8 octobre 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le rôle de la Banque publique d'investissement, à Saint-Etienne le 8 octobre 2013.


Madame, Messieurs,
Dabord merci pour votre accueil, vos témoignages et également vos attentes à légard de la BPI et à légard de lEtat.
Vous me recevez dans un lieu qui est symbolique. Il y a quelques années, ici, cétait une entreprise de défense qui connaissait une crise profonde et qui ne cessait de perdre des emplois. Les élus se battaient dailleurs pour que ce déclin puisse être ralenti mais il était, hélas, inexorable.
Il y a encore peu de temps, cétait une friche ici et ceux qui y passaient se demandaient sil allait se passer un jour quelque chose. Laction collective a permis de réhabiliter ces lieux, den démolir dautres et de réaliser une performance qui est de mettre à la disposition détudiants une université et à la disposition dentreprises des locaux et des étudiants.
Je pense que cest un signe despoir que vous pouvez donner. Ce qui a été possible ici à Saint-Etienne peut lêtre ailleurs.
Saint-Etienne, jy reviendrai, a connu des épreuves industrielles depuis des décennies et montre que, avec des chefs dentreprise, avec des élus prêts à les soutenir, avec des instruments, il est possible de diversifier des productions et daccueillir des entreprises de haute technologie, qui ne sont pas dailleurs si différentes - je le soulignais en visitant les ateliers - de celles qui étaient là il y a des décennies, qui étaient à lépoque davant-garde, qui usinaient des produits qui étaient, à ce moment-là, regardés comme particulièrement innovants. Mais vous avez, dune certaine façon, poursuivi la tradition et vous avez complètement changé la nature des fabrications.
La France sort dune période de stagnation, voire même de récession pour ces derniers mois. Elle entre dans une phase de reprise, fragile, mais réelle. Cest là que nous devons être en avance.
Il y a deux manières de vivre une reprise.
Dattendre que la conjoncture internationale saméliore, que le rendement aille mieux - ce qui est le cas - et despérer quil y aura un courant dactivités suffisant pour nous mettre dans le courant du fleuve.
Je ne pense pas que ce soit la bonne stratégie. Nous devons sortir plus forts de cette crise que nous y sommes rentrés. A partir de là, si nous voulons que la reprise soit portée à son meilleur niveau, pas simplement pour les prochains mois mais pour les prochaines années, nous avons trois défis à relever.
Le premier, cest celui de linvestissement. Il ny aura pas de croissance durable sil ny a pas dinvestissements durant les prochaines années. Si lon regarde ce qui sest produit, hélas, sur la dernière décennie, nous avons eu un déclin de linvestissement. La part de linvestissement dans la richesse nationale na pas résisté aux chocs, aux crises.
Or, linvestissement, cest la clé de la croissance. Mais pas nimporte quel investissement. Il ne suffit pas de décider de consacrer un certain nombre de volumes financiers à du renouvellement de matériels ou à des réalisations dentreprise. Nous devons faire en sorte que cet investissement aille le plus possible vers linnovation. Cest dailleurs ce que vous avez, ici, plaidé.
Nous avons un autre défi à relever qui est celui de lexportation. La France connaît, hélas, depuis trop longtemps - dix ans - un déficit structurel de sa balance commerciale. Cest vrai, quand on enlève lénergie, cest moins grave mais cela reste préoccupant. Je cite toujours ces chiffres parce quils sont les plus parlants. LAllemagne arrive à faire un excédent de son commerce extérieur de 160 milliards deuros et, nous, nous traînons un déficit de 50 à 60 milliards deuros.
Lexportation, cest ce qui va permettre à une entreprise de bonne taille de devenir une entreprise de taille intermédiaire. Cest ce qui va permettre à lentreprise de taille intermédiaire de connaître une diversification de ses clients. Cest ce que vous avez démontré vous-mêmes, HEF. Vous me disiez que vous êtes maintenant présents sur 80 pays.
Nous devons vous accompagner dans cet effort dexportation.
Il peut y avoir une crainte, parfois, lorsquune entreprise sinstalle sur un marché extérieur. Cest lidée quil va y avoir une délocalisation de lactivité productive. Or, vous en faites la démonstration : vous êtes présents sur des marchés extérieurs, y compris à travers des activités de production, vous soutenez la base territoriale qui est la vôtre, cest-à-dire ici à Saint-Etienne.
