, vous l'avez démontré, notamment avec le contrat d'accès aux soins. Nous avons obtenu une diminution du niveau moyen des dépassements d'honoraires. Bien sûr, vous direz que ce n'est pas suffisant mais enfin, c'est déjà moins qu'avant £ parce que nous avons cette tendance, nous tous, à ne jamais juger ce qui a été fait mais ce qu'il reste à faire, à ne jamais complimenter le passé je ne vous demande pas encore de le faire aujourd'hui mais à faire en sorte qu'il puisse y avoir de nouvelles avancées. Et c'est le propre de la démocratie, c'est le principe même de l'action collective. Ce qui est obtenu n'est plus à revendiquer mais ce qui n'est pas obtenu est insupportable.
Je vous fais quand même part de cette réflexion. Elle s'adresse d'ailleurs, au-delà de vous, à bien des acteurs politiques ou sociaux. Si nous ne disons jamais ce que nous avons réussi à arracher, à conquérir, à obtenir, à faire avancer, pourquoi les Français feraient-ils confiance aux organisations syndicales, aux représentants professionnels, aux mutualistes, aux acteurs politiques ? Si rien n'a été finalement obtenu par une négociation, par une bonne pression ou par un bon congrès ce que vous êtes en train de faire , mais alors, pourquoi venir ? Pourquoi se rassembler ? Pourquoi cotiser ? Pourquoi se réunir dans des organisations, consacrer du temps un temps parfois précieux pour la vie familiale à l'action collective, quelquefois à la grande surprise de nos propres familles ou de ceux qui nous connaissent ? C'est parce que nous avons au fond de nous la foi, l'idéal dans ce que nous pouvons faire comme progrès pour notre pays ou pour les catégories que nous représentons. En l'occurrence ici, tous les Français.
Alors il faut saluer ce qui a été fait. D'ailleurs, c'est ce que nous ne cessons de produire à travers toutes les célébrations et toutes les commémorations. Quelle est leur utilité ? Non pas simplement regarder avec mélancolie, nostalgie, notre histoire, mais nous dire que cela a été une bataille, cela a été une lutte, cela a été une résistance à un certain moment, cela a été une conquête et que ce qui a été possible hier, l'est encore aujourd'hui. On nous dit : « C'est beaucoup plus difficile parce qu'il y a la mondialisation, il y a la compétition, il y a l'Europe, nous n'avons plus les moyens pour agir. » Mais est-ce que l'on pense que c'était plus simple il y a 100 ans, avant qu'il y ait eu deux guerres ? Ou est-ce que cela était plus simple à la Libération quand le pays devait être reconstruit ? C'est vrai qu'il y a eu une période avec des taux de croissance particulièrement impressionnants et des progrès. Mais il n'y en a pas eu beaucoup plus que dans les périodes où cela a été moins flamboyant sur le plan économique. Parce qu'il n'y a pas que des progrès qui coûtent, il y a aussi des progrès qui changent la vie, qui la simplifient, qui nous permettent d'avoir plus de force en commun.
C'est donc de tout cela que je voulais aussi vous parler pour que nous puissions avancer dans la régulation du système de santé, ensemble.
Nous avons une première illustration, je l'ai dit, sur les relations avec les professions de santé. Mais vous avez aussi, vous, mutuelles, introduit des innovations dans certaines pratiques de contractualisation et vous avez voulu que ces pratiques vous soient autorisées car il y avait quand même un paradoxe : les assurances pouvaient avoir plus de liberté que les mutuelles pour faire évoluer un certain nombre de comportements. Je m'étais engagé à Nice à ce que ces pratiques puissent vous être ouvertes sur les soins dont vous remboursez une part majoritaire. Ce ne fut pas sans mal. C'est chose faite et j'encourage toutes les mutuelles à utiliser ces instruments.
