16 octobre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le projet de loi relatif à la santé et sur le rôle de l'Ordre des médecins, à Paris le 16 octobre 2014.

Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mesdames, messieurs les conseillers,
Mesdames, messieurs,
L'Ordre national des médecins aura donc attendu 70 ans, non pas le Président de la République, mais pour organiser son premier congrès national. Et c'est ce que vous avez voulu Monsieur le Président : dès votre élection vous m'aviez également invité à venir à ce congrès. Je vous en remercie, car il me permet non seulement de répondre à une sollicitation, mais de saluer une institution, la vôtre, qui est essentielle pour les médecins de France et pour l'ensemble de nos concitoyens. Savoir qu'une institution pose des règles et les fait respecter, c'est une garantie.
Mais ma présence est aussi une occasion de m'adresser à travers-vous à tous les médecins de France, qui s'interrogent, et vous avez exprimé par vos mots, et par vos engagements ce que vous attendez des pouvoirs publics et de la nation, comme ce qu'elle attend de vous.
Vous avez dit que vous vouliez vous engager au service de tous pour le progrès. C'est une belle conviction, mais c'est aussi une réponse, car la santé reste plus que jamais au cur des préoccupations de nos compatriotes. Ces préoccupations peuvent être des espoirs, lorsqu'un nouveau traitement promet de guérir une maladie qui jusque-là était incurable. Cette préoccupation peut aussi être une inquiétude, lorsque de nouveaux risques apparaissent.
Ce sont aussi des interrogations que les Français se posent et qui sont légitimes. Est-ce que nous aurons toujours les moyens d'offrir dans notre pays, à tous les malades les meilleurs soins ? Par exemple pour l'hépatite C, est-ce que nous pourrons dégager autant de crédits que nécessaire pour répondre à toutes les demandes ? Déjà plus de 500 millions d'euros pour l'année 2015 ont été dégagés à ce seul effet, et à terme ce sera un milliard. Au temps où des économies sont, à juste raison demandées, est-ce qu'il sera possible de soigner toujours, à ce prix ? Et nous devons les uns et les autres, pouvoirs publics et médecins, répondre.
Deuxième interrogation, vous l'avez également évoquée, y-aura-t-il toujours des médecins partout sur notre territoire ? Dans les espaces ruraux que l'on dit isolés, ou dans les quartiers urbains, où un certain nombre de suspicions ou de doutes, peuvent dissuader l'installation. Comment être sûr aussi que le médicament qui va être prescrit est bien nécessaire et ne comporte pas lui-même un danger ?
Sommes-nous protégés contre les épidémies ? Nous pensons tous en cet instant au virus Ebola. Hier j'ai échangé, par visio-conférence, avec le Président OBAMA, la Chancelière MERKEL, le Premier ministre britannique, le Premier ministre italien. Tous se mobilisent et tant mieux, pour que toutes les dispositions soient prises à l'échelle des pays qui sont d'abord touchés, en Afrique de l'Ouest et également par rapport aux menaces, qui nous concernent tous. Sans doute que la mobilisation a trop tardé, mais la France, elle, a pris toutes les précautions : encore aujourd'hui au moment même où s'ouvre votre congrès, les transports aériens font l'objet d'une vigilance particulière avec des contrôles au départ et à l'arrivée. De la même manière, la France a, pour la Guinée, mis en place plusieurs centres de traitement, et je veux saluer ici les organisations humanitaires, notamment Médecins sans frontières, sans lesquelles il ne serait pas possible d'agir.
J'ai moi-même décidé avec la ministre de la Santé et le ministre de la Défense, que nous pourrions installer un centre pour soigner au cur de la forêt Guinéenne, mais faut-il aussi que des médecins, des personnels soignants se rendent sur place. Nous avons donc fait en sorte que les conditions d'évacuation de ces médecins et de ces personnels puissent être assurées. Et je veux ici les saluer, et les remercier pour l'action qu'ils mènent dans ces pays, avec les risques que chacun connaît.
La France a également envoyé, des éléments de la protection civile pour aider à l'encadrement des personnels guinéens et faire face à ces dangers. Sommes-nous pour autant totalement prémunis ? Ce serait audacieux que de le dire, alors nous faisons en sorte que si un cas devait apparaître, nous puissions le traiter et le guérir, et ce fut déjà le cas, puisqu'un personnel soignant qui était au Liberia et non pas en Guinée a pu, non seulement être traité, mais être guéri.