Le troisième défi, après linnovation, après lexportation, cest le financement. Nous avons trop de cas où de belles entreprises qui ont été innovantes, qui ont pu se développer à lexportation, qui ont été soutenues par lEtat, par les régions pour un certain nombre de programmes de modernisation, sont ensuite rachetées par des fonds étrangers ou par de grands groupes, faute davoir eu laccompagnement financier nécessaire.
Nous avons trop de cas dentreprises qui renoncent à se développer non pas faute dintention ou faute de projets, mais faute de soutien financier. Nous avons également des cas où de belles entreprises, qui peuvent connaître un problème de trésorerie, sont amenées à céder une partie de leur activité parce quelles ne peuvent pas faire face à ladversité.
La BPI est à la fois une institution nouvelle et elle poursuit ce qui avait déjà été engagé. Tout à lheure, vous parliez de lANVAR. LANVAR, cétait les grands-parents. Et puis il y a eu les parents, OSEO, que vous connaissez bien et qui a longtemps été votre partenaire. Et maintenant, il y a la BPI.
Quest-ce quelle apporte de plus ? Quest-ce quelle ajoute sans rien retrancher ?
Un montant de financement que nous ne connaissions pas jusquà présent. Une quarantaine de milliards qui peuvent être mis à la disposition des entreprises.
Elle apporte un savoir-faire qui existait déjà mais qui a été encore augmenté. Elle apporte une liaison avec les territoires que nous avons voulu établir, cest-à-dire que, aujourdhui, la BPI est représentée dans toutes les régions. Il était donc important que la BPI puisse sappuyer sur ce que les régions faisaient déjà pour laccompagnement de nos entreprises et éviter que lon ait plusieurs guichets et le sentiment quil y a plusieurs critères pour aboutir finalement à une contradiction de financement.
La BPI intervient à la fois sur des garanties qui sont précieuses pour aller chercher des financements bancaires, sur des prêts. En loccurrence HEF, entreprise de référence, a eu 3 millions deuros de prêts pour lannée 2013, qui ont servi sans doute deffet de levier. La BPI intervient également sous forme de participation en fonds propres, et cela dépend des entreprises, tantôt certaines le souhaitent, tantôt elles ne le souhaitent pas. Cela peut-être utile pour quil ny ait pas, justement, une prédation, un achat subi venant de lextérieur. Cela renforce lindépendance des entreprises.
Nous en avons fait le constat depuis 6 mois, puisque finalement cest en uvre depuis seulement le début de lannée. Nous avons pu, au-delà des crédits de trésorerie, pour lavance du Crédit dimpôts compétitivité emploi, accompagner bon nombre de projets. A peu près une trentaine de milliards a pu être mis à disposition.
Que pouvons-nous faire de mieux ? Je ne vais pas mexprimer à la place de la BPI Mais que pouvons-nous imaginer de mieux par rapport aux trois objectifs que jai indiqués ?
Premier objectif sur linnovation. Il se trouve que cela a été une des premières décisions que jai eu à prendre dans le cas du Conseil européen. Nous avons pu convaincre nos partenaires de mettre en uvre un pacte de croissance, qui a mis dailleurs un certain nombre de mois avant dêtre effectif. Une part de ce pacte de croissance, cest la Banque européenne dinvestissements qui a pu être dotée et voir augmenter son capital. Il y a eu laccord qui a été passé entre la BPI et la Banque européenne dinvestissements pour que de nouveaux prêts puissent être dispensés par la BPI, au nom de la Banque européenne dinvestissements, et notamment pour les PME. De la même manière, la Banque européenne dinvestissements a pu aussi le faire pour les collectivités locales à travers la Caisse des dépôts.
Vraiment, je vous appelle à utiliser pleinement ces ressources et ces moyens. Une de mes surprises, cest de voir que la France, jusquà récemment, nutilisait pas pleinement les crédits européens quand ils existaient et pas pleinement les dispositions que nous avions pu nous même faire approuver par nos partenaires. Il y a des pays qui sont toujours plus prompts, mais ce ne sont pas les plus pauvres. Je le dis souvent, ceux qui demandent le plus, sont souvent ceux qui ont déjà le plus. Je ne citerai pas de pays pour ne pas me brouiller avec nos voisins, notamment pas loin dici. Je pense que nous avons intérêt à faire en sorte que la Banque européenne dinvestissements et la BPI travaillent ensemble et cest le cas.
