4 octobre 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, en hommage aux résistants corses et aux libérateurs de la Corse en octobre 1943, à Bastia le 4 octobre 2013.


Altesse,
Je vous exprime ma gratitude dêtre ici, aujourdhui pour cette cérémonie.
Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des anciens combattants,
Mesdames et Messieurs, Peuple de Bastia qui êtes venu ici, aujourdhui,
Commémorer la Libération de la Corse qui a ouvert la libération de la France
Ici même à Bastia, sur cette place, le 7 octobre 1943, il y a 70 ans, le Général De GAULLE exprimait aux patriotes corses, aux soldats de la France libre la reconnaissance de la nation.
Nous étions huit mois avant le débarquement de Normandie, un an avant la libération de Paris, la Corse était le premier territoire de la France métropolitaine à retrouver la liberté.
Je célèbre ici un moment de notre histoire, car pendant toutes ces semaines, du mois de juillet jusquau mois doctobre 1943, ce fut une grande bataille qui fut livrée. Et ce fut une grande victoire pour la Corse et donc pour la France.
Les forces ennemies y étaient particulièrement nombreuses. 80 000 Italiens auxquels sétaient ajoutés, 14 000 Allemands de la brigade SS Reichsfürer étaient présents. Soit si je compte bien : Un occupant pour deux habitants. Les brimades, les réquisitions, les humiliations étaient éprouvantes. Les conditions matérielles létaient tout autant. Mais elles navaient pas atteint lâme Corse. Elles navaient pas effacé le serment qui avait été prononcé ici même, à Bastia, cétait le 4 décembre 1938.Aux revendications territoriales de MUSSOLINI, des milliers de Corses avaient répondu et de la façon suivante, ils avaient écrit : « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes et sur nos berceaux nous jurons de vivre et de mourir Français ». 5 ans plus tard, au nom de cette promesse, les combattants ont fait de leur île un exemple de résistance et de patriotisme.
Mais au-delà de la Corse, de nombreux patriotes rejoignirent Londres ou Alger. Dautres encore, participèrent à la Résistance sur le continent.
Comment ne pas penser en ce moment-même à Danielle CASANOVA, née à Ajaccio, arrêtée à Paris, morte à Auschwitz, fierté pour les Corses davoir une fille comme Danielle CASANOVA. Ou Jean COLONNA DORNANO, lui était né à Alger, il était Corse et il trouva la mort au Tchad, une mort héroïque en 1941, et je pense aussi à tous ces combattants venus de Corse et qui ont participé aux batailles dItalie et de Provence.
Comment ne pas penser aussi à Fred SCAMARONI. Rallié à la France Libre dès juin 1940, envoyé en mission par le Général De GAULLE, en 1943 pour unifier les mouvements de résistance et qui mit fin à ses jours le 19 mars 1943 dans la citadelle dAjaccio où il était enfermé.
Jétais il y a quelques heures dans ce lieu-même et une historienne me rappelait que jusquau dernier moment, il avait frappé avec sa tête contre les murs de sa prison pour envoyer ce quil croyait être le dernier message. Il avait écrit en lettres de sang : « Je nai pas parlé. Vive De GAULLE ! Vive la France ! ». Il na pas parlé, cest vrai mais nous lentendons encore aujourdhui.
Comment ne pas avoir un mot sur le rôle de Jean NICOLI résistant de la première heure qui prépara dans la clandestinité la libération de la Corse dès 1942, avant dêtre arrêté puis décapité comme il a été effectivement rappelé, à Bastia le 30 août 1943 par les chemises noires fascistes italiennes.
Je veux saluer tout particulièrement ce soir le témoignage dEtienne-Louis MICHELI, dit Léo, que je viens de distinguer de la Légion dhonneur et qui est ici comme il fut hier au combat. Cest lui, cest cet homme qui est devant nous qui a mené ce que lon a appelé à lépoque « la bataille pour le pain » qui était une révolte où 10 000 personnes dans les rues à Bastia avaient exprimé le refus de lhumiliation et de la misère.
