5 juillet 2013 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-tunisiennes, à Tunis le 5 juillet 2013.
Monsieur le Président de lAssemblée nationale constituante,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les députés,
Cest un honneur de madresser à vous, au nom de la France. Un honneur, parce que vous êtes la première Assemblée élue au suffrage universel en Tunisie dans des conditions de liberté et de pluralisme. Un honneur, parce que vous êtes une Assemblée issue dun processus révolutionnaire. Un honneur, parce que vous préparez une Constitution qui est le texte fondamental dans une grande démocratie pour séparer et organiser les pouvoirs, pour permettre à lEtat de droit dêtre respecté, pour garantir les libertés, pour permettre la participation de tous à la vie publique. Un honneur, parce que, au-delà de cette Constitution, vous préparez les élections qui auront lieu et qui seront également le signe de la vitalité de la démocratie tunisienne. Je suis sûr que, malgré toutes les épreuves il en existe toujours toutes les difficultés, la Tunisie saura montrer une nouvelle fois lexemple. La Tunisie a toujours été pionnière. Au XIXe siècle, cest elle qui inaugura la grande tradition constitutionaliste du monde arabe avec la « loi de lÉtat tunisien ». Cétait en 1861. Cest en Tunisie que le mouvement réformiste arabe sest affirmé avec Kheireddine PACHA et Mohamed SNOUSSI. La Tunisie, au cours du XXème siècle, a été en avant-garde en gagnant plus tôt que dautres son indépendance, en fondant sa République et en accordant aux femmes un statut unique dans le monde arabe. Même sous le temps de loppression et de la dictature, la Tunisie a su montrer le chemin. Des hommes et des femmes ont eu le courage de réclamer justice et de porter les droits de lHomme. Pour beaucoup, ce fut un combat douloureux. La France aujourdhui exprime à ceux qui ont éprouvé dans leurs chairs les affres de la dictature, à ceux qui ont été arrêtés, torturés pour leurs convictions, la France exprime aujourdhui, ici, par ma voix, son immense respect. La Tunisie a également montré lexemple avec le Printemps arabe en janvier 2011. Le geste, à Sidi Bouzid, de Mohamed BOUAZIZI a changé le cours de lHistoire de lhistoire de la Tunisie, mais aussi de lhistoire du monde. Et je veux ici solennellement saluer sa mémoire.
Ce fut le début dun processus. Dautres peuples se sont mis en mouvement après la Tunisie. Il appartient à chacun dentre eux de montrer la voie, de chercher le bon chemin. Cette voie peut être heurtée, parfois violente, cest le cas en Libye. Cette voie peut être interrompue, cest le cas aujourdhui en Egypte. Cette voie peut déboucher sur une guerre, cest le cas, hélas, en Syrie. Mais la leçon que le peuple tunisien a donnée au monde, cest quil ne peut pas y avoir de stabilité, il ne peut pas y avoir de développement, il ne peut pas y avoir de progrès sans la liberté. Et cest cette liberté-là qui est en marche partout. Je sais que vous avez dimmenses défis à relever. La France sait ce quest une révolution, sa puissance irréversible, lécho quelle suscite dans le peuple, mais également la difficulté dinscrire dans le temps toutes les conquêtes, dêtre à la hauteur de lespérance créée et en même temps de ne pas donner une illusion impossible. Oui ! La France comprend les impatiences qui peuvent exister ici, en Tunisie, le désir de résultat pas simplement, dailleurs, en Tunisie et lexigence de garantie. Je sais donc ce que vous affrontez. Dabord, lhéritage de lancien régime mais aussi la crise économique en Europe qui vous frappe, linsécurité dans la région qui vous touche, sans parler de la violence et elle existe, y compris à lintérieur de la part de ceux qui nacceptent pas les principes de votre révolution. En cet instant, jai une pensée pour Chokri BELAID, homme de conviction tué pour ses idées. Et je forme le vu, qui est le vôtre, que toute la lumière soit faite sur son assassinat et que ses assassins soient justement jugés et punis. Mais la Tunisie a montré encore ces derniers jours quelle est capable de dépasser ce qui peut la diviser, de surmonter toutes les épreuves, tous les défis. Je veux, à loccasion de ma visite, dans le moment précis que vous traversez, dans les doutes et les espérances qui sont les vôtres, montrer que la relation entre la France et la Tunisie peut être refondée dans ce contexte. Je suis le premier président de la République française à venir en Tunisie depuis