31 mars 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-allemandes, l'accident d'avion de la compagnie Germanwings, la construction européenne et sur la question climatique, à Berlin le 31 mars 2015.


Mesdames, Messieurs,
Chère Angela,
Cette rencontre entre nos deux gouvernements a lieu dans un contexte exceptionnel qu'a rappelé la chancelière : les drames que nous avons pu connaître au mois de janvier en France avec une attaque terroriste, et ces derniers jours avec cette catastrophe aérienne sur le sol français.
Dans cette rencontre, nous avons parlé de tous les sujets comme deux grands pays, deux grands pays amis, deux grands pays européens, deux grands pays à vocation mondiale. Mais même si je parle souvent d'amitié franco-allemande ces derniers jours et ces dernières semaines, c'est plutôt de fraternité franco-allemande que je devrais parler. En effet, avec la catastrophe, il y a eu - et Angela l'a relevé - une émotion considérable. Je pense aux proches des victimes qui sont déjà venus sur place, je pense à la population locale qui a accueilli avec un grand sens de l'hospitalité et de la solidarité les familles, je pense aux services qui se sont mobilisés - les services de secours, les services de la protection civile, la gendarmerie.
Dans ces instants-là, nos deux peuples font corps.
Je veux rappeler qu'il y a 800 personnes mobilisées sur place, dont 400 gendarmes, militaires ou civils spécialisés dans l'identification des victimes. D'ailleurs, le ministre de l'Intérieur français a confirmé que d'ici à la fin de la semaine au plus tard, il sera possible d'identifier toutes les victimes grâce aux prélèvements ADN qui ont été réalisés. Ce travail scientifique exceptionnel permettra ainsi aux familles pour lesquelles ces journées sont déjà très dures à vivre - de pouvoir faire leur deuil.
Nous avons aussi tiré un certain nombre de conclusions de ce qui venait de se produire et nos ministres respectifs sont revenus sur la nécessité de contrôler mieux encore les passagers des avions, de pouvoir donc identifier qui se déplace dans l'espace Schengen, et de faire en sorte que nous puissions également renforcer nos règles de sécurité pour le pilotage de ces avions. Cela nous a conduit à évoquer ce que nous avons à faire pour améliorer notre sécurité dans tous les domaines, y compris pour la protection de nos frontières notamment grâce à un travail autour de l'accueil des réfugiés et contre l'immigration irrégulière. Nous avons aussi à travailler sur un certain nombre de pays qui sont des pays amis et qui attendent de nous une coopération. C'est le sens de ce qu'a dit la chancelière sur la Tunisie, elle-même frappée par un attentat terroriste, mais également de la situation en Libye où nous voyons l'importance de trouver une solution politique, et d'une manière générale, l'importance de travailler avec l'Afrique.
Nous avons abordé les questions économiques et financières d'un triple point de vue.
Le premier point de vue consiste à continuer les réformes dans nos pays pour travailler à une plus grande convergence : sur l'Union économique et monétaire, la France et l'Allemagne feront des propositions.
Le second vise à agir dans ce moment conjoncturel pour soutenir l'investissement. La reprise de la croissance est là et si nous voulons la rendre robuste, si nous voulons qu'elle puisse créer des emplois et des emplois durables, il nous faut soutenir l'investissement privé. Un certain nombre de décisions ou de recommandations ont été prises à l'occasion de cette rencontre.
Et puis, il y a la préparation de l'avenir. C'est là que s'inscrit la Conférence sur le numérique, parce que nous considérons que deux grands pays comme la France et l'Allemagne doivent être moteurs et apporter aux entreprises concernées les capitaux nécessaires pour leur développement. Nous ferons également en sorte que nos marchés respectifs puissent s'unir pour que les groupes industriels atteignent la taille nécessaire afin de peser sur ce nouveau défi numérique qui est un défi mondial.
