3 février 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, en hommage aux 9 militaire français mort en Espagne à la suite d'un accident aérien, à Paris le 3 février 2015.

Monsieur le Président,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les officiers, sous-officiers, aviateurs,
Mesdames, Messieurs les familles, les proches des aviateurs disparus.
Notre pays est une nouvelle fois en deuil, notre armée est dans l'épreuve, l'armée de l'Air est sous le choc. Nous pleurons neuf de nos soldats.
Ils ont péri dans un terrible accident qui s'est produit le 26 janvier dernier. D'autres sont gravement blessés. Ils étaient vos proches, vos parents, vos enfants, vos camarades, ils étaient notre fierté. Ces aviateurs étaient déployés en Espagne à Albacete. Ils s'entrainaient durement. Ils participaient à l'un des exercices les plus difficiles de l'OTAN. Seuls les meilleurs y avaient été sélectionnés. Le détachement français était composé de 107 membres. Il y avait des pilotes pour conduire des dizaines d'avions £ des mécaniciens pour assurer une totale disponibilité des matériels £ et des personnels civils pour apporter le soutien nécessaire.
Cette mission d'entrainement était destinée à préparer nos forces pour assurer les interventions extérieures dans laquelle l'armée de l'Air est fortement investie. D'abord en Afrique, notamment à Djibouti, au Tchad et au Niger, d'où nous avions décollent pour surveiller le Sahel, la République centrafricaine ou le Nigeria comme en ce moment. Ensuite au Moyen Orient, d'où nos avions partent de Jordanie ou des Emirats arabes unis pour effectuer des missions au dessus de l'Irak.
Ces aviateurs défendent loin de chez nous, parfois très loin, les valeurs de la République : la liberté, la dignité humaine, l'égalité. Partout où ils sont engagés, ils luttent contre les terroristes, où qu'ils soient, qui menacent notre sécurité. Chaque jour notre armée de l'Air démontre qu'elle fait partie des meilleures du monde.
Pour garder sa place, les aviateurs doivent s'entrainer dans des conditions proches du réel. C'était l'objet de cet exercice d'Albacete en Espagne. Nos armées doivent s'adapter aux besoins des opérations en cours et partager leurs expériences avec les alliés de la France. C'est ce qui fait que notre armée de l'Air a une qualité et une fiabilité incomparables. Elle les a démontrées en Libye. En Irak, elle fut l'une des premières à survoler ce pays, dès que j'en ai donné l'ordre l'été dernier.
Le drame qui nous rassemble aujourd'hui, une terrible épreuve pour les familles, nous touche tous car il a frappé une femme et des hommes qui étaient reconnus pour leur courage, pour leur dévouement, des techniciens exceptionnels, de grands professionnels, des spécialistes éminents.
Ce 26 janvier, il y avait, sur la piste d'Albacete, d'abord des mécaniciens. Ce sont des sous-officiers de très haut niveau qui travaillent dans la haute technologie comme l'électronique et qui rendent disponibles les avions. C'était le cas de l'adjudant-chef François COMBOURIEU, de l'adjudant-chef Thierry GALOUX, de l'adjudant Gilles MEYER, du sergent-chef Régis LEFEUVRE et du sergent chef Nicolas DHEZ. Tous ces mécaniciens avaient en commun d'avoir participé à des opérations extérieures extrêmement périlleuses en Afghanistan, en Libye, au Tchad, au Mali. Tous étaient jeunes, très jeunes, et pourtant déjà expérimentés. Tous avaient en commun une passion : leur métier, servir la France.
L'adjudant-chef François COMBOURIEU avait 37 ans. Il était affecté sur la base de Nancy depuis 1999. Il était le responsable de la maintenance des avions et coordinateur de piste. L'adjudant chef COMBOURIEU savait motiver ses équipes, pour que les avions décollent en temps et en heure. C'était son devoir. Il était reconnu pour son sens de l'exactitude et de la précision.
L'adjudant-chef Thierry GALOUX avait 41 ans et 20 ans d'expérience. Il était chef d'équipe maintenance avionique sur la base de Châteaudun. Il avait servi 12 ans sur Transall avant d'élargir ses compétences au Mirage. Son expérience était particulièrement précieuse pour nos armées tant ses compétences étaient reconnues.