votre révolution. Cest un symbole mais cest aussi une volonté de refonder la relation entre la France et la Tunisie. Refonder notre relation, cest dabord assumer la vérité. Cest pourquoi, je me rendrai, aujourdhui même, au mausolée de Farhat HACHED. Je dirai à sa veuve, à son fils ainsi quaux représentants de lUGTT que je mengage, au nom de la France, à rechercher et à faire toute la clarté sur son assassinat en 1952. Jai dores et déjà donné instruction pour que toutes les archives soient rendues publiques sans aucune exception. A linitiative du maire de Paris, Bertrand DELANOE, enfant de Bizerte, une place de la capitale française porte désormais le nom de Farhat HACHED. Cest lune des expressions de lestime des Français pour ce héros du mouvement national tunisien. Refonder notre relation, cest respecter pleinement lhistoire de la Tunisie, la lutte pour son indépendance, les mouvements qui lont portée, sa capacité à forger sa propre identité, à définir une relation sereine avec la France. Je reconnais lapport dHabib BOURGUIBA à cette construction-là et, là aussi, je salue sa mémoire. Refonder notre relation, cest tirer toutes les leçons du passé, même le plus brûlant, car il y a des blessures, je les connais. Il y a eu des incompréhensions, je les ai mesurées au moment de la révolution tunisienne. A ce moment-là, à Paris et partout en France, des Tunisiens venaient me voir espérant le soutien de la France dans ce moment décisif disaient leur déception mais aussi leur attente. Ils voyaient également que nombre de mes concitoyens dans les mondes associatif, politique, syndical étaient solidaires de la révolution tunisienne. Cest bien là lessentiel. Et je remercie le président MARZOUKI quand il est venu à Paris davoir dit que la France des citoyens navait pas fait défaut à la Tunisie. Refonder notre relation, cest exprimer la confiance de la France dans la Tunisie nouvelle. La France est prête à travailler avec les représentants du peuple tunisien tous les représentants du peuple tunisien élus démocratiquement dans le pluralisme. Parce que le message de la France sadresse à tous les Tunisiens et à celles et ceux qui sont désignés dans cette Assemblée, puis dans la future pour les représenter. La France sait que lislam et la démocratie sont compatibles. De grandes voix tunisiennes, comme celle de Mohamed CHARFI, lont dit avec grande force. La France sait aussi que lidentité tunisienne se nourrit dapports multiples et que le progrès politique, économique, social demande la participation de tous dans la démocratie, dans le respect des libertés, dans légalité des droits. La France vous encourage, sans vous donner de leçon. La France aussi participe des inquiétudes lorsquelles existent, et les exprime à chaque fois quelle pense que cest utile et que cest nécessaire. La France et la Tunisie sont liées, lune à lautre, par la culture, les femmes et les hommes qui ont fait ce que nous sommes £ par notre histoire mais aussi par ce présent qui permet à de nombreuses familles issues de la Tunisie de vivre en France et à dautres françaises de sétablir en Tunisie. Cest ce qui fait notre force, cette communauté parfois de destin que nous partageons. La France et la Tunisie ont besoin lune de lautre, la France est prête à travailler avec vous dans tous les secteurs où vous pouvez solliciter son concours. Au cours de ma visite, les ministres ici présents ont signé, avec les vôtres, de nombreuses conventions et accords. Ils formeront le cadre de notre coopération. La France, Monsieur le Président, est déjà le premier bailleur de fonds publics au développement pour la Tunisie. Elle continuera de mobiliser les pays du partenariat de Deauville et lensemble de lUnion européenne, pour vous permettre de connaître le meilleur développement pour votre pays. Je mobiliserai tous les instruments, à notre disposition. Les engagements de la France pour la Tunisie sélèvent déjà à plus d1,5 milliard. Pour 2013 et 2014, nos perspectives sont de délivrer 500 millions deuros de plus. LAgence Française de Développement investira notamment dans la réhabilitation des quartiers de vos villes, lalimentation en eau, la formation professionnelle, les liaisons ferroviaires, le développement agricole. En plus de cet appui, la France réalisera, pour la Tunisie, une opération que vous avez vous-mêmes autorités tunisiennes, représentants du peuple tunisien exprimée : la conversion de dette, c'est-à-dire la transformation