7 février 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les efforts en faveur du cinéma, à Tulle le 7 février 2015.


Monsieur le maire,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Cher Jean-Pierre VILLA, en présence du Directeur général de la CAISSE DES DEPOTS et du Président de PITCH Promotion,
Je vous remercie de m'avoir emmené au cinéma aujourd'hui. Vous pensiez sans doute que je manquais de distraction. Mais je découvre ce que sera un cinéma, ce qu'il n'est pas encore et ce qu'il fait surgir de rêve, d'imagination et d'espoir.
Installer un cinéma dans une ville, créer un espace de culture, c'est toujours une grande émotion, d'abord parce qu'elle correspond généralement à la fermeture d'une salle. Or chacune, chacun d'entre-nous a des souvenirs, des émotions qui ont été à un moment à peine retenues et des rires que nous avons laissés filer parce que nous étions heureux.
Une salle, ce sont des rencontres, ce sont des joies, ce sont des pleurs. La fermeture d'une salle est toujours une douleur, mais un espace qui ouvre est de nouveau l'espérance et ce sentiment confus qu'il va se produire des événements inattendus.
Vous avez choisi de faire ici une grande salle ou plusieurs. Il y avait le Palace hier, il y aura le Grand Palace aujourd'hui. Il y avait eu Tulle, il y a maintenant le Grand Tulle. Quant à la France, elle n'a cessé d'être grande et je m'en rends compte tous les jours.
Je voulais être parmi vous, même si l'actualité a été particulièrement lourde, parce qu'un cinéma, la culture font partie du rayonnement de la France. Si la France peut être ce qu'elle est, si la France peut susciter des admirations, des solidarités, des soutiens, c'est parce qu'elle est la France et une France qui a toujours mis la culture au premier rang de ses valeurs et de son rayonnement.
Je voulais être aussi ici pour l'inauguration prochaine du cinéma, parce que c'est Tulle et parce que c'est Jean-Pierre VILLA. C'est Tulle parce que j'en ai été le maire aujourd'hui Bernard COMBE a repris le flambeau. Nous avions ce projet de cinéma à l'esprit depuis des années. Entre une idée, un projet et sa réalisation, il s'écoule souvent beaucoup de temps. Il aura fallu la mobilisation des uns et des autres pour arriver à ce résultat.
Je suis ici aussi parce que c'est Jean-Pierre VILLA et le cinéma. Jean-Pierre VILLA fut dans une vie qui n'est pas si lointaine il y a à peu près 35 ans celui qui m'a accueilli pour la première fois en Corrèze. Pour vous donner un certain nombre de confidences, de secrets, j'ai dû passer ma première nuit corrézienne chez Jean-Pierre VILLA. Il était enseignant et il s'occupait de cinéma. Il avait l'idée, déjà pour partie réalisée, d'ouvrir des salles de cinéma là où elles fermaient le plus souvent, des salles de cinéma parce que tous les Français ont droit d'aller au cinéma.
Le cinéma en France est une grande réussite. Rien que pour l'année dernière, il y a eu 208 millions d'entrées. Nous sommes un des pays au monde où le cinéma a le plus de succès. Cela tient à un système original de financement autour du Centre national du cinéma, qui permet une solidarité entre tous les spectateurs. Chaque fois que nous allons au cinéma, une taxe ou une contribution sur le billet du film que nous avons choisi, permet de financer tous les autres films. Quand un film parfois américain connaît un grand succès dans notre pays et tant mieux il permet de financer tous les films français de qualité grâce à ce mécanisme ingénieux.
C'est un système ingénieux qui permet au Centre national du cinéma de financer également des salles de cinéma et c'est le cas ici, à Tulle. Nous avons aussi voulu que les jeunes puissent aller au cinéma sans que les contraintes financières soient trop lourdes. Quand il s'est agi de baisser la TVA à 5,5 pour l'entrée dans la salle, il a été convenu avec les professionnels qu'il y aurait une répercussion au bénéfice du spectateur, et notamment du jeune spectateur. Ce qui a permis qu'avec une somme finalement assez réduite, quelques dizaines de millions d'euros, nous avons pu lancer ces billets à 4 pour les jeunes de moins de 14 ans. Jean-Pierre VILLA vient de révéler que c'est la 3ème mesure la plus populaire de France de l'année. Comme quoi ce n'est toujours en mobilisant des fonds importants que l'on peut toucher largement le public. Pour le cinéma, cela a pu être fait à travers une mesure qui correspondait aussi à une démocratisation de l'accès aux salles.
Je suis d'autant plus attentif au cinéma qu'il y a toujours des prophètes qui avaient annoncé sa disparition, non pas qu'il n'ait pas été menacé. Dans beaucoup de pays européens, dans beaucoup de pays au monde, bien des salles ont fermé. Bernard COMBE a évoqué le cinéma Paradisio qui est en soi un symbole. Mais la France a su résister, la France a su maintenir un réseau de salles, la France a su défendre son cinéma et nous avons une industrie du cinéma aujourd'hui créatrice d'emplois, créatrice d'activités.
Une autre menace a été à l'arrivée du numérique. C'était un double risque. Le premier parce que cela pouvait amener beaucoup d'amis du cinéma à ne plus aller au cinéma, à voir les films à la maison, ce qui est d'ailleurs tout à fait possible. Les salles auraient pu connaître alors une forme de désaffection. Or ça a été tout le contraire, les Français sont allés encore davantage au cinéma, parce que c'est toujours plus agréable d'être ensemble pour éprouver joie, peine et émotion, celles dont je parlais tout à l'heure.
