17 juillet 2014 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d'Ivoire, sur les relations franco-ivoiriennes, à Abidjan le 17 juillet 2014.


QUESTION
François HOLLANDE je vous le disais en titre est en Côte-d'Ivoire. Première étape d'une tournée africaine qui va le conduire également au Niger et au Tchad où il doit officialiser la mise en place de l'opération BARKHANE : 3 000 hommes déployés dans le Sahel pour lutter contre le terrorisme. Alors, à Abidjan vous le voyez , l'humeur est plutôt à la rigolade. La visite du chef de l'État est plutôt à dominante économique. On va tout de suite écouter la conférence de presse conjointe du Président français et de son homologue, Alassane OUATTARA.
M. Alassane OUATTARA
Les liens qui nous unissent sont anciens et ce sont des liens de confiance, également de soutien réciproque. La France a apporté un fort soutien à la Côte-d'Ivoire, notamment ces dernières années à l'occasion des difficultés que mon pays a traversées. Je voudrais donc vous dire un grand merci au nom des membres du gouvernement, du patronat, de tous mes compatriotes, de tous mes concitoyens. Ce furent des moments difficiles, douloureux non seulement pour nous, mais également pour la grande communauté française qui a choisi d'être à nos côtés et, pour beaucoup, qui ont adopté la Côte-d'Ivoire comme une seconde patrie.
Maintenant, la crise est derrière nous. Et comme vous l'avez constaté depuis ce matin et je suis sûr, mon ami, l'ambassadeur Georges SERRE, vous le dira , que la page de la crise postélectorale est définitivement derrière nous. C'est une page tournée et nous sommes maintenant dans un environnement de paix, un environnement de sécurité, mais également de sérénité. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous faisons tout pour que le processus que nous avons engagé soit un processus inclusif et que tous les Ivoiriens y participent et donc soient totalement conscients de notre bonne foi.
Vous savez, la croissance économique peut être forte mais pour qu'elle soit durable, il faut une mobilisation totale de tous. Et c'est pour cela que je tiens beaucoup à la réconciliation et également à la nécessité pour tous les Ivoiriens et toutes les populations qui vivent en Côte-d'Ivoire de profiter des fruits de la croissance économique que le pays connaît actuellement. Au cours des 3 dernières années, nous avons une croissance moyenne de 9 à 10 % et cela pourrait et devrait se poursuivre au cours des 3 prochaines années.
D'ailleurs, je pense que la communauté des affaires qui est ici a pu voir dans la presse ce matin que la Côte-d'Ivoire, dans la notation de MOODY'S, a obtenu une note de B1 avec une tendance positive. Et l'eurobond, que nous avons souhaité mettre pour 500 millions de dollars, a connu une souscription 10 fois supérieure, de 5 milliards de dollars et à un taux d'intérêt de 5,25 %, c'est-à-dire seulement 0,5 point au-dessus du taux auquel le Portugal emprunte en ce moment. C'est dire la confiance de la communauté financière internationale dans la Côte-d'Ivoire, les politiques qui sont menées et également en son avenir.
Ce matin, le ministre d'État, le ministre des Affaires étrangères, m'a rendu compte de l'ouverture du forum. Je sais qu'à cette occasion, tout a été dit et je ne voudrais donc pas revenir sur les différents points qui ont l'objet de vos échanges. Je voudrais surtout insister sur l'excellente coopération bilatérale entre la France et la Côte-d'Ivoire sur tous les plans au plan économique, politique et dire un grand merci au Président François HOLLANDE pour le soutien qu'il nous apporte avec son gouvernement. Je voudrais aussi me féliciter de la place des entreprises françaises en Côte-d'Ivoire. Selon notre recensement, nous avons 800 entreprises actuellement dans notre pays qui emploient 110 000 personnes et qui nous procurent quasiment la moitié des recettes fiscales. C'est dire à quel point la France, le Président français, le gouvernement français, les opérateurs français sont importants pour nous.