de ce quest une créance de la France en investissements pour la Tunisie. Notre coopération, cest aussi les entreprises. Elles sont plus de 1 350 françaises à être installées en Tunisie, à y faire travailler plus de 125 000 personnes. Ces chiffres nont pas diminué depuis la Révolution, et toute mon action, avec celle du gouvernement, cest de faire en sorte quil y ait plus dentreprises qui viennent ici, en Tunisie, pour votre développement, mais aussi pour lactivité économique en France. Monsieur le Président, vous avez insisté sur le tourisme. Je ne veux pas réduire la Tunisie au tourisme, car la Tunisie a plein datouts, plein de capacités. Mais elle a aussi, par la qualité de ses paysages, par son climat, et par lhospitalité de sa population, toutes les possibilités davoir une économie touristique dynamique. Là encore, jirai dans ce haut lieu du tourisme quest Sidi Bousaïd, et jinvite, à travers cette visite que jeffectue à votre invitation, tous les Français à venir nombreux passer leurs vacances en Tunisie. Notre coopération est aussi dans lAdministration, dans lEcole Nationale dAdministration. On pourrait en dire tellement de choses en France, mais tellement de bien en Tunisie ! Nous ferons en sorte que lexpertise puisse être partagée, dans ces domaines comme dans celui du droit. Jai bien conscience, cela ma été rappelé par le gouvernement hier, de ce que vous attendez de la France, sur cette question du droit, du respect des règles, de la lutte contre la corruption, de ce qui vous a été volé par le régime déchu. Je vous laffirme ici : tout ce qui a été mal acquis vous sera rendu. Jai donc demandé que tout soit mis en uvre pour accélérer les procédures, faciliter lidentification des biens. Un magistrat français sera bientôt installé à Tunis pour y veiller, et nous en ferons lévaluation à chaque étape. Enfin, notre coopération est tournée vers la jeunesse, la jeunesse de France, la jeunesse de Tunisie. Près de 20 000 Tunisiens étudient en France, 4 000 étudiants sy inscrivent chaque année, 1 000 bénéficient dune bourse accordée par le gouvernement français. Je sais les problèmes qui ont été posés et jai donc veillé à ce que les règles de circulation des étudiants étrangers soient assouplies. Jai demandé dabroger et ce fut fait dès les premiers jours de mon mandat une instruction administrative qui empêchait les étudiants déjà présents en France de pouvoir travailler. Mais je veux faire en sorte que nous puissions améliorer la mobilité entre nos deux pays, tout en luttant contre limmigration clandestine. Je ne veux pas capter la jeunesse tunisienne, je veux simplement que celle qui veut étudier en France dans de bonnes conditions puisse le faire, pour retourner ensuite dans votre pays, exprimer le talent, la compétence et lexpérience, qui auront été développés dans notre pays. La France contribuera à réaliser aussi des projets importants de formation ici en Tunisie, comme dans le Centre de formation professionnelle de Gafsa, ou encore lEcole nationale dIngénieurs de Bizerte. Ce partenariat entre la France et la Tunisie, pour léducation, pour la formation, doit être placé au meilleur niveau dexcellence. Je veux que nous puissions avoir aussi une coopération en matière de culture, de recherche, pour que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. Donner le meilleur de nous-mêmes aussi pour la Méditerranée, que nous avons en partage, cette « blanche mer citoyenne », une Méditerranée de projets, là aussi, autour de la sécurité alimentaire, de laccès à leau, des universités. Travaillons ensemble ! Ici, il y a des représentants des régions françaises, et notamment de la Méditerranée, de Provence-Alpes-Côte-Dazur, et dautres. Vous avez souhaité une coopération décentralisée. Elle sera non seulement engagée elle lest déjà mais poursuivie, amplifiée, pour que nous portions des projets communs. Enfin, nous avons, la Tunisie et la France, à travailler pour la paix. Je veux vous assurer de mon engagement à lutter contre toutes les menaces auxquelles lAfrique du Nord, lEurope, et la France, sont exposées. Cette menace a un nom, cest le terrorisme. Au Mali, la France est intervenue, à la demande du président TRAORE, pour empêcher que des groupes terroristes ne mettent la main sur lensemble du pays. Laction conduite avec les armées africaines a permis, non seulement de réussir à les chasser, mais de préparer une transition politique, puisque des élections auront