16 janvier 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les défis et priorités de la politique étrangère de la France, à Paris le 16 janvier 2015.

Mesdames, messieurs les Ambassadeurs,
Je suis très sensible aux mots que vient de prononcer le Nonce en votre nom à tous. Après l'épreuve que la France a traversée, la solidarité internationale s'est manifestée avec force et symbole. A la manifestation du 11 janvier étaient présents de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement, et lorsqu'ils ne pouvaient être là, vous étiez, vous, au cur même de cette expression, qui était une expression d'amitié, de fraternité et aussi de dignité. Les mots mêmes que vous avez utilisés Monsieur le Nonce.
C'est effectivement une épreuve d'avoir une attaque portée sur notre sol par des terroristes. 17 morts, 17 victimes, le plus lourd attentat depuis 40 ans dans notre pays. Des journalistes ont été tués parce qu'ils étaient journalistes, des policiers ont été tués parce qu'ils étaient policiers, des juifs ont été tués parce qu'ils étaient juifs. Ils étaient unis par cette même idée, toutes ces victimes, tous ces hommes, toutes ces femmes, cette idée que la France est un pays de liberté. C'est, hélas, la seule explication que l'on puisse trouver à leur assassinat. On a voulu assassiner la liberté.
Les meurtriers ont commis leurs crimes au nom d'une idéologie barbare. Qu'elle soit celle d'Al-Qaïda ou de Daech, c'est la même, c'est celle de la haine. La France, face à cette attaque, a été capable de la meilleure des démonstrations, elle a été d'abord digne, elle a été unie. Nous avons répondu également avec efficacité. Les auteurs de ces atrocités ont été mis hors d'état de nuire grâce à l'action exemplaire des forces de sécurité, de police et de gendarmerie. Des interpellations ont encore eu lieu cette nuit pour connaître d'éventuelles complicités. De même, nous agissons en étroite coopération avec nos voisins et notamment, en ce moment même, avec la Belgique.
Ces actes odieux ont suscité une réponse du peuple français à la hauteur de son histoire et de ses valeurs, et les manifestations du 11 janvier ont été d'une ampleur et d'une force exceptionnelles. Une solidarité, je le disais, s'est manifestée - solidarité nationale, solidarité internationale. Je veux vous dire combien nous avons été sensibles et fiers, y compris dans ce moment de malheur, face à cette émotion qui s'est soulevée partout, de ces manifestations d'amitié qui ont été adressées à la France. Mes compatriotes n'oublieront jamais cette épreuve qui les a frappés et la capacité qui a été la leur de se lever pour exprimer leur dignité et leur mobilisation. Ils n'oublieront jamais non plus ce que les pays de la communauté internationale ont voulu signifier dans ce moment.
Quelles que soient nos opinions, quels que soient même nos désaccords, nous avons fait la démonstration de l'unité de la communauté internationale face à un ennemi commun, qui a un nom et qu'il convient de nommer : le terrorisme. Nous lui faisons la guerre. Ce n'est pas une guerre contre une religion, c'est une guerre contre la haine. Les attentats qui ont été commis à Paris sont une insulte à l'islam, et dans le monde. Ce sont les musulmans, je le rappelle sans cesse, qui sont les premières victimes du terrorisme, pas les seules, mais qui sont d'abord confrontés à cette montée du fondamentalisme, de l'intolérance. Nous devons donc tout faire, et je m'y emploie, pour empêcher les amalgames, ce serait d'ailleurs faire le jeu de ceux qui veulent semer le chaos, diviser, semer la peur.
J'entends ici rappeler les principes qui fondent la position de la France, à tout moment, et notamment dans cette épreuve. La France respecte toutes les croyances, toutes les religions. Nous le faisons au nom de la laïcité. La France reconnaît l'apport de toutes les cultures à notre patrimoine commun. La France est attachée à la liberté, à la liberté d'expression, et celle-là ne se négociera jamais, elle est un principe fondamental de notre République, notamment la liberté de la presse.
La France est la patrie des droits de l'homme et doit donc protéger, assurer la sûreté de chaque citoyen. La France lutte de manière implacable contre le racisme, contre l'antisémitisme, contre l'islamophobie.
