26 novembre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le travail des photographes, à Paris le 26 novembre 2014.

Madame la ministre,
Monsieur le Président du jury,
Mesdames et Messieurs les membres du jury,
Mesdames, Messieurs les photographes accrédités à l'Elysée,
Je voulais qu'il y ait un prix qui puisse témoigner du travail que font ces journalistes, ces photographes, au service de la vérité. Car saisir des moments, saisir des visages, saisir des situations, c'est contribuer à la vérité.
C'est vrai que ce prix existait sous une autre forme. Il avait été souhaité par Jacques CHIRAC était remis par l'AFP. Il portait le nom de Georges BENDRIHEM £ un photoreporter qui avait longtemps accompagné le Président CHIRAC et qui était, comme l'a rappelé Pierre LESCURE, décédé lors d'un accident en Tunisie. Ce prix avait disparu en 2008. J'ai considéré que nous devions le rétablir sous une autre forme, avec ce prix ouvert aux photographes accrédités, sur l'Elysée, sur la maison de la République.
Ces photographes accrédités, je les vois régulièrement à toutes les occasions. Je me pose toujours cette question : « mais pourquoi reviennent-ils pour voir les mêmes situations, les mêmes protocoles et parfois même, les mêmes invités ? » Ils reviennent parce que chaque situation est, à la fois, la même et différente. Quelquefois je sens ce regard appuyé d'un appareil photographique sur moi Il suffit de la moindre désinvolture, du moindre regard en biais et je ne parle pas de tenue vestimentaire pour que cela soit immédiatement légendé !
La photo est aussi, d'une certaine façon, un message. C'est pourquoi, il faut y faire attention : les photographes doivent garder l'objectif de vérité et celui ou celle qui est photographié doit savoir qu'il est l'objet de cette curiosité pour autant que le contrôle puisse se faire Rien n'échappe à un photographe ou à une photographe ! Parce que justement, il y a des moments où rien ne peut être contrôlé : une émotion, un regard et parfois une situation cocasse... C'est cela que, à un moment, vous avez-vous-même saisi.
Je souhaitais aussi que ce prix puisse récompenser les photographes qui font un travail de reportage extrêmement difficile et dangereux. Je me souviens d'un moment très particulier dans la campagne présidentielle, lorsque Rémi OCHLIK est mort en Syrie. Une exposition lui avait été réservée à mon siège de campagne. J'avais reçu sa compagne, ses amis C'était un moment particulièrement douloureux. Ce journaliste était parti, parmi d'autres, pour aller chercher la vérité au moment où la crise syrienne n'en était qu'à son commencement. On voit où elle en est aujourd'hui
J'ai aussi une pensée pour Camille LEPAGE, cette jeune fille qui était partie en Centrafrique et qui a été assassinée dans des conditions particulièrement horribles. C'était au début de l'année 2014. Je me souviens encore de la réception, hélas, du corps avec sa famille. Une jeune journaliste qui voulait, là-aussi, chercher à comprendre ce qui se passait en Centrafrique.
C'est la mission des journalistes : aller, comme le disait CAPA, « au plus près ». Au plus près du Président, c'est sans risque, sauf pour le Président ! Mais, au plus près des guerres, au plus près des combattants, au plus près de la misère, au plus près de la maladie C'est aussi cela que font les photographes. Et je veux ici saluer ce travail. Je ne fais pas de différence entre l'image et le texte. Il y a des images qui doivent être accompagnées de textes, il y a des images qui se suffisent par elles-mêmes.
Un jury a été constitué, Stéphane RUET en a pris l'initiative. A qui d'autre s'adresser qu'à Pierre LESCURE ? Non parce qu'il est devenu Président du festival de Cannes et qu'il y aurait maintenant une volonté de monter ces quelques marches avec lui Mais parce que je crois que, s'il en est un qui connait l'univers des médias en général et de la photographie en particulier, s'il en est un qui apprécie cette recherche, ce travail, ce soin et cette qualité, c'est bien Pierre LESCURE. Je voudrais féliciter les membres du jury parce que, je les connais, ce sont de grands professionnels dans des domaines différents, même si l'image est ce qui les unit : l'image sportive, l'image d'art, l'image d'actualité, l'image de cinéma Je pense que c'était les meilleurs sélectionneurs pour aboutir à cette récompense.