Voilà les interrogations que se posent nos compatriotes, et cette question, cette question légitime de la protection, , elle est posée aussi bien aux pouvoirs publics, qu'aux personnels, et aux professionnels, et d'abord aux médecins.
Mesdames et messieurs, vous êtes médecins, c'est une profession que je connais bien, puisque je suis à la fois fils de médecin, et père d'une jeune interne. Mais en même temps, je ne suis pas médecin. Encore que d'une certaine façon j'essaie de soigner, sans avoir les taux de confiance que votre profession est néanmoins capable d'obtenir !
J'ai pu observer grâce à cette expérience, les évolutions de votre métier au cours des dernières décennies. Avec les immenses progrès médicaux, et en même temps de nouvelles difficultés qui ont surgi. Ces bouleversements ne vous ont pas détournés de votre vocation, qui est de soigner. Soigner, c'est réfléchir, proposer et assumer.
Réfléchir d'abord, en tenant compte des évolutions continues de la connaissance médicale, de l'imagerie, de la biologie, de l'arrivée de traitements que l'on ne connaissait pas, que vous ne connaissiez pas au moment même où vous faisiez vos études. Cela suppose un travail continu pour mettre à jour les connaissances et pour soigner au mieux.
Soigner c'est aussi proposer, proposer un traitement, en prenant en compte les craintes, les souhaits du patient, de la famille, et c'est ce que vous avez compris depuis longtemps, que le médecin ne décidait plus seul, que le malade avait vu ses droits reconnus, et que soigner était un acte partagé, entre celui qui sait, le médecin, et celui qui souffre, le patient.
Soigner c'est enfin, assumer. Assumer le fait que la médecine est aujourd'hui l'objet de remises en cause, elle n'est pas la seule, d'informations multiples, de préjugés, de rumeurs, qui font qu'aujourd'hui le malade croit en savoir d'avantage même que le médecin. Que son niveau d'exigence s'est accru. Alors il faut assumer que l'acte médical est un acte, responsable. Il y a aussi, je veux ici vous apporter mon soutien, les menaces de prolongement judiciaire lorsqu'un acte est mal fondé, mal posé, avec tous les abus possible, et toutes les responsabilités que vous êtes obligés parfois là aussi d'assumer. Et pourtant, vous l'avez rappelé monsieur le Président, les médecins ont toujours occupé dans nos sociétés une place particulière, et encore d'avantage aujourd'hui.
Parce que vous êtes confrontés à toutes les situations, à tous les milieux sociaux, à toutes les souffrances, à toutes les fragilités. Et vous y répondez avec un principe essentiel qui est le secret et la confidentialité. Vous êtes en butte, et chacun le sait à l'outrance, parfois à la violence dans l'exercice même de votre métier. C'est le sens de ma présence ici : vous méritez le respect et le soutien de tous, et d'abord de l'Etat. Vous faites face à de nouveaux défis, en plus que de soigner comme vous l'avez toujours fait. J'ai évoqué les progrès de la science, la nécessité d'une médecine plus personnalisée, avec aussi des traitements qui sont toujours plus ciblés et donc toujours plus coûteux au moment même où on vous demande de maitriser la dépense.
Pour supporter cette pression, notre système de santé doit être plus efficace aussi bien pour prévenir les maladies, que pour les guérir. La maîtrise des dépenses de santé a fait beaucoup de progrès. Je ne parle pas du raffinement des techniques et des instruments, mais de la compréhension mutuelle. Cette maîtrise ne doit pas être comptable, on le dit tellement, et on fait souvent différemment. Et pour qu'elle ne soit pas une maîtrise comptable, les médecins doivent jouer tout leur rôle en développant eux-mêmes des outils de régulation, fondés sur l'expérience et la responsabilité médicale. C'est le sens de la stratégie nationale de santé et du projet de loi que Mme TOURAINE a présenté hier au Conseil des ministres. Vous en serez les acteurs centraux.
Quels sont ces objectifs ? Le premier, c'est la priorité qui doit être donnée à la prévention et à l'éducation à la santé. Trop longtemps, la France a été timide, dans la lutte contre les causes qui étaient pourtant évitables de maladie et de décès. Je pense aux accidents de la route même si là, des résultats très impressionnants ont été constatés. Je pense aux accidents domestiques. Je pense bien sûr au tabac, à l'alcool et aux addictions.