La France, quand elle a été frappée, elle sait rassembler. Son unité est sa force, même si nous disposons aussi d'une autre force lorsque nous sommes victimes de violences et que nous devons répondre. Mais cette force, cette force du peuple français, elle sera mise au service d'une lutte contre le terrorisme qui sera encore renforcée dans le respect du droit.
La France sort de cette épreuve avec une détermination intacte pour agir au plan international. Nous ne cédons rien, nous ne sommes sensibles à aucune pression d'où qu'elle vienne, nous n'avons pas peur, nous agissons parce que nous sommes la France, et parce que nous sommes conscients que la France est attendue sur la scène internationale pour promouvoir des valeurs que nous partageons.
Je veux ici saluer le travail remarquable du ministre des Affaires étrangères, Laurent FABIUS, qui crée les conditions de cette action à la tête de la diplomatie française.
Notre réponse doit être ferme face au terrorisme, mais elle ne peut être que collective. Chacun de nos pays doit prendre toutes les mesures nécessaires et il y en a encore à introduire, s'agissant notamment du phénomène des combattants étrangers qui vont sur les terrains de guerre pour y être entrainés, puis reviennent dans nos pays commettre le pire.
Un tiers des 40 000 djihadistes qui agissent en Irak, en Syrie, sont étrangers à la Région. Nous devons donc améliorer la coopération internationale, mieux partager les informations nécessaires sur les déplacements, les soutiens, les financements, dont les terroristes peuvent bénéficier.
Nous devons aussi mieux combattre tous les trafics car tous les trafics alimentent le terrorisme : trafic d'armes, trafic de drogues, mais aussi trafic des êtres humains. L'Europe doit durcir son dispositif. Une réunion des ministres des Affaires étrangères européens sera organisée dans quelques jours après qu'il y a eu déjà une réunion des ministres de l'Intérieur et le Conseil européen abordera cette question de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme, en février prochain.
Ce que l'Europe a à faire, c'est mieux contrôler le franchissement des frontières extérieures de l'Union. C'est également d'établir ce qu'on appelle un PNR européen. Parlons simple : un fichier qui permettra l'échange des données concernant les passagers des transports aériens entre les Etats membres. C'est une condition indispensable pour contrôler les déplacements des apprentis terroristes ou de ceux qui sont déjà dans ce combat contre nos libertés. Ce fichier, qui ne doit pas mettre en cause la protection des données, est indispensable pour suivre justement ceux qui se rendent au Moyen-Orient ou en reviennent.
Nous devons également prendre conscience qu'internet joue un rôle et donc l'utilisation qui est faite par les terroristes de cette technologie, de ces informations pour diffuser leurs messages, assurer le recrutement de nouveaux djihadistes, leur donner même les moyens de passer à l'acte. Oui, nous devons agir avec l'ensemble des acteurs concernés pour qu'internet ne puisse pas être un moyen de préparer, d'engager des actions terroristes.
Au-delà de ces mesures indispensables, la plus durable des réponses, c'est une action ferme, en faveur de la paix et de la sécurité internationale, car nous le savons, les conflits qui ne sont pas résolus, et quelquefois depuis trop longtemps, sont des sources d'inspiration pour les terroristes, et les zones de chaos, des lieux de formation pour les terroristes. La France, donc, depuis plusieurs années, et notamment depuis ces deux dernières années, prend sa part dans l'action, exerce ses responsabilités, avec le concours de ses alliés et de ses partenaires.
Au Mali d'abord, où nous avons évité que les terroristes s'emparent tout simplement d'un Etat, l'opération connait maintenant une phase différente, qui n'est plus celle de l'action mais celle de la stabilité. Au Sahel, notre vigilance reste extrême et c'est pourquoi la France a mis en place ce que nous avons appelé l'opération Barkhane, qui permet d'infliger des pertes aux organisations terroristes et d'être présents dans l'ensemble de la zone, pas simplement au Mali.