Je voudrais aussi vous dire, Monsieur le Président, combien nous sommes reconnaissants de l'appui de la France, ce que nous avons pu obtenir l'allègement de la dette dans le cadre du programme « Pays pauvres très endettés » et notamment l'annulation sèche que nous avons obtenue et la mise en place du contrat désendettement-développement qui permet le financement de nombre de projets dans le secteur de l'eau, des infrastructures, de la santé. On voit aujourd'hui à nouveau dans d'autres secteurs comme le secteur de la justice. Ce sont des matières importantes.
Je voudrais aussi signaler qu'hier, j'ai eu l'occasion de promulguer l'accord de partenariat de défense entre la Côte-d'Ivoire et la France et je me réjouis de la nouvelle politique de sécurité en France qui a décidé de choisir Abidjan comme un des points d'appui de la lutte contre le terrorisme et de la coordination des actions des forces françaises dans les pays du Sahel. Cet accord de partenariat est quelque chose de nouveau pour notre pays. Nous l'avons négocié en toute confiance et nous savons que son application fera l'objet d'une attention très suivie des deux côtés.
Je voudrais aussi signaler que nous avons l'ambition de restructurer et de renforcer donc la sécurité et la capacité militaire de notre pays et notamment pour la lutte contre bien sûr le terrorisme mais contre également la piraterie maritime. C'est pour cela d'ailleurs que nous avons acquis 3 navires auprès d'une entreprise française. Et ce matin, vous avez-vous-mêmes donc pu visiter le bateau l'Émergence qui vient d'être livré il y a quelques semaines. Nous nous félicitons également de l'excellente coopération policière entre la Côte-d'Ivoire et la France et tous les soutiens que nous avons obtenus à ce sujet.
Monsieur le Président, vous envisagez d'organiser l'année prochaine à Paris une conférence sur les questions de changement climatique. Ceci est important pour nous. D'ailleurs ces derniers jours, ces dernières semaines, nous avons vécu des inondations exceptionnelles. À tel point que 32 ou 33 personnes, je crois, 33 personnes ont perdu la vie. C'est dire à quel point ces questions climatiques sont nécessaires et il faut trouver des solutions notamment pour les pays fragiles comme les nôtres qui subissent les conséquences donc de ces dommages.
Je voudrais, cher François, vous dire que nous avons été sauvés par la France avec votre intervention au Mali contre le terrorisme et contre l'invasion du nord du Mali. C'étaient des moments difficiles pour toute la région ouest africaine. Grâce à votre courage et à la rapidité de votre réaction, nous avons pu ensemble contenir la descente des terroristes vers le sud du Mali mais également vers la Côte-d'Ivoire et tous les pays côtiers, que ce soit le Ghana, le Togo, le Bénin et d'autres pays.
Et je me félicite également du rôle important que la France joue en Centrafrique. Nous souhaitons que ce pays retrouve la paix et puisse sortir des difficultés qui ont caractérisé l'évolution de ce pays en Afrique centrale depuis bientôt 2 décennies.
Monsieur le Président, j'aurai l'occasion de m'adresser à vous ce soir. Je ne voudrais pas prendre beaucoup de votre temps puisque je suis responsable du retard d'une heure que vous avez sur votre programme. Je ne voudrais pas donc accentuer cela mais je voudrais terminer en disant à quel point nous sommes heureux de cette visite que vous nous rendez. C'est un grand honneur pour la Côte-d'Ivoire et les Ivoiriens. Et mon seul regret est que vous ne restiez que 2 jours. Mais la promesse a été faite et je sais que vous la tiendrez de rester plus longtemps la prochaine fois. Je vous remercie.
LE PRESIDENT
Monsieur le Président, je vous remercie pour cette double invitation : celle que vous m'avez faite pour mon voyage d'aujourd'hui et celle que vous venez de m'adresser pour mon séjour de la prochaine fois.