En lançant un programme national de prévention du tabagisme, qui d'ailleurs verra un certain nombre de ces dispositions intégrées dans la loi santé, il s'agit de s'attaquer à l'une des premières causes de mortalité dans notre pays. Avec un défaut d'information, qui n'est pas simplement dû la pression de l'industrie du tabac, mais à une forme d'indifférence par rapport, pourtant, à des statistiques qui sont incontestables. On meurt plus tôt, on meurt plus douloureusement et on meurt plus vite à cause du tabac. Ce programme est un exemple de la volonté de prévenir qui doit être la nôtre.
Mais ce programme aussi ambitieux soit-il, même avec un certain nombre de dispositions qui forcément susciteront la méfiance, parfois l'opposition d'un certain nombre de personnes dans notre pays, ne pourra marcher que si les médecins sont eux-mêmes pleinement intégrés et associés. Il en est de même pour les médecins scolaires qui doivent être encore davantage reconnus pour faire partager à nos enfants les bons réflexes, les médecins du travail, pour éviter les accidents et les maladies professionnelles et surtout les médecins généralistes, les médecins de famille, qui sont les porteurs naturels des messages de prévention. Mais ça vaut également pour les médecins spécialistes à la ville et à l'hôpital pour prodiguer au bon moment, les bons conseils, pour qu'il n'y ait pas aggravation ou récidive.
Le deuxième objectif de cette stratégie, et donc de ce projet de loi, c'est la médecine de parcours, là encore nous n'avons pas inventé, nous avons tout simplement regardé. La médecine de parcours c'est ce que vous faites depuis longtemps, peut-être est-ce même ce que vous avez toujours fait. La médecine de parcours, faire tout simplement des coopérations, et partout on regarde les maisons de santé sortir de terre, les cabinets qui se sont regroupés depuis déjà des décennies, et des organisations de plus en plus innovantes qui associent les médecins, les paramédicaux et les établissements.
Le projet de loi encouragera donc toutes ces initiatives, en donnant de nouveaux instruments aux agences régionales de santé dans le cadre du « service territorial de santé au public ». C'est là que le sujet se pose.
« Service territorial de santé au public », la formule peut susciter déjà un certain nombre de remarques. C'est trop long pour une idée qui est toute simple. Car ce service n'est pas un service public au sens d'une organisation, d'une administration, d'un carcan. Il ne s'agit pas d'enfermer tout le monde dans un modèle unique, cela n'a jamais marché.
C'est pourquoi, et la ministre de la Santé en est parfaitement consciente, je demande aux ARS de veiller à ce que toutes les souplesses soient données et surtout que les conseils de l'Ordre en région et dans les départements puissent s'impliquer dans ce mouvement qui vise tout simplement à une meilleure prise en charge du patient.
Car la concertation que vous avez réclamée, monsieur le Président, elle vaut pour l'examen du projet de loi et elle vaudra pour l'application de la loi, qui ne pourra d'ailleurs entrer vraiment et pleinement en vigueur que si les médecins sont pleinement associés et reconnus dans ce processus.
Le Gouvernement a souhaité aussi que le dossier médical partagé, qui a coûté bien cher et qui a rapporté si peu, soit relancé. Alors, allez-vous me dire, si c'est pour arriver au même résultat, mieux vaut faire l'économie tout de suite. Qu'est-ce que nous devons donc rechercher ? Rechercher une information qui doit circuler tout au long du parcours du patient. Mais si la confidentialité a ses exigences, il faut qu'il y ait de l'exhaustivité, sinon ce dossier médical ne sert à rien, s'il ne permet pas aux médecins de connaitre exactement le parcours du malade. C'est là que nous devons agir et c'est là, puisqu'il s'agit là aussi de confidentialité, de transparence et d'exhaustivité, que l'Ordre peut jouer son rôle
Le troisième objectif de la loi, ce sera l'accès de tous aux meilleurs soins. C'est le sens même de l'engagement du médecin, mais c'est le devoir du Gouvernement.
C'est pourquoi plusieurs réformes ont été lancées, dont toutes n'ont pas encore abouti.
