27 septembre 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les efforts en faveur de l'entreprise, à Paris le 27 septembre 2013.

Madame, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les jurés,
Mesdames, Messieurs,
Deux fois par an, Marc LADREIT DE LACHARRIERE prend possession du palais de lElysée. Une fois à lautomne, une fois au printemps.
A lautomne, cest pour la remise du Prix de lAudace créatrice et au printemps, cest pour le Prix de lAudace artistique et culturel. Si bien que deux fois par an, lEtat est ainsi noté dans le propos introductif avec léquilibre qui caractérise Marc LADREIT DE LACHARRIERE, cest quà long terme tout va bien mais cest à court terme quil y a le problème. Nous faisons donc en sorte à la fois déclairer lavenir, de faire des réformes indispensables et, en même temps, de traiter lurgence et limmédiat.
Aujourdhui, cest le Prix de lAudace créatrice, cest-à-dire en fait de linnovation, de lentreprise, de linvestissement. Et cest dinnovation, dinvestissement, desprit dentreprise dont nous avons besoin si nous voulons rehausser le niveau de la croissance et créer les emplois qui nous manque.
Si bien que ce Prix, au-delà de celui qui le reçoit est également un message. Nous avons besoin daudace. Nous avons besoin dengagement, nous avons besoin dexcellence.
Linnovation qui est au cur de la délibération du jury aurait pu conduire à remettre un prix à une entreprise du numérique, ceût été banal, ou à une entreprise qui fait de la biotechnologie, ceût été classique. Là, vous avez choisi une forme daudace. Dabord, remettre un prix de lesprit dentreprise à un énarque sorti de la Cour des Comptes. Cétait osé. Et, en plus, qui a fait le choix de créer une entreprise dans la logistique qui nest pas le secteur qui paraît être celui où les innovations sont les plus grandes. Alors même que linnovation nappartient à aucun domaine, à aucun secteur et quelle est partout dès lors quon est capable de la produire.
Alors, le lauréat cette année, cest la société ID Logistics. Eric HEMAR qui en un peu plus de dix ans a réussi à passer de la SNCF à une grande entreprise de logistique privée. Son passage dans ladministration lui a été précieux, ne serait-ce que pour rentrer dans un cabinet ministériel, qui, comme chacun sait, est souvent hermétique aux acteurs économiques, ce qui explique parfois les défauts de certains textes. Il aurait pu faire carrière à la SNCF, cest le rêve de beaucoup de nos compatriotes parce que cest la pérennité de lemploi et lexcellence aussi dans la prestation de service. Il aurait pu revenir à la Cour des Comptes. Quel destin. Chaque année, faire un rapport sur la gestion des finances publiques. Dire quil ny a pas assez déconomies, que lon fait trop appel à la fiscalité, quil ny a pas assez de réformes structurelles. Cest vrai que, chaque année, répéter cela, il y a de la conscience, de lexigence. Jai dû faire cela peu de temps. Une partie de ma carrière. Mais, en même temps, nous avons aussi besoin des avis éclairés de la Cour des Comptes qui est un puissant stimulant pour laction publique.
Mais, vous avez choisi de vous lancer dans la création dentreprise, cest-à-dire en dix ans vous êtes passé dune PME à une entreprise de taille intermédiaire faisant 40% de son chiffre daffaires à lexportation. Vous avez comme clients les plus grands, aussi bien pour le luxe, le sport, la parfumerie, les pièces détachées, la téléphonie. Et cest autant de signes de confiance qui vous sont accordés. Vous avez fait le choix audacieux de vous porter sur le marché. Jentends là non pas le marché de la logistique mais le marché financier. Et accepter quune part de votre capital soit détenue par des actionnaires. Vous y avez parfaitement réussi puisque vous avez su non seulement les convaincre de venir dans votre capital mais, en plus, vous avez fait fructifier leur épargne. 140%, cest vrai que cest un chiffre impressionnant.
Même si, comme Marc LADREIT DE LACHARRIERE ne la pas dit, le cours de bourse depuis un an et demi, ne le répétez pas trop cela pourrait me valoir quelques difficultés avec une part de ma majorité, augmente, ce qui dailleurs nest pas dû à une politique publique. Cest dû simplement au fait que nos entreprises, que la confiance que nous pouvons inspirer permette davoir ces résultats qui annoncent aussi une reprise économique.
Je saisis donc loccasion qui mest donnée, au-delà des compliments que jadresse au lauréat pour parler de notre pays, de son économie.
Il y a, cest vrai, des signes encourageants.