Mesdames et Messieurs,
Ce sont tous ces mouvements, toutes ces forces, toutes ces personnalités qui ont permis, le jour venu, à linsurrection de se lever et dêtre victorieuse.
Je veux en rappeler les dates principales. Le 8 septembre 1943, à peine connu lArmistice italien, les mouvements de résistance corses lancent le mot dordre de soulèvement général. Ajaccio est alors libérée le lendemain.
Le 10 septembre, à 10h, eut lieu la première attaque dun convoi ennemi dans le village de Quenza. Les patriotes de lAlta Rocca se rassemblent et multiplient les barrages sur les routes. Très vite, dans lépreuve du feu, les premiers héros corses tombent sous les balles ennemies. Parmi eux, Jeannot PANDOLFI. Il avait 16 ans. 16 ans et il sacrifiait sa jeunesse à son idéal. Toutes ces vies fauchées pour permettre aux nôtres dêtre souveraines, cest-à-dire libres et fières.
Le 30 septembre, ce fut le début de « lattaque des cols », ceux de San Leonardo et de San Stefano. Et, enfin, le 2 octobre, la conquête du col de Teghime.
Il fallut attendre le 4 octobre pour que Bastia fût enfin libre.
Voilà lhistoire, la grande histoire, la belle histoire de la Libération de la Corse.
Cette victoire, nous la devons dabord aux Corses eux-mêmes qui sétaient rassemblés à linitiative de Fred SCAMARONI puis de Paul COLONNA dISTRIA.
Ils sétaient fédérés, ce nest jamais facile, à tout moment. Mais, là, lessentiel était de se retrouver dans le combat. Il y avait des communistes, il y avait des socialistes, il y avait des gaullistes, il y avait des bonapartistes. Il ny avait que des Français qui voulaient la victoire.
Mais la libération de la Corse fut aussi luvre des Forces françaises libres. Celle des hommes du 1er Bataillon de Choc quavait envoyé le Général GIRAUD et qui était commandé par GAMBIEZ. Ces forces qui débarquèrent près dAjaccio dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943 à partir du sous-marin qui avait échappé au désastre. Le sous-marin Casabianca. Il naurait pas réussi seul. Il fallait aussi quil y ait des Italiens qui avaient été désorientés par lArmistice et qui choisissaient avec honneur enfin le camp des démocraties.
Mais, rien naurait été possible sil ny avait pas eu lapport irremplaçable des 6 600 soldats marocains envoyés ici, à lappel du roi Mohamed V. Mohamed V qui, dès le début de la guerre, le 3 septembre 1939, avait engagé son peuple et en sadressant à lui avait déclaré ces mots qui résonnent encore dans nos mémoires : « A partir de ce jour, disait-il, et jusqu'à ce que l'étendard de la France et de ses Alliés soient couronnés de gloire, nous lui devons, à la France, un concours sans réserve, ne lui marchandez aucune de nos ressources et ne reculez devant aucun sacrifice ». Merci au Maroc.
Merci au Goumiers.
Merci à ces soldats.
50 sont morts pour la France. Ils étaient venus combattre, loin de leurs terres, loin de leurs familles. Ils sont tombés dans nos montagnes et sur nos plaines. Et je lassure aujourdhui, ils ne tomberont jamais dans loubli. Voilà pourquoi jai été fier et heureux den distinguer quelques-uns parmi les survivants.
Permettez-moi à cette occasion dadresser mes remerciements au Prince Moulay RACHID qui représente ici le roi Mohamed VI et à qui je veux de nouveau exprimer la reconnaissance et lamitié de la France.
Ces commémorations sont une nouvelle occasion de réunir nos deux Nations, la France et le Maroc, autour du souvenir de la Libération.
Cest une belle initiative qui a été prise dassocier les élèves de deux lycées. Un lycée de Bastia et un lycée de Casablanca pour une journée dédiée à la mémoire et quils noublieront jamais non plus eux pour les années qui viennent.
