26 février 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et les Philippines et sur la lutte contre le dérèglement climatique, à Manille le 26 février 2015.


Mesdames, Messieurs les ministres. Mesdames, Messieurs les ambassadeurs. Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprise, et surtout vous, M. le Président du Makati Business Club.
Je veux vous remercier d'avoir organisé cette réunion, ce forum.
C'est vrai que c'est la première visite d'État d'un président de la République française aux Philippines, et il est exact que j'avais reçu il y a quelques mois le Président Aquino à Paris, et c'était aussi la première fois.
Il y a donc une volonté commune de nos deux pays, de porter les mêmes volontés, les mêmes engagements, et de faire que, au-delà de notre amitié, nous puissions être utiles au monde.
Et nous retrouvons ici pour parler d'économie, c'est-à-dire aussi du changement climatique, car les deux objectifs ne peuvent pas être séparés. Tout ce que nous ferons pour lutter contre le changement climatique, le réchauffement climatique, nous pourrons aussi l'utiliser pour faire plus de croissance, plus de développement, plus de création de richesse et d'emploi.
La grande erreur serait de penser que nous serions obligés de faire une bataille contre le réchauffement climatique au détriment de nos intérêts économiques. C'est tout le contraire. J'ai conscience que je viens ici, aux Philippines, dans un pays à la fois meurtri par des catastrophes, des typhons, des tremblements de terre, et en même temps dans un pays qui s'est relevé, qui s'est redressé et qui a su saisir, hélas, le drame qui le frappait pour en faire une opportunité de croissance.
Vous avez depuis plusieurs années une croissance supérieure à 6 %. Et c'est ce qui explique que de nombreuses entreprises venant du monde entier ont décidé d'investir aux Philippines. Des entreprises françaises, certaines sont là depuis très longtemps, depuis plus de trente ans, je pense à Total ou à Sunpower. D'autres sont venues plus récemment et je ne vais pas les citer toutes, elles sont trop nombreuses et sont présentes ici dans ce forum.
Alors, avec le Président Aquino, nous avons décidé de renforcer le partenariat économique entre nos deux pays. D'un côté, il y a les besoins considérables des Philippines, notamment, dans le développement durable, les infrastructures. Des évaluations ont été faites, les besoins s'élèvent à plus de cent milliards de dollars.
Vous avez également des investissements importants à faire en matière d'énergie renouvelable mais aussi de développement de centres professionnels, d'universités, et c'est là que la France peut être à vos côtés. La France a été à vos côtés quand il s'est agi de trouver les moyens exceptionnels pour apaiser les souffrances qui étaient les vôtres.
Mais aujourd'hui la France doit être encore davantage à vos côtés pour le développement. Il y a un certain nombre d'accords qui ont été signés, j'en suis heureux. Il y a aussi des projets que nous poursuivons ensemble dans le domaine des transports, avec l'extension du métro de Manille, Manille qui est l'une des plus grandes métropoles d'Asie. Il y a les énergies renouvelables avec l'utilisation de l'énergie des mers. Nous avons des technologies particulièrement brillantes à mettre à votre disposition. Nous avons la conversion des déchets urbains de la ville de Quezon. Nous avons la transformation de la biomasse en production d'électricité. Nous pouvons même fabriquer de l'électricité à partir de la paille de riz. Nous avons aussi développé un système d'économie d'énergie pour la climatisation. Bref, sur le solaire, vous êtes, vous aussi très en pointe. Donc notre partenariat en matière d'énergie renouvelable peut être une vitrine, un exemple, une référence, pour le reste du monde.
Je sais aussi que vous êtes intéressé par une coopération avec la France en matière de santé, et notamment, pour le vaccin contre la dengue. En matière de tourisme, où votre pays a des potentialités considérables. Il y a trop peu de touristes européens, français, qui viennent vous visiter. Donc des opérateurs ce sont mis à votre disposition, je sais qu'avec le Président Aquino, nous aurons là sur ce domaine une coopération particulièrement avantageuse.
Certes, et vous m'en avez fait souvent la remarque, il y a encore trop d'obstacles, tarifaires et non-tarifaires, pour le développement de nos échanges, notamment dans le secteur agroalimentaire. Et c'est la raison pour laquelle la France a plaidé auprès l'Union européenne pour que les Philippines aient un statut privilégié dans le commerce, notamment agroalimentaire.