Encore aujourdhui, nous avions confirmation de cette croissance intervenue au second trimestre : 0,5%. Je ne sais pas si cela sera confirmé dans les prochains mois mais il nempêche que cela appelle une certaine confiance dans ce que nous pouvons faire de notre économie.
Si lon ajoute quil y a cette baisse du chômage, au-delà même de ses corrections statistiques qui demanderont à être confirmées.
Si lon ajoute quil y a du côté de la consommation une reprise, une expansion de retour dans le secteur des services il y a, cest vrai, de quoi être confiant. Et, en même temps, je ne crie pas victoire. Cela naurait aucun sens aujourdhui.
Il y a toujours des signes qui doivent nous préoccuper.
Linvestissement qui a cessé, sans doute, de baisser mais il stagne.
Le fait que dans lindustrie et dans le bâtiment nous ayons encore une activité insuffisante.
Il y a toujours le niveau de nos déficits. Je salue ici le ministre du Budget qui contribue à cette approche graduelle quappelait Marc de LACHARRIERE, cest-à-dire faire en sorte que nous puissions atteindre notre objectif dans le bon rythme, avec la bonne perspective mais avec le souci de ne pas entraver la croissance qui revient. Nous serons donc à 3,6% de déficit en 2014 et à 3% en 2015. La Commission européenne, qui a dailleurs salué la présentation de notre budget, nous a autorisés à avoir ce délai. Mais nous ne devons pas le regarder comme une quiétude, comme un répit, comme un repos mais plutôt comme un rebond et comme un ressort.
Nous avons aussi le souci de développer une politique qui puisse donner plus de liberté aux entreprises disiez-vous dabord sur le plan fiscal, sujet audacieux. Mais quand on regarde ce qui est fait depuis un an et demi à travers le CICE, le crédit dimpôt qui va représenter 12 milliards en 2014, 20 milliards en 2015, à travers la réforme des plus-values de cession pour permettre que des entreprises qui se créent puissent être vendues dans des conditions qui assurent la récompense de lengagement de toute une vie.
Quand je regarde ce que nous avons fait sur le statut des jeunes entreprises innovantes qui vont voir leur considération ou leur condition fiscale et sociale améliorée. Quand je vois que nous navons pas appelé de nouvelles cotisations pour le financement des retraites pour les entreprises. Il y a donc un effort qui a été assumé, de permettre que dans ce moment où nous attendons linvestissement, linnovation nous ne chargions pas davantage les entreprises.
Il y a également une volonté qui a été exprimée par les ministres et par le Premier ministre celle davoir des concertations, je nose pas dire des assises de la fiscalité, mais nous y serons appelés cest-à-dire que nous puissions fixer le cadre pour le reste du quinquennat de manière à ce que les entreprises sachent dans quel contexte elles peuvent investir, embaucher et évoluer.
Jai conscience aussi que pour favoriser le développement des entreprises, il faut améliorer leur condition de financement. Jai dit combien nous nous réjouissions quune entreprise ait pu faire appel à lépargne à travers la bourse, faut-il encore que nous puissions conforter Euronext et cest un enjeu qui est celui non seulement de la finance mais des entreprises.
Jai également insisté pour que nous puissions faire une réforme des plans dépargne en action qui puissent non seulement voir leur plafond relevé mais que le dispositif puisse être élargi pour les petites et moyennes entreprises.
Lassurance vie verra ses règles modifiées pour que les fonds qui y sont placés, qui sont les fonds de long terme, puissent être affectés davantage quaujourdhui vers linvestissement productif, vers le logement intermédiaire. Nous voulons aussi que lapport en capital venant des grands groupes dans les PME soit également stimulé et favorisé.
Nous prendrons dans la loi de finance une disposition qui permettra davoir des règles damortissement qui seront favorables aux grands groupes quand ils investissent dans le capital des PME.
Le rôle de lEtat quel est-il ?
Améliorer les conditions denvironnement économique, faire quil puisse y avoir plus de souplesse, de liberté mais aussi dengagement et de responsabilité. Cest ce que nous avons fait avec des partenaires sociaux sur le marché du travail. Et nous avons respecté la signature qui avait été donnée, aussi bien du côté employeurs que du côté des organisations syndicales puisque la loi a été transposée, jallais dire au mot près, permettant quaujourdhui ces dispositions qui accordent plus de souplesse aux entreprises, plus de protection aux salariés puissent être utilisées.
Vous avez cité PSA avec le choix et je len félicite de monsieur EYMARD de venir sur le site de PSA, sujet sur lequel Arnaud MONTEBOURG a beaucoup travaillé.