lieu, sans doute, sûrement, à la fin du mois de juillet, puisque cest la date qui a été fixée. Nous devons donc tout faire pour que cet exemple soit donné à dautres pays et que nous puissions garantir la sécurité du Sahel. Je sais bien que vous êtes concernés aussi car quand des groupes terroristes sont chassés dun pays, ils se réfugient dans dautres et tentent de le menacer et de déstabiliser. Je sais ce que vous les affrontez, ici même. Avec quel courage vous avez fait face à ceux qui voulaient utiliser les armes contre votre révolution ! En Egypte, les événements récents nous montrent combien les processus de transition démocratique sont fragiles et peuvent être mis en échec. Car cest un échec quand un Président, élu démocratiquement, est déposé par larmée. Cest un échec quand des millions dEgyptiens veulent aussi, après un an, exprimer leur aspiration à la liberté. Alors, que devons-nous dire ? Cette chose simple, cest que tout doit être fait maintenant, dans ce pays, pour retrouver pleinement la démocratie, la liberté, le pluralisme et, le plus vite possible, des élections. La France est également du côté du peuple syrien, qui fait face à la barbarie dun régime, et qui endure une guerre qui massacre la population civile. 100 000 morts en Syrie. La France a alors décidé de prendre toutes ses responsabilités et daider lopposition autant quil le faudra, à condition, bien sûr, que les groupes dinfluence terroriste soient mis de côté, et pour que tout soit fait pour que la Syrie puisse être, elle aussi, un grand pays démocratique. Jai entendu ce que vous avez dit aussi, Monsieur le Président, sur le conflit israélo-palestinien et sur cette volonté qui doit être la nôtre celle de lEurope, celle de la France de faire revenir les parties prenantes à la négociation pour que soit enfin décidée, négociée, et obtenue la création dun Etat palestinien. Monsieur le Président, Mesdames, et Messieurs les députés, je mesure, je lai dit, ce quest votre responsabilité : terminer lélaboration de votre Constitution, préparer les élections de manière incontestable, comme vous lavez fait en 2011, être capable de donner espoir à la Tunisie. Ce sont de grands défis mais vous nêtes pas seuls, vous avez vos amis et la France compte parmi ceux que vous pouvez considérer comme tels. Nous avons trois principes qui nous rassemblent. Le premier, cest la démocratie, le droit pour tous les citoyens de choisir librement, souverainement, leurs représentants, dans le cadre de légalité, du respect des minorités, de la liberté de la presse, de la circulation sans entrave des opinions et des idées, légalité des droits entre les femmes et les hommes. Vous avez décidé, vous, cette Assemblée, de préserver cet acquis fondamental de la Tunisie, et surtout de votre histoire et des luttes de votre mouvement féministe, qui fait, à juste raison, votre fierté. Le second principe, cest celui de la confiance. La France a confiance dans la Tunisie, la France a confiance dans sa capacité à construire un avenir, un développement, une démocratie. La France a confiance dans léconomie tunisienne, dans les horizons qui peuvent finalement être définis, dessinés par nous, ensemble, pour donner de lespoir à nos peuples respectifs. Enfin, le dernier principe, cest celui de la responsabilité : responsabilité de la Tunisie pour réussir sa révolution, responsabilité de la France, pour vous appuyer, autant quil sera nécessaire. Votre tâche est considérable, et dans lHistoire il arrive des moments où un peuple décide, non seulement pour lui-même, mais pour les autres. Nous avons, nous la France, cet orgueil qui nous est parfois reproché en tout cas cette ambition que nous portons, cette fierté davoir, il y a déjà longtemps, fait notre révolution, den être toujours les héritiers et de dire partout que nous sommes les défenseurs de droits qui appartiennent à lhumanité toute entière. Nous avons toujours cette idée que nous ne sommes pas nimporte quel pays, nous la France, parce que nous avons été la patrie des Lumières, de lespérance, de la liberté. Quand un autre peuple nous reconnaît comme tel, nous voyons cette flamme dans nos yeux, les uns les autres, pour partager cette même démarche, cette même ambition. Maintenant, cest vous, vous la Tunisie, qui avez finalement, à la fois cette fierté, mais aussi cette responsabilité. Vous portez un espoir qui va bien au-delà du peuple tunisien, bien au-delà des peuples arabes, et cest ce qui nous rend solidaires France et Tunisie. Vive lamitié entre la France et la Tunisie !
