6 octobre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe de M. François Hollande, Président de la République, et Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l'Union africaine, sur la lutte contre l'épidémie d'Ebola, le réchauffement climatique et le terrorisme en Afrique, à Paris le 6 octobre 2014.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
C'est la troisième fois que je reçois Mme DLAMINI-ZUMA à Paris. C'est dire l'importance que nous accordons à l'Union africaine. Mme ZUMA est la Présidente de la commission de l'Union africaine. La semaine dernière, j'ai reçu, le Président de l'Union africaine, une présidence tournante qui revient actuellement au Président mauritanien. Les relations entre la France et l'Union africaine se sont considérablement renforcées ces derniers mois, notamment parce que des conflits nous ont appelés à réagir ensemble. Je pense notamment au Mali et à la Centrafrique.
Nous avons abordé ces sujets avec la Présidente de la commission de l'Union africaine. Nous avons également parlé de deux grandes préoccupations : la lutte contre l'épidémie d'Ebola et la lutte contre le réchauffement climatique, sujet principal de la conférence de Paris et enjeu majeur pour la planète.
Sur le Mali, la situation s'est considérablement améliorée grâce à l'intervention menée par les Africains, par la France, par l'Europe, et maintenant par l'ONU. Mais nous avons encore, au nord du Mali de l'insécurité, des foyers djihadistes. Nous attachons beaucoup de prix à la négociation qui est en cours à Alger pour qu'une solution politique soit trouvée. Nous resterons mobilisés, l'Union africaine comme la France, sur le plan politique et sur le plan militaire, pour qu'il n'y ait pas la résurgence du terrorisme.
Il est vrai que ce qui se passe en Libye suscite une très grave préoccupation. Nous en avons parlé avec Mme ZUMA. Il y a une situation confuse, il y a des groupes terroristes qui se sont installés au sud, et il y a des risques que les voisins puissent être touchés par cette instabilité. C'est la raison pour laquelle, l'Union africaine, comme la France, travaille avec l'ONU à une solution politique de réconciliation, de restauration de l'Etat et de lutte contre les terrorismes. L'ONU et l'Union africaine en ont pris la responsabilité à juste raison. La France les appuie.
En République centrafricaine, là encore, rien n'aurait été possible sans l'intervention de la France et de l'Union africaine. Nous avons pu éviter le pire. Là aussi, la situation sécuritaire s'est améliorée : il y a une baisse très nette des violences à Bangui, un certain calme est revenu. Il y a encore quelques régions qui sont affectées par un certain nombre de conflits, mais nous pensons que nous pouvons, grâce maintenant à l'intervention de l'ONU, venir à bout de cette situation qui, à un moment, pouvait dégénérer en massacre et sans doute en génocide.
L'Union africaine et la France ont laissé la place, le 15 septembre dernier, à la mission des Nations Unies. La France va donc réduire, dans les prochains mois, les effectifs qui sont déployés en Centrafrique. Le désengagement a déjà commencé puisqu'une unité qui était en République centrafricaine a été transportée vers le Tchad. Nous sommes dans une stratégie où nous laissons progressivement la place tout en gardant un effectif minimal. Nous avons aussi la responsabilité, avec l'Union africaine et les Nations Unies, de préparer les élections. Elles ne pourront pas être organisées dans un délai court, mais une date devra être fixée, l'année prochaine.
L'épidémie Ebola, pour nous, c'est une menace majeure. Pas simplement pour les pays africains concernés, mais pour l'ensemble du monde. Chacun doit bien prendre conscience qu'une épidémie qui touche, à un moment, un pays au monde a des conséquences partout sur la planète. Par les voyages, par les déplacements, par les échanges, il y a nécessairement des risques. Agir pour les pays touchés par Ebola, c'est donc agir pour notre propre sécurité.
La France a pris des décisions importantes. Outre ce que font un certain nombre d'organisations non gouvernementales, je pense à Médecins sans frontières, la France a décidé d'installer un hôpital en Guinée forestière. Il sera bientôt prêt. Nous aurons aussi à renforcer les équipes de l'Institut Pasteur, qui s'installeront à Conakry.
Une infirmière de Médecins sans frontières a été soignée en France. Elle a pu être traitée et guérie, parce que toutes les conditions étaient réunies. Mais cela n'est pas toujours le cas en Afrique. Nous devons donc accélérer, amplifier les recherches pour qu'un vaccin et un traitement puissent être trouvés. Mais avant qu'ils ne puissent être diffusés, il convient de prendre toutes les précautions nécessaires et de faire en sorte qu'il y ait le moins de déplacements inutiles vers ces pays tout en leur assurant, et c'est toute la difficulté, leur développement.
Nous sommes en situation de pouvoir soigner nos compatriotes, si des cas se produisaient en France. Mais pour nous, ce n'est pas simplement une question française, c'est une question mondiale. C'est pourquoi nous devons prodiguer toute notre solidarité aux pays qui sont concernés. La France a une relation toute particulière avec la Guinée.
Enfin, le dernier sujet a été la conférence sur le climat. L'Afrique, la France et l'Europe ont des positions communes. J'ai rappelé que nous avions promis 1 milliard de dollars pour le Fonds vert. Il s'ajoute à ce que nous faisons déjà comme pays contributeur à travers l'Agence française de développement. C'est ce que j'avais annoncé lors du sommet entre la France et l'Afrique. Il y aura donc 1 milliard d'euros par an via l'Agence française de développement et il y a en plus ce milliard de dollars qui est promis pour le Fonds vert.