J'en arrive à la question de l'énergie, qui s'inscrit également dans une perspective économique, mais aussi dans une perspective environnementale et politique. L'énergie nous permet à la fois d'être plus compétitifs, de mieux respecter la planète et en même temps de pouvoir assurer notre indépendance, notre sécurité. Sur ce sujet, nous avons abouti à des recommandations, des orientations, et des conclusions quant à la sécurité de notre offre et de notre approvisionnement, mais aussi autour de la mise en place de normes communes et du niveau des prix qui doit refléter la réalité de ce que sont les risques pour la planète, et donc notamment du prix du carbone. Dans ce domaine aussi, nous allons développer un certain nombre de projets en commun entre la France et l'Allemagne dans le cadre du plan Juncker, mais également dans un cadre bilatéral, pour que ces investissements améliorent à la fois notre croissance et assurent en même temps la sécurité, l'indépendance et la préservation de la planète.
La préservation de la planète, c'est tout l'enjeu de la Conférence sur le climat. La France organise cette conférence, mais nous sommes tous concernés. Je veux remercier la chancelière, parce que deux grandes réunions vont avoir lieu au mois de mai et au mois de juin en Allemagne :
Le Dialogue de Petersberg réunira au mois de mai une trentaine de pays. Il ne sera pas uniquement l'occasion de sensibiliser, mais surtout de responsabiliser les pays. Si nous voulons que la conférence de Paris réussisse, c'est maintenant que nous devons agir. L'Europe a déjà livré sa contribution, d'autres pays se font attendre et nous devons créer la pression nécessaire.
Puis, il y aura le G7 au mois de juin, également présidé par Angela MERKEL. La chancelière et moi partageons la volonté de mettre sur la table avec les pays membres mais aussi les autres pays invités - je pense notamment aux pays émergents, aux pays africains - la question de la préparation de la Conférence sur le climat. Ainsi, tout au long de l'année et jusqu'au mois de décembre nous agirons ensemble, la France, l'Allemagne et l'Europe, pour obtenir un succès à Paris.
Je termine par les questions culturelles et éducatives. Dans ce domaine, nous avons voulu à tous les niveaux favoriser l'enseignement, la diffusion du savoir et la promotion de la science grâce à la mobilisation de tous nos établissements, de la maternelle jusqu'à l'université. Nous avons aussi une ambition culturelle, la France et l'Allemagne. Elle est illustrée par la défense des droits d'auteur, parce que nous voulons en Europe que les droits d'auteur puissent être préservés, puissent être défendus, et ce que nous disons pour l'Europe vaut également pour le monde, y compris dans les négociations commerciales que nous engageons où la question culturelle est toujours posée comme une question majeure, parce que les droits d'auteur et la création ne sont pas un marché.
Nous avons également travaillé sur la question de la fiscalité des travailleurs frontaliers notamment sur l'imposition de leur retraite, afin de simplifier les choses. Cela peut paraitre être un point de détail, mais c'est très concret dans les relations franco-allemandes, et les ministres des Finances y ont travaillé de concert, parce que l'Allemagne et la France ont, je l'ai dit, une double ambition : peser sur le destin de l'Europe, du monde et en même temps, régler très précisément, très concrètement la vie de nos concitoyens.
Vous aurez sans doute un certain nombre d'interrogations sur l'Ukraine ou sur l'Iran : nous agissons ensemble. Ce qui a été relevé ces derniers mois c'est bien que la France et l'Allemagne sur les grandes questions internationales sont ensemble. C'est ainsi que nous avons pu permettre l'accord de Minsk et c'est à nous qu'il revient d'en faire vérifier le respect. Il en est de même pour l'Iran. En ce moment même nos deux ministres des Affaires étrangères agissent ensemble pour que l'Iran renonce à l'arme nucléaire définitivement. Nous agissons aussi ensemble pour lutter partout contre le terrorisme.
Voilà le sens de ces rencontres, elles ne sont pas formelles, elles sont à la fois humaines, politiques et, je le veux ainsi, concrètes pour la vie quotidienne des Allemands et des Français. Merci.