Eviter le chaos, c'est ce que nous avons fait aussi en République centrafricaine, permettant à nos forces de séparer des belligérants qui voulaient organiser des massacres. Et nous avons, grâce à nos amis africains et maintenant avec la force internationale qui se déploie, permis à ce pays de retrouver une forme de stabilité.
Mais nous n'en avons pas terminé. J'évoquais le Sahel, l'Afrique de l'Ouest, le Nigeria, où Boko Haram se livre à un véritable crime contre l'humanité. Ce ne sont plus simplement des femmes qui sont enlevées, c'est déjà suffisamment atroce, ce sont des enfants qui se trouvent massacrés par les actions de ce groupe. Ce sont des villages, des villes entières qui sont rasés.
Alors, là encore, nous devons soutenir, c'est ce que fait la France, les pays qui sont concernés par ce fléau. Pour le Nigeria, c'était le sens de l'initiative que nous avions prise de réunir à Paris, avec le Nigeria, tous les pays qui pouvaient être utiles pour lutter contre Boko Haram. Et aujourd'hui ce sont le Cameroun, le Niger, le Tchad, le Bénin, qui sont menacés. Et cette situation exige de la communauté internationale qu'elle prenne les mesures appropriées et ne laisse pas faire.
La situation en Libye est pour beaucoup dans la diffusion du terrorisme et c'est un sujet d'inquiétude majeure. Notre devoir, c'est de mobiliser une fois encore, grâce à l'intervention d'ailleurs des Nations unies, les parties prenantes qui doivent s'engager dans les négociations. Il y a eu un accord ce matin, à Genève, qui va dans la bonne direction, permettant la formation d'un gouvernement unique, qui demeure un principe indispensable car quand il y a deux gouvernements dans un même pays, c'est qu'il y a un problème, surtout quand il y a également deux parlements.
Donc, le premier devoir que nous avons à l'égard de la Libye est d'obtenir la constitution par les parties prenantes d'un gouvernement, ensuite de désarmer les groupes qui se sont installés en Libye, puis de pouvoir agir contre les terroristes qui occupent une partie du territoire libyen et menacent toute la région.
Et la France ne peut pas, même si elle est appelée, agir seule ou agir en dehors du droit international. Nous appelons donc les Nations unies, c'est leur rôle, à ce qu'il y ait des initiatives qui puissent être prises et des soutiens qui puissent être apportés.
Au Moyen-Orient l'urgence est de combattre Daech, la France, là encore, a pris ses responsabilités. C'est l'opération « Chammal » que nous menons dans le cadre de la coalition. Nous apportons toute notre soutien aux forces irakiennes qui sont engagées en première ligne contre les djihadistes. Ces opérations militaires en Irak seront poursuivies aux côtés des autorités de Bagdad. Avant-hier, j'étais sur le porte-avions Charles-de-Gaulle qui a appareillé et se rendra dans la région. Il permettra de recueillir des informations précieuses, d'avoir des coopérations utiles avec les pays de cette région et de pouvoir prendre si nécessaire une part dans notre intervention.
En Syrie, nous poursuivons l'action de soutien à l'opposition modérée, à l'opposition démocratique, celle que nous avons toujours encouragée. Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit plusieurs fois. Quand une intervention de la communauté internationale est repoussée, quand elle est reportée pour des raisons qui sont toujours évoquées au nom du droit ou au nom de l'opportunité, alors c'est la communauté internationale elle-même qui se met en danger.
Aujourd'hui nous faisons en sorte que ceux qui sont au combat - et je pense notamment à ceux qui luttent à Kobané et font preuve d'un très grand courage - puissent avoir tout notre soutien. Nous sommes aussi conscients qu'à Alep se préparent des combats qui peuvent être extrêmement dangereux pour la population. 300.000 personnes sont en cause. Dois-je rappeler que de ne pas avoir réglé la question syrienne a conduit une partie de la population non seulement à se déplacer mais à se réfugier ? A se réfugier en Jordanie. A se réfugier en Turquie. A se réfugier au Liban, créant d'ailleurs de graves problèmes économiques, financiers, humains, humanitaires pour les pays concernés. Et l'idée que ces populations resteront dans la région est une idée simple, tellement simple qu'elle devient simpliste. Bien sûr que si rien n'est réglé, une partie de cette population voudra aussi aller vers l'Europe, tentera d'y venir. Nous devrions réfléchir aux conséquences que de tels mouvements pourraient engendrer.