Nous avons dailleurs fait la démonstration quun site nétait pas forcément dévolu pour une seule activité et que lorsquil y a une restructuration il doit y avoir dautres activités. Ce qui compte ce ne sont pas simplement les emplois dhier, ce sont aussi les emplois de demain, tout en faisant en sorte de préserver autant quil est possible les emplois daujourdhui. Mais pour le cas de PSA jaurais pu citer dautres grands groupes les accords peuvent être dautant plus facilement signés pour améliorer la compétitivité que nous sommes dans ce cadre législatif.
Nous avons également engagé une réforme de la formation professionnelle avec les partenaires sociaux. 32 milliards sont en jeu. Chacun fait le constat que ces fonds ne sont pas au mieux utilisés, que cela ne va pas vers les salariés les moins qualifiés, vers les demandeurs demplois et vers les jeunes. Lengagement que nous sollicitons cest une mobilisation nationale pour que les entreprises, les partenaires sociaux mais aussi les régions, lEtat, Pôle Emploi puissent mener à bien des politiques de formation qui aillent vers les salariés qui en ont le plus besoin et vers les entreprises qui constatent et jen ai encore fait lexpérience hier en Lorraine quil y a des emplois qui ne sont pas pourvus. Si bien que nous avons anticipé cette réforme et fait en sorte, pour au moins 30 000 demandeurs demplois, de faire une formation adaptée aux 30 000 offres demploi qui sont pour le moment il y en a davantage insatisfaites. Lobjectif est daller jusquà 100 000 en 2014.
Voilà toutes les réformes que nous menons. Maintenant lavenir de notre pays vous lavez rappelé Marc de LACHARRIERE cest ce que déciderons elles-mêmes. Ce sont les entreprises qui connaissent les marchés. Ce sont les entreprises qui investissent, qui innovent. Ce sont les entreprises qui recherchent, même si nous pouvons les accompagner à travers le crédit dimpôt.
Lavenir de notre pays sera donc celui que les entreprises détermineront librement. Mais nous avons aussi une volonté publique. Le rôle de lEtat nest pas simplement de faire la meilleure réglementation, la meilleure fiscalité il y a encore beaucoup de chemin à faire. Le rôle de lEtat est de définir des priorités de long terme. Cest davoir une stratégie, ce que jai appelé « la stratégie pour la France dans 10 ans ».
Pourquoi dix ans ? Parce que cest un horizon suffisamment court pour que chacun puisse se projeter, on pense tous être vivants dans dix ans. Et suffisamment lointain pour que nous puissions faire tous les efforts nécessaires pour faire comprendre que le résultat viendra et que à long terme nous pouvons être vivants aussi.
Nous sommes devant le même défi, comment relever la compétitivité ? Comment être dans lexcellence ? Comment conquérir des marchés ?
Pour y parvenir nous avons fait le choix dindiquer ce que nous pensons être lavenir de notre industrie. 34 plans ont été présenté ici même, on aurait dû garder les objets parce quils sont impressionnants, ce sont les objets de léconomie de demain mais qui sont déjà conçus et, pour certains, fabriqués aujourdhui. A partir de là, il ne sagit pas que lEtat finance le développement des entreprises mais que nous puissions conjuguer tous nos efforts : acteurs économique, partenaires sociaux, élus des régions et des territoires, et puis tous ceux qui ont vocation à accompagner léconomie, les universités, les instituts de recherche pour que nous puissions avancer.
Vous avez également insisté sur le rôle de la concertation et du dialogue social. Depuis un an et demi jai veillé à ce que nous puissions au-delà de nos différences et il y en ici sans doute au-delà de nos sensibilités jen ai deviné plusieurs nous pussions avoir la même conception du dialogue, du respect et donc de lengagement. Je ne vais pas ici faire la comptabilité des jours de grèves, il faut toujours se méfier de ceux qui disent que tout va bien puisquil ny a pas de grève, elles finissent par arriver. Mais nous avons évité les conflits, cela ne veut pas dire quil ny a pas de colère, quil ny a pas de grogne, quil ny a pas de frustration. Si lon se parle, si lon concerte cest toujours mieux.
Nous avons réussi à mener des négociations difficiles auxquelles personne ne croyait qui, dailleurs, impressionnent plus les marchés que telle ou telle disposition législative ou réglementaire. Ce qui ne nous dispense pas de les réformer si cest nécessaire.