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les députés,
Cest un honneur de madresser à vous, au nom de la France. Un honneur, parce que vous êtes la première Assemblée élue au suffrage universel en Tunisie dans des conditions de liberté et de pluralisme. Un honneur, parce que vous êtes une Assemblée issue dun processus révolutionnaire. Un honneur, parce que vous préparez une Constitution qui est le texte fondamental dans une grande démocratie pour séparer et organiser les pouvoirs, pour permettre à lEtat de droit dêtre respecté, pour garantir les libertés, pour permettre la participation de tous à la vie publique. Un honneur, parce que, au-delà de cette Constitution, vous préparez les élections qui auront lieu et qui seront également le signe de la vitalité de la démocratie tunisienne. Je suis sûr que, malgré toutes les épreuves il en existe toujours toutes les difficultés, la Tunisie saura montrer une nouvelle fois lexemple. La Tunisie a toujours été pionnière. Au XIXe siècle, cest elle qui inaugura la grande tradition constitutionaliste du monde arabe avec la « loi de lÉtat tunisien ». Cétait en 1861. Cest en Tunisie que le mouvement réformiste arabe sest affirmé avec Kheireddine PACHA et Mohamed SNOUSSI. La Tunisie, au cours du XXème siècle, a été en avant-garde en gagnant plus tôt que dautres son indépendance, en fondant sa République et en accordant aux femmes un statut unique dans le monde arabe. Même sous le temps de loppression et de la dictature, la Tunisie a su montrer le chemin. Des hommes et des femmes ont eu le courage de réclamer justice et de porter les droits de lHomme. Pour beaucoup, ce fut un combat douloureux. La France aujourdhui exprime à ceux qui ont éprouvé dans leurs chairs les affres de la dictature, à ceux qui ont été arrêtés, torturés pour leurs convictions, la France exprime aujourdhui, ici, par ma voix, son immense respect. La Tunisie a également montré lexemple avec le Printemps arabe en janvier 2011. Le geste, à Sidi Bouzid, de Mohamed BOUAZIZI a changé le cours de lHistoire de lhistoire de la Tunisie, mais aussi de lhistoire du monde. Et je veux ici solennellement saluer sa mémoire.
Ce fut le début dun processus. Dautres peuples se sont mis en mouvement après la Tunisie. Il appartient à chacun dentre eux de montrer la voie, de chercher le bon chemin. Cette voie peut être heurtée, parfois violente, cest le cas en Libye. Cette voie peut être interrompue, cest le cas aujourdhui en Egypte. Cette voie peut déboucher sur une guerre, cest le cas, hélas, en Syrie. Mais la leçon que le peuple tunisien a donnée au monde, cest quil ne peut pas y avoir de stabilité, il ne peut pas y avoir de développement, il ne peut pas y avoir de progrès sans la liberté. Et cest cette liberté-là qui est en marche partout. Je sais que vous avez dimmenses défis à relever. La France sait ce quest une révolution, sa puissance irréversible, lécho quelle suscite dans le peuple, mais également la difficulté dinscrire dans le temps toutes les conquêtes, dêtre à la hauteur de lespérance créée et en même temps de ne pas donner une illusion impossible. Oui ! La France comprend les impatiences qui peuvent exister ici, en Tunisie, le désir de résultat pas simplement, dailleurs, en Tunisie et lexigence de garantie. Je sais donc ce que vous affrontez. Dabord, lhéritage de lancien régime mais aussi la crise économique en Europe qui vous frappe, linsécurité dans la région qui vous touche, sans parler de la violence et elle existe, y compris à lintérieur de la part de ceux qui nacceptent pas les principes de votre révolution. En cet instant, jai une pensée pour Chokri BELAID, homme de conviction tué pour ses idées. Et je forme le vu, qui est le vôtre, que toute la lumière soit faite sur son assassinat et que ses assassins soient justement jugés et punis. Mais la Tunisie a montré encore ces derniers jours quelle est capable de dépasser ce qui peut la diviser, de surmonter toutes les épreuves, tous les défis. Je veux, à loccasion de ma visite, dans le moment précis que vous traversez, dans les doutes et les espérances qui sont les vôtres, montrer que la relation entre la France et la Tunisie peut être refondée dans ce contexte. Je suis le premier président de la République française à venir en Tunisie depuis votre révolution. Cest un symbole mais cest aussi une volonté de refonder la relation