Alors en Syrie, Bachar al-ASSAD porte une responsabilité énorme dans la tragédie et personne ne peut croire, en tout cas pas nous, qu'il puisse rassembler son peuple après tant de massacres. Et l'alternative ne peut être ASSAD ou les terroristes, puisque c'est finalement la même chose. Car aujourd'hui ils s'entretiennent mutuellement.
Donc quelle est la position de la France et de notre diplomatie ? Chercher un accord entre le régime s'il veut ouvrir cette transition et les mouvements de l'opposition syrienne. Nous devrons donc reprendre ce qu'on a appelé le processus de Genève, la France est prête à y travailler avec les Nations unies et tous les pays qui ont une influence en Syrie.
Parce que la France dialogue avec tous - c'est d'ailleurs ce qui fait aussi la réalité de sa diplomatie - elle est disponible pour travailler avec tous ceux qui peuvent ou qui veulent contribuer à la solution des crises au Moyen-Orient. C'est ce que nous avons fait notamment au Liban où a été mis en uvre un important accord passé avec l'Arabie Saoudite pour renforcer les capacités opérationnelles de l'armée libanaise et lui permettre de mieux protéger son territoire.
Mais je veux également dire que l'Iran a aussi sa part de responsabilités pour le règlement de ces crises. C'est ce que j'ai dit au président ROHANI que j'ai rencontré à New York en septembre dernier. L'Iran doit clarifier ses positions, ses intentions, et s'impliquer dans la résolution des crises.
Enfin pour rester dans cette région si meurtrie, il y a également Gaza et ce qui s'est produit cet été, qui doit une fois encore nous conduire à réfléchir à la meilleure façon de mettre un terme au conflit israélo-palestinien.
Depuis avril et l'arrêt des pourparlers de paix, la situation s'est détériorée. Il y a ce qui s'est passé avec la tragédie de Gaza. Il y a aussi une escalade et des risques d'embrasement. Pour conjurer ces menaces, la France a la volonté de trouver une issue parce qu'elle a pour Israël une amitié indéfectible et est aussi l'amie du peuple palestinien.
Il nous faut faire vite. La solution des deux Etats est la seule possible. Chacun en convient. Ne la laissons pas s'éloigner. Le processus de paix a été tant de fois engagé et, hélas tant de fois inabouti. Les parties en présence ne peuvent parvenir seules à le conclure.
Il nous revient donc de fixer les paramètres qui sont connus et reconnus internationalement pour donner une solution. Cet effort collectif doit s'appuyer sur un fondement incontestable qui ne peut être que le Conseil de sécurité des Nations unies. Et c'est pourquoi la France a voulu présenter, sous la forme d'une résolution, une méthode constructive et consensuelle. Elle y est encore prête.
Je sais aussi que nous devons agir, pour régler la question du dossier nucléaire iranien. A Vienne, en novembre dernier, nous avons fait le constat des difficultés qui demeuraient, notamment sur la question de l'enrichissement et de la production des matières fissiles et il a été décidé de prolonger l'accord intérimaire jusqu'au 30 juin 2015. La France veut un accord définitif, pas à n'importe quelle condition, avec une ligne claire : oui à l'accès de l'Iran au nucléaire civil, non à son accès à l'arme nucléaire. Nous ne transigerons pas sur ce principe. Nous voulons un accord mais un accord qui aboutisse à ce résultat.
Agir pour la paix, c'est aussi ce que la France fait en Europe car il y a un conflit sur le continent européen C'est la crise ukrainienne. Depuis des mois, je me suis fortement engagé, avec Angela MERKEL, la chancelière d'Allemagne, pour chercher une solution et faire en sorte qu'il puisse y avoir un retour à la paix et une situation humanitaire qui cesse de se dégrader.
