28 février 2014 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la situation en Centrafrique, à Bangui le 28 février 2014.

CATHERINE SAMBA-PANZA « Je voudrais, au nom du peuple centrafricain et en mon nom personnel, vous remercier pour votre visite en République Centrafricaine. En trois mois, c'est la deuxième fois que vous venez dans ce pays. C'est la preuve, s'il en était besoin, de la volonté de la France et de votre volonté personnelle à accompagner la République centrafricaine dans le processus de stabilisation de ce pays qui a tant souffert d'une spirale de crises depuis une vingtaine d'années.
Je voudrais, ici, renouveler toute cette gratitude. Sans votre intervention, sans votre implication personnelle, la République centrafricaine ne vous accueillerait pas aujourd'hui dans ce calme relatif. Grâce à l'intervention de la France et de l'opération SANGARIS, nous avons un calme relatif et une sécurisation progressive de ce pays.
Certes, il reste beaucoup à faire. Mais nous savons que grâce à vos interventions, grâce à l'appui de la France, un certain nombre d'instruments ont été pris au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies qui permettent aujourd'hui de mobiliser tout la communauté internationale en faveur de la République Centrafricaine. Et surtout en faveur de sa population, dans le domaine sécuritaire, dans le domaine humanitaire, dans le domaine budgétaire et dans le domaine institutionnel.
Aujourd'hui, nous vous accueillons dans ce sanctuaire religieux, qui, il y a quelques mois encore, recevait des milliers de personnes déplacées. C'est avec émotion et beaucoup de satisfaction que moi, Présidente de la République, je constate aujourd'hui que toutes ces personnes déplacées sont reparties chez elles. Cela démontre que la pression sécuritaire tend de plus en plus à baisser et que ces personnes commencent à avoir la confiance nécessaire pour regagner leur domicile.
Je voudrais vous réaffirmer ma volonté et celle de mon Gouvernement à poursuivre tous les efforts nécessaires pour la stabilisation de ce pays, pour qu'ensemble nous aboutissions aux objectifs finaux de cette transition, qui consistent à l'organisation d'élections libres, transparentes et crédibles pour permettre le retour de l'ordre constitutionnel rompu depuis le 24 mars 2013.
Voilà Monsieur le Président, en quelques mots, ce que j'avais à vous dire pour vous remercier pour votre visite. »
DIEUDONNE NZAPALAINGA - « Excellence, Monsieur le Président de la République française, aujourd'hui le peuple centrafricain est heureux de vous accueillir sur cette terre.
Aujourd'hui, nous sommes aussi dans l'attente d'un renouveau concernant la République centrafricaine où tous, musulmans, protestants, catholiques, nous pourrons nous tendre la main et vivre ensemble. Ce vivre ensemble a été mis en difficulté ces derniers temps. Nous voulons vous réitérer notre volonté à tous les trois de continuer à ramer, parfois à contretemps, pour dire qu'ici ce pays est un pays laïque. Ce qui est le plus important, c'est le vivre ensemble. Tous nous sommes Centrafricains avant de faire le choix d'une religion. Et cela nous voulons le réitérer.
Nous voulons aussi vous remercier pour votre implication, comme l'a dit la Présidente, pour que la paix revienne. Nous sommes conscients que le défi est énorme en intérieur, comme à l'extérieur. Vous avez fait le premier pas en envoyant les SANGARIS parmi nous avec les MISCA. Maintenant nous attendons aussi que les Centrafricains prennent le relais, je veux dire, la refondation de l'armée centrafricaine pour défendre ce pays. Nous attendons aussi que la France puisse nous aider. Depuis des mois et des mois les Centrafricains ne reçoivent plus de salaires, ni pensions, ni bourses. Ce sera aussi un coup de pouce que vous donnerez en annonçant ou en écoutant les messages allant dans ce sens.