M. Alassane OUATTARA
Pour une semaine.
LE PRESIDENT
Au moins une semaine. La presse française en est maintenant informée et les ministres du gouvernement également. Je veux saluer l'accueil qui m'a été réservé par vous, par votre gouvernement, par la population ici, à Abidjan. C'est une étape importante que nous franchissons une de plus dans la relation entre la France et la Côte-d'Ivoire. Relation historique et qui est ici encore rappelée par la présence de 2 anciens Premiers ministres qui ont eu à connaître des questions entre nos 2 pays : Michel ROCARD je sais que vous étiez ensemble Premiers ministres au sens où, lorsqu'il était Premier ministre, vous l'étiez aussi et inversement et Laurent FABIUS qui a suivi également l'évolution de votre pays et encore aujourd'hui comme ministre des Affaires étrangères.
La remarque qui me vient spontanément à l'esprit, c'est qu'il y a 3 ans, la Côte-d'Ivoire était dans une crise grave avec des violences, avec des exactions, avec une présence militaire française qui devait faire face elle aussi à un certain nombre d'agressions et de violences. Et 3 ans après, la Côte-d'Ivoire, sous votre autorité, a profondément changé et elle a relevé avec succès les 3 défis qu'elle avait en face d'elle. Le premier défi il paraissait majeur , c'était celui de la sécurité, de la paix civile, des violences. Et aujourd'hui vous m'en faisiez vous-même la remarque , il y a des violences qui ont considérablement régressé. Et si l'on regarde les statistiques mais je sais que vous aimez beaucoup les statistiques , vous êtes au même niveau vous n'avez pas voulu citer Paris - que de Genève et de New York. C'est dire si la situation non seulement a été rétablie, mais la tranquillité publique a été enfin respectée.
Cette sécurité, elle est aussi assurée par un dispositif de l'ONU qui va maintenant considérablement diminuer en ampleur. Et loin de voir cette décision comme une nostalgie, vous devez la regarder comme une fierté. Ça veut dire que la mission a été accomplie. De la même manière, ce qu'on appelle le dispositif militaire LICORNE, qui était donc celui que la France avait mis en place dans la période de crise, cette opération s'achève et elle va prendre une nouvelle forme qui est maintenant de dimension régionale. Quand je dis dimension régionale, ça veut dire sur le Sahel. La France sera présente en Côte-d'Ivoire pour mieux agir non pas en Côte-d'Ivoire, mais partout dans la grande région afin de pouvoir répondre à toutes les crises qui pourraient survenir ou à toutes les agressions, notamment pour lutter contre le terrorisme.
Je veux saluer ce qu'a été votre responsabilité lorsque vous étiez Président de la CEDEAO, c'est-à-dire la grande organisation africaine de l'ouest. Et c'était au moment où le Mali faisait face à cette agression terroriste et où la France devait prendre une décision. Cette décision, je l'ai prise. Mais elle n'a été possible que parce que la CEDEAO, avec le Mali, ont fait appel à la France avec le soutien des NATIONS UNIES. Et si vous n'aviez pas été là pour fédérer les pays concernés et pour non pas les convaincre ils l'étaient déjà , mais pour les mobiliser dans cette opération, nous n'aurions pas réussi.
Mais nous avons encore à faire et vous avez évoqué, Monsieur le Président, la lutte contre la piraterie. Je me réjouis que la Côte-d'Ivoire puisse maintenant disposer non seulement de cacao, de bananes, mais aussi de pétrole. Il y a des explorations qui vont avoir lieu et il y a nécessité de protéger un certain nombre d'installations. Vous avez fait le choix de faire confiance à une entreprise française, RAIDCO, pour la mise en service d'un patrouilleur, l'Émergence c'est vous qui avez choisi le nom comme symbole de ce que doit être la Côte-d'Ivoire. Nous pourrons, avec ce bâtiment et avec d'autres, faire en sorte que la sécurité maritime puisse être, là encore, respectée. Vous avez aussi fait le choix de technologies françaises notamment THALES pour un système de sémaphore pour une surveillance aussi satellitaire. Bref, nous avons à coopérer aussi dans ce domaine-là.