Là encore, les conditions d'une sortie de crise sont connues : c'est la mise en uvre complète du protocole de Minsk qui a été adopté le 5 septembre dernier. Depuis cette date, il y a eu hélas une dégradation avec le non-respect du cessez-le-feu et des morts, de nombreux morts.
Depuis quelques semaines, il y a eu d'autres signes qui ont été envoyés, plus encourageants, même s'il y a encore des morts à l'est de l'Ukraine. Un nouveau cessez-le-feu est entré en vigueur le 9 décembre. Des échanges de prisonniers sont intervenus pour Noël. Les ministres des Affaires étrangères se sont réunis dans le format Normandie il y a quelques jours avec la perspective d'une rencontre à Astana, avec l'Allemagne et la France mais aussi l'Ukraine et la Russie.
La priorité, ce doit être de réussir cette rencontre d'Astana. Mais nous n'allons pas nous réunir simplement pour faire des constats. Il n'y aura de réunion à Astana que s'il y a des résultats.
Nous avons plusieurs objectifs. D'abord la délimitation de la ligne de démarcation, le retrait des armes lourdes, des modalités d'acheminement de l'aide humanitaire dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Et ensuite des élections dans l'Est de l'Ukraine permettant, dans le respect de la loi ukrainienne, la représentation de tous.
Ces conditions ne sont pas hors d'atteinte et nous devons y travailler. C'est ce que je fais en très bonne harmonie avec la chancelière parce que nous sommes directement concernés, parce que nous sommes attachés aussi à ce que l'Europe et la Russie retrouvent des relations de confiance et aient également une perspective commune de développement.
Car ce conflit coûte cher. Il coûte cher d'abord humainement puisqu'il y a une situation très dégradée en Ukraine. Il coûte cher politiquement avec un éloignement qui s'est produit, des sanctions qui ont été prononcées. Il coûte cher économiquement à la Russie mais aussi à l'ensemble de la région, à l'Europe également. Il est donc temps, plus que temps, que l'accord soit trouvé.
Je suis allé aussi à Moscou pour m'en entretenir avec le président POUTINE, parce que la France a avec la Russie une relation historique et que nous devons utiliser ce lien pour que la Russie revienne dans cette relation que je souhaite encore affermir entre l'Europe et ce grand pays. Mais encore faut-il aussi que la Russie fasse les gestes indispensables qui sont attendus d'elle. Nous y travaillons mais c'est aujourd'hui une responsabilité que le président POUTINE doit exercer.
Les crises ne sont pas seulement politiques, sécuritaires, elles sont aussi sanitaires. Face à l'épidémie d'Ebola, la France, là encore, pas toute seule heureusement, s'est mobilisée, notamment en Guinée pour construire de nouveaux centres et accueillir des malades, former et traiter les personnels soignants qui sont les plus exposés.
L'Organisation Mondiale de la Santé - et c'est une bonne nouvelle - indique qu'il y a une baisse des cas dans les trois pays les plus touchés. Mais là encore le combat n'est pas fini, la lutte contre les pandémies est une priorité.
La France maintient et maintiendra à la disposition du fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, les sommes sur lesquelles nous nous sommes engagés : 360 millions d'euros. De la même manière si l'épidémie d'Ebola nous a conduits à prélever en urgence 25 millions d'euros sur notre contribution à Unitaid, financée par la taxe sur les billets d'avion, ces crédits seront rétablis en 2015, parce que nous considérons que la lutte contre les épidémies fait partie aussi de notre propre sécurité.
Et puis il s'agit à la fois de solidarité mais aussi de stabilité pour l'ensemble du monde. Cette année justement nous allons prendre, la France, une responsabilité particulière puisque nous allons accueillir la conférence sur le climat à Paris. C'est un rendez-vous que le monde a avec lui-même. Le constat maintenant est clair, établi. Les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient partout. Ils touchent en premier les plus pauvres et les plus vulnérables et provoquent des déplacements de populations qui peuvent entrainer de nombreux conflits.
Là encore nous connaissons les conditions d'un succès, c'est-à-dire aboutir à un accord mondial, engageant 193 pays pour que la température du globe n'augmente pas de plus de 2 degrés. Faire en sorte que chacun des pays, et ce sera le moment le plus crucial, annonce ses engagements avant l'été.