Autre moyen de pouvoir peser sur les décisions collectives, le développement du tiers payant. L'objectif, je l'ai dit, est d'aboutir à une organisation simple et qui marche, qui ne soit pas une charge administrative pour les professionnels mais un levier de modernisation dans la relation entre les prestataires de soins et les financeurs. C'est bel et bien ensemble, ensemble, complémentaires et assurance maladie, que vous arriverez à définir ce mécanisme.
De la même manière, il est indispensable que vous puissiez, toujours ensemble, agir pour la prévention £ notamment par rapport à la consommation de médicaments où nous avons, là, des records qui ne sont pas à notre gloire. Des évolutions sont indispensables pour rationaliser les prises en charge, pour favoriser le respect des prescriptions, pour lever la méfiance à l'égard des génériques. Il n'y a qu'en France où l'on pense qu'avec un générique l'on est moins bien soigné qu'avec un médicament qui coûte plus cher, avec une vieille tendance de dire que si cela coûte plus cher, cela doit être plus efficace. Il ne faut jamais que rien ne soit gratuit mais il n'y a pas de raison que cela coûte plus cher que son coût. Nous devons là aussi agir ensemble.
De ce point de vue, l'ouverture des données de santé que prévoit le projet de loi que présente Marisol TOURAINE va encore élargir les perspectives de coopération et de collaboration. Nous pourrons mieux analyser les dépenses de santé, mesurer l'impact des innovations tout en veillant au respect du secret médical. Notre système de santé vous l'avez très bien dit, monsieur le président ne va pas assez vers la prévention et l'éducation thérapeutique du patient, ce qui aggrave les inégalités sociales.
Nous devons changer de système : ce que vous avez appelé la médecine prédictive, le parcours de soins, l'individualisation cette fois-ci dans le meilleur des sens des choix thérapeutiques, là aussi, vous devez être pleinement associés. Je sais que l'Assurance maladie consacre déjà des budgets importants à la rémunération associée à des objectifs de santé publique, pour que les professionnels soient impliqués dans la prévention. Vous, mutuelles, vous avez un savoir-faire dans de nombreux domaines, notamment dans tous vos centres et établissements et dans les services que vous rendez déjà.
L'enjeu, à présent, est de réunir les forces de l'assurance maladie, des mutuelles, des associations, des collectivités locales de façon à ce que nous puissions définir des politiques de prévention et mettre en place les parcours de soins. Le projet de loi santé veut également assurer, au-delà de l'exigence d'excellence et de qualité, la proximité, en rationalisant l'offre de soins à travers les communautés professionnelles territoriales de santé et les groupements hospitaliers de territoires. La mutualité a anticipé, comme souvent, sur ce qu'allait proposer l'État parce qu'il y a bien longtemps que vous avez réussi à concilier l'excellence et la proximité. C'est vous qui avez été capables, dans vos établissements, de rapprocher le secteur sanitaire et médico-social. C'est vous qui avez été capables d'imaginer de nouveaux lieux où plusieurs professions de santé peuvent se regrouper pour assurer l'efficacité du système de soins. C'est vous qui avez été capables d'accompagner les personnes fragiles, âgées, handicapées, en supprimant les frontières entre le sanitaire et le médico-social ou entre ville et hôpital. C'est vous qui avez été capables, notamment en psychiatrie, de réfléchir à de nouvelles prises en charge. Alors, oui, vous devez être pleinement impliqués, associés à la réforme de notre système de santé, à son évolution à travers la médecine personnalisée, à travers les nouvelles techniques, à travers tout ce que l'on peut faire pour soigner les maladies les plus graves.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire pour que vous puissiez être convaincus que ce que vous représentez, la mutualité, sera pleinement considéré par les pouvoirs publics.