J'en arrive donc au deuxième défi qui est celui de l'économie. Il y avait une profonde récession en Côte-d'Ivoire en 2011, comment aurait-il pu être possible d'imaginer une économie prospère dans un pays qui était en proie aux violences ? Mais depuis 2012 il y a une croissance forte en Côte-d'Ivoire de l'ordre de 9 %, 9 % par an et avec de nombreux projets qui ont pu trouver leur aboutissement et des progrès qui ont pu être accomplis pour la vie des Ivoiriens notamment sur le plan de leur salaire, de leur niveau de vie, de leur bien-être même s'il y a encore beaucoup à faire. La France veut prendre sa part et c'est pourquoi je suis heureux d'avoir pu être accompagné par près de 50 chefs d'entreprise, les plus grandes mais aussi des entreprises moyennes, des entreprises de taille plus modeste qui sont toutes convaincues que si nous savons choisir les bonnes stratégies nous pouvons à ce moment-là réussir ensemble.
Dans le domaine de la ville durable puisque c'était le thème de ce forum il y a des technologies françaises, des capacités d'investissement et il y a votre volonté et celle de votre gouvernement. J'ai fait ce matin une traversée de la lagune et nous avions regardé d'abord le pont qui se construisait sous nos yeux, il était déjà terminé même à la fin de notre traversée. Je remercie tous les ouvriers de l'entreprise d'avoir réussi cette performance. Nous en voyions d'autres ponts qui devaient être rénovés et puis il y avait tout ce travail de dépollution et c'est le sens de ce que nous pouvons faire ensemble, unir nos salariés, nos travailleurs, nos technologies, nos entreprises pour préparer la Côte-d'Ivoire à être un grand pays émergent et notamment un grand pays urbain. Il m'était donné des chiffres qui sont tout à fait convaincants, aujourd'hui la moitié des Africains vivent en ville dans des grandes métropoles et ce sera encore le cas davantage encore dans 30 ou 40 ans. On parle de 75 % pour la population urbaine en Afrique avec un chiffre qui doit être à l'esprit, deux milliards d'habitants.
A partir de là, nous ne pouvons pas laisser faire des mouvements, nous devons les anticiper, les préparer et pas simplement les accompagner. Abidjan, ville de quatre, cinq millions d'habitants aujourd'hui, sans doute le double dans 20 ans ! Alors vous avez fait le choix de préparer ces grandes villes de votre pays à être les plus modernes et donc à pouvoir anticiper. Et j'ai été tout à fait impressionné par ce que m'ont dit les chefs d'entreprise qui sont ici, chefs d'entreprise français, qu'il pouvait y avoir un saut technologique notamment en matière de télécommunications, en matière de numérique en Côte-d'Ivoire. A nous de nouer ces partenariats. D'autant que la France est présente depuis tant d'années en Côte-d'Ivoire avec des entreprises parfois familiales, 700 entreprises présentes en Côte-d'Ivoire, autant d'atouts pour développer nos relations.
Vous avez évoqué aussi la Conférence sur le climat, Laurent FABIUS la prépare et nous devons la réussir. Et je veux ici m'associer au deuil qui est le vôtre à la suite de ces catastrophes climatiques, l'Afrique est particulièrement touchée par les désordres du climat. Lorsque nous avons réuni ce sommet à Paris pour préparer la sécurité du continent africain nous avons aussi voulu considérer le climat comme une grande priorité. Ensuite, il y a eu le sommet entre l'Europe et l'Afrique et nous avons convenu ensemble, nos deux continents, de pouvoir présenter des propositions et des solutions lors de la Conférence sur le climat.