Un agenda des solutions accompagnera la transition nécessaire pour lutter contre le changement climatique. Il nous faudra multiplier les opportunités économiques que cet engagement va permettre. Mais il nous faudra aussi lever des fonds pour assurer la transition énergétique.
La première capitalisation du fonds vert a vu le jour avec 10 milliards de dollars prévus entre 2015 et 2018. Nous sommes très loin, encore très loin, de l'objectif qui est de dégager 100 milliards de dollars à partir de 2020. Nous devons donc intensifier tous les efforts, solliciter tous les engagements de manière à ce que des financements innovants puissent s'ajouter aussi aux contributions des Etats.
Nous sommes également conscients qu'il y a eu un échec très grave à Copenhague. Nous en avons tiré toutes les conclusions et n'allons donc pas attendre la conférence de Paris pour réussir un accord de cette importance.
Là encore, attendre serait prendre un risque considérable pour la planète. Nous partons de la conférence de Lima qui s'est tenue en décembre et a permis d'établir une base de travail pour la conférence de Paris. Je salue à cet égard l'action menée par le Pérou où je me rendrai dans les prochaines semaines.
A partir de ce travail-là, la France va agir avec trois principes. Le premier, c'est l'écoute. Je sais que parmi les pays que vous représentez, beaucoup s'interrogent sur la responsabilité que chacun doit prendre. La France entendra chacune de vos préoccupations pour les prendre en compte et faire en sorte qu'il y ait le second principe qui puisse être posé, celui de l'équité. L'accord qui devra être obtenu à Paris devra être différencié en fonction de la situation de chaque pays, de son niveau de développement. Et les pays les plus vulnérables, les plus fragiles, les pays émergents aussi, devront être accompagnés - d'où le rôle du Fonds vert. Le troisième principe c'est celui de la volonté parce que s'il n'y a pas cette volonté, il n'y aura pas d'accord. Et il y aura toujours un bon prétexte pour ne pas signer le jour venu. Et nous savons que s'il n'y a pas de signature il n'y aura plus d'accord sur le climat avant longtemps. Et il ne s'agira plus simplement d'éviter que la planète se réchauffe de 2 degrés mais d'empêcher qu'elle se réchauffe de 3 voire 4 degrés. C'est ce que les experts nous disent et je crains qu'ils aient raison.
La préparation de ce qu'on appelle la COP 21 sera conduite par Laurent FABIUS sous l'égide des Nations unies. Tout le gouvernement français, et notamment la ministre de l'Ecologie, est pleinement mobilisé pour préparer ce rendez-vous essentiel qui associera les sociétés civiles mais aussi les entreprises, les chercheurs, les jeunes de tous les pays.
Je m'y engagerai personnellement, j'irai partout où la voix de la France, celle du pays organisateur de cette conférence, peut être entendue. J'irai à Davos pour m'adresser aux entreprises. J'irai aux Philippines avec Nicolas HULOT et de nombreuses personnalités qui ont fait de la préservation de la planète le combat de leur vie pour, justement, lancer une mobilisation. J'irai avec le président AQUINO sur les zones qui ont été les plus touchées par la catastrophe climatique.
A chaque fois qu'il sera possible de mettre dans l'agenda international la question du climat, la France y mettra toute la force de sa diplomatie, notamment pour le G7 et pour le G20. Je mènerai toutes les discussions qui seront nécessaires au plus haut niveau avec les chefs d'Etat des pays que vous représentez. A la conférence de Paris, ce ne sont pas les chefs d'Etats qui sont les négociateurs, il faut bien comprendre cette réalité. Donc c'est chaque pays qui doit mobiliser sa société, mobiliser ses acteurs. Bien sûr, pour aboutir à un accord à la conférence de Paris, les gouvernements que vous représentez et les chefs d'Etats devront faire des choix à un moment. J'ai salué ce qu'avait été par exemple la déclaration du président OBAMA pour ce qui concerne les Etats-Unis, l'engagement de la Chine, pays le plus émetteur de CO2, qui pour la première fois a confirmé qu'elle s'inscrivait dans ce processus et c'est très important.