L'adjudant Gilles MEYER était également en charge de la maintenance avionique sur la base de Nancy. Il était rentré dans l'armée de l'Air à 16 ans pour y passer son bac. Passionné par l'aviation depuis toujours, il avait réussi, par ses compétences et son engagement, à devenir chef d'équipe en 2012. Il excellait dans cette nouvelle tâche.
Le sergent-chef Régis LEFEUVRE et le sergent-chef Nicolas DHEZ avaient seulement 25 ans. C'étaient les plus jeunes. Ils étaient en cours d'apprentissage et s'apprêtaient à partir en opération dans les semaines à venir pour mettre en uvre ce qu'ils avaient appris. Ils en étaient fiers. Leur intégrité et leur enthousiasme faisaient déjà l'unanimité auprès d'eux et dans leur hiérarchie.
Ces mécaniciens étaient encadrés par des officiers, jeunes aussi. C'était le cas du capitaine Arnaud POIGNANT, 26 ans, officier affecté sur la base de Nancy, spécialiste des Mirage 2000. Il était entré dans l'armée de l'Air il y a à peine deux ans. Il s'y était pleinement investi et ses remarquables qualités humaines en faisaient déjà un chef apprécié.
Tel est le rôle des mécaniciens : faire que l'avion soit prêt à décoller à tout moment. Il faut ensuite que l'équipage puisse prendre possession de l'avion et réussir sa mission. C'est ce que s'apprêtait à faire l'équipe du lieutenant-colonel Mathieu BIGAND et son officier « système d'arme », le capitaine Marjorie KOCHER. Tous deux avaient été sélectionnés pour leurs qualités émérites et avaient eu accès à cet exercice de très haut niveau parce qu'ils étaient les meilleurs.
Le lieutenant-colonel Mathieu BIGAND avait 30 ans. Il était chef de patrouille sur Mirage 2000 à Nancy, après seulement quatre ans en escadron de chasse. Il totalisait près de 1 000 heures de vol. Il avait participé à de nombreuses opérations au Tchad et au Mali. C'est avec des hommes comme Mathieu BIGAND qu'il avait été possible d'arrêter les terroristes dans le cadre de la mission Serval. Il était détenteur de la plus longue mission d'assaut de l'armée de l'Air avec neuf heures quarante-cinq de vol réalisées au Mali. Ses actions exceptionnelles au combat lui avaient valu l'attribution de la Croix de la Valeur militaire avec étoile de vermeil. C'était un pilote brillant, qui avait acquis une impressionnante expérience en quelques années. C'est une perte considérable.
C'était également le cas du capitaine Marjorie KOCHER, elle aussi de la base de Nancy. A 29 ans, cette sous-chef navigatrice était déjà très expérimentée sur Mirage 2000. Elle avait participé également aux opérations de guerre lancées en Afghanistan, en Libye et au Mali. Elle était titulaire de la Croix de la Valeur militaire avec trois étoiles de bronze. Elle était passionnée, comme ses collègues masculins, elle avait démontré par les actes toute la contribution des femmes dans nos armées.
Enfin, il y avait l'un de nos meilleurs pilotes, le commandant Gildas TISON, 35 ans. Il était affecté à Albacete depuis quelques mois, il préparait l'opération. Au moment de l'accident, il partait vers son avion, un Alpha Jet, pour participer à la mission. Il avait été instructeur sur ce type d'appareil, mais il disposait déjà d'une très riche expérience sur Mirage 2000. C'était un grand professionnel. Ses qualités lui avaient permis, en quelques mois, de trouver sa place au sein de l'équipe internationale constituée à Albacete. Il y était particulièrement apprécié et reconnu.
Cette jeune femme et ces hommes ont porté très haut ce que l'on appelle « les ailes de la France », c'est-à-dire notre aviation. Ils étaient jeunes, ils étaient les meilleurs dans leur métier. C'est un chagrin inextinguible pour leur famille, nous le partageons. C'est une perte considérable pour nos armées, nous le savons. Je m'incline devant leur mémoire et, ici, la Nation leur rend hommage. Elle le fait dans l'unité, avec la présence des plus hautes autorités de l'Etat, des élus des régions concernées, de l'ensemble des armées ici représenté. Elle le fait parce qu'elle considère que l'unité nationale est un bien précieux et que les armées y contribuent. C'est autour de notre défense que nous pouvons tous nous retrouver.