Mais à cette cérémonie, je veux associer un hommage à tous les soldats dAfrique du Nord et des pays africains qui sont venus sauver lhonneur de la France et à qui la France sera toujours redevable. Cest pourquoi elle a répondu à lappel, notamment du Mali, pour exercer à son tour le devoir de solidarité.
Mesdames et Messieurs,
De cette belle grande page dhistoire, je veux en retenir trois leçons.
La première, cest la nécessité de transmettre, de dire, de redire ce que fut la réalité, la vérité, ce que sont les valeurs de la Résistance pour que les plus jeunes sachent que la France nest grande que lorsquelle est rassemblée autour dun idéal qui la dépasse, que la France est grande quand elle est capable de surmonter ses différences et ses désaccords autour dune grande cause. Que la France nest belle que lorsquelle est capable à la fois de regarder son histoire et de penser à son avenir.
Le second message est celui de la gratitude.
Jai souhaité que les commémorations du 4 octobre puissent commencer en Corse donc, et inaugurent le cycle du 70ème anniversaire de la libération de notre pays. Elle sest elle-même étendue sur une année, alors tout au long des prochains mois, nous irons dans tous les lieux où il y a des souvenirs à rappeler, des flammes à raviver, des héros à fêter et des villages à honorer. Toutes ces sentinelles de la liberté, toutes ces personnalités glorieuses anonymes qui ont fait notre histoire, qui sont lesprit de Résistance. Nous sommes leurs obligés, cest-à-dire que nous leur devons maintenant dengager des débats plus pacifiques qui sont ceux de la dignité humaine et qui permettent à la France de faire entendre sa voix partout où elle estime que les droits des peuples sont blessés et que les libertés sont atteintes.
Mon dernier message sadresse à la Corse pour lui dire notre reconnaissance et notre attachement. Pour confirmer ce quelle représente pour notre pays.
Lunité de la Nation, ce nest pas luniformité. Cest un lien indissoluble qui unit des citoyens dans une histoire commune et dans un destin partagé. Cest lidentité de chaque voix singulière qui en se mêlant aux autres, fait lharmonie de la Nation. Et cest pourquoi la France a besoin de la Corse et la Corse laura toujours à ses côtés parce que nous sommes le même peuple et que nous partageons la même histoire et le même destin.
Ici, il y a 20 ans, sur cette place, François Mitterrand disait : « parce que la France est une grande Nation, il faut quen son sein la Corse soit elle-même ». Et bien à nous encore aujourdhui, de faire que la Corse soit elle-même pour être pleinement dans la République.
Le statut particulier tire les leçons de la spécificité de la Corse. Jai donc répondu favorablement à la proposition de dialogue qui a été avancée par lAssemblée de Corse pour quil puisse y avoir une concertation entre les élus de lîle et lEtat.
Ce débat est utile, il est nécessaire parce que ensemble nous avons à répondre aux défis : lemploi, le développement économique, la protection de lenvironnement, et parce que lEtat doit aussi assurer ici la sécurité, la sûreté. La lutte contre les violences, cest un combat que nous avons engagé et je vous lassure, il ne faiblira pas. Nous y mettrons tous les moyens, nous obtenons déjà des résultats.
Ce que je sais aussi, cest que la Corse ne correspond pas à limage que lon veut souvent proposer delle. Ce que je regarde ici, cest la Corse qui investit, qui innove.
Cest la Corse qui avance.
Cest la Corse qui est fière de son passé et qui sait construire lavenir.
Et cest ce message de confiance que jétais venu prononcer ici, à Bastia.
La confiance nous la devons à ces jeunes qui navaient pas vingt ans et qui sont morts dans nos montagnes, dans nos maquis, dans les hameaux, dans les rues de nos villes ! Corses et Français, ils sont morts pour nous permettre de décider librement de notre destin, de faire à notre tour lhistoire et de préparer lavenir.
Nous le leur devons à ces jeunes qui sont morts, à ses survivants, à ces hommes glorieux, à ces anonymes malheureux mais aussi à tous ceux qui les ont rejoint.
Cest pourquoi je vous dis :
Vive Bastia,
Vive la Corse,
Vive la République,
Vive la France.