Mais je veux revenir sur le dérèglement climatique. Parce qu'il est à la fois une souffrance et en même temps, je l'ai dit, même si cela peut heurter, une opportunité. La souffrance c'est celle que vous éprouvez. C'est celle de milliers de victimes, notamment celles du typhon Haiyan en 2013. La souffrance c'est de voir des paysages dévastés, des logements, détruits, des coûts aussi très importants pour la reconstruction. 15, 20 milliards de dollars sont nécessaires. Ce sont aussi les personnes déplacées, voilà ce que sont les souffrances.
Mais le pire est sans doute à avenir. Avoir subi des typhons, des tremblements de terre, des tsunamis, c'est déjà vivre dans sa chaire, et dans sa mémoire, des évènements dramatiques mais penser qu'ils peuvent se reproduire, que ce n'est pas fini, que cela peut encore empêcher le développement et toucher une fois encore les plus fragiles. Nous avons donc le devoir d'agir ensemble et c'est la raison pour laquelle je suis venu ici aux Philippines, pour lancer un appel, pour sceller une alliance avec les Philippines. Pour que ce que nous engageons ici puisse être là aussi une anticipation de ce que nous pourrons faire après la conférence de Paris, si elle est un succès, afin de lier davantage encore les pays développés et les pays émergents, d'assurer les transitions énergétiques et surtout de protéger et de prévenir.
Nous connaissons parfaitement les données du problème. Hélas, en cette matière, il n'y a plus d'inconnus, il n'y a plus de doutes, mais il n'y a pas non plus de fatalité. Si nous laissons aller la planète comme elle va, il y aura une élévation de sa température bien au-delà des 2°C, que l'on juge déjà extrêmement inquiétant. Nous irons vers 4, 5 degrés et nous pouvons facilement imaginer ce que cela peut produire comme nouvelles catastrophes. Et pas simplement dans des pays comme les vôtres, des pays côtiers, mais partout dans le monde.
La France est un pays qui est présent dans tous les continents. C'est l'histoire qui l'a voulu. La France est un pays qui est largement ouvert à la mer, que ce soit dans la métropole, que ce soit dans les régions que l'on appelle outre-mer. Et donc nous connaissons, nous français, encore davantage que d'autres ce que peut générer, produire, provoquer le réchauffement climatique. C'est pour cela que nous nous sommes aussi engagés à ce point.
La France a montré sa solidarité quand les Philippines ont été frappées. Nous avons apporté nos expériences, et je remercie ici les entreprises françaises qui sont représentées, qui se sont regroupées dans France Philippines United Action pour coordonner l'aide privée.
Je sais aussi ce qui était fait pour la réparation et notamment pour la construction de logements. Je sais ce que les compagnies aériennes, ensembles, Philippines et françaises, ont pu faire pour apporter du matériel et des vivres.
Je salue aussi ce qu'on put faire de grandes entreprises pour apporter du secours. Mais la France n'est pas simplement un pays de fraternité et de solidarité, ce qui est déjà beaucoup, et nous allons encore l'illustrer lorsque j'irai à Guiuan demain.
La France, elle veut mettre ses technologies, ses savoir-faire, ses compétences, au service des pays qui sont en transition, des pays qui sont les plus vulnérables. Et le principe que nous devons poser c'est celui de l'adaptation. Il va falloir du temps pour faire évoluer nos économies, pour installer de nouvelles formes de production, de consommation, d'utilisation de l'énergie.
Chaque pays doit faire sa transition énergétique. Nous la faisons en France. Une loi est sur le point d'être votée, elle sera très importante pour diversifier les sources d'énergie, pour engager un programme de renouvellement des énergies exceptionnelles, et des économies, là aussi. Nous voulons mettre cette compétence au service des Philippines et des pays les plus vulnérables.
Déjà, l'Agence française de développement aux Philippines, en lien avec les entreprises, a pu financer à hauteur 300 millions d'euros une assistance technique, notamment dans le domaine de l'adaptation des économies.