Deuxième piste, lexportation. Lobjectif de la BPI, cest daccompagner chaque année 1 000 entreprises françaises de plus vers lexportation. Bientôt le gouvernement annoncera un accompagnement au-delà même de la BPI, pour que nous puissions utiliser beaucoup mieux tous nos dispositifs, que nous connaissons déjà, que vous pratiquez, mais qui sont parfois dispersés pour laccompagnement des entreprises vers lexportation. Mais là, la BPI pourra mettre en place un prêt de développement à lexportation.
Enfin, sur les entreprises de taille intermédiaire, il sera créé un fonds commun de placement, cest-à-dire une collecte dépargne qui permettra ensuite dapporter un certain nombre de fonds propres aux entreprises, notamment intermédiaires, pour se développer encore davantage.
Voilà le sens que nous voulons donner. La BPI, ce nest pas une banque qui va se substituer aux banques. Ce serait le plus mauvais service et dabord parce que cela défausserait le secteur bancaire de sa responsabilité, ce quil ne souhaite pas. La BPI nest pas non plus un substitut au crédit de lEtat. Quand lEtat na plus dargent, il irait se tourner vers la BPI Cela peut être tentant, mais ce nest pas le but. La BPI nest pas chargée de faire une politique industrielle, elle est là pour faire que dans les grandes priorités que nous avons tracées, elle puisse offrir aux entreprises des financements.
La condition, cest la rapidité, cest la simplicité, notamment dans les rapports avec les autres partenaires, notamment régionaux et cest lefficacité. Un mot a été utilisé par lun dentre vous, je pense quil est le bon, cest la confiance, cest-à-dire que vous ayez confiance en ce partenaire.
Voilà le but de ce déplacement, ici dans la Loire, département industriel, un des départements les plus industriels de France et qui montre encore toutes ses capacités de rebond, de réussite. Cest aussi de faire la démonstration quune politique de lutte contre le chômage passe par de multiples instruments. Il y a linstrument des créations demploi pour les jeunes dans le secteur non marchand, ce quon appelle le secteur local, associatif ou public. Il y a ce quon peut faire sur lincitation à lembauche des jeunes et au maintien des seniors, le contrat de génération. Il y a un deuxième instrument qui est celui de la formation, cest ce que nous avons constaté ce matin à Roanne : comment rapprocher les demandeurs demploi et les employeurs pour que ceux qui cherchent un travail puissent être formés vers ceux qui cherchent un travailleur ou une travailleuse.
Encore tout à lheure, vous me disiez que dans votre propre entreprise, si vous pouviez embaucher davantage de jeunes sortant décoles dingénieur ou duniversités, vous le feriez. Nous avons donc besoin de faire en sorte que, à tout moment cest le sens du plan que nous avons proposé, « 30 000 formations pour 30 000 emplois » nous puissions orienter les jeunes vers les métiers de lindustrie.
Il y a la part vers lapprentissage, nécessaire, et il y a aussi la part que nos universités, nos lieux de formation doivent consacrer à lindustrie. Si nous voulons être une Nation industrielle - et ici vous en êtes lexemple - nous devons avoir des jeunes qui préparent des métiers qui seront industriels, avec des conditions de travail qui nont plus rien à voir avec ce que vous avez pu connaître dans une ville comme Saint-Etienne, ce quétait le labeur, ce quétait ce que lon appelait la pénibilité, que lon va traiter par ailleurs. Aujourdhui, ce matin, à Roanne, les ouvriers étaient sur des écrans de contrôle, ils étaient devenus automaticiens ou informaticiens.
Aujourdhui, vos ingénieurs étaient sur des machines qui sont dune technologie exceptionnelle, qui valorisent même lintervention humaine avec ce lien permanent avec luniversité sans laquelle il naurait pas été possible davoir ces retombées, doù limportance des pôles de compétitivité que nous voulons aussi soutenir.
Si nous voulons gagner la bataille pour lemploi, il y a laccompagnement des entreprises et faire en sorte que, au moment où et cest cela une reprise un chef dentreprise se pose la question : est-ce que jinvestis maintenant ou plus tard ? Est-ce que jembauche maintenant ou après ? Est-ce que je me lance ou jattends ? Si cest le premier mouvement qui lemporte jembauche, jinvestis, javance la reprise sera là. Si cest, « je ne sais pas », « plus tard », « peut-être », la reprise passera, mais elle passera à côté de nous. Cest pour cela quil est important davoir aussi des partenaires comme la BPI.
Je vous remercie.