Je veux terminer sur le troisième défi qui était sans doute le plus délicat, le plus difficile, le plus complexe, le plus douloureux, c'est celui de la réconciliation. Et là encore je salue les progrès qui ont été effectués dans le dialogue y compris dans des choix qui ne sont jamais faciles de libération des prisonniers, de liberté d'expression, et surtout de confirmation que c'était la justice qui devait passer parce que quand il se produit des exactions, où que ce soit, les responsables doivent être traduits devant les tribunaux et l'impunité ne doit pas être tolérée. Mais en même temps il convient de tendre la main, de rassembler et de faire en sorte que la prochaine élection présidentielle, et vous le voulez, puisse être organisée de manière non seulement transparente mais de manière ouverte, pluraliste.
Je veux ici saluer cette démarche, c'est très important, parce que le continent africain finalement est à l'image de la Côte-d'Ivoire, la Côte-d'Ivoire peut être même son avant-garde, il doit à la fois assurer son développement économique dans la sécurité et avec les règles de la démocratie, le respect des droits de l'homme et la bonne gouvernance. Je remercie la Côte-d'Ivoire d'avoir sur ces trois défis été capable de les relever alors même qu'elle pouvait éprouver tant de douleurs après une crise qui aura duré trop longtemps et dont le Président OUATTARA a été l'heureuse issue. Je veux ici le saluer tout particulièrement. Merci. Ici, la presse pose des questions, c'est ça, vous allez voir.
M. Alassane OUATTARA
Peut-être, je pensais que c'était fini moi !
QUESTION
J'ai une question sur la justice pour les deux Présidents. D'abord pour le Président ivoirien, monsieur OUATTARA, ici évidemment on a connu une guerre civile avec des milliers de morts et des crimes de guerre commis des deux côtés. Il y a eu des arrestations, une centaine d'arrestations, peut-être un millier du côté des anciens partisans du Président GBAGBO, de l'ancien Président GBAGBO, et puis de votre côté à vous semble-t-il une dizaine ou une vingtaine. Il y a une grande différence, on voit bien qu'il y a deux poids deux mesures. Ces gens sont en prison, est-ce qu'il y aura un procès ? Est-ce qu'il y aura finalement une justice ou simplement une justice de vainqueurs ? Et toujours sur la justice une question au Président HOLLANDE, est-ce que vous avez parlé des enquêtes sur les disparitions des trois Français, je pense évidemment au journaliste Guy-André KIEFFER et aux deux Français qui ont été enlevés au Novotel ?
M. Alassane OUATTARA
Je vous remercie. Sur la justice, c'est un domaine qui me tient particulièrement à cur, j'en ai parlé moi-même avec le Président HOLLANDE pour lui dire que nous avons hérité d'un système, d'une justice. Je lui ai dit que la Côte-d'Ivoire compte environ 600 juges pour une population de 22 millions d'habitants alors que le Sénégal ou le Bénin qui ont à peu près les deux tiers ou la moitié de la population de la Côte-d'Ivoire ont plus de 1 000 à 1 200 juges. Donc déjà il y a un problème de fond et ceci explique une partie de la lenteur des procédures et des résultats que tout le monde attend. La deuxième chose que je voudrais souligner c'est que dans ce processus il y a trois catégories de situations qu'il faudrait distinguer. D'abord tout ce qui a trait aux crimes économiques et là les personnes concernées ont quasiment toutes été mises en liberté provisoire. Vous avez raison, c'était effectivement des partisans de l'ancien Président puisqu'il y a eu usurpation de pouvoir, la Banque centrale a été dévalisée, il y a eu pillage des banques y compris des banques françaises et j'en passe. La deuxième catégorie ce sont donc les crimes de déstabilisation. Après la crise postélectorale, il y a eu des tentatives de déstabilisation, ceci n'a donc rien à voir avec la crise postélectorale. Là c'était des militaires, des miliciens, et pour la plupart ceux-ci