16 novembre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'inauguration de l'usine de nickel KNS en Nouvelle-Calédonie, à Voh le 16 novembre 2014.


Madame la ministre,
Mesdames, Messieurs les parlementaires
Monsieur le Président de la Province Nord,
Mesdames, Messieurs les élus,
Monsieur le président de KNS,
Monsieur le représentant de Glencore,
Monsieur le président de la SMSP,
Mesdames, Messieurs,
Je viens d'assister à un événement considérable : la création d'une usine la plus moderne du monde ici, en Nouvelle-Calédonie.
C'est un événement exceptionnel aussi parce que c'est le plus grand projet industriel réalisé en France depuis des années. Vous avez rappelé les chiffres : 7 milliards de dollars. Cet investissement s'est fait ici, dans la province Nord dont M. le Président Paul NEAOUTYINE, vous aviez un moment espéré qu'il se fasse, vous en aviez rêvé et aujourd'hui, c'est fait.
Je rends à mon tour hommage à tous ceux qui ont permis que ce projet, cet immense projet puisse enfin se réaliser.
D'abord, tous les actionnaires mais aussi les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers qui sont pour partie rassemblés. Ils viennent de Nouvelle-Calédonie - les plus nombreux- mais aussi de l'Hexagone, du Canada et de beaucoup de pays du monde parce qu'ils viennent apporter leurs compétences, leurs expertises, leurs qualifications. Mais l'usine du Nord, vous l'avez dit M. le Président, est bien plus qu'un projet industriel. C'est d'une certaine façon un accomplissement politique. C'est un symbole fort pour la Nouvelle-Calédonie.
Symbole d'abord du rééquilibrage, qui avait été le maître-mot des accords de Matignon voulu par Jean-Marie TJIBAOU et Jacques LAFLEUR, auxquels j'ai rendu hommage ce matin. Le rééquilibrage, c'était la condition. C'était la clef de la réconciliation. Le rééquilibrage, ce n'était pas simplement entre les communautés, c'était aussi entre les régions, le Sud et le Nord. Il ne s'agissait pas de prendre au Sud pour donner au Nord. Il s'agissait d'envisager un développement global pour la Nouvelle-Calédonie et qui puisse profiter à tous. Ce que nous célébrons aujourd'hui, c'est une usine exceptionnelle, un investissement considérable. C'est aussi la reconnaissance du droit légitime des populations du Nord de la Nouvelle-Calédonie à pouvoir valoriser leurs ressources £ le nickel pour créer des emplois et distribuer des richesses, là où elles se créent.
Le nickel est la principale ressource de la Nouvelle-Calédonie. Ce n'est pas la seule, il y en a bien d'autres. Richesses industrielles, richesses agricoles, richesses aquatiques, richesses touristiques. Il se trouve que la Nouvelle-Calédonie dispose d'une ressource qui la place parmi les territoires où il y a les plus grandes réserves de minerais au monde. Ça donne des droits et ça créé aussi des responsabilités. Le nickel se trouve au Nord de la Nouvelle-Calédonie et pourtant pendant longtemps, c'était au Sud qu'il y avait l'usine. Cette usine demeurera et se modernisera. Mais aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie avec ce projet qui vient d'être réalisé, peut non seulement détenir une ressource de nickel, peut non seulement l'exporter mais peut surtout la valoriser, la transformer pour en tirer le meilleur parti.
Quand un projet de cet ampleur se créé, on se demande pourquoi il a fallu autant de temps - c'est d'ailleurs une question que l'on se pose sur beaucoup de sujets - pourquoi il faut autant de temps entre une décision et son accomplissement. Il s'agissait-là d'abord d'un rêve, c'est-à-dire de l'idée qu'il pouvait être possible d'installer ici une usine. Fallait-il encore qu'il y ait les conditions.
Première condition, ce fut justement les accords de Matignon.
Tout a commencé par la vente que Jacques LAFLEUR a réalisé de la SMSP à la Sofinor. Puis ensuite, cette société a continué d'exploiter le minerai pour le vendre, en tirer les bénéfices nécessaires puis financer des opérations de développement. Mais fallait-il ensuite pouvoir réaliser une usine ! Il fallait donc trouver un accord économique autant qu'un accord politique et ce ne fut pas facile.
Le partenaire industriel choisi par la province Nord ne pouvait dégager les financements de cette ampleur sans l'assurance de disposer pour une durée suffisante de la ressource minérale à transformer. Il fallait faire un montage, un montage compliqué. Il fallait rechercher entre la SMSP et Eramet un échange de gisements permettant à la première, la SMSP, d'acquérir les titres d'exploitations du massif de Koniambo et à Eramet d'être indemnisé dans des conditions équitables. Voilà comment se posait le problème et ce fut l'accord de Bercy en 1998 qui permit cet échange des titres miniers et ainsi ouvrit la voie à la réalisation de l'usine métallurgique du Nord.
Voilà l'étape qu'il fallait franchir et voilà le temps qu'il a fallu dégager.
Cet accord fut exemplaire puisqu'il y avait des intérêts publics, des intérêts privés. Ils devaient tous être préservés et nous en avons aujourd'hui le résultat.
Il fallait aussi d'autres conditions qui n'étaient plus politiques, qui n'étaient pas économiques, qui étaient culturelles. Fallait-il encore que la population de la province du Nord, que la population qui vivait à côté de ce projet qui n'était pas encore réalité, puisse l'accepter. Ce fut toute la démarche de Paul NEAOUTYINE pour faire comprendre, impliquer les populations. Faire valoir le bon accompagnement social, urbain, environnemental et sans ce travail-là, le projet n'aurait pas pu aboutir.
