20 janvier 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Mark Rutte, Premier ministre du Royaume des Pays-Bas, sur les relations franco-hollandaises et sur la construction européenne, à La Haye le 20 janvier 2014.

Mark RUTTE : «Monsieur le Président, cher François, à nouveau bienvenue aux Pays-Bas. La France n'est pas un partenaire comme un autre. C'est un allié stratégique pour travailler en Europe et dans le monde pour la sécurité, l'économie et la liberté.
Nous avons beaucoup de points communs et je suis heureux que nous ayons adopté, aujourd'hui, une déclaration commune concernant le partenariat stratégique entre nos deux pays. Ce partenariat est pour les Pays-Bas d'une grande importance. Nous voulons nous y investir.
En fait il s'agit de deux axes : nous devons montrer que l'Europe fonctionne et deuxièmement nous devons faire en sorte que nos entreprises travaillent ensemble afin de créer de la croissance. Cela concerne aussi bien les grandes entreprises que les PME. Ces entreprises-là sont présentes aujourd'hui à Amsterdam.
La France et les Pays-Bas sont des pays fondateurs et nous travaillons souvent à Bruxelles. Nous continuerons à le faire en 2014. Il s'agit d'une année importante pour l'Europe. Il y a les élections pour le Parlement européen et il y aura une nouvelle Commission européenne. Nous avons convenu de deux choses.
Nous allons travailler ensemble pour une meilleure priorisation à Bruxelles avec, comme objectif, une Europe pertinente pour le citoyen, un fonctionnement meilleur pour la croissance et l'emploi : au niveau européen, là où il faut, au niveau national, là où on peut.
Deuxième point, nous souhaitons que la Commission soit plus concentrée. Là où il n'y a pas de plus-value, la Commission ne devra pas être présente. Elle devra être à l'écart. Tout cela est possible. Autrement dit, nous voulons des résultats concrets pour les citoyens.
Les liens économiques entre nos deux pays sont étroits. La France est la deuxième économie en Europe et le troisième partenaire d'exportation des Pays-Bas, 36 milliards d'euros en 2012. Par ailleurs, il y a des investissements importants réciproques, je pense à KLM et Air France, un bon exemple de l'étroitesse de ces liens économiques.
Cet après-midi, nous retrouvons à Amsterdam des chefs d'entreprise française et néerlandaise afin de voir comment nous pouvons approfondir cette coopération économique. Nous avons travaillé et discuté ensemble sur un renforcement de notre économie. Nous nous efforçons, chacun dans son propre pays, de parvenir à ces résultats.
Je veux dire, ici, mon appréciation de la vision et des réformes économiques que le Président a lancées la semaine dernière. Je veux également faire mention de l'opération au Mali. C'est la France qui a pris la tête de l'action pour aider le pays à se stabiliser. Les Pays-Bas apportent une contribution avec des troupes. Nous sommes donc ensemble pour faire de l'Europe et du monde, un monde un peu plus sûr.
Dans ce contexte, j'aimerais aussi dire que le Président HOLLANDE a annoncé aujourd'hui qu'il sera présent lors du Sommet pour la sécurité nucléaire. Je suis très heureux que le Président ait pris le temps de venir nous voir aujourd'hui. Je lui donne la parole. »
LE PRESIDENT : « Mesdames, Messieurs, j'ai été très honoré d'être accueilli, d'abord par le Roi et la Reine, ensuite par les Présidentes des deux Assemblées des Pays-Bas, et enfin par mon ami Mark RUTTE avec lequel je travaille au sein du Conseil européen.
Cela faisait effectivement 14 ans qu'il n'y avait pas eu de visites d'un chef de l'Etat français aux Pays-Bas. Sans doute parce que les liens entre nos deux pays sont tellement évidents que nous ne pensons pas toujours nous faire des visites officielles. J'avais néanmoins reçu Mark RUTTE il y a quelques mois à Paris et je souhaitais venir en visite d'Etat à son invitation et à l'invitation du Roi aujourd'hui. D'ailleurs j'ai également invité le Roi à venir à l'occasion du 70ème anniversaire du Débarquement, puisque les Pays-Bas ont été parmi nos alliés à participer à cette grande aventure qui a été la Libération de la France.
C'est vrai que nous avons redéfini notre partenariat stratégique à travers une déclaration qui scelle des engagements communs. D'abord au plan bilatéral, c'est vrai que nous avons des échanges très importants sur le plan économique, qui ont été rappelés - 40 milliards d'euros - et des investissements réciproques tout à fait considérables et à peu près de même niveau. Alors nous pourrions nous satisfaire de cette situation.
Au contraire nous voulons nous en servir pour aller beaucoup plus loin. Cela sera le sens du forum économique qui se tiendra cet après-midi où les grandes entreprises françaises seront présentes. Ce forum permettra à ce que nous nouions encore d'autres coopérations dans le domaine de l'énergie, de l'agriculture, de l'environnement, de l'aménagement urbain. Ceux qui connaissent bien les relations économiques entre nos deux pays savent que sur l'aéronautique et sur l'aviation, nous avons un groupe commun avec Air France KLM et je pense que c'est un très beau symbole et un très bel exemple.