sont effectivement en prison en attendant leur procès. La troisième catégorie ce sont les crimes de sang qui concernent les deux côtés si je puis m'exprimer ainsi. Et là nous avons une commission nationale d'enquête qui a déposé un rapport, ce rapport est entre les mains de la justice, les enquêtes ont commencé et nous sommes persuadés, nous sommes convaincus que dans les mois à venir, à partir d'octobre nous allons commencer ce processus de manière plus approfondie et la justice sera la même pour tous, il n'y aura pas d'impunité en Côte-d'Ivoire mais nous devons faire la part des choses. « Justice de vainqueurs » je ne sais pas ce que ça veut dire mais quand quelqu'un est pris en flagrant délit en train d'assassiner des populations il est tout à fait normal que cette personne aille immédiatement en prison. Maintenant pour le reste évidemment les enquêtes vont déterminer les choses, mais je signale que pour un certain nombre de soldats ou de personnes qui sont considérées comme étant des pro-OUATTARA et qui ont fait l'objet de jugements, nombreux sont ceux qui se trouvent en prison, nous n'avons pas besoin de faire de la publicité sur cela parce que ceci est un processus normal, personne ne saurait être au-dessus de la loi. Donc je suis tout à fait à l'aise pour vous dire que la justice sera la même pour tous, elle sera appliquée selon le rythme des juges malheureusement qui ne sont pas suffisamment nombreux mais nous avons la volonté d'aller jusqu'au bout. Alors je terminerai en disant que c'est important de parler des criminels ou des supposés criminels mais pensons également aux victimes. Cette crise a fait 3 000 victimes au minimum, il faut faire quelque chose pour ces victimes, pour leurs proches. Et c'est pour cela que la commission Dialogue, Vérité, Réconciliation devra me déposer son rapport en septembre pour que nous puissions également penser et acter la question de l'indemnisation des victimes. Donc, oui, il faut la réconciliation mais il faut la justice et il faut penser aux victimes. Je vous remercie.
LE PRESIDENT
La France n'accepte pas l'impunité où que ce soit et lorsqu'il y a des personnes qui commettent des exactions, lorsqu'elles sont dirigeantes de leur pays elles relèvent de la Cour pénale internationale. Et nous, la France, nous soutenons les efforts de la justice internationale et nul ne peut s'y dérober. Les procès doivent avoir lieu, les procédures doivent être menées jusqu'au bout, même si parfois nous nous plaignons du temps qu'elles prennent. Lorsque ce sont des personnes qui relèvent de la justice de leur pays alors nous faisons en sorte qu'il n'y ait pas de distinction entre les uns et les autres. Tous ceux qui ont commis des exactions doivent pouvoir répondre de leurs actes. En ce moment même, vous avez évoqué la Centrafrique, il y a eu plusieurs milliers de morts, là encore il y aura sans doute des procès qui devront avoir lieu et ici en Côte-d'Ivoire plus de 3 000 victimes. Nous avons une fois encore dit à l'occasion de ce déplacement que nous étions prêts à renforcer la coopération entre nos deux pays sur l'amélioration des procédures de justice et d'une manière générale de la formation des magistrats et de leur accompagnement pour un certain nombre d'actes difficiles. A tel point que nous avons intégré dans l'accord qu'on appelle contrat de désendettement et de développement, la coopération en matière de justice comme domaine prioritaire. Vous m'avez interrogé sur les victimes françaises, il y a des procédures qui ont été ouvertes en France, la justice est saisie et nous en avons effectivement parlé notamment pour la mort, l'assassinat de Guy-André KIEFFER. Et le Président OUATTARA m'a dit qu'il faisait tout ce qu'il pouvait faire pour que la justice ici coopère avec la nôtre pour établir la vérité, hélas, nous la connaissons, en tout cas nous l'avons approchée, mais pour retrouver ceux qui avaient commis ces actes.