Etre ensemble, c'est finalement l'enjeu de la vie en commun. Mais où être ensemble aujourd'hui lorsqu'une forme d'individualisation des modes de vie s'est installée, une forme de peur à l'égard de tout ce qui peut menacer la tranquillité, une interrogation sur le point de savoir s'il faut se déplacer. Le cinéma a permis cette volonté de pouvoir être ensemble et de partager tout ce que le cinéma peut apporter.
Le second risque était celui d'équiper, de rééquiper tous les cinémas de France. Le passage au numérique supposait des investissements très importants. Le réseau de Jean-Pierre VILLA a dû consentir à des sommes élevées pour parvenir à ce résultat. Aujourd'hui, une seule salle de cinéma n'est pas aux normes numériques en France. C'est la salle de l'Elysée, j'en ai fait le constat.
Je n'ai pas voulu néanmoins engager de frais supplémentaires, j'ai considéré que c'était finalement un lieu de mémoire. Le cinéma car il existe une petite salle de cinéma que mes prédécesseurs ont toujours utilisée pouvait être ce qu'était autrefois le cinéma. Lorsqu'on fera visiter lors des Journées du Patrimoine, le Palais de l'Elysée, je demanderai qu'on emmène le public, les visiteurs vers cette salle de cinéma parce qu'il n'en existe plus aucune en France avec cette installation.
Ici, à Tulle, vous avez toujours voulu voir grand. Il s'agissait de faire une grande salle, un grand palace avec tout ce que le public venait chercher : de la création, d'où le label « Art et essai », mais aussi du patrimoine, de la recherche et de la formation du jeune public. C'est ce que vous avez pu non seulement préserver mais ajouter dans cette réalisation exceptionnelle.
Vous avez voulu installer le Grand Palace au cur de la ville de Tulle. Cela permet avant tout de lui donner une longue vie et ensuite de pouvoir garder le public dans une enceinte finalement pas si élargie. Mais ici, le cinéma a été placé près du centre-ville sans qu'il soit besoin d'utiliser sa voiture, même si des places de parking sont à proximité avec l'espace commercial. Des commerces, des activités, des lieux de restauration existent. Il n'y a rien de plus triste que de sortir d'une salle de cinéma où il n'y a rien autour.
Combien de grands complexes ont été créés avec la même architecture, avec les mêmes films et avec finalement les mêmes environnements. Il faut à chaque fois donner une identité à une salle de cinéma.
Pour y parvenir, vous avez voulu aussi inventer. Vous avez réussi à allier une PME régionale ou interrégionale, une entreprise de taille intermédiaire autour de Jean-Pierre VILLA et de ses équipes, avec un promoteur national qui fait de grands chantiers. Si vous regardez la télévision attentivement pour les compétitions sportives, vous voyez que son enseigne, sa marque est apposée sur les plus grandes compétitions ou sur les maillots des plus grands compétiteurs. Vous avez aussi le plus grand établissement financier, la CAISSE DES DEPOTS, à vos côtés. Il n'était pas dit qu'il puisse y avoir une alliance de cette importance. Mais ce fut fait ici pour ce Grand Palace.
Voilà pourquoi je voulais venir, pas simplement pour vous retrouver, même si c'est un plaisir. Mais je vous avais à peine quittés puisque j'étais là pour vous présenter mes vux dans des circonstances qui étaient particulièrement douloureuses, éprouvantes. Je voulais être là pour montrer ce qu'un espace rural peut porter comme atout. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe dans nos quartiers, dans nos villes et ce qu'il convient de faire pour éviter les concentrations de populations, les inégalités, les formes de séparation.
Je sais que parfois, cela suscite des questions pour des populations qui vivent dans d'autres espaces et qui peuvent ressentir ce sentiment d'abandon, d'oubli, d'inégalité, d'être loin des centres de décision, de ne pas pouvoir accéder aux biens culturels les plus importants. C'est pourquoi il était judicieux de faire que l'espace rural puisse disposer des mêmes atouts, avec l'enjeu du numérique poursuivi par la région, soutenu par le département et faire en sorte que où que l'on vive sur le territoire, nous puissions accéder aux plus hautes technologies et participer de la vie aujourd'hui fondée sur l'échange et qu'en même temps nous puissions avoir un réseau d'équipements culturels avec des bonnes écoles, des universités qui puissent se regrouper quand c'est nécessaire, et ainsi assurer la réussite pour chacun.
Un cinéma ici à Tulle fait partie aussi de ces équipements indispensables comme le théâtre ou la musique. Savoir que nous avons ce niveau d'équipements culturels dans un département rural ou reconnu comme tel, c'est aussi une source de fierté. Peu de pays sont capables d'assurer cette égalité.
Pour nous, ce n'est pas une dépense à laquelle nous consentons. Ce n'est pas un investissement que nous faisons uniquement. C'est le choix de notre identité, le sens que nous voulons donner à la vie ensemble, à ce que nous représentons comme Français. C'est à travers la culture, le cinéma, la création, l'éducation, le savoir, tout ce qui nous élève, que nous pensons que nous serons les meilleurs dans la compétition internationale et aussi les meilleurs pour nous épanouir.
C'est une époque nouvelle qui s'ouvre avec ce Grand Palace. C'est toujours la continuité de la France. Avec le cinéma, le film français n'a pas fini de créer des émotions.
Merci.