10 mars 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur "La France s'engage", une opération lancée en juin 2014 en faveur d'initiatives socialement innovantes, à Paris le 10 mars 2015.


Mesdames, Monsieur, les Ministres,
Mesdames, messieurs les lauréats de la première promotion, présents ici, de la seconde aujourd'hui récompensée, et surtout encouragée.
Je salue aussi les parrains, les partenaires, chefs d'entreprise, les fondations qui avec les grandes associations permettent que cette initiative « la France s'engage », puisse connaitre cette belle évolution.
Nous sommes en effet rassemblés à la fois pour donner un label à toutes ces initiatives, mais en même temps pour célébrer une idée. Une idée toute simple qui est celle de l'engagement, qui n'a pas besoin d'avoir de cadre, de structure, de droit pour tout simplement exister.
L'engagement, c'est le dévouement, c'est le sens de l'initiative, c'est le partage, et c'est aussi l'idée du progrès. L'engagement, il peut être à l'égard des autres, à l'égard d'un pays, le nôtre, à l'égard du monde, et je pense que nous avons besoin encore davantage d'engagement.
Je pense aussi à toutes celles et à tous ceux qui s'engagent pour des compétitions sportives, pour des défis qu'ils se lancent à eux-mêmes. J'ai forcément aujourd'hui une pensée pour ces trois champions qui, hélas, ont fait un moment briller leur pays et aujourd'hui sont morts, sont morts parce qu'ils voulaient là encore repousser les frontières, faire connaitre des exploits, des pays, des régions et être capables de donner l'exemple.
Je pense à Florence ARTHAUD, cette grande navigatrice, cette femme exemplaire, qui a servi de modèle à des générations de femmes, mais aussi d'hommes, pour aller plus loin, pour défier à la fois les éléments et les autres compétiteurs ?car il y a toujours compétition?, et qui était capable de se dépasser, et c'est ce qu'elle voulait faire. Florence ARTHAUD, c'était un exemple de liberté, de liberté et d'engagement.
Je pense aussi à Camille MUFFAT. Camille MUFFAT, c'était une grande championne qui avait eu de nombreuses médailles notamment une médaille olympique à Londres. Je l'avais vue d'ailleurs dans cette compétition. Je lui avais remis, c'était ici même, les insignes de chevalier de la légion d'honneur. Elle avait arrêté à 25 ans sa carrière sportive parce qu'elle voulait vivre pleinement. Et elle est morte tragiquement.
Je pense aussi à Alexis VASTINE, un boxeur qui était plein de talents, qui avait eu, à un moment, un destin brisé, qui aurait pu être champion olympique, deux fois, et qui se préparait de nouveau à pouvoir l'être. Il s'était engagé, lui, sous les drapeaux en tant que sportif de haut niveau du ministère de la Défense, et il est mort. Il est mort là aussi parce qu'il voulait montrer à des jeunes qu'ils pouvaient ne jamais se désespérer, ne jamais renoncer et aller toujours plus loin, y compris défier des arbitres qui ne l'avaient pas reconnu comme champion à un moment.
Je ne veux pas oublier les sept autres victimes et toutes leurs familles qui se trouvent endeuillées.
L'engagement c'est donc une valeur, ça dépasse les hommes et les femmes qui se donnent pour cette mission. C'est une valeur qui est transmise de génération en génération et qui, je pense, est une forme d'identité de notre pays.
La France est toujours engagée pour elle-même, pour les autres. Elle a toujours porté des idées qui allaient au-delà de ses frontières. Elle a toujours voulu faire bouger les lignes, c'est l'esprit révolutionnaire, c'est l'esprit républicain, cela peut être parfois l'esprit libertaire. C'est penser qu'à quelques-uns, il est possible de changer le monde et c'est cela aussi « La France s'engage ».
J'avais eu cette idée, qui m'avait été soufflée par d'autres, parce qu'une idée c'est tellement rare. Une idée, c'est ce qu'il y a de plus précieux, à tel point que lorsqu'on la prononce, elle est immédiatement partagée, chacun pense l'avoir eu même avant. Le propre d'une idée, c'est donc de se donner et c'est ce que vous avez fait.
Cette idée qui m'avait été livrée, était de faire un grand chantier présidentiel de l'engagement. Jusque-là, un chantier présidentiel, c'était un bâtiment, c'était un monument, c'était un équipement, qu'on pouvait ensuite admirer, enfin que les successeurs pouvaient inaugurer et admirer. Je pense qu'il y avait du sens à placer là l'ambition présidentielle, pour montrer ce que la France était capable de réaliser de plus beau, et qui pouvait nous donner de la fierté.
Mais, il pouvait y avoir un autre chantier possible, le chantier que les Français eux-mêmes voulaient ouvrir, mais qu'il fallait leur permettre de réaliser ensemble. J'ai donc voulu que le grand chantier présidentiel pour le quinquennat soit « la France s'engage ».