Nous pensons qu'il faut aller plus loin, et ce sera tout l'enjeu des financement que nous pourrons dégager à la suite de la Conférence de Paris. Parce-que, à la Conférence de Paris, nous avons 3 objectifs : le premier objectif est de demander à chaque pays, à chaque État, sa contribution pour la lutte contre le réchauffement climatique. Le second objectif, est de pouvoir dégager des financements nouveaux pour permettre aux pays les plus vulnérables d'aller plus loin, d'aller plus vite dans la transition. Et puis, nous avons un troisième objectif qui est de poser des règles contraignantes pour que nous ayons un accord général qui nous permette de n'a pas avoir à la fin de ce siècle une planète qui aurait chauffé de plus de 2 degrés.
Voilà ce que nous avons comme volonté dans l'accord sur le climat. Mais pour cela, il nous faut sceller une alliance, et cette alliance, elle ne doit pas être une alliance défensive. Elle ne doit pas être simplement pour empêcher, elle ne doit pas être simplement même pour prévenir. Cela doit être une alliance pour conquérir, une alliance pour innover, une alliance pour inventer. Le progrès, ce n'est pas simplement de lutter contre la forme dégradée du progrès. Le progrès, c'est de faire en sorte que l'humanité elle-même se dote des outils indispensables pour assurer son propre développement.
Nous avons bien sûr une responsabilité, nous les États, les gouvernements. Et d'ailleurs, dans la négociation, il conviendra de porter notre vigilance et notre volonté au plus haut niveau.
Mais rien ne pourra se faire si les entreprises, si les grandes organisations, si les grandes institutions internationales, si aussi les grandes institutions financières ne se mobilisent pas par rapport à cet enjeu. Il y a, ce qu'on appelle l'agenda des solutions. C'est tout ce que les entreprises et les organisations non-gouvernementales, les grandes collectivités locales, les régions, peuvent faire ensemble pour changer un certain nombre de pratiques, modifier un certain nombre de comportements et inventer de nouveaux modes de vie pour nos pays respectifs. Il nous faudra beaucoup de technologies. Il nous faudra beaucoup de recherches scientifiques. Il nous faudra beaucoup d'investissements, et pas simplement des taxes qui dissuaderont ou des règles qui empêcheront. Nous avons besoin de créer un flux d'investissement considérable dans les prochaines années, d'où l'utilité de ces fonds que nous devons mobiliser.
Voilà mon message, il est adressé tout d'abord à vous, entreprises : continuez à innover, à inventer, à investir. Comprenez que le changement climatique est aujourd'hui non seulement notre obligation, mais notre levier pour générer une croissance verte, une croissance durable. Faites des partenariats comme ils existent entre les Philippines et la France pour comprendre les besoins des uns et des autres et les capacités que nos pays peuvent offrir. Et puis ensuite, nous allons faire cette alliance, cette alliance entre pays. La France qui n'est pas le pays plus touché par le réchauffement climatique, mais le pays sans doute le plus conscient de ce qu'il peut provoquer, y compris par rapport à l'enjeu de la paix.
Si je me bats autant sur la question du changement climatique, c'est parce que je suis cohérent. Je sais que si nous laissons faire, alors, il y aura des conflits qui surgiront, il y aura des personnes déplacées qui bousculeront les frontières. Il y aura des luttes, des compétitions de plus en plus violentes pour accéder aux zones qui peuvent être protégées des dérèglements climatiques. En luttant contre le réchauffement climatique, nous faisons aussi en sorte d'apaiser et de donner aussi une perspective au monde.
Cette alliance, elle est donc entre les entreprises, elle est entre les pays, elle est entre les générations, elle est entre les individus qui aujourd'hui ne se connaissent pas mais portent les mêmes valeurs. Mon pays a été éprouvé par des attaques terroristes au début du mois de janvier et il a été salué, y compris dans son malheur, par un élan de solidarité exceptionnelle.
Les Philippines ont été touchées il y a quelques mois par des catastrophes naturelles. Et vous avez eu aussi une solidarité mondiale. Alors nous devons mettre ce qui a pu faire émerger le meilleur dans nos pays et dans le monde en commun pour réussir la Conférence de Paris. Et aujourd'hui même, avec le Président Aquino, je lancerai cet appel, l'appel de Manille, mais vous, vous serez les premiers à l'avoir entendu. Merci.