Ce que nous avons à faire aussi, entre la France et les Pays-Bas, c'est à prendre nos responsabilités en Europe. En effet, la France et les Pays-Bas sont deux pays fondateurs de l'Europe. Je rappelle qu'ici, avant même la création du marché commun, à la Haye, s'était tenu un congrès, en 1948. Il avait déjà tracé la voie de la construction et de l'idée européennes. Participait à ce congrès un jeune parlementaire du nom de François MITTERRAND qui y avait laissé la trace d'un discours.
Aujourd'hui, nous avons d'autres responsabilités à prendre. D'abord à rappeler que la France et les Pays-Bas ont fait en sorte, avec leurs partenaires du Conseil européen, de réaliser l'Union bancaire. C'est sans-doute une étape très importante de la création de l'Union européenne sur le plan monétaire. Certes, il y a eu d'autres étapes et la monnaie unique en est une majeure. Mais l'Histoire retiendra que l'Union bancaire, c'est ce qui permettra à l'Europe de ne plus connaitre de crises financières telles qu'elle les a traversées douloureusement ces dernières années. S'il n'y avait pas eu l'action conjuguée de la France et des Pays-Bas sur les étapes de cette Union bancaire, peut-être n'en serions-nous pas là aujourd'hui et je veux vraiment en féliciter tous ceux qui ont agi.
Nous devons aller plus loin. Mark RUTTE évoque, et il a raison, une méthode qui doit consister, au lendemain des élections au Parlement européen, à donner des priorités claires à la Commission européenne. D'abord, la coordination des politiques économiques : faire que nous puissions avoir plus de croissance dans la stabilité financière.
Seconde priorité, qui doit être autour de l'énergie et le climat, pour que nous puissions réussir en 2015 la Conférence qui se tiendra à Paris sur ce grand enjeu, mais également sur ce que la transition énergétique peut provoquer, procurer comme emplois supplémentaires, innovations nouvelles et surtout activités économiques. Là-dessus nous pouvons agir ensemble. La Commission européenne devra également s'investir davantage sur toutes les questions numériques, technologiques, qui nous permettront d'être les meilleurs dans le monde.
Enfin, je n'oublie pas une dernière priorité qui est l'Europe de la défense et qui doit permettre une meilleure coopération dans le cadre, bien sûr, de nos alliances. A cet égard, je veux remercier les Pays-Bas pour avoir soutenu l'opération au Mali, avoir envoyé 400 soldats et avoir également répondu à toutes les sollicitations sur le plan humanitaire et sur le plan du développement.
Les Pays-Bas ont une grande tradition de défense de la paix et notamment de lutte contre la prolifération. J'ai confirmé ma présence à ce sommet qui aurait lieu à La Haye sur la sécurité nucléaire. J'ai également rappelé combien nous étions mobilisés contre la prolifération chimique. Je tiens à confirmer que la France prendra toute sa part au transport et à la sécurité des armes chimiques qui doivent être détruites. Je parle des armes chimiques venant de Syrie.
A propos de la Syrie, il y a la Conférence de Genève II qui doit se tenir normalement le 22. L'objet de cette conférence n'est pas de convoquer des participants. L'objet de cette conférence, son ordre du jour, c'est la transition. C'est-à-dire le rassemblement de ceux qui prépareront la Syrie de demain. Cela ne peut être, en aucune manière, la prolongation du mandat de Bachar el-ASSAD. La France s'en tiendra à ce seul ordre du jour. Les participants qui viendront à cette conférence devront nécessairement respecter ce qui est à la volonté de ceux qui ont convoqué Genève II, c'est-à-dire la transition politique en Syrie.