entre la France et la Tunisie. Refonder notre relation, cest dabord assumer la vérité. Cest pourquoi, je me rendrai, aujourdhui même, au mausolée de Farhat HACHED. Je dirai à sa veuve, à son fils ainsi quaux représentants de lUGTT que je mengage, au nom de la France, à rechercher et à faire toute la clarté sur son assassinat en 1952. Jai dores et déjà donné instruction pour que toutes les archives soient rendues publiques sans aucune exception. A linitiative du maire de Paris, Bertrand DELANOE, enfant de Bizerte, une place de la capitale française porte désormais le nom de Farhat HACHED. Cest lune des expressions de lestime des Français pour ce héros du mouvement national tunisien. Refonder notre relation, cest respecter pleinement lhistoire de la Tunisie, la lutte pour son indépendance, les mouvements qui lont portée, sa capacité à forger sa propre identité, à définir une relation sereine avec la France. Je reconnais lapport dHabib BOURGUIBA à cette construction-là et, là aussi, je salue sa mémoire. Refonder notre relation, cest tirer toutes les leçons du passé, même le plus brûlant, car il y a des blessures, je les connais. Il y a eu des incompréhensions, je les ai mesurées au moment de la révolution tunisienne. A ce moment-là, à Paris et partout en France, des Tunisiens venaient me voir espérant le soutien de la France dans ce moment décisif disaient leur déception mais aussi leur attente. Ils voyaient également que nombre de mes concitoyens dans les mondes associatif, politique, syndical étaient solidaires de la révolution tunisienne. Cest bien là lessentiel. Et je remercie le président MARZOUKI quand il est venu à Paris davoir dit que la France des citoyens navait pas fait défaut à la Tunisie. Refonder notre relation, cest exprimer la confiance de la France dans la Tunisie nouvelle. La France est prête à travailler avec les représentants du peuple tunisien tous les représentants du peuple tunisien élus démocratiquement dans le pluralisme. Parce que le message de la France sadresse à tous les Tunisiens et à celles et ceux qui sont désignés dans cette Assemblée, puis dans la future pour les représenter. La France sait que lislam et la démocratie sont compatibles. De grandes voix tunisiennes, comme celle de Mohamed CHARFI, lont dit avec grande force. La France sait aussi que lidentité tunisienne se nourrit dapports multiples et que le progrès politique, économique, social demande la participation de tous dans la démocratie, dans le respect des libertés, dans légalité des droits. La France vous encourage, sans vous donner de leçon. La France aussi participe des inquiétudes lorsquelles existent, et les exprime à chaque fois quelle pense que cest utile et que cest nécessaire. La France et la Tunisie sont liées, lune à lautre, par la culture, les femmes et les hommes qui ont fait ce que nous sommes £ par notre histoire mais aussi par ce présent qui permet à de nombreuses familles issues de la Tunisie de vivre en France et à dautres françaises de sétablir en Tunisie. Cest ce qui fait notre force, cette communauté parfois de destin que nous partageons. La France et la Tunisie ont besoin lune de lautre, la France est prête à travailler avec vous dans tous les secteurs où vous pouvez solliciter son concours. Au cours de ma visite, les ministres ici présents ont signé, avec les vôtres, de nombreuses conventions et accords. Ils formeront le cadre de notre coopération. La France, Monsieur le Président, est déjà le premier bailleur de fonds publics au développement pour la Tunisie. Elle continuera de mobiliser les pays du partenariat de Deauville et lensemble de lUnion européenne, pour vous permettre de connaître le meilleur développement pour votre pays. Je mobiliserai tous les instruments, à notre disposition. Les engagements de la France pour la Tunisie sélèvent déjà à plus d1,5 milliard. Pour 2013 et 2014, nos perspectives sont de délivrer 500 millions deuros de plus. LAgence Française de Développement investira notamment dans la réhabilitation des quartiers de vos villes, lalimentation en eau, la formation professionnelle, les liaisons ferroviaires, le développement agricole. En plus de cet appui, la France réalisera, pour la Tunisie, une opération que vous avez vous-mêmes autorités tunisiennes, représentants du peuple tunisien exprimée : la conversion de dette, c'est-à-dire la transformation de ce quest une créance de la France en investissements pour la Tunisie. Notre