Nous espérons aussi que votre visite sera un signal fort pour que ceux qui doutent que ce pays ne pourra pas retrouver l'ordre constitutionnel puissent aussi être convaincus qu'il est possible de revenir, et de mettre en place des lois qui sont crédibles et fiables, qui vont régir ce pays.
Nous croyons que vos hommes, ici présents avec la MISCA - et nous espérons plus tard avec les forces des Nations unies qui vont arriver - pourront apporter de l'espoir et surtout la sécurité et que ce pays pourra être encore reconsidéré comme un pays où il fait bon vivre. Merci de votre visite. »
OMAR KOBINE LAYAMA - « Excellence, Monsieur le Président de la République, je pense que nous ne cesserons jamais de vous remercier, nos remerciements n'ont pas de limite pour tout ce que vous êtes en train de faire pour notre pays, pour l'attention particulière que vous accordez à la souffrance du peuple centrafricain.
Je pense que vous nous aiderez toujours dans nos plaidoyers pour que la mission actuelle devienne une mission de maintien de la paix. Nous sommes convaincus et optimistes, qu'avec votre concours auprès de tous les acteurs de la paix en République centrafricaine, cet objectif sera atteint et que nous allons revivre ensemble comme cela nous a toujours caractérisé.
La fraternité que nous manifestons aujourd'hui n'est pas nouvelle dans l'histoire de nos religions. L'histoire de nos religions en témoigne. Car dans l'islam, les chrétiens ont porté secours aux musulmans qui étaient persécutés par les païens de La Mecque. Les persécutés étaient accueillis en terre appelée à l'époque « Habacha » qui s'appelle aujourd'hui Ethiopie, ou était le grand pays chrétien qui les a accueilli et leur a accordé l'hospitalité. Nous avons une seule fondation, les trois religions monothéistes proviennent toutes d'Abraham. Nous avons donc intérêt à conjuguer nos efforts pour que le peuple centrafricain puisse toujours vivre ensemble. J'espère que vous serez à nos côtes pour que le peuple centrafricain devienne un seul peuple pour toujours. Je vous remercie. »
NICOLAS GUEREKOYAME-GBANGOU - « Au Président français et à la France, je voudrais dire, au nom des confessions religieuses, que nous représentons ici, que nous avons un langage que la Bible nous a prêté, nous avons une pensée que la Bible nous a prêtée qui dit « l'ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère ».
Vous et votre pays, depuis que notre pays, la République centrafricaine, a commencé à faire sa descente aux enfers, vous vous y êtes opposés. Vous avez toujours donné la démonstration que la RCA devra demeurer une nation, un pays.
Voilà, pourquoi régulièrement vous vous êtes intéressé à notre pays et d'aucuns se demandaient pourquoi c'est encore la deuxième fois que le Président français revient ici. Pourquoi est-ce que c'est la troisième fois que le Président français va encore s'intéresser aux responsables religieux ? C'est une marque de confiance, peut-être pour le travail que Dieu nous a donné à accomplir en faveur de notre pays, en faveur de l'unité de notre pays. Nous voulons, pour cela, vous encourager à apporter toute l'aide dont la Présidente de notre pays et le Gouvernement ont besoin pour préserver l'intégrité de notre pays, parce que nous ne pouvons pas accepter qu'on puisse parler de la sécession de la RCA.
Nous voulons compter sur le Président HOLLANDE, nous voulons compter sur la France pour que ceux qui sont tentés, en ce moment, de diviser notre pays, puissent comprendre que notre pays, la République centrafricaine, restera une et indivisible. Nous voulons que vous puissiez repartir avec ce message vers la France métropolitaine, que nous sommes des amis, nous demeurons des amis, nous sommes des frères, nous demeurons des frères.
Tout à l'heure, des chrétiens nous posaient la question, et ces musulmans qui nous voyaient venir nous demandaient, « mais vous allez rencontrer le Président français, quelle est la bonne annonce qu'il doit faire au peuple centrafricain ? »
Nous vous laissons maintenant le soin de faire cette annonce au peuple centrafricain qui est déjà meurtri en ce moment et qui attend un coup de pouce.