Et puis il y a de nombreux pays émergents qui nous ont dit aussi qu'ils ne voulaient pas voir leur croissance et leur développement mis en cause. Mais en même temps ils nous ont dit que si l'accord était juste, ils le signeraient. Les chefs d'Etats, les chefs de gouvernement, seront jugés - et nous forcément les premiers - sur notre capacité à pouvoir dépasser un certain nombre de contraintes, de préjugés, parfois d'intérêts, pour nous placer au niveau qui convient, le niveau de la planète.
Il y a aussi dans cette question du climat un enjeu écologique - chacun l'aura compris - mais également un enjeu économique. Nous devons comprendre qu'à travers les engagements qui vont être pris, c'est une chance pour la croissance, c'est une opportunité pour les technologies, pour les innovations, et il y aura même un critère de compétitivité qui ne sera pas simplement celui des prix ou celui de la qualité des produits, mais celui de leurs contenus en termes d'écologie et d'environnement. Ce seront les pays qui seront les plus en avance sur le plan de la transition énergétique qui seront demain les plus compétitifs. De ce point de vue, la France, a fait voter une loi sur la transition énergétique qui va bientôt arriver au Sénat et qui marquera les objectifs qui sont parfaitement ceux que nous défendons au plan européen et au plan international.
La diplomatie française est une diplomatie qui sert des idéaux, qui sert des principes, qui sert la paix mais qui sert aussi la croissance et la compétitivité.
La concurrence internationale est de plus en plus vive. Elle se trouve dans tous les domaines : les échanges commerciaux, les investissements, l'enseignement supérieur, la recherche, le tourisme. Dans ce contexte, la France ne fait le choix ni de la passivité, qui serait en fait celui de la soumission, ni le choix du repli sur soi, qui d'ailleurs n'aurait aucun avenir et ne permettrait pas de protéger non plus le passé. Il ne le permettrait pas parce que l'histoire de la France est une histoire qui a toujours été celle de l'avant-garde, toujours été celle du mouvement, de l'anticipation. Pas plus que nous n'avons peur du terrorisme, nous n'avons peur de la concurrence ou de la mondialisation.
Nous savons que le monde d'aujourd'hui nous oblige à être à la pointe de l'innovation, à être mobiles, à aller chercher les marchés et les secteurs qui se développent. Et c'est ce que nous faisons pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, pour développer nos exportations et pour renforcer l'attractivité de ce qu'on appelle « le site France », la France.
Notre pays a d'immenses atouts, de l'aéronautique jusqu'aux technologies vertes, en passant par la gastronomie et les industries culturelles. La France doit se réformer et elle le fait. La France entend aussi mieux faire connaître ses performances au plan international, ce qu'on appelle l'image de la France. La France a donné la plus belle image lorsqu'elle a été attaquée : celle d'un peuple qui se met en mouvement, autour de sa dignité, de sa liberté, ce qui fait notre fierté. Cette image-là vaut également au plan culturel, au plan linguistique. Nous voulons promouvoir la langue française qui est la propriété de tous ses locuteurs et je salue ici la secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie. La France a également une compétitivité qui n'est pas simplement sur ses produits mais qui est aussi sur ses innovations, ses recherches, ses talents. Pour nous, recevoir un prix Nobel, d'une certaine façon, c'est montrer notre compétitivité.
Nous avons aussi la volonté de mieux nous faire connaître quant à nos réussites. Je pense que sur nos faiblesses, certains s'emploient suffisamment à les promouvoir pour que nous n'ayons pas à insister davantage. En revanche, sur ce qui fait nos forces, nos qualités, nous pouvons faire mieux que ce que nous faisons aujourd'hui. Et c'est la raison pour laquelle nous avons créé une nouvelle agence, Business France, qui a été créée au 1er janvier de cette année, et qui lancera une campagne « Creative France », parce que la créativité c'est la singularité de la France.