Je partais de l'idée que la France était riche d'innovations, de convictions, de volonté, de solidarité mais qui parfois peinaient à passer à l'étage supérieur, qui pouvait se trouver installées à l'échelle locale, reconnues au niveau territorial, mais qui ne pouvaient pas avoir la portée faute de dimension. De plus, le numérique change tout. Ce qui était au départ une idée pour quelques-uns, devient une idée de tous, et ceux qui pouvaient être loin deviennent tout près. On peut alors faire partager encore davantage les initiatives.
L'objectif était clair, c'était de sélectionner des projets, mais y aurait-il des projets ? En fait, il y en a plein des projets, et il nous faut même les sélectionner. Dure épreuve, insupportable jugement. Pourquoi prendre les uns et écarter les autres ? Pourquoi considérer que certains seraient d'un droit supérieur quand les autres n'auraient pas la reconnaissance ? Je voulais donc qu'il y ait, pour donner du sens à cette sélection, un comité qui puisse être créé, un groupe de personnalités et je les en remercie pour qu'ils puissent justement m'aider à faire le choix, mais un choix qui ne devait pas écarter, un choix qui devait retenir, un choix qui devait ouvrir. Encore fallait-il qu'il y ait une récompense pour l'initiative, une incitation, une simulation ? D'où le label. On me dira : « mais un label présidentiel, est-ce que ça va ouvrir des portes ? » Je l'espère. Si cela n'y parvient pas tout seul, je la forcerai avec vous la porte.
Il y avait aussi la nécessité de soutenir financièrement, donc 50 millions d'euros ont été dégagés par les ministères concernés et je les en remercie, et des fondations, notamment celle de TOTAL, mais d'autres aussi. De grandes entreprises se sont associées à cette initiative, pour qu'il puisse y avoir, là encore, un complément dans l'apport qui pouvait être fait à ces initiatives. Si d'autres fondations veulent y venir, elles sont les bienvenues.
Je voulais aussi qu'il y ait des critères. Pourquoi prendre une association, une initiative et pas une autre ? Premier critère, c'est l'innovation. L'innovation, c'est ce qu'il y a de nouveau. Le nouveau, cela peut être la technologie qui est utilisée mais elle est devenue banale, c'est ce que la technologie va pouvoir permettre. Le nouveau, c'est de faire ce qui a toujours été, mais avec une forme et un produit différent.
Le deuxième critère, c'est l'utilité sociale, c'est-à-dire ce qui devait être un projet, une initiative qui serve une belle ambition, celle de la solidarité, celle du bien être, celle de l'égalité.
La troisième exigence, c'était de pouvoir acquérir une dimension. Au départ, cela part d'un quartier, cela part d'un village. Ce qui va permettre le label, c'est de pouvoir donner une dimension nationale, voire internationale, de permettre la généralisation, de donner l'exemple.
Quel est l'esprit de ce grand chantier « la France s'engage » ? Vous l'avez rappelé. Le premier esprit : c'est la reconnaissance. Ce qu'il y a de plus important, et je le mesure chaque jour dans la charge qui est la mienne, c'est bien sûr de prévoir des politiques, d'organiser des dispositifs, de soutenir financièrement un certain nombre d'initiatives. Ce qui est cependant le plus important, c'est de reconnaitre, c'est-à-dire de considérer chaque personne, chaque groupe, chaque situation comme pouvant être justement digne d'intérêt, chaque personne pouvant être en elle-même une solution et pas un problème. La reconnaissance, c'est ce que vous avez permis par vos initiatives de faire aboutir.
Ensuite, l'esprit de « la France s'engage », c'est la crédibilité. Il y a tellement d'idées généreuses, il y a tellement de spontanéité, qu'il nous faut là aussi saluer. Mais qu'est-ce qui fait la distinction entre ceux qui veulent s'engager, qui ne savent pas d'ailleurs où, et ce que vous avez proposé ? C'est la crédibilité. Ce que vous faites, peut être fait par d'autres car vous avez déjà atteint un niveau élevé de compétences et une capacité pour faire.
Enfin l'esprit du grand chantier « la France s'engage », c'est la culture du oui. C'est tellement facile de dire non. C'est d'ailleurs la première réponse qui vient spontanément. Allez voir une administration, cela peut être vrai pour un ministère, c'est vrai pour n'importe quelle organisation, vous avez proposé une idée, c'est plutôt non. Alors que la première réponse devrait être oui, mais à certaines conditions. Oui, si vous me démontrez que cela peut marcher. Oui, si vous faites la preuve que vous avez la volonté pour y parvenir. Alors, vous, c'est la culture du oui, et ce grand chantier, c'est de dire : oui c'est possible, oui c'est réalisable, oui c'est généralisable, et c'est ce que nous allons essayer de faire ensemble.
Aussi, il était très important que les quinze premiers lauréats puissent nous dire ?et je les remercie, pour celles et ceux qui ont témoigné?, que ce qui avait été apporté par « la France s'engage », leur avait permis de passer à un autre étage, à une autre étape, à une autre dimension, et leur avait donné justement la capacité de faire.