Première réforme, le contrat d'accès aux soins, pour limiter la dérive des dépassements d'honoraires. Le sujet a été longtemps controversé. Je constate que plus de 10 000 médecins ont déjà adopté ce nouveau dispositif.
Ensuite, il y a la complémentaire santé à l'horizon 2017, dernier étage de notre système de notre protection sociale. Là aussi, et sans que le dispositif ait encore totalement abouti, je fais le constat que le reste à charge en France est l'un des plus faibles, peut-être même le plus faible de tous les pays industrialisés. Et qu'il continue encore de diminuer. Ce doit être un sujet de fierté.
Arrive la question du tiers-payant qui sera généralisé d'ici 2017. Je connais là aussi les réserves, j'entends les murmures. Là encore, l'Ordre a pris ses responsabilités. Cela ne veut pas dire qu'il a approuvé, cela veut dire qu'il a confirmé que cet objectif ne remettait pas en cause l'indépendance professionnelle des praticiens. A condition que le mécanisme soit assorti de garanties, de bon sens - c'est très important le bon sens, ce n'est pas toujours dans la loi- de garanties par rapport au contrôle des caisses. Parce qu'il convient que ce ne soit pas un système de contrôle, mais un système de paiement pour le malade et cela est très important.
L'Ordre des médecins est donc, si je reprends les objectifs de la stratégie nationale de santé, un indispensable partenaire pour les pouvoirs publics. Il n'est pas le seul, il y a des organisations représentatives de la profession. Il y a d'autres ordres, d'autres professions. Mais l'Ordre des médecins est un partenaire indispensable.
En premier lieu, parce que l'Ordre est celui de tous les médecins. Il fut un temps, ou il y avait des contestations, il y a avait des mouvements mêmes qui se créaient parmi les médecins pour mettre en cause cette institution. Il n'en est plus rien. Et c'est une garantie aussi pour notre pays.
Votre première responsabilité et vous ne l'avez pas écartée, c'est de les fédérer tous, quel que soit leur mode d'exercice.
Votre deuxième responsabilité, c'est de garantir une médecine de qualité, conforme aux meilleures pratiques. Et les textes récents ont reconnu le rôle de l'Ordre des médecins pour aller dans cette direction.
D'abord en confiant à l'Ordre la validation de l'obligation de développement professionnel continu des médecins. Qui mieux que l'Ordre peut savoir comment former en continu les professionnels ? Ensuite en faisant de votre institution la voie aux côtés de l'université pour reconnaitre les acquis de l'expérience, par la délivrance d'un diplôme. Cela sera bientôt le cas en oncologie.
L'Ordre s'tait également ému de ne pouvoir agir en cas de doute sérieux sur la compétence d'un praticien. Là encore, un décret a été élaboré en concertation avec vous pour donner aux conseils dans les régions, la possibilité de suspendre partiellement ou totalement un médecin qui aurait fait preuve d'insuffisance professionnelle.
Votre troisième responsabilité, c'est d'encourager le travail collectif, entre médecins bien sûr, mais aussi entre tous les professionnels. Je sais, monsieur le Président, votre attachement à aller vers une communauté entre les professions de santé, sans qu'aucune ne se confonde avec une autre.
Pour inventer les nouvelles formes de travail nous devons progresser dans les délégations de tâche, ce n'est pas facile. Qui fait quoi et jusqu'où ? Mieux répartir les actes afin que chacun puisse se consacrer à son cur de métier. Les ordres nationaux sont ici au premier rang, puisque ce sont eux qui ont vocation à réfléchir sur ces référentiels « métiers ». J'ai confiance en votre capacité à avancer sur cette question majeure et notamment par rapport au débat qui s'est ouvert sur les professions. Car nous devons à la fois faire en sorte que vous puissiez travailler ensemble et que chacun puisse rester sur son métier.
Le rôle de l'Ordre est aussi de contribuer à la maîtrise de la démographie médicale.
Par l'inscription obligatoire, vous disposez de la vision la plus précise de l'évolution, de la répartition des médecins par spécialité et sur le territoire. Vous avez décidé cette année d'aller plus loin encore dans la transparence en mettant à la disposition de tous les médecins, mais aussi des régulateurs et donc aussi des patients, une cartographie régulièrement mise à jour sur la démographie médicale, détaillant même la situation jusqu'au bassin de vie.