Là encore c'est notre intérêt l'intérêt de la France, l'intérêt de l'Europe et l'intérêt de l'Afrique de pouvoir participer au développement de ce continent. C'est un grand continent. Il peut être affecté par des crises sur lesquelles nous avons intérêt à intervenir. Elles peuvent être liées à de l'insécurité, à des conflits mais elles peuvent être aussi liées à des drames sanitaires. La France sera toujours solidaire de l'Afrique et c'est le sens de la présence ici de Mme ZUMA.
Madame Nkosazana DLAMINI-ZUMA
Merci Monsieur le Président, merci du temps que vous nous avez consacré pour reparler des questions qui nous sont chères, aussi bien en Afrique que chez vous en France. Je ne vais pas en dire beaucoup plus car ce que le Président vient de dire très clairement, tout ce dont nous avons parlé. Il est clair qu'il y a des situations qui nous préoccupent en ce moment : des situations de conflits, l'épidémie d'Ebola, des problèmes climatiques
Le Mali est un pays douloureusement concerné. Je m'y suis rendue dès le premier jour de ma prise de fonctions. C'est un pays cher à mon cur et j'espère que le dialogue qui s'y déroule et que le dialogue qui se déroule à Alger pour traiter de la crise malienne, aboutiront à une solution. Notre problème, c'est d'avoir à faire à des extrémistes qui abusent d'une situation. Mais nous espérons que nous pourrons sortir de cette situation en proposant une solution qui respecte toutes les diversités qui composent le pays.
Pour ce qui est de la République centrafricaine, l'Union africaine est très fière de ce qu'elle a réussi à faire en Centrafrique. En décembre de l'année dernière, on s'attendait à un véritable génocide en Centrafrique. Mais l'Union africaine a su mobiliser tous ses Etats membres. Ils ont mobilisé leurs moyens, et notamment leurs moyens humains sur le terrain. La France a également été présente. C'est ainsi que tous ces pays, tous ces peuples frères et surs ont pu intervenir pour restaurer la paix une paix appelée de ses vux par les Nations Unies mais qui n'aurait pas pu s'obtenir sans les efforts de l'Union africaine. Nous sommes très fiers d'avoir pu établir la paix. Maintenant le rôle des Nations Unies est de maintenir la paix si chèrement acquise.
Nous travaillons maintenant à la préparation des élections en Centrafrique. La date initialement annoncée pour le mois de février de l'année prochaine est probablement un peu précoce. Il faudra sans doute la reporter. Mais comme l'a souligné le Président, tout en reportant cette date, il faut en annoncer une autre pour que tous les efforts se concentrent sur cette élection et que les moyens soient mis en place à cette fin.
Nous avons également abordé le dossier libyen. La Libye est un pays problématique, la situation se détériore de jour en jour. Avec l'Union africaine, des efforts sont déployés pour essayer de maitriser la situation. Mais les problèmes en Libye risquent de déborder sur les pays voisins. C'est la raison pour laquelle cette situation est si préoccupante. L'instabilité sur le territoire libyen entraîne des conséquences sur les pays voisins. Nous espérons que les efforts menés à Alger seront là-aussi couronnés de succès, aboutiront à un cessez-le-feu et ensuite à une réconciliation nationale. Pour pouvoir apporter notre soutien à un gouvernement légitime, mais également pour apporter ou pour répondre aux attentes légitimes du peuple libyen, il nous faut travailler ensemble sur cette affaire.
Nous saluons aussi le soutien qui nous a été apporté pas simplement par la France, mais par d'autres également pour les questions et les opérations de maintien de la paix. L'Afrique aimerait éviter que ces conflits qui éclatent ne perdurent. Lorsqu'ils sont pris en charge immédiatement, nous pouvons les contenir et espérer trouver une solution à leur cause.
Enfin, l'épidémie d'Ebola est un souci qui nous préoccupe. Le virus se propage dans trois pays en ce moment. Si nous ne parvenons pas à contenir la propagation, l'épidémie peut aller dans tous les pays, pas simplement en Afrique. Comme on l'a vu, il y a eu des cas de contamination dans d'autres pays en dehors du continent africain. La communauté africaine et la communauté internationale ont commencé à réagir puisque les centres médicaux qui sont construits. La France en construit un en Guinée. Dans les deux autres pays, d'autres centres et d'autres hôpitaux sont en construction.
Du côté de l'Union africaine, nous ne serons peut-être pas en mesure de participer à l'effort d'infrastructures, mais par contre nous pouvons déployer des ressources humaines, notamment médicales dans ces pays. Nous avons une équipe qui est déjà sur place depuis un mois. Nous allons envoyer d'autres équipes médicales dans les deux autres pays. Ces équipes seront sur place pendant au moins 6 mois. Ce que nous espérons c'est que d'ici-là les choses se seront stabilisées.
Si nous sommes en mesure de mobiliser plus de moyens et plus de ressources, nous pourrons envoyer d'autres équipes, d'autres travailleurs médicaux pour aller sur place dans ces pays. Parce qu'il faut bien comprendre qu'au-delà de la propagation du virus, il faut savoir que les travailleurs médicaux, dans ces pays, vivent dans des situations difficiles. Certains de ces travailleurs médicaux peuvent être eux-mêmes contaminés. Il y a un certain nombre de précautions à prendre là aussi.
Toujours est-il que nous sommes extrêmement reconnaissants à la France et aux autres pays qui nous aident dans cette difficile épreuve. Ce que nous espérons, c'est qu'à l'issue de cette épidémie, nous serons toujours là pour travailler avec ces pays pour les aider à renforcer leurs propres services médicaux et de santé publique. Si jamais une nouvelle crise devait se déclarer, nous serions alors en mesure de prendre en main directement cette crise sans avoir besoin de l'aide extérieure. C'est pourquoi le renforcement des institutions dans ces pays est essentiel.