Vous, Michel EULER, vous avez commencé votre parcours à Keyston et vous êtes aujourd'hui à l'Associated Press. Vous avez fait beaucoup de reportage, y compris en Afrique, à Kinshasa. Ceci vous a valu de trouver une compagne et de fonder une famille ce que vous n'aviez pas pu trouver à l'Elysée, vous l'avez trouvé en République démocratique du Congo ! Et vous en êtes très heureux.
Vous avez donc suivi une partie de mes activités et vous avez pris la photo qui a été sélectionnée. Je me suis posé la question, pourquoi ? Est-ce en raison du sabre qui pouvait être saisi, à un moment, par moi ? On pourrait en avoir l'impression Est-ce que c'est le sourire d'une situation où je suis entouré de Gardes républicains et où il y a, malgré la solennité du lieu et de l'instant, la volonté d'accueillir ?
Je suis ici dans une situation d'accueillir lors d'un sommet européen consacré au chômage des jeunes. Même pour le chômage des jeunes, on met des Gardes républicains. Parce que ce lieu doit avoir de la solennité, quel que soit le sujet traité. Aussi léger, aussi grave qu'il soit, cette solennité doit être à un moment marquée. C'est très important de recevoir. Je veux saluer, en même temps que cette photo, les Gardes républicains. Je trouve que ces hommes et ces femmes font un travail tout à fait merveilleux en gardant à chaque fois cette position. Ils ne sourient jamais même s'ils peuvent être saisis par le caractère cocasse de certaines scènes. Ils sont à chaque fois capables d'illustrer la République.
Cette photo est donc aussi un message de la permanence de la République, de la permanence du lieu et l'image d'une personnalité, en l'occurrence l'actuel Président, qui a néanmoins le sourire quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe. Il y a également et je crois que c'était ce que vous avez voulu saisir l'arme qui est un sabre tout à fait pacifique en l'occurrence, qui est un sabre de respect et aussi de protocole.
Cette photo n'a été prise que par un seul déclic si je comprends bien, avant que d'autres Gardes républicains vous fassent respecter les usages et le protocole ! Vous étiez dans une position qui généralement n'est pas autorisée. Les photographes sont, et ils le savent bien, mis d'un côté ou de l'autre. Ceci permet d'être photographié avec mes deux profils, de face, et parfois même de dos ! Là, en l'occurrence, c'était de côté.
Je veux insister sur le caractère artistique de la photo. Il y a bien sûr une actualité qui est produite par la photo. Mais la photo, c'est un art qui n'est pas un art mineur. C'est un art qui permet justement de pouvoir être durable. Qu'est-ce qui fait qu'une photo devient artistique ? C'est quand on peut la regarder très longtemps après et qu'elle peut illustrer bien plus qu'une personne, bien plus qu'une circonstance, qu'elle peut illustrer, en l'occurrence, une maison, celle que nous avons voulu aussi célébrer à travers ce prix : l'Elysée avec toutes celles et tous ceux qui vivent ici.
Michel EULER, vous êtes Suisse et Français. Franco-suisse ! Je veux être clair : vous payez vos impôts ici en France ! Que l'on ne pense pas qu'il y ait la moindre ambiguïté. Vous êtes très attaché à la France, tout en gardant vos racines suisses car vous êtes d'une lignée tout à fait impressionnante. Mais vous avez justement, par vos origines familiales, le sens du monde, vous êtes ouvert au monde. Vous venez du monde entier mais vous êtes ici en France et d'une certaine façon, par votre travail, au service de la France.
Je voulais par ma présence ici, par ce prix, remercier toutes celles et tous ceux qui contribuent à faire connaitre cette maison de l'Elysée, qui surprend toujours, qui intéresse, qui passionne, qui fascine... Vous êtes les seuls témoins qui peuvent restituer ce qui s'y produit. Je veux avoir une pensée pour vous, parce que quel que soit le temps qu'il fait, vous êtes là. On se plaint souvent, parfois, du climat que je subis, mais vous êtes toujours avec moi, toujours présents, quelles que soient les situations, quels que soient les lieux, quel que soit le pays. Vous me suivez et je me sens donc solidaire de vous comme, je l'imagine, vous êtes solidaires du Président de la République.
Merci.