Mais ces avancées nous permettent de donner la confiance. Dans lentreprise, ici, il y a des entreprises de toute taille. Je sais que vous avez la même préoccupation du dialogue, de la responsabilité. Mais nous avons voulu dans la loi qui a transposé laccord interprofessionnel dont je parlais quil y ait une représentation des salariés dans les conseils dadministration et dans les conseils de surveillance dans les grands groupes. Cest utile. Je suis aussi conscient que dans les PME, ici il y a ceux qui les représentent, il y a toujours ce souci de dialogue et de concertation et dassociation. Il y a le sujet de la participation, de lépargne salariale qui a pu être malmené ces dernières années et sur lesquelles je souhaite que le gouvernement puisse avoir la réflexion la plus prospective. Comment pouvons-nous mieux faire pour associer les salariés, pas simplement aux décisions mais aux répartitions des gains de la production ou de lactivité.
Voilà Mesdames et Messieurs, le message de laudace créatrice de chaque année. Cest un beau nom, laudace, et qui remonte à la Révolution mais je ne veux inquiéter personne ici.
Il en faut de laudace, où que lon soit. Que lon soit effectivement dans la création dune entreprise puis ensuite dans son développement. Vous en avez fait la preuve.
De laudace que lon soit dans de grands groupes qui conquièrent des marchés.
De laudace lorsque lon est ministre, il en faut, pour lancer des plans industriels, pour faire des économies budgétaires, pour aussi développer les nouvelles technologies.
De laudace, il en faut pour assumer les choix qui sont faits par rapport à une société qui est toujours inquiète et qui, en France, est angoissée sur son destin.
La France, ce nest pas nimporte quel pays. Cest un pays avec une grande histoire et qui vit donc toujours de manière tourmentée la projection dans le futur. Est-ce que nous allons rester ce que nous sommes ? Est-ce que nous pouvons encore être une grande nation ? Est-ce que nous aurons notre place dans la mondialisation ? Est-ce que cette Europe élargie correspond encore à nos intérêts ? Est-ce que nous pouvons prendre des décisions en toute indépendance ? Est-ce que nous avons encore la capacité de nous défendre, y compris même de défendre des valeurs auxquelles nous sommes attachés quand un peuple est martyr face aux agissements dun dictateur ? Est-ce que nous avons encore cette capacité pour avancer ? Beaucoup en doutent.
Parce que cela fait tellement dannées que lon appelle à leffort avec tellement peu de résultats que nous avons toujours ce sentiment que nos déficits nous enserrent, que notre dette progresse.
Alors, nous devons faire les efforts mais leur donner un sens car la répétition des sacrifices na jamais permis la mobilisation dun pays. Jen connais qui disent : « une bonne réforme, cest celle qui fait souffrir ». Ce ne sont pas forcément celles qui aboutissent mais on ne mesure pas une réforme simplement à la douleur quelle provoque mais à leffet quelle va susciter dans le pays, à ladhésion quelle va permettre.
Je constate beaucoup dévolutions dans ce que lon appelle les mentalités. Il y a à la fois bien sûr cette peur, cette angoisse par rapport à lavenir, et de lautre la fierté dêtre dans une grande nation, de pouvoir être dans de belles entreprises, davoir la satisfaction de grands contrats quand ils sont gagnés. Et nous en gagnons dans cette période. Et vous dans vos entreprises, vous savez ce que cest la fierté dune communauté de travail.
Hier, jétais à Florange, site sur lequel nous avons travaillé, Arnaud MONTEBOURG, le Premier ministre et moi-même.
Les salariés qui, bien sûr, vivaient avec douleur aussi ce quavait pu être la fermeture des hauts-fourneaux étaient dabord convaincus que cétait lavenir qui comptait et que si lon apportait les moyens de la recherche, de linnovation, de lexcellence, alors, il y a un avenir pour la sidérurgie en Lorraine.
Cest cette audace-là quil faut transmettre à tous. Quand je dis à tous, cest-à-dire à toute la communauté nationale. Quand je dis à tous, cest-à-dire à toutes les générations et notamment la plus jeune, celle qui a le sentiment quelle est mise de côté.
Une de nos satisfactions depuis quelques mois, cest de voir le taux de chômage des jeunes diminuer. Linversion de la courbe du chômage, nous verrons si elle peut être obtenue dans les prochains mois, elle est déjà acquise pour les jeunes. Nous y avons mis les moyens. Les jeunes, nous devons les convaincre de rentrer dans lentreprise et dans lentreprise industrielle. Nous devons les former en conséquence. Nous devons donner de lapprentissage une autre vision, des opérateurs dailleurs sur les machines, une autre image. Aujourdhui, être ouvrier dans une entreprise, cest dabord être un technicien qui surveille, qui assure la maintenance, qui alerte sur les défauts.
Nous devons donc montrer que nous pouvons réussir et cest par la réussite des entreprises que nous arriverons à assurer la réussite de notre pays. Merci.