Je vous remercie. »
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE « Madame la Présidente,
Je vous remercie pour votre accueil, ici en Centrafrique, et pour les mots que vous avez bien voulu prononcer à l'égard de mon pays, qui s'est montré, non seulement solidaire du vôtre, mais conscient de la responsabilité qui était la sienne dans ce moment particulier. Car, si nous n'étions pas intervenus, c'est vrai que les violences auraient dégénéré et que ce sont des massacres, qui étaient déjà à l'uvre, qui se seraient multipliés.
Je veux saluer les représentants des cultes, ici, en Centrafrique. C'est vrai que c'est la troisième fois que je les rencontre. La première c'était dans un aéroport, celui de Bangui, la seconde c'était à l'Elysée et la troisième c'est ici, à l'évêché, dans un site qui est non seulement merveilleux pour la vue qu'il nous offre, mais surtout merveilleux pour l'esprit qu'il porte, puisque c'est là que des milliers de réfugiés se sont massés pour être protégés. Notamment des musulmans, qui ne savaient où aller et qui ont donné le plus beau message de confiance et de fraternité, c'était de venir là, dans cette mission catholique, pour être sûrs qu'il ne leur serait fait aucun mal.
La France est donc intervenue - c'était le 5 décembre - et c'est ma seconde visite en Centrafrique. La première fois, j'étais resté sur l'aéroport, je venais d'Afrique du Sud et, hélas, mon déplacement avait été endeuillé par les deux soldats qui venaient d'être tués. Il y avait déjà des milliers de Centrafricains qui s'étaient massés à côté de l'aéroport. J'avais dit combien la détermination de la France serait grande pour apporter la sécurité, rétablir l'ordre, séparer les populations qui voulaient s'autodétruire et faire en sorte que nous puissions aller dans une transition politique.
Trois mois après, et grâce à l'effort de tous, de nos soldats que je remercie une fois encore pour leur dévouement, de la MISCA qui s'est mise au travail, de ce que les Européens nous ont promis et annoncé, mais aussi de vous, Madame, et de votre Gouvernement parce que vous avez pu démontrer qu'il y avait possibilité, là encore, de rassembler, de réconcilier et de remettre au travail une équipe.
Vous avez surtout donné confiance à la communauté internationale, à la France, à l'Europe et surtout aux Centrafricains.
Oui, depuis trois mois, il y a des progrès considérables qui ont été accomplis. Et ne pas le dire, ce ne serait pas saluer tout cet effort. Je suis allé dans les rues de Bangui, enfin, là où on m'a conduit - je ne suis pas allé partout et je sais que la presse fait ce travail - mais la vie a repris, les commerces ont rouvert, l'activité est là. Il reste beaucoup à faire. Mais il y a déjà cet acte important.
Ensuite, nous avons fait en sorte que les villes centrafricaines puissent être elles aussi sécurisées. Nous n'y sommes pas encore totalement parvenus, notamment à l'ouest, mais aussi à l'est.
Mais c'est maintenant notre objectif. Et puis, il y a ce qui se fait, c'est-à-dire, une prise en charge par la population elle-même de sa propre sécurité au sens où, avec les forces françaises, avec celles de la MISCA, avec les élus, avec le Gouvernement, il y a, au moins la nuit, un certain nombre de sécurités qui sont apportées. Je sais que les communautés religieuses vont aller à l'aéroport dans les prochains jours pour porter ce message de retour des déplacés, vers leurs domiciles, puis ensuite des réfugiés, ceux qui sont allés dans les pays voisins, pour qu'ils puissent de nouveau vivre en Centrafrique.