Je souhaite que ce soit votre document, le document de l'Ordre, qui contribue à orienter les aides et les soutiens des pouvoirs publics pour lutter contre les inégalités territoriales.
Enfin, le fondement de votre mission c'est d'être les gardiens d'une éthique, de l'éthique médicale, celle qui touche à l'essentiel, à la vie.
L'éthique médicale n'est pas figée. Certes elle se réfère à des principes qui ont été posés il y a bien longtemps et qui sont intangibles. Mais l'éthique médicale doit aussi s'adapter aux progrès, aux avancées des connaissances et des technologies, aux problèmes économiques, aux coûts, aux aspirations de la société. C'est votre rôle, non pas de faire changer l'éthique, mais de poser sur chaque nouvelle question les règles morales qui sont indispensables.
Lors du Congrès international de morale médicale qui s'était tenu en 1966, le Général de GAULLE était intervenu. Il avait défini la raison d'être de l'Ordre en disant que son rôle consistait précisément à « aider chacun de ses membres, au long de sa vocation pour qu'il n'en exerce que mieux son droit et son devoir de discerner et de choisir. ». Cela reste encore vrai aujourd'hui.
L'éthique médicale, c'est une éthique de responsabilité. Votre position vis-à-vis du refus de soins est claire. Je vous en félicite. Votre éthique, c'est de soigner toutes et tous ceux qui se présentent à vous, sans distinction, quelle que soit leur situation.
L'éthique médicale, c'est aussi d'être maître de ses actes et de ses prescriptions. Mais, c'est vrai, que si le médecin veut, doit, être maître de ses actes, il est aussi responsable de ses actes. Car ces actes engagent la collectivité et il doit donc y avoir de justes prescriptions, ce sont celles qui sont recommandées par la Haute autorité de santé et le médecin doit s'interroger lorsqu'il ne les respecte pas.
L'éthique médicale, c'est aussi une éthique dans la confiance, dans la relation médecin/malade. Elle exige la transparence, ce que vous posez vous-même : transparence sur les diplômes, sur les compétences, transparence sur les liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique. Là encore, notre système est perfectible et c'est à l'Ordre des médecins de contribuer à cette amélioration.
L'éthique médicale, c'est de répondre aux questions sur la fin de vie. Vous abordez ce sujet. C'est vrai que la loi actuelle demeure encore trop mal connue, parfois même mal comprise, mal appliquée, mal interprétée. Elle ne répond pas non plus à toutes les situations. C'est pourquoi j'ai confié à deux parlementaires, Monsieur LEONETTI qui était l'auteur de la loi avec le Parlement, qui l'avait voté et que vous avez citée, et Alain CLAEYS qui est- un spécialiste de ces questions. Ces deux parlementaires nous ferons des propositions pour faire évoluer notre législation.
Enfin, l'éthique médicale, c'est une éthique de l'accompagnement de la souffrance et parfois de la solitude. Comment cela s'apprend l'accompagnement à la souffrance des autres, à la solitude, à la détresse ? Vous, vous êtes forgés une expérience. Vous savez ce que c'est que le savoir être. Vous avez un savoir-faire. Mais les jeunes médecins, les étudiants aujourd'hui en médecine, sont-ils suffisamment éclairés, formés, préparés à affronter des situations qui seront de plus en plus difficiles, délicates et qui humainement peuvent parfois les bousculer dans leur conviction ?
Ce savoir être, chaque étudiant devra en connaître les principes. C'est pourquoi j'ai demandé au Professeur GIRARD de faire des propositions sur cette éducation à la relation au patient, dans le cadre de la future licence santé.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les conseillers, la France s'enorgueillit de son système de santé, pour ses performances qui sont d'ailleurs reconnues au plan international avec des réussites considérables, encore récemment. Oui, nous sommes légitimement fiers de notre système de santé quand nous le comparons aux autres. Il faut toujours se comparer aux autres si on veut établir un diagnostic juste sur la situation. Notre système de santé est également respectueux du principe de solidarité que vous appliquez chaque jour. C'est pourquoi nous devons tout faire pour le préserver et le préserver c'est le faire évoluer avec les mêmes principes et les mêmes performances. C'est pourquoi les médecins sont les acteurs indispensables à la fois de l'exigence qui est la vôtre, qui est la nôtre, d'une médecine de qualité et en même temps de cette mutation que l'on sait incontournable. L'Ordre est donc, je l'ai dit, pour les pouvoirs publics, le partenaire incontournable pour évoquer les grandes questions de la santé et de la médecine.