Mais vous m'avez posé une question, vous m'avez dit : « nous évoluons dans un contexte qui change. Nous sommes face à de nouveaux défis à la fois dans l'organisation, dans les prestations que nous devons offrir, dans les financements que nous devons rassembler. Les défis ne sont pas seulement médicaux mais aussi économiques, et nous voulons une adaptation de nos règles pour que nous puissions être toujours des mutualistes, avec les moyens de conserver notre place et de la conforter. »
Oui, la mutualité doit préserver sa spécificité tout en poursuivant sa modernisation, elle doit être capable d'avoir une gestion de services adaptée aux besoins de ses adhérents, une mutualisation des frais de santé solidaire, une gouvernance démocratique et transparente. Vous voulez une réforme du code de la mutualité. Je confirme, après ce que vous a dit la ministre, que ce code sera modernisé s'agissant notamment de votre gouvernance et du statut des dirigeants. Une plus large place sera ainsi faite aux représentants des salariés et des entreprises au moment où les contrats collectifs vont devenir prédominants. Le statut de l'élu mutualiste sera intégré dans de bonnes conditions pour que les garanties de compétence des dirigeants soient compatibles avec les normes prudentielles européennes. Ce chantier est ouvert et il débouchera dans un projet de loi qui sera déposé au début de l'année 2016.
Le code de la mutualité du XXIe siècle sera donc mis en ligne avec ces enjeux et avec la réforme de l'économie sociale et solidaire, que le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT a menée à bien. Vous en êtes partie prenante. Vous avez, même dans cette économie sociale et solidaire, une spécificité £ elle sera reconnue à travers la réforme du code de la mutualité.
Mesdames, Messieurs, Monsieur le Président,
Nous allons effectivement célébrer le 70e anniversaire de la Sécurité sociale. D'une certaine façon, c'est aussi le vôtre. C'était l'idéal de justice que poursuivaient les résistants. C'était aussi, une espérance qu'avaient au fond de leur cur les travailleurs de notre pays. C'était une volonté qui pouvait paraître presque de l'ordre de l'utopie : être capable d'émanciper les individus de la fatalité des circonstances, des déterminismes de la naissance ou de la fortune, en leur octroyant le plus précieux des droits, le droit à la santé.
La mutualité a répondu à cette obligation et a été respectueuse de cet idéal. La mutualité est devenue indispensable. Elle est un élément constitutif de notre système de protection sociale avec l'assurance obligatoire. La facilité serait de renvoyer sur les mutuelles les charges que la Sécurité sociale ne parviendrait plus à assumer elle-même. L'illusion elle peut exister dans certains esprits serait d'imaginer que la Sécurité sociale pourrait à elle seule, couvrir l'ensemble des risques. Et bien non. C'est l'originalité de notre système qui en fait, en définitive, son rayonnement et son efficacité.
Alors la mutualité doit disposer des ressources nécessaires ce sont celles des Français, par leurs primes et leur contributions, de règles spécifiques je viens d'en parler , d'un traitement fiscal approprié c'est ce que j'ai évoqué pour l'assurance complémentaire. Vous devez être sûrs que vos règles seront aussi considérées par les autorités européennes comme compatibles avec l'activité qui est la vôtre et, là aussi, je m'en porte garant.
La mutualité, ce ne sont pas simplement des remboursements, des prestations, des services, des établissements. La mutualité, c'est un état d'esprit, un engagement, un militantisme, une passion £ une passion au service de l'utilité sociale. C'est pourquoi la mutualité est liée indissolublement à la République. Elle lui en donne sa dimension sociale et sa participation citoyenne.
Nous avons plus que jamais besoin de l'esprit de la mutualité. Car de quoi s'agit-il pour notre pays ? Rester solidaires, être capables de vivre ensemble, n'écarter personne, soumettre tous à des règles communes, penser que nous appartenons à un même pays avec les mêmes espérances, susciter chez nos compatriotes un esprit de responsabilité et de citoyenneté, leur dire que tout ne peut pas venir simplement de l'État, que beaucoup dépendra de leur propre intervention, de l'action collective, qu'ils doivent avoir confiance dans l'avenir et que, s'ils se regroupent, s'ils se rassemblent, ils seront plus forts. Alors je vous le dis, la mutualité est un exemple aujourd'hui, dans la République. Merci.