Quel est maintenant notre objectif ? Notre objectif est de pouvoir permettre que les axes de circulations soient libérés. C'est de faire en sorte de vous accompagner, Madame la Présidente, votre Gouvernement, vers les zones où se sont installés certains qui peuvent un moment penser qu'ils sont coupés du reste de la Centrafrique, pour que le dialogue puisse être repris et pour que la communauté nationale puisse être préservée.
Vous l'avez dit, pas de partition de fait, pas d'esprit de séparation. Vous êtes dans la même communauté. Nous devons faire cesser les violences interreligieuses. Il y en a moins, il y en a encore. Il y a des groupes que nous devons mettre hors d'état de nuire. De ce point de vue, la prison a repris son fonctionnement et il n'y aura aucune impunité. L'autorité de l'Etat doit être préservée.
Mais vous avez demandé ce que j'avais à vous annoncer. Vous savez que la France par le vote de son Parlement a prolongé l'opération SANGARIS. C'est un effort que nous faisons. Nous le faisons parce que c'est l'intérêt de la communauté internationale.
Souvent on nous dit : « mais vous êtes les premiers les Français à être auprès des Centrafricains ». Nous en sommes fiers, c'est notre devoir, c'est notre responsabilité. Nous avons d'ailleurs convaincu les Européens d'y venir aussi. Demain il y aura une opération de maintien de la paix, parce que c'est cela qui doit être notre perspective, et qui sera d'ailleurs atteint. Les Français, ce n'est pas parce qu'ils ont une histoire ici, c'est parce qu'ils sont conscients de ce que représente la Centrafrique pour l'ensemble de la région.
Si le désordre, l'instabilité perdure en Centrafrique, c'est toute la région qui sera menacée. Si les violences interreligieuses s'aggravaient davantage, c'est l'ensemble du continent africain qui pourrait être menacé. Ce que nous faisons en Centrafrique ce n'est pas simplement pour la Centrafrique, c'est pour une grande partie du continent.
Je reviens à ce que vous me demandez, l'opération SANGARIS qui va être prolongée, notre aide au développement qui, ici, prend traduction à travers le financement de bon nombre de projets, grâce aussi aux organisations non gouvernementales (ONG), aux programmes des Nations unies.
Mais, il y avait ce problème, comment restaurer l'Etat si les fonctionnaires ne sont pas payés, si les pensionnaires ne sont pas bénéficiaires des rémunérations qu'ils attendent depuis trop longtemps. Nous avions l'obligation de faire avec les pays de l'Afrique Centrale - j'ai rencontré leurs représentants hier - l'obligation d'assurer le versement des fonctionnaires centrafricains, ce qui pourra permettre effectivement, que la police, la gendarmerie, l'éducation, la santé, puissent être de nouveau assurés.
Je remercie les chefs d'Etat de la région de l'avoir compris. La France a également pris sa part. C'est très important, la semaine prochaine tout sera prêt pour que la Présidente puisse avoir une administration qui puisse lui répondre. C'est aussi cela notre devoir.
Merci pour votre accueil. Si vous le voulez bien, je reviendrai en Centrafrique, à chaque fois nous constaterons les progrès. Ces progrès, vous avez raison Madame de le dire, c'est un symbole pour l'Afrique toute entière.
La Centrafrique a traversé une tragédie, elle la vit encore d'une certaine façon, à travers une crise humanitaire qui n'est pas réglée. De cette tragédie peut sortir aussi un bien qui est la capacité de vivre ensemble et de dépasser les conflits interreligieux et d'assurer durablement le développement en Centrafrique.
Ce pays a vécu trop longtemps, des décennies même, l'instabilité, le désordre, la corruption, pour qu'on n'en ait définitivement terminé avec ces pratiques et qu'on puisse instaurer je crois un modèle.
Faites-le, allez-y, puisque vous avez connu ce drame, essayez-vous aussi de connaitre, je ne dirai pas le paradis pour ne pas créer de malentendu, mais au moins faire en sorte que le vivre ensemble soit assuré ici en Centrafrique.
Merci. »