Je veux terminer également sur la Centrafrique. Nous en avons parlé avec Mark RUTTE et les membres de son Gouvernement. Il y a, cet après-midi même, une décision qui doit être prise par les ministres des Affaires étrangères européens. Je souhaite qu'elle aille dans le sens d'une opération pour favoriser l'accès de l'aide humanitaire et participer à la sécurité de la Centrafrique. Voilà pourquoi il était très important que je puisse venir, aussi bien pour évoquer les liens qui existent entre nos deux pays, que pour rappeler combien nous sommes engagés dans une construction européenne exigeante, c'est-à-dire capable de convaincre les peuples. Merci. »
QUESTION : « Monsieur le Président, Valérie TRIERWEILER est sortie de l'hôpital ce week-end. Je voudrais d'abord vous demander très simplement comment elle va ? Ensuite, on l'a vu depuis ce matin, la presse néerlandaise s'interroge. Valérie TRIERWEILER est actuellement à la résidence de la Lanterne, résidence qui est rattachée à la Présidence de la République. Cela doit-il nous indiquer que Valérie TRIERWEILER reste Première dame. »
LE PRESIDENT : « Je vous remercie pour votre question. Elle se repose en ce moment à la résidence de la Lanterne. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire. »
QUESTION : « Bert KOENDERS a appelé les pays à mettre à disposition des troupes pour le Mali. Quelle est votre opinion ? Est-ce que des troupes néerlandaises devraient s'y rendre également ? Par ailleurs, qu'attendez-vous en apport financier pour l'aide humanitaire pour la République centrafricaine ? Est-ce que vous allez envoyer des troupes plus tôt, Monsieur le Premier ministre, et quelle est la contribution que les Pays-Bas sont disposés à donner pour la République centrafricaine ? »
Mark RUTTE: « En ce qui concerne votre première question, nous nous y préparons et pour l'instant, nous n'avons pas l'intention d'accélérer les choses. Mais nous souhaitons avoir une action au Mali. En ce qui concerne la République centrafricaine, bien entendu, nous en avons parlé. Les Pays-Bas se sentent très concernés par l'Afrique. Nous sommes heureux, très heureux de l'action que la France y a entreprise. Là où nous pouvons soutenir financièrement, nous y sommes bien entendu disposés également au plan logistique. Notre priorité, militairement, c'est le Mali. »
LE PRESIDENT : « Les Pays-Bas ont fait beaucoup pour le Mali en envoyant 400 soldats et en participant à une opération européenne de formation, d'accompagnement, d'encadrement des forces africaines, ce que l'on appelle l'EUTM. Je veux vraiment renouveler ma reconnaissance pour cette présence des Pays-Bas et cette présence européenne parce que si la France va se désengager du Mali j'ai annoncé les chiffres, il n'y aura plus que 1 000 soldats français au printemps prochain il est clair que les Européens et les forces africaines, dans le cadre d'ailleurs du mandat des Nations Unies, devront rester le temps nécessaire.
Sur la Centrafrique, il y a surtout un besoin d'aide humanitaire. Faut-il encore que cette aide humanitaire parvienne aux populations déplacées ou aux populations qui se sont, hélas, rassemblées autour de l'aéroport pour sauver leur propre vie. Il conviendra d'assurer à la fois la sécurité de cet approvisionnement et donc son accès. C'est ce que j'attends de l'Europe.
Vous savez qu'il y a eu au Conseil européen une discussion sur le principe de cette opération et je constate que la voix de la France a été entendue parce que, là, il s'agit de la voix de la conscience humaine. »
QUESTION : « Monsieur le Président de la République, votre hôte Mark RUTTE, Premier ministre néerlandais, est à la tête d'une grande coalition socialo-libérale ou libéralo-socialiste on va dire Sans espérer une telle coalition en France, est-ce que, Monsieur le Président, vous souhaiteriez quand même obtenir le soutien de l'opposition, notamment dans sa composante centriste sur le pacte de responsabilité et notamment à l'occasion du vote que vous avez décidé, c'est-à-dire l'engagement de la confiance du gouvernement après le printemps ? »
LE PRESIDENT : « D'abord, aucune situation n'est comparable. Nous ne sommes pas dans les mêmes traditions politiques, ni même d'ailleurs dans les mêmes institutions. Aux Pays-Bas, c'est un régime parlementaire. En France, c'est un régime semi-présidentiel et avec aussi une composante parlementaire selon les règles que vous connaissez.
Je ne cherche pas à faire du pacte de responsabilité une opération politique, surtout pas. Le pacte de responsabilité, c'est un moment où toutes les composantes de la société française peuvent se rassembler parce que l'essentiel, c'est l'emploi. Et qu'il y aura donc des engagements qui seront pris par les uns et par les autres. Du côté de l'Etat, à travers une baisse des charges sociales et des simplifications qui seront apportées à la vie des entreprises. De l'autre côté, du côté des employeurs, pour favoriser l'embauche et l'investissement. Je souhaite qu'il y ait une mobilisation de tous les acteurs économiques et je m'adresserai à eux demain.
Pour ce qui concerne les familles politiques, il y aura à un moment, effectivement, l'engagement de responsabilité, c'est le cas de le dire, du gouvernement sur ce que l'Etat aura mis dans ce pacte. Chacun aura à se prononcer. Mais je pense que le pire, ce serait de vouloir essayer de faire autre chose que d'assurer plus d'emplois pour les Français. Merci. »
QUESTION : « Une dernière question. Aux Pays-Bas, nous connaissons le modèle de concertation où employeurs, salariés, gouvernement se réunissent. Est-ce que c'est également ce que vous aviez en tête la semaine dernière ? »
LE PRESIDENT : « Oui, je pense que c'est un bon modèle. En tous cas, il a fait ses preuves. Est-ce qu'il peut être transposé mécaniquement en France ? Je vous l'ai dit. Il y a un certain nombre de traditions. Mais je pense que cette idée d'un grand compromis social où chacun vient avec sa propre responsabilité pour améliorer la situation de l'emploi et faire en sorte que nous puissions garder notre modèle social tout en le faisant évoluer car il doit évoluer je pense que c'est, parmi les références que j'ai à l'esprit, ce que j'ai appelé « un compromis social-démocrate ». Mais je ne veux pas ici prendre des mots qui pourraient être mal compris.
Cela se fera avec les organisations françaises. Du côté des employeurs, je pense qu'elles ont voulu s'engager dans un pacte. Il leur a été proposé de le faire. Maintenant, nous devons aussi avoir des contreparties. Merci. »