Ici, vous l'avez rappelé, il y a eu d'abord la construction.
6 000 salariés, un immense chantier qui a déjà changé les conditions économiques de la Nouvelle-Calédonie et notamment de la province du Nord.
Près de 2 000 emplois sur le site - entre les 1 200 de l'usine plus les sous-traitants, sans oublier tous les emplois indirects - voilà ce que va représenter cet investissement. C'est considérable.
Mais faire en sorte qu'il puisse y avoir des emplois, c'est bien mais fallait-il encore s'assurer que la population calédonienne pouvait en tirer le meilleur bénéfice et que les jeunes puissent être accueillis dans cette usine. C'est vrai que tous les emplois ne sont pas occupés par des personnes originaires du Nord de la Nouvelle-Calédonie. Il y a beaucoup de Néo-calédoniens, de partout, mais il a fallu aussi faire venir d'autres jeunes de Métropole, d'Europe, de Polynésie, du monde entier beaucoup de Canadiens, de Canadiens du Québec. Ça facilite la communication et la Francophonie y a toute sa place ici. Mais c'était très important qu'il y ait justement cette diversité, cette composition à l'image-même de ce qu'est la Nouvelle-Calédonie : que chacun y soit considéré, reconnu, qu'il y ait cette symbiose, cette communauté nouvelle qui puisse préfigurer de ce que sera la Nouvelle-Calédonie demain. De ce point de vue, l'usine est également un beau symbole.
Il fallait aussi une autre condition. Vous savez que la France va accueillir la Conférence sur le climat l'année prochaine. Il aurait été inconcevable que la France puisse réaliser ou faire réaliser un investissement de cette ampleur qui ne soit pas lui-même respectueux de l'environnement et c'est ce que vous avez accompli. Je veux saluer cette performance.
Il y a derrière moi une performance industrielle, une performance scientifique puisqu'un procédé nouveau a été ici développé. Mais il y a aussi une performance environnementale et vous deviez être à la hauteur du site invraisemblable, exceptionnel qui se situe derrière moi. Dans un des plus beaux lagons du monde, vous n'auriez pas eu le droit de défigurer ce site. C'est pourquoi vous avez fait en sorte qu'il puisse presque s'intégrer dans le paysage et qu'il y ait le moins de retombés négatives pour l'environnement et surtout qu'il y ait le moins possible de gaz à effet de serre et donc de gaz carboniques. Vous avez même réussi et vous réussirez encore d'avantage demain à recycler une partie de vos déchets et à faire en sorte demain de capturer le carbonne.
Rien n'aurait été possible sans Glencore, ce très grand groupe minier, ce groupe de taille internationale qui a investi de la meilleure des manières : dans la durée.
Nous avons besoin d'investissements, c'est une nécessité. Aucun pays ne peut imaginer son avenir sans investissements. Investissements publics lorsque ce sont des infrastructures, investissements privés lorsqu'il s'agit de développer des technologies, d'anticiper sur les mutations, investissements pour que la recherche puisse trouver sa traduction. Tout ce que je fais pour mon pays, c'est de mettre les conditions pour que l'investissement soit le plus fort possible. Tout ce que je fais y compris de simplifier, d'alléger le coût du travail, de favoriser l'innovation, d'introduire des mécanismes pour la recherche, c'est pour l'investissement. Ce que vous faites en Nouvelle-Calédonie, c'est pour l'investissement parce que vous travaillez, nous travaillons tous, pour les générations futures. C'est d'autant plus important d'investir quand on a une ressource qui elle-même est limitée.
J'évoquais le nickel comme richesse pour la Nouvelle-Calédonie. Richesse précieuse, richesses considérable puisque vous disposez de 20% des réserves mondiales de nickel et d'un nickel de très haute qualité, de très haute teneur. Mais même une ressource aussi exceptionnelle n'est pas illimitée et vous devez déjà préparer l'après-nickel. D'ici-là, développer une stratégie du nickel qui est aussi contenue dans ce qu'est l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Cette forme d'émancipation, vous pouvez la réaliser à travers cet outil de développement.
La Nouvelle-Calédonie aura à évoquer les conditions de son avenir prochainement. Il y a ce qui relève de la consultation, qui est prévue. Il y a les transferts de compétences mais il y a le nickel.
Vous devez tous imaginer ce que sera votre stratégie. Il s'agit de savoir ce que vous pouvez produire, ce que vous pouvez réserver à l'exportation, si vous en décidez. Il y a des questions liées au partage de la richesse créée, au réinvestissement des bénéfices, aux formations indispensables pour pouvoir répondre aux besoins de l'économie et notamment des entreprises qui travailleront sur cette ressource. Vous avez à faire des choix et je m'engage à ce que l'Etat soit à vos côtés pour cette stratégie du nickel. A la fois par le transfert des compétences mais également par la défiscalisation et par l'expertise que nous pouvons apporter. Nous avons ici présents dans cette salle des hommes et des femmes qui sont à la disposition de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en uvre de cette stratégie du nickel.
Je veux terminer par là où j'ai commencé, la signification de cette usine. Une des plus grandes usines au monde, une des plus performantes, une des plus réussies, une des plus écologiques, une des plus intégrées et j'allais dire une usine politique. Il faut veiller à ne pas faire de l'économie un enjeu politique, mais il faut aussi savoir que l'économie peut avoir des conséquences politiques.
Ce qui se construit à travers cette usine, c'est l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Le haut niveau que vous avez atteint grâce à cette usine, vous permet d'être plein d'espoirs pour votre avenir. L'avenir que vous choisirez.
Merci.