coopération, cest aussi les entreprises. Elles sont plus de 1 350 françaises à être installées en Tunisie, à y faire travailler plus de 125 000 personnes. Ces chiffres nont pas diminué depuis la Révolution, et toute mon action, avec celle du gouvernement, cest de faire en sorte quil y ait plus dentreprises qui viennent ici, en Tunisie, pour votre développement, mais aussi pour lactivité économique en France. Monsieur le Président, vous avez insisté sur le tourisme. Je ne veux pas réduire la Tunisie au tourisme, car la Tunisie a plein datouts, plein de capacités. Mais elle a aussi, par la qualité de ses paysages, par son climat, et par lhospitalité de sa population, toutes les possibilités davoir une économie touristique dynamique. Là encore, jirai dans ce haut lieu du tourisme quest Sidi Bousaïd, et jinvite, à travers cette visite que jeffectue à votre invitation, tous les Français à venir nombreux passer leurs vacances en Tunisie. Notre coopération est aussi dans lAdministration, dans lEcole Nationale dAdministration. On pourrait en dire tellement de choses en France, mais tellement de bien en Tunisie ! Nous ferons en sorte que lexpertise puisse être partagée, dans ces domaines comme dans celui du droit. Jai bien conscience, cela ma été rappelé par le gouvernement hier, de ce que vous attendez de la France, sur cette question du droit, du respect des règles, de la lutte contre la corruption, de ce qui vous a été volé par le régime déchu. Je vous laffirme ici : tout ce qui a été mal acquis vous sera rendu. Jai donc demandé que tout soit mis en uvre pour accélérer les procédures, faciliter lidentification des biens. Un magistrat français sera bientôt installé à Tunis pour y veiller, et nous en ferons lévaluation à chaque étape. Enfin, notre coopération est tournée vers la jeunesse, la jeunesse de France, la jeunesse de Tunisie. Près de 20 000 Tunisiens étudient en France, 4 000 étudiants sy inscrivent chaque année, 1 000 bénéficient dune bourse accordée par le gouvernement français. Je sais les problèmes qui ont été posés et jai donc veillé à ce que les règles de circulation des étudiants étrangers soient assouplies. Jai demandé dabroger et ce fut fait dès les premiers jours de mon mandat une instruction administrative qui empêchait les étudiants déjà présents en France de pouvoir travailler. Mais je veux faire en sorte que nous puissions améliorer la mobilité entre nos deux pays, tout en luttant contre limmigration clandestine. Je ne veux pas capter la jeunesse tunisienne, je veux simplement que celle qui veut étudier en France dans de bonnes conditions puisse le faire, pour retourner ensuite dans votre pays, exprimer le talent, la compétence et lexpérience, qui auront été développés dans notre pays. La France contribuera à réaliser aussi des projets importants de formation ici en Tunisie, comme dans le Centre de formation professionnelle de Gafsa, ou encore lEcole nationale dIngénieurs de Bizerte. Ce partenariat entre la France et la Tunisie, pour léducation, pour la formation, doit être placé au meilleur niveau dexcellence. Je veux que nous puissions avoir aussi une coopération en matière de culture, de recherche, pour que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. Donner le meilleur de nous-mêmes aussi pour la Méditerranée, que nous avons en partage, cette « blanche mer citoyenne », une Méditerranée de projets, là aussi, autour de la sécurité alimentaire, de laccès à leau, des universités. Travaillons ensemble ! Ici, il y a des représentants des régions françaises, et notamment de la Méditerranée, de Provence-Alpes-Côte-Dazur, et dautres. Vous avez souhaité une coopération décentralisée. Elle sera non seulement engagée elle lest déjà mais poursuivie, amplifiée, pour que nous portions des projets communs. Enfin, nous avons, la Tunisie et la France, à travailler pour la paix. Je veux vous assurer de mon engagement à lutter contre toutes les menaces auxquelles lAfrique du Nord, lEurope, et la France, sont exposées. Cette menace a un nom, cest le terrorisme. Au Mali, la France est intervenue, à la demande du président TRAORE, pour empêcher que des groupes terroristes ne mettent la main sur lensemble du pays. Laction conduite avec les armées africaines a permis, non seulement de réussir à les chasser, mais de préparer une transition politique, puisque des élections auront lieu, sans doute, sûrement, à la fin du mois de juillet, puisque cest la date qui a