Je tiens aussi à exprimer ma compassion aux aviateurs qui ont été gravement blessés : trois sous-officiers, les sergents-chefs Damien LEGRAND et Mathieu PAULET, l'adjudant Ludovic FAILLY £ un militaire du rang, le caporal-chef Franck POIROT £ et un civil, Monsieur Luc BERTON. Ils porteront à vie les traces de ce dramatique accident.
Je voudrais enfin souligner l'héroïsme, parce que c'est le mot qu'il convient d'employer, des membres du détachement qui ont bravé le danger pour sortir leurs camarades des flammes, avant de tenter de préserver les appareils qui étaient en train de brûler. Quelle plus belle expression de la solidarité à un moment où ils auraient pu simplement tenter de sauver leur vie ! C'était leur volonté de tout faire pour préserver leurs camarades, mais aussi les moyens de l'armée de l'Air.
Je mesure le traumatisme que ce détachement a pu vivre. Ce drame hantera les esprits de tous. Je salue là encore leur courage et leur sens du dévouement. Il y a aussi le soutien qu'il nous faut accorder un soutien qui doit être le plus large possible, matériel et moral. Cela sera le rôle de nos armées de le faire et le devoir des pouvoirs publics de l'assurer. Ce soutien sera total. Le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, s'est rendu sur les lieux dès que cela a été possible, c'est-à-dire le lendemain du drame. Il a déjà pu dire à ce détachement, aux familles qui pouvaient être présentes, combien l'Etat serait à leurs côtés. Je sais aussi que l'armée de l'air, avec le général MERCIER, fera en sorte que les aviateurs soient toujours aux côtés des familles des victimes disparues.
Mais lorsque nos armées sont touchées au cur, elles ont un devoir supplémentaire, c'est de continuer la mission, de ne rien interrompre, d'être fidèle à l'esprit qui vous anime. C'est pourquoi au cours de ces derniers jours, nos armées ont assuré la défense aérienne de notre territoire national, assuré les missions au-dessus de l'Irak et du Sahel, et poursuivi la posture de dissuasion. Les Français sont fiers et ils peuvent l'être de leur armée. En témoignent les innombrables messages reçus depuis la tragédie du 26 janvier.
Une solidarité s'est aussi exprimée bien au-delà de notre pays. Je veux saluer ici les ambassadeurs qui sont présents, les pays alliés qui ont voulu également s'associer à cet hommage. Je sais aussi la peine des communautés des bases aériennes qui sont concernées par ces drames.
Cette tragédie touche tous les Français. Elle nous rappelle que nos armées s'entraînent dans des conditions périlleuses, pour notre propre sécurité, pour répondre aux missions qui sont confiées à nos forces militaires. Ce drame, cette tragédie, nous rappelle que la cohésion, l'unité, la solidarité, le rassemblement sont des qualités que l'on retrouve chez les militaires. Ce sont ces qualités qui les rendent plus forts dans l'épreuve. Les aviateurs morts dans ce terrible accident servaient un idéal, un idéal qui dépassait l'horizon de leur seule vie, un idéal qui les conduisait partout où ils étaient mandatés pour être les meilleurs. Cet idéal, ils l'ont accompli jusqu'au bout, jusqu'au terme même de leur existence.
A celles et ceux qui ont perdu un être cher et qui sont devant moi ces conjoints, ces parents, ces enfants, ces proches je veux dire avec des mots simples que la Nation, toute la Nation, partage leur chagrin. Je veux rendre hommage du fond du cur à cette femme, à ces hommes, qui en servant leur armée, l'armée de la France, ont fait don à leur pays, à leur patrie, de leur vie. Je veux assurer à leur famille et dire, aussi loin qu'ils peuvent m'entendre, que la France ne les oubliera jamais. Vive la République et vive la France !