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Vous m'avez adressé vos vux dans une circonstance particulièrement éprouvante et douloureuse. Mais ce qui fait la force d'un vu c'est qu'il puisse être exaucé. Lequel puis-je adresser au monde ? Celui de retrouver les conditions de la paix sûrement. Celui de faire en sorte que le monde puisse être présent au rendez-vous avec lui-même, c'est-à-dire avec son futur, c'est l'enjeu du climat. Celui que nous puissions aussi avoir davantage de prospérité, lutter contre les inégalités, c'est ce que vous appelez la dignité humaine. La dignité humaine, c'est ce qui doit mobiliser plus que jamais l'action de la France et la communauté internationale.
La France est une grande nation qui agit pour elle, qui agit pour le monde et qui agit avec l'Europe. L'Union européenne est sortie de la crise, mais n'a pas encore retrouvé la croissance, celle qui permet de réduire le chômage. Ce doit être sa priorité. C'est le sens du plan JUNCKER. Je viens de quitter le président de la Commission européenne, qui m'a confirmé que l'Union européenne mettrait rapidement en place toutes les procédures, tous les dispositifs, permettant à ce plan de rentrer en vigueur.
La croissance, c'est aussi ce que recherche la Banque centrale européenne qui, sur le plan de l'inflation a atteint tous ses objectifs, puisqu'elle est quasi nulle aujourd'hui en Europe. Je veux saluer son action. L'euro retrouve une parité plus conforme à ses fondamentaux et le niveau du prix du pétrole, qui ne doit pas ralentir nos efforts d'économies d'énergie, améliore le pouvoir d'achat des ménages français, des ménages européens, et les marges des entreprises.
L'Europe doit accompagner ce mouvement en se tournant résolument vers l'avenir, le numérique, les infrastructures, la transition énergétique, l'économie verte. L'Europe doit prendre aussi davantage de responsabilités sur le plan politique, pour régler des conflits, à ses frontières, pour parler à l'autre rive de la Méditerranée, et pour aller plus loin même, dans son action internationale, partout où elle est attendue, où elle est espérée.
Je souhaite qu'il y ait des accords entre Europe et Amérique Latine nous y travaillons Europe et Asie, Europe également avec tout ce qui fait l'ensemble du continent européen, c'est-à-dire aussi ce qui se passe à l'Est, et c'est la raison pour laquelle j'ai indiqué qu'avec la Russie nous devions trouver une nouvelle méthode et une nouvelle confiance.
L'Europe doit être plus active sur le plan international, doit être aussi plus vigilante sur le plan de sa sécurité. J'en ai évoqué les grandes lignes sur la lutte contre le terrorisme. L'Europe doit être plus active sur la question des réfugiés mais aussi dans la lutte contre l'immigration illégale. L'Europe doit revoir ses instruments, ses méthodes, ses ambitions. Le nouveau président du Conseil européen, Donald TUSK, est également sur cette ligne de conduite, comme le président de la Commission européenne.
Mais je veux terminer par une réflexion qui ne vaut pas que pour l'Europe ou pour la France et vaut pour le monde. Quand les menaces se renforcent, quand les risques se multiplient, quand le malheur frappe, les peuples peuvent prendre peur, se replier, se rétracter sur eux-mêmes, se perdre dans les extrémismes et les excès. Nous en voyons déjà les signes, y compris sur le continent européen. Ils ne sont plus avant-coureurs. Ils sont autant d'alertes. Mais les peuples peuvent aussi choisir une autre voie. Les peuples peuvent se lever pour proclamer leur attachement à des principes qui fondent leur identité £ les peuples peuvent également porter un idéal qui les dépasse. Les peuples peuvent susciter une mobilisation. Les peuples peuvent également mettre leurs dirigeants dans l'obligation d'agir. Bref, tout revient toujours vers le peuple. Et le peuple peut faire se lever une espérance et entraîner les autres. C'est ce qu'a fait le peuple français le 11 janvier dernier. Non pas pour donner une leçon mais pour être fidèle au message universel de la France, car le meilleur service que mon pays puisse rendre à la planète c'est de pouvoir être utile, et c'est ce qu'il fera tout au long de l'année 2015. C'est le vu que je formule dans cet instant, dans cette période où beaucoup sont éprouvés et où l'espérance reste encore la force collective. Merci.