Quinze nouveaux lauréats aujourd'hui ont été retenus, là aussi avec toujours l'idée de toucher le plus grand nombre de Français, et d'inspirer les pouvoirs publics, car, d'une certaine façon, et c'est pourquoi les ministres sont aussi là, ce que vous avez proposé peut être demain une politique nationale sur les formations, sur l'inclusion scolaire, sur la grande école du numérique, sur l'Institut du Service civique, comme une forme de classe préparatoire pour aller vers les universités, les écoles de la République, vers la réussite.
Alors, aujourd'hui, c'est la deuxième promotion, trois lauréats ont été choisis par les internautes, douze par le comité et j'ai avalisé ces choix, et il y aura une troisième promotion dès l'été prochain, parce que nous sommes tellement heureux de voir tant de projets se présenter, que nous voulons à chaque fois avec les mêmes exigences de qualité, les mêmes exigences de crédibilité et de fiabilité, pouvoir répondre à cette fièvre de l'initiative et de l'engagement.
Les douze projets qui ont été retenus, en plus des trois par les internautes, ont tous finalement la même reconnaissance de tout ce qui se fait dans la société, touchent toutes les préoccupations des Français. Vous les avez cités : l'éducation, l'emploi, la santé, le handicap, l'environnement, la ville, bref tout ce qui fait que nous pouvons vivre ensemble. Ce qui caractérise vos initiatives, c'est le lien, c'est le vivre ensemble, avec cette dimension aussi de la laïcité qui a été plusieurs fois rappelée ici, c'est-à-dire, après ce qui s'était produit au début du mois de janvier, vous aviez, si je puis dire, anticipé, fait comprendre que nous devions vivre ensemble mais à une condition, c'est que la société elle-même, puisse connaitre les règles qui doivent l'unir, et que les jeunes, notamment, soient conscients de ce qu'ils peuvent apporter avec leur singularité, leur diversité, mais en même temps avec l'unité qui est la leur, pour vivre dans une République qui fait la place à tous.
Le gouvernement sera donc à vos côtés ?et je veux saluer la présence ici de nombreux ministres?, pour que vos initiatives locales, parfois limitées à certains publics, puissent devenir de grands projets nationaux. Vous allez sans doute, grâce à cette initiative, mobiliser de nombreuses personnes, faire adhérer de nombreux citoyennes et citoyens à vos projets, vous allez donner de l'espoir aussi, beaucoup d'espoir, de l'espoir à celles et ceux qui sont concernés, de l'espoir à d'autres, qui vont bientôt se mettre aussi dans ce processus de l'engagement. Je veux aussi dire à tous ceux qui ne sont pas là, c'est-à-dire les 500 projets qui s'étaient présentés : continuez, continuez, nous ferons autant de reconnaissance qu'il y aura de qualité dans les projets. Ce que je vous demande, c'est aussi d'aider les autres, ceux qui n'ont pas été encore labellisés à le devenir, par votre propre expérience.
Plusieurs de ces initiatives concernent des pays qui sont loin de la France. Nous avons aussi voulu que « la France s'engage » puisse être utile au monde, parce que c'est ça l'ambition de la France, c'est de ne jamais se replier, de ne jamais se protéger des autres ?au-delà de la sécurité qu'il nous faut apporter?, c'est de ne jamais craindre le monde, et si un jour, la France commençait à se replier sur elle-même, à se mettre dans le doute par rapport à ce qu'est son message, par rapport à ce qu'est son identité, son sens, alors ce ne serait plus la France. Ainsi, « La France qui s'engage », elle s'engage forcément pour la planète et pour le monde. Et il y a de nombreux projets qui sont venus d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Amérique latine, parce que maintenant, le monde regarde aussi ce grand chantier présidentiel.
Dès lors, nous avons considéré qu'il fallait élargir cette initiative, et dès le mois d'avril, la France s'engagera au Sud, et la ministre du Développement sera particulièrement attentive à ce que nous puissions donner cette dimension internationale.
Je veux également saluer le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des sports, Patrick KANNER, parce que c'est lui qui anime cette belle opération de « La France s'engage », dire aux ministres qui sont là, qu'elles sont maintenant pleinement impliquées, pleinement adhérentes de tous les projets, c'est-à-dire déjà trente, et enfin, dire à tous les Français, tous nos concitoyens, qui, parfois, s'interrogent, parfois doutent, mais qui, à un moment, se réveillent quand ils sont stimulés, quand ils sont même dans l'épreuve, quand ils sont face à des dangers, mais aussi quand ils sont émerveillés par des initiatives, et qu'ils sont fiers de leur pays, je veux leur dire, les bras sont ouverts.
Cette France qui s'engage, c'est la France de tous, et c'est l'engagement pour chacun. Je veux aussi dire ici, que ceux qui s'interrogeaient sur ce qu'était devenu l'esprit du 11 janvier, l'esprit du 11 janvier, il est là, c'est « La France qui s'engage ».
Merci.