été fixée. Nous devons donc tout faire pour que cet exemple soit donné à dautres pays et que nous puissions garantir la sécurité du Sahel. Je sais bien que vous êtes concernés aussi car quand des groupes terroristes sont chassés dun pays, ils se réfugient dans dautres et tentent de le menacer et de déstabiliser. Je sais ce que vous les affrontez, ici même. Avec quel courage vous avez fait face à ceux qui voulaient utiliser les armes contre votre révolution ! En Egypte, les événements récents nous montrent combien les processus de transition démocratique sont fragiles et peuvent être mis en échec. Car cest un échec quand un Président, élu démocratiquement, est déposé par larmée. Cest un échec quand des millions dEgyptiens veulent aussi, après un an, exprimer leur aspiration à la liberté. Alors, que devons-nous dire ? Cette chose simple, cest que tout doit être fait maintenant, dans ce pays, pour retrouver pleinement la démocratie, la liberté, le pluralisme et, le plus vite possible, des élections. La France est également du côté du peuple syrien, qui fait face à la barbarie dun régime, et qui endure une guerre qui massacre la population civile. 100 000 morts en Syrie. La France a alors décidé de prendre toutes ses responsabilités et daider lopposition autant quil le faudra, à condition, bien sûr, que les groupes dinfluence terroriste soient mis de côté, et pour que tout soit fait pour que la Syrie puisse être, elle aussi, un grand pays démocratique. Jai entendu ce que vous avez dit aussi, Monsieur le Président, sur le conflit israélo-palestinien et sur cette volonté qui doit être la nôtre celle de lEurope, celle de la France de faire revenir les parties prenantes à la négociation pour que soit enfin décidée, négociée, et obtenue la création dun Etat palestinien. Monsieur le Président, Mesdames, et Messieurs les députés, je mesure, je lai dit, ce quest votre responsabilité : terminer lélaboration de votre Constitution, préparer les élections de manière incontestable, comme vous lavez fait en 2011, être capable de donner espoir à la Tunisie. Ce sont de grands défis mais vous nêtes pas seuls, vous avez vos amis et la France compte parmi ceux que vous pouvez considérer comme tels. Nous avons trois principes qui nous rassemblent. Le premier, cest la démocratie, le droit pour tous les citoyens de choisir librement, souverainement, leurs représentants, dans le cadre de légalité, du respect des minorités, de la liberté de la presse, de la circulation sans entrave des opinions et des idées, légalité des droits entre les femmes et les hommes. Vous avez décidé, vous, cette Assemblée, de préserver cet acquis fondamental de la Tunisie, et surtout de votre histoire et des luttes de votre mouvement féministe, qui fait, à juste raison, votre fierté. Le second principe, cest celui de la confiance. La France a confiance dans la Tunisie, la France a confiance dans sa capacité à construire un avenir, un développement, une démocratie. La France a confiance dans léconomie tunisienne, dans les horizons qui peuvent finalement être définis, dessinés par nous, ensemble, pour donner de lespoir à nos peuples respectifs. Enfin, le dernier principe, cest celui de la responsabilité : responsabilité de la Tunisie pour réussir sa révolution, responsabilité de la France, pour vous appuyer, autant quil sera nécessaire. Votre tâche est considérable, et dans lHistoire il arrive des moments où un peuple décide, non seulement pour lui-même, mais pour les autres. Nous avons, nous la France, cet orgueil qui nous est parfois reproché en tout cas cette ambition que nous portons, cette fierté davoir, il y a déjà longtemps, fait notre révolution, den être toujours les héritiers et de dire partout que nous sommes les défenseurs de droits qui appartiennent à lhumanité toute entière. Nous avons toujours cette idée que nous ne sommes pas nimporte quel pays, nous la France, parce que nous avons été la patrie des Lumières, de lespérance, de la liberté. Quand un autre peuple nous reconnaît comme tel, nous voyons cette flamme dans nos yeux, les uns les autres, pour partager cette même démarche, cette même ambition. Maintenant, cest vous, vous la Tunisie, qui avez finalement, à la fois cette fierté, mais aussi cette responsabilité. Vous portez un espoir qui va bien au-delà du peuple tunisien, bien au-delà des peuples arabes, et cest ce qui nous rend solidaires France et Tunisie. Vive lamitié entre la France et la Tunisie !