Quel est l'enjeu que nous avons à relever ? C'est de nous rassembler, tous les acteurs du système de santé, mais également les pouvoirs publics et j'allais dire même les citoyens pour faire que notre système de santé reste l'un des meilleurs au monde. Parce que c'est une garantie, parce que c'est aussi une forme d'attractivité.
Je fais juste cette digression : on a parlé de tourisme médical. On s'est interrogé pour savoir s'il était bon que des hôpitaux puissent accueillir un certain nombre de personnalités qui ne sont pas souvent les plus démunies pour avoir quelques ressources supplémentaires. Est-ce qu'il n'y avait pas un risque que ce soit au détriment du traitement de tous nos compatriotes ? Je vous réponds qu'il est nécessaire, lorsque nous avons le meilleur système de santé, d'accueillir avec des conditions bien particulières, avec des tarifications qui doivent être effectives, sans jamais que cela puisse mettre en cause les droits fondamentaux des malades citoyens français ou résidents en France, qui doivent accéder comme les autres aux meilleurs soins. Mais c'est une fierté pour nous tous que de savoir qu'on sait qu'en France on est bien soigné. Il peut arriver aussi à un certain nombre de nos compatriotes qui partent à l'étranger de se faire soigner ils reviennent en France : on y est quand même mieux et c'est parfois moins cher. Et c'est grâce à vous, et c'est grâce à ce que nous avons pu constituer depuis des décennies.
L'autre enjeu c'est de faire que notre médecine serve les objectifs globaux de la santé publique, et qu'en même temps, il y ait des moyens qui seront de plus en plus individualisés pour faire que les nouvelles thérapeutiques puissent être diffusées. C'est de garantir l'accès à la santé, que ce ne soit jamais un privilège et que ce soit toujours un droit fondamental.
Mesdames et messieurs, vous avez placé votre congrès sous un beau mot d'ordre, j'aurais voulu le trouver : un engagement pour faire progresser la société.
La société elle doit connaître le progrès, et vous y contribué, vous l'avez parfaitement dit monsieur le Président, ce que vous faites, c'est de permettre que le progrès humain avance, qu'on vive mieux, plus longtemps dans une meilleure santé, c'est un progrès humain formidable que celui de l'allongement de la vie, et d'une forme de sécurité sanitaire.
Le progrès, c'est le progrès social, l'égalité d'accès, le progrès c'est aussi, le progrès économique, et vous avez eu raison monsieur le Président, d'insister là-dessus.
Quand on regarde quels sont les trois grands secteurs sur lesquels la France peut construire son développement industriel, c'est d'abord ça ne surprendra personne, la transition énergétique : comment reconvertir un certain nombre de nos industries, nos modes de transports et de nos logements pour être encore plus performants, et cela peut faire créer de nombreux emplois. Nous avons en plus des obligations qui seront posées lors de la conférence sur le climat à la fin de l'année 2015, c'est une question aussi de santé publique.
Le second secteur c'est celui du numérique, qui en fait bénéficie à toute l'économie. Mais le troisième secteur sur lequel nous pouvons avoir le plus de développements, c'est l'économie du vivant, la santé. Ce sont les biotechnologies, ce sont les sciences nouvelles qui vont permettre de changer profondément un certain nombre de modes de traitement des maladies, et qui peuvent nous rendre non seulement meilleurs, mais là encore plus créateurs d'emploi.
Et enfin le progrès c'est un progrès culturel, se soigner c'est aussi un acte de civilisation, et c'est ce que vous faites, ce lien social, ce lien humain, que vous créez. Il ne peut pas y avoir de progrès, et la France est une nation de progrès, s'il n'y a pas d'engagement.
Le progrès ne vient pas tout seul, le progrès, il est toujours transporté par des êtres humains qui s'engagent, et c'est ce que vous faites. Et donc je vous remercie profondément, au nom de toute la Nation, parce que sans vous, il n'y aurait pas de progrès et sans vous l'engagement n'aurait pas de sens.
Merci.